La discussion sur le billet précédent a fait apparaitre de fortes divergences sur la question du maintien ou non de l’HDR. Un argument important utilisé est qu’étant donné le recrutement MCF se fait souvent après une longue période post-doctorale, le néo-MCF n’a plus rien à prouver et il est directement apte à diriger une thèse (donc l’HDR n’a plus d’utilité aujourd’hui).
La discussion fait aussi apparaitre une comparaison intéressante entre un titulaire d’une HDR et de la tenure des US (rappelons qu’il y a globabement trois niveaux : Assistant Professor, Associate Professor, Full Professor). Extrait d’un commentaire du billet précédent : « Cela me rappelle une discussion tenue il y a quelques années avec un collègue de la 61. J’étais aux states et me demandait si je devais me présenter comme assistant-Prof ou associate-prof? le rang au-dessous de full-professor correspondant au prf français. Il m’a répondu que quand j’aurais l’HDR, je serais associate, et pour l’instant j’étais qu’assistant. Le raisonnement étant que la tenure n’est pas pour savoir si tu passes en CDI, mais si tu es capable d’avoir de faire de la recherche (par exemple en Arizona, une règle étant qu’il faille que tu ais trouvé un million de dollar en grant en tant qu’assistant, tu as donc prouvé que tu pourras financer tes projets de recherche, si tu a assez de papiers, alors tu produis, etc, etc). La conclusion est que si tu n’es pas capable, on te sort du jeu et on teste un nouvel impétrant (docteur), et si t’es capable t’as la tenure, et tu deviens associate. Donc en france: pipot pour l’encadrement des thésards, et coup de bol immense, car ceux qui n’auraient pas la tenure aux US (l’HDR en France) conservent leur petit boulot tranquille de MCF… (allez, je sors) ».
Ce commentaire (qui est écrit sur le ton de la provocation) me fait penser aussi une tribune qu’on peut lire sur la toile ces derniers jours, écrite par un prof d’une business school (lire ici). Cette tribune propose d’interpréter les mauvais classements des universités françaises par une mauvaise gestion des personnels de nos universités, et plus particulièrement sur le sujet du recrutement des EC. Il fait alors une comparaison du système français et US (que je trouve pour ma part fort caricatural).
Aux US « le processus de recrutement est ouvert et transparent. Peu importe l’origine des candidats et ce qu’ils ont pu faire dans le passé. Seule compte leur capacité à produire des résultats. En cela, le processus est concurrentiel puisque pour être retenu il s’agit d’être le meilleur. En outre, les salaires sont attractifs, car il ne s’agit pas de limiter le vivier des candidats à ceux qui n’auraient rien trouvé de mieux. Le salaire d’un professeur débutant est environ 3 fois celui d’un jeune maître de conférences en France. Ainsi, les universités peuvent être sûres que ceux qui entrent dans le système sont parmi les meilleurs de leur génération. Que se passe-t-il ensuite ? Comme on le sait, les choses peuvent changer. Si certaines recrues peuvent se révéler meilleures que prévu, d’autres peuvent donner des résultats décevants alors qu’elles semblaient particulièrement prometteuses. En imposant à leurs jeunes recrues de faire leurs preuves pendant 5 ans en moyenne avant d’être titularisées, les universités américaines s’assurent que ceux qu’elles retiennent sont vraiment les meilleurs ».
En France: « Dans le cas des universités françaises, c’est pratiquement le contraire. Le processus de recrutement est une épreuve dont le résultat est souvent étonnant. Selon une étude, le candidat local aurait 18 fois plus de chances d’être retenu qu’un candidat externe. Ainsi, ceux qui sont sélectionnés ne sont pas forcément les meilleurs ni les plus adaptés. Et pour couronner le tout, le salaire modeste proposé fait que peu de candidats de valeur sont attirés par de tels postes même si, fort heureusement, il y en a. Ensuite, ceux qui réussissent à sortir du rang par la qualité de leurs publications ont la possibilité de partir. Comme par hasard, ils choisissent alors de rejoindre une université américaine. Ceux qui n’y arrivent pas peuvent se consoler en conservant leur poste. En d’autres termes, ce n’est pas l’université qui détient l’option (le « call ») de garder ceux qui s’avèrent être bons, c’est elle qui leur donne l’option de rester (le « put »). Pas étonnant que la moyenne soit tirée vers le bas puisque ce sont les moins bons qui ont toutes les chances de rester (« d’exercer leur put »). Après quoi, l’université se voit obligée de les garder jusqu’à la retraite. Difficile alors d’être très compétitive. Même avec quelques très bons, cela ne suffit quand ailleurs il n’y que des bons ».
28 commentaires
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13 mars 2016 à 17:23
FUBAR
Très honnêtement Rachel, vous auriez mieux fait de profiter du soleil: je ne vois pas le rapport avec la choucroute… Enfin je veux dire que je ne vois pas en quoi cette confrontation à mon sens inopérante entre deux choses de nature différente fait avancer le débat, qui n’est effectivement pas de savoir si l’HDR existe ailleurs ou pas, mais si, hic et nunc elle a un sens ou pas.
13 mars 2016 à 17:30
mixlamalice
La comparaison que vous citez est en effet caricaturale et basée sur une conception « française » de l’évaluation quelle qu’elle soit (la « sanction des mauvais ») et sur une vision de la tenure qui n’existe probablement qu’à Harvard.
Dans la majeure partie des facs, la quasi-totalité des Assistant obtient sa tenure. Dans le département où j’étais en post-doc (dans le top 5 ou 10 en Materials Science aux US), il n’y avait eu que 2 cas n’ayant pas eu la tenure en 20 ans, donc une vingtaine de recrutements. Sur les 2, un était parti dans le privé… donc un seul seulement se serait vu « dénié la tenure » (la aussi, il est parti avant).
http://laviedemix.over-blog.com/article-on-tenure-114470097.html
13 mars 2016 à 17:37
Rachel
@Fubar, @Mix, oui ce n’est pas pleinement comparable, j’en conviens étant donné les statuts différents. Mais la chose intéressante c’est la gradation en trois niveaux : MCF, MCF-HDR, PR vs assistant PR, associate PR et full PR.
Pour la « sanction des mauvais » pour les recrutés EC, cela n’existe pas en France à ma connaissance. Par contre l’université la pratique sans vergogne envers les étudiants avec sa pratique de la « sélection par l’échec ».
13 mars 2016 à 18:02
Marianne
En fait le débat on pourrait le poser autrement (et là ca aurait du sens)
Faut-il un statut MCF-HDR? Genre une première classe des MCF comme ca existait avant, facile à avoir comem pour le passage CR2/CR1 mais qui sanctionerait une certaine prise d’autonomie/ de repères das son poste défiinitif. Institutionaliser le statut de MCF-HDR aurait un intéret pour reconnaitre le gars qui pourra jamais passer prof (pa mobile par ex) mais qui est bon et qui pourrait avoir un autre déroulé de carrière que le MCF standard
Ca repose la question de l’accès au corps des PR. A la marge (hors candidature) on pourrait prendre 5% des postes MCF et en faire des postes PR décidés par la CNU
Ca permettrait de la promotion locale par ex
13 mars 2016 à 18:04
PR23
Il y a uniquement pour les MCF recrutés une année de stage. Dans la quasi-totalité des cas, elle débouche sur la titularisation par le comité de sélection puis par le CA de l’établissement. Mais il arrive (très rarement, mais il faut quand même en parler) que le comité ne recommande pas la titularisation.
Les critères de non titularisation sont principalement pédagogiques : service non fait, plaintes récurrentes des étudiants, harcèlement.
Car il y a des refus de titularisation. J’en ai connu deux, dont l’un s’est terminé par le suicide de la non-titularisée ; ça a d’ailleurs fait du bruit…
Le comité peut aussi recommander au CA une seconde année de stage.
En revanche, pour les PR c’est automatique. Pas d’évaluation et c’est bien dommage d’avoir cette dissymétrie.
13 mars 2016 à 18:04
Marianne
Sur la tenure j’ai eu d’autres échos à savoir que parfois même pour des gens bons ça foirait. Mais peut être se recasent ils ailleurs? Il faut souligner qu’aux US de ce je comprends tout compte et en particluire l’enseignement…Un gars qui est une quiche en enseignement (à moins d’être hyper fort) ne sera sans doute pas tenured
Mais ils en ont nettement moins par contre
13 mars 2016 à 19:05
mixlamalice
@Rachel: « Pour la « sanction des mauvais » » (ou la « sélection des meilleurs » si vous préférez)
Je parlais de la vision qu’on a ici de la tenure là-bas, alors qu’en pratique c’est quand même pas du tout ça
13 mars 2016 à 20:04
FUBAR
@Marianne: Ben y a MCF hors classe. Le CNU ne les donne pas vraiment dans des pochettes surprises à qui la demande. Pour moi, ça pourrait correspondre. mais ceux qui veulent supprimer le CNU vont glapir, alors du coup je ne sais pas quoi dire.
13 mars 2016 à 20:08
Marianne
Ben avoir un vrai statut du mcf hc ca me choquerait pas
Faudrait avoir possibilite de passage mcf hc prof par la cnu par ex
Ce serait pas choquant
13 mars 2016 à 20:25
Marianne
Faut souligner qu’en maths la hors classe c’est raisonnable a avoir (ceci dit je ne l’ai pas)
Faut essentiellement avoir un dossier equilibre
13 mars 2016 à 20:56
Rachel
Le CNU pourrait avoir un rôle intéressant dans l’histoire, par exemple en nommant un expert qui pourrait donner son avis sur le passage d’une HDR. Par contre, il me parait superflu de conserver la qualification PR.
@Marianne, vous êtes sérieuse en disant que le CNU pourrait nommer des MCF => PR ? Vous avez entendu parlé de l’autonomie des universités ?
13 mars 2016 à 21:00
Marianne
Ben je trouverait ca souhaitable que ca puisse se faire autonomie ou pas….apres si c’est pas possible qu’on appelle ca hors classe 1 et hors classe exceptionelle et qu’on aligne sur la grille des PR avec un pourcentage du corps moins important devolu a ces postes
14 mars 2016 à 09:41
Poutine4ever
On peut généraliser le théorème en remplaçant HDR par CDI et vous saurez pourquoi la « loi travail » qui est pourtant une bonne chose est rejetée majoritairement par « la jeunesse ». Cette « jeunesse » se pense peut-être incapable de répondre aux critères de résultats requis, tellement l’inculture du monde du travail a été savamment distillée pendant les années garderie avant l’obtention du sésame d’accès à l’Université, le Brevet d’Aptitude au Chômage. Ohhh trahison des « élites » !
14 mars 2016 à 10:10
Damien
@PR23
« Car il y a des refus de titularisation. J’en ai connu deux, dont l’un s’est terminé par le suicide de la non-titularisée ; ça a d’ailleurs fait du bruit…
Le comité peut aussi recommander au CA une seconde année de stage. »
Sauf erreur, pour au moins le cas du suicide (si c’est une référence à un cas cité dans la presse nationale), c’était bien une prolongation du stage et non un refus définitif. J’ai connu un autre cas avec une prolongation du stage. Jamais vu de refus définitif.
14 mars 2016 à 11:31
Sirius
La comparaison HDR vs Tenure a un intérêt limité, leurs conséquences étant diamétralement opposées. La HDR donne des droits académiques : diriger des thèse et possibilité future de devenir prof, mais ne change rien au statut du MCF, qui est déjà fonctionnaire avec garantie de l’emploi. La tenure consiste en un changement de statut, le contrat de travail devient permanent avec garantie de l’emploi.
A vrai dire le régime de la tenure aux USA est plus compliqué que la présentation qui en est faite dans l’article cité. La tenure n’existe pas partout. Elle est utilisée comme moyen d’attirer les meilleurs candidats par les universités les plus prestigieuses (et les plus riches). Elles recrutent des profs assistants sur des postes « tenure track » c’est à dire avec perspective de tenure au moment du passage au grade de prof associé ou de full prof après quelques années et une évaluation générale. Ceux qui n’obtiennent pas la tenure quittent souvent l’université pour une autre, au niveau d’exigence moins élevé.
Une très intéressante étude des mécanisme du type tenure en Europe a été publiée par l’European League of Research Universities (LERU) : http://www.leru.org/files/publications/LERU_AP17_tenure_track_final.pdf
Sans surprise, la France est considérée comme un cas à part du fait du manque d’autonomie des universités dans la gestion de leurs EC.
14 mars 2016 à 11:41
Sirius
En ce qui concerne la HDR, je fait parti de ceux qui la trouve inutile, inéquitable, redondante avec la qualification, qu’il faudrait également supprimer. L’autonomie des universités exige qu’elles puissent choisir leurs EC, comme leurs étudiants. Une procédure de recrutement rigoureuse et des comités de sélection bien conçus permettent de juger des capacités des candidats, y compris au niveau de la direction de thèse.
14 mars 2016 à 12:07
PR23
Autant pour moi pour le suicide évoqué, c’était bien une décision de sursoir à la titularisation de cette MCF :http://www.lexpress.fr/actualite/societe/ce-suicide-qui-denonce-le-recrutement-universitaire_977451.html.
L’autre cas auquel je faisais allusion est bien un refus de titularisation après deux ans de stage. C’est dans la même université mais dans les années 1990.
Le non titularisé est devenu consultant je crois.
19 mars 2016 à 12:37
marianne
Ouais alors faut dire que l’habilitation a l’allemande c’est un truc hyper coton. il y a deux trucs dans ce machin la
1) un memoire
2) une lecon qui doit porter sur un theme suffisament eloignee des themes de recherche de l’impetrant. Le gars a quinze jours pour la preparer et ca doit etre niveau recherche, sachant que dans le jury il y a des specialustes. Pour donner une ideee, c’est genre un probabiliste qui doit donner une lecon d’arithmetiquz. Bref les themes sont vraiment loin
19 mars 2016 à 15:14
FBLR
@Marianne
Ce n’est pas propre aux maths ?
De toute manière, ça ne peut pas être pire qu’à l’époque où les facs allemandes exigeaient qu’elle fût rédigée en latin. Pour cette bête raison, le génie Dirichlet a dû attendre la 50 aine pour l’obtenir (des amis lui ont fait la traduction, bouseux qu’il était il n’avait jamais appris le latin…)
Bref, tous nos débats ne datent pas d’hier :-)
(oui l’université a toujours été conservatrice…)
19 mars 2016 à 16:44
Marianne
Ah oui les allemands et le latin…Moi ma tante a été psychiatre durant des années en Allemagne et elle devait rédiger ses ordonnances en latin bien qu’elle parla parfaitement allemand…
19 mars 2016 à 16:45
Marianne
Du coup le Gaffiot elle maîtrise!
19 mars 2016 à 18:44
Marianne
Et j’ai une copine italienne qui a son grand dam a du pendant ses deux iu trois premières années de fac suivre des cours de latin (OK c’est proche de l’italien mais c’était une scientifique qui n’en avait rien à cirer)
19 mars 2016 à 19:30
Marianne
Tiens, rien à voir avec le billet mais info tout de même
http://www.cpcnu.fr/web/cpcnu/accueil/-/asset_publisher/5YtLHJRuktzA/article/id/626917?redirect=http%3A%2F%2Fwww.cpcnu.fr%2Fweb%2Fcpcnu%2Faccueil%3Fp_p_id%3D101_INSTANCE_5YtLHJRuktzA%26p_p_lifecycle%3D0%26p_p_state%3Dnormal%26p_p_mode%3Dview%26p_p_col_id%3Dcolumn-2%26p_p_col_count%3D2
19 mars 2016 à 19:30
Marianne
Le suivi de carrière a du plomb dans l’aile.
19 mars 2016 à 19:32
Marianne
Au passage, le CNU aurait pu refuser d’autres trucs : les primes indéxées sur le nombre de demandes par exemple (un truc vicieux puisque pour être A il faut qu’il y ait plus mauvais que soi qui ait postulé)
A oté que la CNU a accepté le principe de la prime à partir du moment où elle l’a géé
30 mars 2018 à 08:49
Kim
Pour répondre tout simplement à la question je dirai: « non ».
La tenure est une procédure et évaluation complète qui durent plusieurs années et qui ne s’intéresse pas uniquement au domaine de la recherche (contrairement à l’HDR). Je dirai également qu’un MCF n’est pas un Associate Professor mais équivaut au mieux à un tenure-track assistant professor. Donc quand je vois que beaucoup de MCF traduisent leur grade universitaire par « associate professor », cela me fait sourire.
A savoir également qu’il existe aux USA des « associate professors » qui ne sont pas « tenured » et d’autres qui n’ont même pas un doctorat.
Par ailleurs, un assitant professor peut dès son arrivée diriger des thèses voire des postdoct; ce qui est impossible pour un MCF (non HDR).
Certains associate professors américains peuvent diriger bien plus de thèses qu’un professeur des universités français…
8 avril 2018 à 16:44
jojo
Je dirai même que certains assistant professors ont diriger plus de thèses que de profs français.
30 Mai 2018 à 12:34
Al-SAleh
Quel dommage que cet excellent blog soit à l’arrêt! Est-ce définitif?