Sur Twitter, Dr Juriste Masquée nous pose une question : « Savais-tu que l’âge moyen de recrutement des MCF est de 34 ans et que nombreux sont les docteurs qui enchaînent des contrats précaires sous-payés ? ». Oui Dr Juriste Masquée, pour l’âge des recrutés on le sait. C’est même une évolution qui s’amplifie avec les années. A noter que cet âge moyen est assez différent selon les disciplines, avec environ 31-32 ans pour les sciences et 36 ans pour les LSHS. Vous comprenez, Dr Juriste Masquée, que si on n’a pas de vacataires, alors nos formations ne tournent plus et puis c’est bon pour vos CV de faire des vacations, on se souviendra de votre engagement – Non, on ne peut pas vous payer plus et si possible prenez un statut d’autoentrepreneur (lire ici).

Allons, juste un court moment, faire un petit tour dans les organismes de recherche, par exemple au CNRS. La période des concours 2020 se termine, décalée à cause de la crise sanitaire. AU CNRS l’âge moyen pour être recruté chargé de recherche est de 34 ans aussi. Voici quelques tweets récents pris à la volée, je pense qu’ils sont assez représentatifs

  • Résultat du concours de la section CNRS 25 (Neurobiologie moléculaire et cellulaire, neurophysiologie) et 26 (Cerveau, cognition, comportement), les candidat.e.s classé.e.s ont entre +6 et +14 années après soutenance de thèse… Entre 16 et 40 articles dans leur CV.
  • [suite] Des CV à faire rougir des centain.e.s titulaires en poste depuis des années… Certain.e.s sont déjà PI à l’étranger, ils ont des grants internationaux, des ATIP, des chaires, … Vous dites qu’on manque d’attractivité @VidalFrederique ? Je ne crois pas non !
  • [suite] Honnêtement la perspective d’avoir un poste s’éloigne de plus en plus lorsque je compare mon CV et le CV des personnes qui sont retenues au CNRS… #fatigue
  • En 10 ans dans la recherche, j’ai vu le concours CNRS devenir complètement aberrant, c’est effrayant. Des personnes qui sont PI dans un autre pays avec 30/40 articles dans leur CV, qui ont des grants, ne sont aujourd’hui pas recrutées au CNRS ! #déprime
  • Il y a 5/6 ans, on nous disait encore « part à l’étranger quelques années, publie bien et tu as une chance en t’accrochant d’avoir un poste avec un projet original », aujourd’hui ce n’est plus possible…
  • Bien sûr, thèse + 14 est un cas « exceptionnel ». Mais on voit où de plus en plus de sections CNRS où thèse + 7-8 est « standard ». Il n’est plus rare de voir des recrutés avec des ERC. Mais on est où? On parle de postes « d’entrée » la, où t’arrives avec ta bite et ton couteau.

 

  • Je suis un néophyte, mais qu’est-ce qui rend le système français si attractif ? Alors qu’il semblerait qu’à l’étranger, la situation est meilleure. J’arrive pas à comprendre.
  • Le poste fixe. Ce qui n’est pas le cas dans les autres pays. La France attire aussi.
  • Le monde entier vient concourir à des postes en France. En conséquence ça relève dramatiquement le niveau. Actuellement peu importe le nombre de poste et le salaire des cr, il y a toujours des gens qui postulent au CNRS. Je ne vois pas de solutions evidentes
  • Améliorer l’attractivité » est en effet sorti à tout bout de champ, alors que les concours CNRS / INSERM ont des taux de succès entre 1 et 5% en moyenne… Ce n’est pas l’attractivité le souci, c’est le nombre de postes !!

Faisons un petit détour par la LPPR: cette LPPR prévoit des sortes de « tenure tracks » sous la forme de CDD d’une durée de 3 à 6 ans, se terminant par une embauche directe sans passer par la case concours, le tout visant à être plus attractif. Sachez, Madame la Ministre, que nous n’avons pas vraiment de problème d’attractivité et que nous n’avons pas attendu votre LPPR pour précariser les jeunes après leur doctorat, alors vos tenure tracks, on ne voit pas très bien ce que ça peut changer donc on n’en veut pas !

Mais laissons les organismes de recherche et la LPPR, revenons vers les universités. Au-delà de l’évolution de l’âge des nouveaux recrutés, il y a d’autres courbes tout aussi intéressantes. J’en mets ci-dessous trois. La première traduit l’évolution du salaire à l’embauche d’un MCF. La seconde est est l’évolution récente du nombre de recrutés MCF et PR à l’université (2012-2018). Et enfin, la troisième est l’évolution du nombre d’étudiants à l’Université ces dix dernières années.

Courbe 1: Evolution du salaire d’un MCF (source ici).

Courbe 2: Evolution du nombre de postes entre 2012 et 2018 (source ici)

Courbe 3: Evolution du nombre d’étudiants inscrits à l’Université (source ici)

Pour résumer la situation, ces dix dernières années, le nombre d’étudiants à l’Université a augmenté, le nombre de postes de MCF a baissé ainsi que le pouvoir d’achat du MCF au recrutement. C’est une situation qui ne pourra pas continuer ainsi très longtemps, elle finira par imploser. La LPPR prévoit un investissement dans la recherche et une revalorisation des carrières scientifiques. Ce sont des points positifs mais comme on le dit souvent sur Gaïa Universitas, l’enseignement supérieur et les étudiants ne doivent pas être mis de coté et c’est dans l’Université qu’il faut investir en priorité, et massivement. Elle seule est capable de faire l’articulation entre la recherche, la formation et la société.

Il faut revoir la copie de la LPPR !

(je peux l’écrire si ça peut rendre service …)