Dans son programme présidentiel, François hollande avait globalement mis en avant trois priorités pour l’enseignement supérieur et la recherche (1) faire réussir les étudiants dans les premiers cycles (2) redonner la confiance au chercheurs et enseignants-chercheurs (3) la place des (jeunes)chercheurs (lire par exemple le discours de Nancy du 5 mars 2012, ici).

Parlons aujourd’hui de la troisième priorité. Extrait du discours de Nancy : « nous devons nous fixer comme objectif que tout doctorant doit avoir une thèse financée avec un contrat de travail, donc une protection sociale, et que cela doit compter pour ses annuités de retraite. C’est un objectif à long terme. Une réflexion sera conduite pour examiner de quelle façon, dans le contrat doctoral, peut être inclus une charge pédagogique d’enseignement ou de tutorat qui contribuera à la réforme en profondeur des premiers cycles ».

Je ne voudrais pas donner l’impression d’être désobligeante, mais il me semble que tout ça est déjà fait. Le doctorant a maintenant un vrai contrat de travail, de type CCD (contrat doctoral, lire fiche wikipédia ici). Il a une protection sociale, cotise à la retraite et au chômage. Bref j’avoue ne pas comprendre l’objectif de F. Hollande. Peut-être vise-t-il à réduire certaines pratiques douteuses qui persistent ici et là ? Peut-être pointe-t-il certaines écoles doctorales et universités qui ne feraient pas correctement leur boulot ?

Autre extrait du même discours « Des bonifications doivent être envisagées pour les Universités qui augmentent leur nombre de contrats doctoraux ». Quel type de bonifications ? Est-ce seulement des « bons points » ou bien du financement doctoral ? C’est bien gentil de demander aux universités d’augmenter leur nombre de contrats doctoraux mais leur budget est très serré et je pense sincèrement qu’elles font leur maximum pour en financer le plus possible. Si on veut aller dans ce sens, la solution ne peut être que d’augmenter leur budget et flécher cette augmentation pour le recrutement de doctorants. Certains grincheux feront alors remarquer que ça ne sert à rien, que les docteurs ont des difficultés à trouver ensuite un emploi, que la plus-value d’une thèse n’est pas évidente sur le marché du travail … ça se discute …

Par ailleurs, on a pu lire les propositions suivantes dans le programme du PS : inciter les « partenaires sociaux à la reconnaissance du doctorat dans les conventions collectives, au moins à sa valorisation dans les branches ». Mais il me semble que c’est déjà un acquis, mais il est vrai qu’en pratique les docteurs ne sont pas mieux payés que les ingénieurs. François Hollande a aussi parlé de conditionner l’octroi du CIR (crédit impôt recherche) au recrutement de doctorants. Et enfin, il propose d’augmenter le nombre de financement de thèses CIFRE (ce qui est fort discutable).

Il y a quelques années, je trouvais un peu anormal que les docteurs ne soient pas mieux reconnus à leur niveau d’étude à bac+8. Aujourd’hui, je ne sais plus. Je me dis surtout que la thèse est une première expérience professionnelle sur la forme d’un CCD, donc après un diplôme niveau bac+5. Bien entendu ils se forment à la recherche, tout comme un jeune diplômé ingénieur reçoit une formation à sa première embauche et apprend son métier d’ingénieur. Je me dis aussi parfois que le statut d’étudiant du thésard ne lui rend pas service et qu’il faudrait peut-être le supprimer ? Après tout, la principale association de thésard s’appelle « confédération des jeunes chercheurs » (CJC, site ici) et non « fédération des étudiants attardés ». Les thésards sont les ouvriers de la science et sans eux les laboratoires ne tourneraient pas. Et sur le site de la CJC, il est bien précisé « qu’ on ne peut pas considérer le doctorat comme une poursuite d’études. Le doctorat est une première expérience professionnelle de recherche » (lire ici).

La thèse est donc de toute évidence une première expérience professionnelle. Mais pour certains, ce n’est manifestement pas une évidence et en conséquence on se demande parfois si la thèse est vraiment un « vrai travail » ou quelque chose du genre « pas encore un travail » (les expressions en guillemets ont été volées ici, ainsi que le titre du billet). Un signe fort à ce sujet est la distinction entre master professionnel et master recherche. L’un vise à une insertion professionnelle, l’autre non (ce qui montre bien que la recherche n’est pas considérée ici comme une profession). Cette distinction entre les deux types de master tend à s’estomper et j’espère que l’on pourra gommer rapidement ces appellations un peu surannées. A mon sens, tout master est professionnalisant et l’obtention du master marque la fin des études et l’entrée dans le (terrifiant) monde du travail. Un autre signe qui semble montrer que la recherche n’est pas un « vrai travail » est les référentiels des tâches des enseignants-chercheurs que mettent en place les universités. Dans ces référentiels, seules les activités liées à l’enseignement sont répertoriées et il n’est jamais fait référence au temps passé à la recherche. Très curieux pour un référentiel de temps où seulement la moitié de l’activité des EC est répertoriée. Peut-être que la recherche n’est pas obligatoire, on la fait si on veut et sinon, ça n’a pas d’importance … donc la recherche ne serait pas un « vrai travail » ?

En conclusion, plutôt que de considérer la thèse comme un diplôme à bac+8 sans expérience professionnelle, je pense qu’il faut la considérer comme une expérience professionnelle de 3 ans (après un diplôme bac+5).