On se demande souvent le pourquoi de telle ou telle thématique de recherche dans les laboratoires. J’ai l’impression qu’il s’agit souvent d’un héritage historique qui se perpétue recrutement après recrutement. Ça ne veut pas dire que la thématique n’évolue pas, bien entendu. Mais il me semble que c’est finalement assez rare qu’un chercheur change de thématique de recherche (je veux dire par là un changement assez fort). Avec notre morcellement des tutelles et nos mille feuilles institutionnelles (cacophonie générale), on se demande parfois « qui pilote la recherche » ?
A mon sens, les leviers les plus importants de pilotage de la recherche sont les moyens qui sont injectés (moyens humains et financiers).
En ce qui concerne les moyens humains, cela concerne essentiellement le recrutement de chercheurs ou enseignants chercheurs et de doctorants. On note une différence très marquée sur le mode et la philosophie de recrutement entre les universités et les organismes de recherche. A l’université, un profil de poste est publié (à mon sens ce profil est souvent trop étroit pour le volet de la recherche). Cela vise souvent à renforcer une équipe suite à un départ et parfois à développer une nouvelle thématique. Dans les organismes de recherche (ici je ne parlerai que du CNRS), très souvent il n’y a pas d’affichage de profil recherche ou de fléchage vers un labo d’accueil, sauf cas particulier de « coloriage » ou « fléchage ». Donc dans le cas de l’université, le candidat le plus proche du profil est souvent pris alors que dans le cas du CNRS c’est celui qui a le meilleur projet. Pour les doctorants, la situation est elle aussi très contrastée et plus simple. En effet, les universités financent des allocations de thèse mais pas le CNRS. En conclusion sur les moyens humains, il est assez manifeste que les universités ont un rôle de pilotage bien plus marqué que le CNRS.
En ce qui concerne les moyens financiers, la situation a beaucoup évolué depuis environ une dizaine d’années. Le financement se fait maintenant beaucoup sur appel à projets. Il y a peu de « dotations récurrentes ». Comme pour les structures, il y a un grand morcellement d’appel à projets (ANR, Europe, région, FUI, …), avec souvent pour chacun un taux de succès assez faible. Cela contraint les chercheurs à passer beaucoup de temps à l’écriture de projets de recherche. Certes c’est utile d’écrire un projet de recherche, cela permet de se clarifier les idées mais point trop n’en faut quand même. On constate ici que les universités ont assez peu de moyens financiers pour accompagner les projets de recherche, tout comme d’ailleurs le CNRS …
4 commentaires
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17 janvier 2016 à 16:53
Marianne
» dans le cas du CNRS c’est celui qui a le meilleur projet »
Hum c’est quoi le meilleur projet…..si on compare des choux et des carottes entre deux candidats très bons en calcul scientifique et en topologie algébrique, ce n’est plus le projet qui départage mais qu’a un moment on fait le choix (imposé) de renforcer telle ou telle thématique scientifique au niveau national? C’est obligé non?
Et pour le CNRS en maths la moitié des postes de CR2 sont coloriés. Donc oui le CNRS a bien en partie un rôle d’orientation de la recherche au niveau national pour préserver ou développer des thématiques « en danger » ou attirer des étrangers très forts etc…
« Donc dans le cas de l’université, le candidat le plus proche du profil est souvent pris »
En maths les profils sont très large (genre probas stat ou analyse) et en MCF les gens postulent sur 20 postes à la fois avec un projet de rec hrece forcément large et forcément pas ciblé sur un labo
Du coup c’est celui qui s’insère le mieux dans le labo mais les gens sont en général ouverts à un sous-thème auquel ils n’ont pas pensé
21 janvier 2016 à 12:05
Thomas
Je trouve l’idée selon laquelle « il est assez manifeste que les universités ont un rôle de pilotage bien plus marqué que le CNRS » est un peu à l’emporte-pièce…
En effet, la notion de pilotage implique celle d’anticipation, de planification et de cohérence des choix. Or, si cela peut exister à l’échelle des labo ou des équipes, c’est complètement absent au niveau de la structure universitaire proprement dite: dès lors, je ne vois pas comment on peut dire que via sa politique RH, une université participe au pilotage de la recherche française.
Allons plus loin: au moment du recrutement d’un MCF ou d’un PR, le jury est composé d’universitaires, mais aussi de CNRS, qui prennent en compte l’avis du labo d’accueil, qui est bien souvent une UMR, dont les personnels ou les thématiques fortes sont aussi bien rattachées à l’université qu’au CNRS.
Bref, mon opinion est surtout que la recherche est pilotée par le bas, donc pas piloté du tout ! et ce aussi bien coté université que CNRS.
Pour ce qui est de l’INSERM et du CEA (ou de l’INRIA), je pense que c’est encore différent, et que leur pilotages respectifs sont réels.
21 janvier 2016 à 22:18
henri IV
« c’est complètement absent au niveau de la structure universitaire proprement dite ». Pas toujours, dans mon université, chaque école doctorale est épaulée par un Institut de Recherche (financements divers, publics, privés (un peu)) qui définit une politique et des axes de recherche, émet différents appels à projets chaque année. Je fais partie du conseil de l’un d’eux. Bon, ça interfère, ça télescope les axes de recherche de mon umr, pas toujours marrant, mais on a du fric aussi comme ça.
23 janvier 2016 à 09:16
Rachel
@Thomas, bien entendu la recherche est celle des labos. C’est de là que sont exprimés les besoins. Mais ensuite ces besoins sont pourvus ou non, et ça se passe au niveau supérieur, c’est-à-dire à la tête de l’université qui décide ou non d’investir : c’est bien du pilotage, non ?
Quant au pilotage de la recherche française, nulle intention de dire qu’effectivement les universités jouent un rôle coordonné. A mon sens, si le CNRS (ou peut-être autres organismes) jouent encore un rôle dans le domaine, c’est pour les grandes infrastructures de recherche (ex : grands instruments) ou réseaux nationaux. Pour le reste, ça ne me semble pas convaincant. Mais ce n’est pas vraiment du pilotage, c’est de l’accompagnement. D’accord avec vous pour dire qu’elle est surtout pilotée par le bas (et c’est mieux comme ça; il est loin le temps de la reconstruction et des grands travaux nationaux …).