Décidément, les projets IDEX ne sont pas partout faciles à mettre en place. A quelques mois du dépôt du dossier, la situation semble confuse autour du projet IDEX de Lyon. Mi-septembre on pouvait lire que « les universités Lyon 2 et Lyon 3 refusent de souscrire aux conditions de naissance de « l’Université intégrée » exigée dans le cadre du projet IDEX » (source ici). A Lyon comme souvent ailleurs, les difficultés se font sentir autour des LSHS et du droit « Sont-ce les pressions, les réticences, les préoccupations, mais aussi, déplorent les détracteurs, les positions « misérabilistes », la résurgence de positions dogmatiques et corporatistes, et l’immobilisme de certaines facultés, notamment celle de droit, qui ont inversé cette dynamique ? » (source idem). A Lyon comme ailleurs, les difficultés sont aussi liés aux statuts et à la réticence des GE à « s’intégrer ». L’objectif final d’intégration ne semble pas convenir à tous : « la pertinence, le niveau et le rythme du processus d’intégration, l’effacement des personnes morales à des échéances distinctes selon leur statut, universitaire ou grande école, la vocation d’une COMUE qui s’est « institutionnalisée » et « empile les compétences » – ; celle aussi de discordes idéologiques anciennes ici exhumées – positionnement singulier de l’ENS, rivalités entre universités et grandes écoles dont les statuts, la variété des tutelles ministérielles, la culture de la gouvernance se distinguent – ; celle, enfin, plus prosaïquement, de rapports de force, d’enjeux de personnes, et de luttes d’égos » (source idem).
Bref tous veulent réussir l’IDEX bien entendu (et prendre les sous qui sont avec), mais tout en ayant un programme d’intégration qui maintient les statuts particuliers et les spécificités de chacun. Franchement, j’ai un peu de mal à bien voir quelle pourrait être l’équation qui permette d’aller vers une « université intégrée » sans rien changer de l’existant.
Vendredi dernier (29 septembre), la ministre Najat Vallaud-Belkacem, en visite à Lyon, est venue dire que la récrée était terminée et qu’il fallait se remettre au boulot : « le jury va devoir se prononcer au mois de février prochain, donc il faut vraiment que le projet avance pour pouvoir être présenté dans de bonnes conditions et que la labellisation IDEX lui soit donnés. Derrière, il s’agit de plusieurs dizaines de millions d’euros par an et d’une reconnaissance à l’international. Or, il se trouve que pour pouvoir être retenue, leur candidature a besoin de montrer une gouvernance qui va vers l’intégration, aussi bien entre les différentes universités qu’entre les universités et les grandes écoles. Ce que je constate ici, c’est que ce travail est toujours très compliqué et qu’il y a des réticences, mais que la dynamique est enclenchée et que c’est une dynamique extrêmement positive » (source ici).
Les lyonnais ont été hyperactifs, ils se sont précipités dans la classe et ont bossé comme des malades pour corriger leur copie, qu’ils ont rendu en fin d’après-midi (!) : « Aujourd’hui, tous les établissements membres de l’Université de Lyon sont d’accord et pleinement engagés dans la création d’une université intégrée, rassemblant les quatre universités, les écoles et les organismes de recherche ». La maitresse va être contente ! sauf que quand on examine en détail la copie, tout reste encore à faire : « Il n’est pas question de fusionner, mais plutôt de construire un grand ensemble dont le modèle juridique est encore à préciser » et « dont les contours restent encore à dessiner » (source ici)
Pour ma part, j’ai essayé de comprendre ce que pouvait être une « université intégrée ». Je n’ai pas trouvé de définition sur la toile. Manifestement le modèle « poupées russes » des COMUE n’est pas compatible avec la logique IDEX. Je trouverais assez intéressant de voir comment Strasbourg, Marseille et Bordeaux sont parvenus à intégrer les GE et organismes de recherche dans une seule entité dans leur « université intégrée ».
15 commentaires
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3 octobre 2016 à 10:12
Renaud Coulangeon
Bonjour,
Je peux fournir une réponse partielle à votre curiosité sur le point de savoir « comment Strasbourg, Marseille et Bordeaux sont parvenus à intégrer les GE et organismes de recherche dans une seule entité ». Concernant Bordeaux, la réponse est simple : on n’y est pas parvenu ! Les Écoles du site ont toutes fait faux bond in extremis (à 2 mois de la fusion), après avoir patiemment imposé presque toutes leurs exigences aux universités partenaires. Le résultat est donc une Université de Bordeaux en grande partie façonnée par des exigences non souhaitées par les composantes universitaires – je pense notamment à la séparation structurelle entre Recherche et Formation – mais imposés par des Écoles qui n’en font finalement pas partie (!).
Cordialement,
Renaud Coulangeon
MCF Mathématiques Université de Bordeaux
3 octobre 2016 à 18:44
Henri-IV
Rachel, merci pour ce retour (après les vendanges, à l’ancienne), comme quand nous entamions l’année universitaire en octobre. Nostalgie. D’autant plus que cette année ne sera pas de tout repos. J’appartiens à la Comue la plus vaste territorialement, la Comue Léonard de Vinci (La Rochelle, Poitiers, Limoges, Orléans, Tours (ouf)). Comue qui ne correspond pas au nouveau découpage régional. La Rochelle a annoncé qu’elle quittait la Comue (à peine y était elle entrée) pour se rapprocher de Bordeaux, et la région Nouvelle Aquitaine a clairement énoncé que Poitiers et Limoges étaient priés de choisir entre Comue LdV et Bordeaux, si nous voulions continuer à bénéficier de crédits régionaux (bourses de thèses entre autres). Voilà sans trop caricaturer la situation, wait and see pour le moment, mais pas trop longtemps, sinon…
3 octobre 2016 à 21:27
Rachel
@Henri IV, oui mais cette fois c’est vraiment la dernière saison ! J’espère qu’on va s’amuser un peu cette année. Les COMUE sont certainement un bon sujet de rigolade, sauf si, bien entendu, on arrive à comprendre à quoi ça sert.
@Renaud, merci pour les éclaircissements concernant l’IDEX de Bordeaux. En consultant son site web http://idex.u-bordeaux.fr/fr/, on constate que les INP, Science Po et des organismes de recherche (CNRS et INSERM) sont des membres fondateurs. En toute logique ils devraient être « intégrés ». D’après ce que je comprends, ce n’est pas le cas, y aurait-il donc un peu d’arnaque dans l’air ? Je ne comprends pas bien alors pourquoi le grand jury IDEX a classé Bordeaux dans les « IDEX confirmées ». J’espère au moins que les rétifs à l’intégration ne touchent rien du pactole IDEX …
4 octobre 2016 à 10:10
Renaud Coulangeon
@Rachel. Oui, les différentes écoles sont bien membres de la COMUE d’Aquitaine, mais le projet initial (avant la loi de 2013) était leur intégration à l’Université de Bordeaux fusionnée, intégration à laquelle était conditionnée l’attribution de l’IDEX, nous disait-on à l’époque sur tous les tons… Quant à la COMUE d’Aquitaine, qui a vocation, semble-t-il à s’étendre en une (gigantesque) COMUE à l’échelle de la nouvelle région (de Pau à Poitiers en passant par Bordeaux et Limoges…), ses fondateurs se sont jusqu’à présent entendus pour en faire une « coquille vide ». Je maintiens donc qu’il n’y a pas eu d’intégration des Écoles dans le cas bordelais, sous aucune forme, ce qui n’a pas empêché la labellisation IDEX d’être reconduite…
5 octobre 2016 à 08:19
sebstride
Ni Bordeaux, ni Aix-Marseille, ni Strasbourg. Les seuls à avoir réussi la fameuse « intégration » université-grande école sont la Lorraine…
5 octobre 2016 à 21:31
Rachel
Pour résumer, aucun des IDEX actuel ne correspond véritablement à une « université intégrée », et pourtant les trois sites dont on discute se sont vus leur IDEX « confirmé ».
Si je comprends bien, ces trois sites ont fait un effort de structuration, par une fusion plus ou moins complète de leurs universités. On peut donc conclure que la pression est mise sur les universitaires mais aucunement sur les GE ou organismes de recherche … Les IDEX ne sont donc par vraiment un outil de réduction de notre problème central, qui est celui de la double dualité de notre ESR.
9 octobre 2016 à 10:15
jako
@Rachel : les IDEX ne sont autre que des carottes données aux ânes que nous sommes et qu’on a préalablement pris soin d’affamer. Cette loterie indigne, à laquelle on se plie sans foi ni conviction (sauf peut-être ceux dont l’ego hypertrophié fait qu’ils sont convaincus de faire partie des « excellents » ou de la « crème ») qui n’est pas sans évoquer d’ailleurs les pratiques de certaines périodes où des prisonniers étaient mis dans la position de désigner les compagnons d’infortune qu’on allait sacrifier… Car il s’agit bien d’en sacrifier un certain nombre (supposés impurs ou indignes) pour le bénéfice d’une poignée « d’élus »… Mais il est vrai que l’appel du ventre est parfois plus fort que tout….
P.S. Il faut bien se rendre compte que les huiles qui redessinent et restructurent l’Université depuis un certain temps sont des individus qui n’en connaissent pas grand-chose et qui ont soigneusement pris soin de l’éviter pour eux-même… Notez que ceux qui ne jurent que par les IDEX ne vont pas jusqu’à proposer des Etudiex : une foire aux étudiants les meilleurs pour l’Université, alors que c’est ce par quoi il aurait fallu commencer si on voulait vraiment s’engager sur cette voie de la prétendue « excellence »
10 octobre 2016 à 14:48
Sirius
Qu’est-ce qu’une université « intégrée » ? Bonne question sans réponse claire, surtout quand les uns et les autres jouent sur les mots. A mon avis, il y a quatre niveaux d’intégration imaginables, mais pas forcément réalisables.
Le degré zéro est celui que prétendent inventer les Comues Universités de Lyon et Université fédérale de Toulouse, l' »intégration » sans fusion. Comme ils disent avec un joli sens de la litote à Lyon « le modèle juridique est encore à préciser ». Car on ne voit pas le gouvernement modifier la loi Fioraso juste pour eux. Et on voit mal le jury des Idex se contenter d’une promesse irréalisable juridiquement.
Le degré 1 consiste en la fusion des universités, les grandes écoles étant associées à l’université unique. C’est ce qu’ont fait Strasbourg, Aix-Marseille et Bordeaux, qui ont été confirmées par le Jury Idex.
Le degré 2 est la fusion des universités en une seule qui inclut les GE, grâce à la souplesse du statut de « grand établissement ». C’est la solution qu’a adopté l’Université de Lorraine, qui n’a pas eu l’Idex, mais un iSite.
Le degré 3 est le rêve de Rachel, intégrer dans l’université à la fois les GE et les organismes de recherche. Vaste programme, car il faudrait pour cela une réforme majeure des organismes qui les transformeraient en agence de moyens après dévolution de leurs chercheurs aux universités. On n’en voit pas l’esquisse dans les programmes pour l’enseignement supérieur et la recherche des candidats de droite comme de gauche.
Dans l’état actuel du droit et en prenant en compte la jurisprudence du Jury des Idex, le choix est limité aux solutions « degré 1 » et « degré 2 ». Les dirigeants de la Comue de Lyon devraient méditer sur le sort de Toulouse.
10 octobre 2016 à 20:08
Rachel
@Jako, j’avais initialement compris que les IDEX avaient un objectif de structuration. A mon sens, les IDEX, avec le gros paquet d’argent associé, auraient pu mettre la barre un peu plus haut sur ce volet structuration. Finalement, seuls les universitaires ont joué le jeu (à certains endroits …).
@Sirius, merci pour ce résumé très clair. On pourra remarquer que le degré 3 correspond à la situation de bon nombre de pays. Il est vrai aussi que la loi actuelle n’est pas adaptée à une intégration forte des écoles dans les universités, cela explique certainement l’échec complet d’une « intégration » des GE dans les IDEX/universités.
Le jury IDEX a donné quelques indications sur ce qu’elle attend d’une « université intégrée », à ceux qui sont en période probatoire :
“Overall, the IDEX funds have not served as a catalyst for institutional reform on a significant scale. The original IDEX plan has been put aside, and progress has been slow and piecemeal. Although the potential and the excellence of the individual members is great, the IDEX has not yet managed to capture and sum up that excellence, to create an integrated research university which can become visible internationally. Recent attempts (post- 2015) to correct the trajectory have been positive, but are not convincing that the goal of the IDEX will be met.
Therefore, the jury recommends extension of the probationary period for one year, by the end of which, the following topics will be clearly documented (if necessary within a modified IDEX perimeter):
– An outline proposal for statutes of the targeted “integrated” university that would enable its creation (within existing or suggested future legislation).
– A formal agreement of IDEX members, confirmed by signatures of their competent authorities, to build this integrated university.
These statutes and agreement need to:
– ensure the adoption of a unified strategy for University core missions,
– define the presidential authority and responsibility regarding budget and resource allocation and staff recruitment,
– specify which degrees and diplomas will be issued by the target university,
– ensure that the target university will fulfil conditions for international recognition (for example by the EUA, the U-multirank, the ARWU and Leiden ranking agencies).
These commitments will be evaluated”.
11 octobre 2016 à 07:57
MCF 27
« ensure that the target university will fulfil conditions for international recognition (for example by the EUA, the U-multirank, the ARWU and Leiden ranking agencies) »
Ça laisse pantois. Comme si ce n’était finalement pas quelque chose qui devait couler de source naturellement après tout les points précédents…
11 octobre 2016 à 15:57
jako
@Rachel: bon OK c’est un « Jury international » qui décide de la politique universitaire française et des contours qu’elle doit prendre. Mais passons. On ne voit pourquoi la même logique ne devrait pas s’appliquer, par exemple, à la politique de défense: demandons à un Jury international de déterminer la forme qu’elle doit prendre. Et pendant qu’on y est on pourrait aussi demander à un Jury International de décider le nom de notre futur président, de redéfinir les contours de nos institutions, etc. C’est quand même délirant et il me semble qu’une QPC avait été déposée à ce propos
12 octobre 2016 à 12:31
Kiligolo
Je soupçonne la planète Gliese d’être fort riche, puisque pouvant se permettre des missions d’observations reconductibles, alors même que la situation est confuse et semble peu rentable…
@Rachel : Je vais retomber dans mon ironie, mais je ne vois pas forcément de contradiction à ce que « seuls les universitaires jouent le jeu ». Après tout, il y a déjà un modèle d’«universités intégrées», incluant grandes écoles, ce sont les universités catholiques. Les 5 universités françaises, étant localisées dans des villes où existent aussi une université laïque (Angers, Lille, Lyon, Paris et Toulouse), ont du adapter leurs filières classiques sur le modèles d’écoles pour faire la différence. C’est peut-être ça finalement qui est attendu : transformer petit à petit les filières universitaires pures en filières scolaires, avec concours, rabâchage, mais diplômes spécifiques, frais de scolarités supportés en parties non négligeables par les familles, et enseignement avec finalités professionnelles prononcées. Donc effectivement les écoles n’auraient pas à se presser, juste à piquer dans le pot. Qui oserait encore en 2016 défendre une cause, celle d’une université accessible à tous, et au moins en partie désintéressée ?
12 octobre 2016 à 17:23
Henri-IV
Si les cathos ont toujours la possibilité de multiplier les pains et de changer l’eau en vin, (c’est ce que j’ai cru comprendre), viendez tous, vos pouvoirs magiques nous intéressent pour nous sortir de la mouise.
9 février 2017 à 22:24
article statistique
Bonsoir nous vous félicitons pour la qualité de votre article. Nous souhaiterions vous communiquer les opinions de Jean-Louis SCHUK, candidat aux élections législatives de 2017 pour le Rhône, grâce à une sélection de réflexions politiques. En vous remerciant, l’équipe de campagne de Jean-Louis SCHUK.
13 mars 2017 à 19:34
Equipe SCHUK
Bonsoir merci pour la qualité de votre sujet. Laissez-nous vous exposer les spécificités de Jean-Louis SCHUK, postulant aux législatives de 2017 pour la circonscription Rhône, via un groupe de sujet économiques. En vous remerciant, le responsable de campagne de Jean-Louis SCHUK.