voilier_spatialA bord de son voilier à propulsion bosonique, Rachel fendait l’éther du système solaire. Lasse de séjourner sur Terre, elle avait décidé d’une excursion en solo. Elle ne savait pas si elle reviendrait sur cette Terre, d’autant plus qu’elle n’avait aucunement envie de rédiger ce foutu rapport annuel que lui demandait l’observatoire galactique des universités (OGU). Elle savait que personne n’allait le lire, alors pourquoi se fatiguer ? Ainsi donc, elle allait et venait dans le système solaire, au gré des courants de bosons. Un jour elle croisa un vaisseau qui l’intrigua. Celui-ci était gros, de forme cylindrique. Manifestement il n’était pas terminé car d’une des extrémités était complétement informe.  C’était curieux, le vaisseau ne semblait pas disposer d’un grand niveau de conscience, comme ça devrait être le cas pour toute machine un peu évoluée. Ce qui frappa également Rachel, c’est sa lenteur. Il naviguait dans une direction inconnue sans qu’on puisse imaginer un seul instant une possibilité d’inflexion de trajectoire. Une autre caractéristique du vaisseau, c’est un très faible nombre d’ouvertures sur l’extérieur, de type porte ou hublot. Etait-ce une sorte de vaisseau guerrier et hostile ? Ou un vaisseau scientifique dans lequel on faisait des expériences secrètes ? Ou bien encore un vaisseau de transport de marchandises qu’on ne saurait voir ? Le vaisseau naviguait avec une bannière confuse, ou plutôt avec multibannière de sorte qu’on ne comprenait pas à quoi il servait et qui le pilotait.

Intriguée, Rachel s’approcha du vaisseau et tenta d’interagir avec lui. Ce fut long et compliqué, mais elle obtint finalement une autorisation de s’arrimer.  Personne n’était là pour l’accueillir, lui souhaiter la bienvenue. Tout le monde semblait bien occupé à des tâches obscures. L’occupation centrale semblait les réunions à l’ordre du jour incertain et durant lesquelles jamais ou presque des décisions étaient prises. D’ailleurs, l’essentiel du temps passé en ces réunions était de trouver une date pour la prochaine réunion, où promis cette fois on allait avancer. Puis, au cours de son exploration du vaisseau, elle tomba sur les archives de la vie quotidienne du vaisseau. C’était un peu confus, à l’image du vaisseau informe dans lequel elle se trouvait. Que retenir des archives récentes ? Pas grand-chose, car avouons-le, il ne s’est pas passé grand-chose cette dernière année. Comme le dit si bien l’Astronaute, Am Westfront nichts neues, pas de food for thought, rien ne changera et il avait raison. Rien n’a changé et cette année on s’est ennuyé à mourir !

sacdenoeudsBien entendu, les archives parlent de rapports, par exemple celui de la StraNES (ici et ici), qui veut nous faire croire qu’il y a une stratégie national de l’enseignement supérieur. Franchement on rigole bien le lisant ce rapport tant cet enseignement supérieur est confus. Il est par ailleurs une machine à renforcer les inégalités sociales, c’est connu depuis longtemps, mais il semble que ça empire d’année en année. Thierry Mandon a bien tenté d’occuper un peu le terrain, ce n’était certainement pas simple pour lui étant donné qu’il n’y a aucun projet lié à l’ESR durant ce quinquennat, mis à part celui de ne pas jeter les étudiants et les chercheurs dans la rue (pour cela, c’est facile, il suffit de ne faire aucune réforme). Alors que se poursuit la construction des IDEX, avec l’émergence de grandes universités de recherche, T. Mandon parle de construire des universités de proximité.  Il nous dit qu’il nous faut trouver un nouveau modèle économique, celui pour lequel les dotations de l’Etat seront bloquées et il nous faudrait trouver un complément auprès de partenaires privés  et relever des défis. Il aura aussi fait semblant de simplifier l’ESR (lire ici et ici). Mais les morcellements des tutelles, des structures et des statuts des personnels ont encore de beaux jours devant eux …

homme_orchestreCeci dit, la question qu’on se pose fréquemment est ce que font les présidents d’université ? Dans la foulée, on s’est demandé ce « que font les enseignants-chercheurs ? ». On se demande bien. Font-ils du ski ou du tennis ? Sont-ils occupés à écrire des projets ANR à taux de succès ridicule ? (lire ici et ici); ou bien à évaluer les projets ANR de leurs collègues (ici et ici) ou leur dossier de carrière  ou d’écrire des reviews de papiers ? De toute façon, on ne sait pas qui pilote la recherche. Et si c’était la science ?

master2La sélection des étudiants à l’université reste un des rares sujets à débat. Faut-il faire perdurer la sélection par l’échec ou bien en mettre une sur prérequis ? Une des polémiques de l’année a concerné la sélection en master. « La sélection, profondément rétrograde, s’oppose à la démocratisation et au renouvellement de nos élites, mais s’oppose aussi frontalement à ce qui fait la force de notre enseignement supérieur » (Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche; lire ici et ici). Le mieux, c’est quand même le tirage au sort !

excellence18L’autre sujet un peu amusant, c’est celui des Bidulex, qui continue à égayer un peu notre terne quotidien. Les perdants n’en finissent pas de verser des larmes (ici et ici). A l’Université Paris Saclay, c’est le chaos annoncé qui se profile, mais aussi ailleurs en île de France.

dindonDans tout ça, moi je suis un peu perdue. Des milliards de données voltigent autour de moi et je ne sais qu’en faire. Que tout cela est confus et compliqué ! Sonnons la retraite impériale !  On l’aura compris de toute façon, les universités seront toujours les dindons de la farce !

Rachel reposa les archives avec un grand soupir … à quoi bon s’acharner à comprendre quelque chose ? Elle quitta le vaisseau informe, bien décidée à ne jamais y remettre les pieds, pour rejoindre la princesse Leila qui, sans nul doute, se sera encore mise dans les situations délicates ! Au revoir les terriens !