precaires_esrPeut-on réellement considérer que les doctorants sont des précaires de l’ESR ? Il est incontestable qu’ils n’ont pas un poste permanent, donc ils sont clairement en situation de précarité. Mais d’un autre côté, ils préparent un diplôme et donc on peut considérer qu’ils ne sont pas en situation d’être en CDI (il me semble …).

Avec le conflit sur la loi travail, le thème de la précarité est fortement discuté. Certains doctorants se mobilisent pour dénoncer leur situation qu’ils estiment précaire. Je n’arrive pas bien à comprendre l’évolution qu’ils aimeraient (j’imagine que ça serait avoir un poste en CDI « à vie » dès le début de leur thèse). D’après eux, « l’accès au doctorat doit être un droit pour tout·e·s : les doctorant·e·s doivent être rémunéré·e·s décemment pour réaliser leur travail de production de connaissances, sans limitation a priori de la durée des thèses et avec exonération des frais d’inscription ! » (source ici). Là je trouve que ça va un peu loin : après la licence et le master pour tous, le doctorat pour tous ! et sans limitation de durée de la thèse, avec salaire. On imagine que dans ces conditions, peu seront très pressés d’écrire leur manuscrit. Là où je suis d’accord, c’est que la thèse est un vrai travail de recherche et que donc ça mérite une rémunération décente. Par ailleurs, je n’arrive pas à comprendre pourquoi il y a des droits d’inscription pour les doctorants. A mon sens, les universités devraient vraiment les supprimer.

La confédération des jeunes chercheurs (CJC) donnent leur définition de la précarité des jeunes chercheurs (incluant les catégories de doctorants, ATER et post-doctorants) : « Les jeunes chercheurs représentent l’essentiel des « forces vives » des unités de recherche, et – dans beaucoup de disciplines –  une part indispensable du personnel enseignant. Les doctorants, qui participent à la production de connaissances, à l’enseignement et à l’amélioration de la compétitivité de la recherche française, sont trop souvent considérés comme des étudiants, usagers du système, par le milieu académique » (source ici). Bref ils revendiquent le caractère professionnel du doctorat. A mon sens ils ont raison, la preuve étant le contrat doctoral qui est un vrai contrat de travail. Ils demandent donc de ne pas faire « l’amalgame entre doctorants et étudiants ». Ils considèrent alors que les doctorants sont des travailleurs précaires. Précisons que le texte cité était en réaction aux propos de G. Fioraso en 2012 (alors ministre de l’ESR) qui avait déclaré « Il parait abusif d’intégrer dans les précaires les docteurs et les post-docs même si leur insertion doit être favorisée et valorisée ».

Et si les problèmes venaient d’une petite partie des doctorants de l’ESR ? La CJC rappelle que « 40% des doctorants en Sciences Humaines et Sociales n’ont pas de contrats de travail alors qu’ils sont définis comme des professionnels de la recherche en début de carrière » […]  « La Confédération des Jeunes Chercheurs  tient à affirmer que les doctorants sont précaires lorsqu’ils ne sont pas contractualisés » (source ici). En science dure, il ne me semble pas qu’il y a des doctorants dans les labos sans contrat de travail. Je ne sais pas s’il est vraiment autorisé d’inscrire un étudiant en thèse sans avoir vérifié ses conditions de ressources ? que disent les textes du code du travail à ce sujet ?

On en revient certainement à la question qui nous avait beaucoup fait discuter : « la thèse est-elle un vrai travail ? » (vol. 1. et vol. 2)

Pour certains, le doctorant n’est qu’une petite main sans expérience et sans autonomie et qu’il faut le former. Le doctorat n’est-il pas une formation à la recherche par la recherche ? Donc les doctorants sont des étudiants. On pourrait quand même rappeler que tout nouvel arrivé dans un environnement a besoin d’une formation plus ou moins longue. C’est la même chose pour un ingénieur nouvellement recruté. Il va passer une période en CDD, faire des formations en local pour découvrir le contexte spécifique de son poste. Je doute fort qu’il soit opérationnel dès le lendemain de son recrutement.

Pour d’autres, la thèse est un vrai travail, la preuve est que le doctorant a un contrat de travail. On pourra rappeler que la situation des doctorants a été profondément améliorée, grâce à V. Pécresse, avec le contrat doctoral de type CCD. Ce contrat permet aux doctorants de cotiser à la sécu, retraite et chômage. Le doctorant est jeune fraichement sorti de master, il a besoin d’être accompagné, au moins durant la première année de sa thèse. Le but est qu’il soit autonome et productif ensuite. Mais reconnaissons aussi que si on enlève les doctorants des labos, l’activité de recherche et la productivité s’en retrouveraient très fortement diminuées.

Bon on ne va pas refaire le débat … si ?