HDR3D’après l’arrêté de 1988, toujours en vigueur, l’HDR (habilitation à diriger des recherches) « sanctionne la reconnaissance du haut niveau scientifique du candidat, du caractère original de sa démarche dans un domaine de la science, de son aptitude à maîtriser une stratégie de recherche dans un domaine scientifique ou technologique suffisamment large et de sa capacité à encadrer de jeunes chercheurs » (source ici).

Cette HDR est souvent critiquée et certains demandent sa suppression. Quelques extraits de critiques qu’on peut lire ici et là :

Dans le rapport Cohen – Le Déaut de 1999 : «  Le dernier point concerne l’habilitation à diriger des recherches (HDR). Le débat sur ce thème est hautement symbolique, puisque l’HDR a succédé au doctorat d’État. Son fonctionnement actuel n’est pas satisfaisant. En effet, suivant les disciplines, deux phénomènes contraires se font jour. Dans certaines disciplines, l’habilitation est une simple formalité consistant à réunir les articles écrits depuis la thèse et à les présenter devant un jury. Un chercheur se posait ainsi avec ironie en défenseur de l’HDR car elle constitue un moment de convivialité au sein des équipes de recherche… Dans d’autres secteurs, et plus particulièrement en sciences de l’homme et de la société, l’HDR n’est pas différente de ce qu’était le doctorat d’État. Notamment, elle se passe tardivement, et un nombre assez limité de chercheurs la préparent. Cela conduit à un système totalement hypocrite où quelques professeurs encadrent théoriquement un nombre important de doctorants et les sous-traitent à des collègues qui n’ont pas l’HDR. Le mandarinat conserve ainsi quelques-unes de ses lettres de noblesse. On peut s’interroger sur les raisons de maintenir un tel système. Ce diplôme, en effet, a deux fonctions potentielles : reconnaître un niveau de compétence scientifique, et permettre de concourir sur les postes de professeur d’université. La première fonction est mal remplie par l’HDR, car c’est un jury de quelques personnes qui la décernent, laissant la place à diverses dérives. Par ailleurs, elle est peu prise en compte en dehors de la recherche académique, ce qui limite son rôle à la seconde fonction. Celle-ci n’est pas remplie de manière plus satisfaisante : les commissions de spécialistes, lorsqu’elles doivent procéder au recrutement d’un professeur, examinent la liste de ses travaux, et y trouvent des critères d’évaluation qui rendent superflu le passage de l’HDR. » Source ici.

Dans le rapport final des assises de l’ESR en 2012 : « l’HDR n’est qu’une « super-thèse » parfois, un simple recueil de titres et travaux dans d’autres cas, le format dépendant beaucoup de l’université ou de la discipline. Elle n’exige jamais réellement de développement permettant d’attester les compétences spécifiques liées à l’encadrement ou la direction – en dépit de nos espérances. Elle est ainsi bien mal nommée. On observe statistiquement que l’HDR accroît l’inégalité entre les femmes et les hommes. L’HDR empêche de reconnaître à sa juste valeur le travail d’encadrement de doctorants par les jeunes chercheurs, puisque ce travail doit rester en quelque sorte clandestin : seuls les titulaires de l’HDR sont autorisés à encadrer. L’HDR favorise donc par là le mandarinat. On atteint véritablement un paradoxe – à moins que ce ne soit plus prosaïquement l’hypocrisie – lorsque dans certaines disciplines, il est pourtant communément admis qu’il faut avoir encadré officieusement un doctorant avant d’être autorisé à soutenir son HDR ! ». Source ici, à lire page 69.

Sur le site du groupe Vernant : « La HDR devait non seulement compenser la suppression de la thèse d’état mais encore garantir la qualité de l’encadrement des doctorants. On constate aujourd’hui qu’elle ne sert que de filtre pour interdire l’accès à certaines ressources (PES, contrat doctoraux …) aux “jeunes” universitaires qui entrent de plus en plus tardivement dans la fonction. La HDR repose sur une absurdité puisqu’elle nécessite obligatoirement d’avoir encadré un doctorant pour pouvoir encadrer un doctorant. De fait elle permet de développer un clientélisme auprès de mandarins qui prêtent leur nom afin que le prétendant à la HDR puisse encadrer un doctorant. Elle permet ainsi à ces mandarins d’accumuler une “masse” impressionnante d’encadrement de thèses en plus de leurs activités administratives importantes, ce qui leur garantit une position symbolique conséquente -et les jouissances qui en résultent- au sein de l’université et du monde scientifique ». Source ici.

Dans les contributions sur la simplification de l’ESR, 2016: « L’HDR sert à légitimer notre système mandarinal. Et oui, il faudrait abolir ce système (rang A/rang B), pour laisser place à un statut unique. Et mettre fin à des décennies de domination mandarinale, avec tous les effets désastreux qu’on sait sur les jeunes, notamment. Mais pour çà il faudrait une solidarité suffisante entre chercheurs. Solidarité mise à mal par la mise en compétition généralisée […] Supprimer la passation de l’HDR afin de pouvoir encadrer des thèses : Cette étape n’existe pas dans la plupart des pays européens, ni  américains… Après une thèse, des années de post-doc, un concours de recrutement sur titres et travaux, la personne doit normalement avoir les capacités à conduire des recherches et à former-encadrer des étudiants.». Source ici.

Plusieurs éléments ressortent des extraits précédents :

Il y a une grande différence de pratiques entre disciplines. Dans mon environnement (sciences dures), l’HDR n’est pas vu comme un problème très majeur. Le manuscrit est typiquement un rapport d’une trentaine de pages dans lequel le candidat fait un petit point sur ces travaux et donne quelques perspectives. Les articles les plus représentatifs sont inclus dans le manuscrit (à quoi sert de réécrire des choses déjà écrites ?) ainsi que la liste des travaux, son émargement sur des projets et son encadrement d’étudiants (stages, co-encadrement de thèse, …). Je pense vraiment que l’HDR doit être considérée comme une simple formalité dans la plupart des cas. En LSHS, passer son HDR semble une opération beaucoup plus lourde. J’ai l’impression que ces secteurs universitaires n’ont pas su bien comprendre que la thèse d’Etat avait été supprimée et ils l’ont fait perdurer au travers de l’HDR. Mais pourtant, en aucun cas l’HDR est une seconde thèse. Je pense que ces secteurs devraient revoir leurs pratiques en la matière avant de pousser des hurlements d’orfraie quand on parle de HDR.

L’HDR favorise le mandarinat. Selon certains extraits, l’HDR retarde de façon significative la période d’encadrement de doctorants, ce qui favorise un encadrement par les EC ou C plus âgés. Il est vrai que les recrutements sur des postes EC ou C se font de plus en plus tardivement et qu’une période de post-doc est souvent un passage obligé. Mais selon moi, un nouveau recruté devrait avant tout se focaliser sur ces travaux pour tracer son sillon, au moins pendant quelques années avant de s’occuper de l’encadrement d’autres travaux. De plus, la thèse et un post-doc, ne donne en rien l’assurance à une réelle autonomie scientifique qui est une configuration favorable à un encadrement de thèses. Par contre, quelques années à travailler dans un environnement stable sur son propre sujet, sur lequel la personne a été recruté, me parait bien une configuration bien plus adaptée à démontrer sa capacité à accéder aux exigences de l’HDR, tel qu’écrit dans le décret de 1988 (« l’HDR sanctionne la reconnaissance du haut niveau scientifique du candidat, du caractère original de sa démarche dans un domaine de la science, de son aptitude à maîtriser une stratégie de recherche dans un domaine scientifique ou technologique suffisamment large et de sa capacité à encadrer de jeunes chercheurs »).

On ne peut pas encadrer de doctorants quand on n’a pas d’HDR, et pourtant pour avoir l’HDR on demande une expérience d’encadrement de thèse, d’où un certain paradoxe (c’est ce qu’on peut lire dans l’extrait des assises 2012 ou celui du groupe Vernant). Je pense là qu’il y a dans ces commentaires une certaine confusion entre l’encadrement et la direction d’une thèse. Chez moi il est fréquent qu’il y ait plusieurs personnes impliquées dans une thèse. La configuration la plus fréquente est que la direction de la thèse est faite par un PR (ou MCF HDR), associé à un encadrement par un MCF non HDR. A chacun son rôle, avec bénéfices partagés.

L’HDR permet notamment d’être candidat à un poste PR. C’est ce que dit l’arrêté HDR de 1988. Or ce n’est pas vrai, du moins pas suffisant. Pour postuler à un poste PR il faut aussi avoir sa qualification du CNU. Ainsi certains disent que l’HDR est inutile car la qualification du CNU pourrait servir à délivrer cette aptitude d’encadrement de doctorants. On peut aussi retourner le problème : maintenant que l’HDR existe, une qualification PR au CNU est-elle encore vraiment utile ? Il y a clairement une sorte de doublon qu’il conviendrait de supprimer.

L’HDR, un moment de convivialité ? Oui, je pense vraiment que ça devrait être vu comme ça une fois que le dossier a passé le cap de l’autorisation. Je ne vois vraiment aucune raison pour que ça soit une soutenance d’une seconde thèse, avec toute la tension autour de l’évènement. Le passage d’une HDR est une chouette occasion de rassembler autour de soi les collègues collaborateurs les plus proches et de passer un bon moment avec eux, en mêlant convivialité et science.

Et l’aspect administratif dans tout ça ? C’est actuellement le point qui mériterait vraiment d’être amélioré. Il semble que les universités font de ce passage d’HDR une sorte d’usine à gaz assez complexe. Un exemple de sa complexité est donné par ce diagramme, extrait d’un document les d’Aix*Marseille Université qui décrit la procédure à suivre pour passer une HDR. Je crois vraiment que les universités gagneraient à épurer un peu ce chaos administratif, à commencer par la suppression de l’obligation d’inscription à l’établissement (comme un étudiant) que je trouve un peu ridicule.

En conclusion, faut-il supprimer l’HDR ? Pour ma part, je dis non. Mais le débat est ouvert …