En marge de la LPR, il y a eu des mesures de revalorisation des carrières scientifiques. L’effort semble avoir été temporellement priorisé sur le début de carrière. La mesure principale concerne les rémunérations. En 2021, les chargés de recherche et maîtres de conférences nouvellement recrutés ne pourront pas être rémunérés en dessous de 2 SMIC (contre 1,4 SMIC aujourd’hui). Le levier d’action de la revalorisation est le régime indemnitaire (primes). Actuellement, ce régime indemnitaire dans l’ESR est parmi les plus bas de toute la fonction publique (lire ici). Il s’agit donc ici d’un début de rééquilibrage avec les autres corps de la fonction publique.
Au-delà de l’aspect des rémunérations, le début de carrière des enseignants chercheurs pourrait être mieux accompagné par des mesures visant à améliorer la prise de fonction.
Deux mesures principales pourraient être mises en place, pour une durée de 3 ans
- Accompagner financièrement le démarrage des travaux de recherche au sein du nouvel environnement de l’établissement d’accueil,
- Instaurer une montée en charge progressive de l’enseignement.
Pour le premier point, il serait intelligent de fournir aux nouveaux entrants un « package de bienvenue » pour le démarrage des travaux de recherche. En effet, il n’est pas idéal de recruter du personnel sans lui donner les moyens de travailler. Il n’est pas non plus correct de lui demander dès la première année de candidater sur des appels à projets. Le montant de cet accompagnement serait adapté à la nature des travaux de recherche visé par le recrutement. Il pourrait être affiché au démarrage de la procédure de recrutement afin que les candidats puissent se projeter sur quelques années.
Le second point concerne l’enseignement. C’est une charge très lourde que de commencer dès la première année un taux plein d’enseignement. Leur préparation demande un temps considérable. Souvent cela se fait au détriment de l’activité de recherche, ce qui est très préjudiciable pour la carrière ultérieure. Parfois, on demande même aux nouveaux recrutés de faire des heures complémentaires, ce qui doit absolument être proscris. Il y a quelques temps, certaines Universités s’étaient engagées dans cette démarche de progressivité pour les nouveaux entrants mais il semble que cette pratique se soit raréfiée ou même carrément a été abandonnée. La raison est certainement en relation avec l’augmentation du nombre d’étudiants, la baisse du nombre de personnels et le sous-financement dramatique de l’Université.
Pour permettre cette prise en main progressive, nous proposons un échelonnement de la charge d’enseignement sur 3 ans :
- 48 heures la première année
- 96 heures la seconde année
- 144 heures la troisième année
Ces valeurs peuvent évidemment être ajustée selon les configurations locales mais elles doivent rester dans l’esprit ¼ d’enseignement et ¾ de recherche durant les trois premières années. Ces deux mesures ne doivent pas nécessiter une nouvelle loi. Les établissements sont autonomes et il semble que le cadre législatif actuel peut permettre leur mise en place. On pourra objecter que cet échelonnement ne permet pas de contribuer pleinement aux besoins criants en enseignement dans les Universités. Il faut cependant le voir comme un investissement de long terme. En effet, il doit permettre un meilleur démarrage de l’activité de recherche et la construction progressive d’un enseignement autrement que dans l’urgence, donc globalement une amélioration des conditions de travail des EC en début de carrière.
42 commentaires
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2 décembre 2020 à 16:17
Jérome
La loi prévoit en principe un package de 10k€ pour les nouveaux entrants MCf et Cr. C’est pas grand chose, mais ça pourra qu’aider.
2 décembre 2020 à 16:29
Rachel
La loi ? quelle loi ? Vous voulez parler de la scélérate LPR dont personne ne veut ?
Je trouve que c’est mieux que rien effectivement, mais dans l’idéal il faudrait aussi que se soit adapté à la recherche en question. Les besoins peuvent être très différents selon la nature des travaux de recherche.
2 décembre 2020 à 17:22
Cédric
Quand je suis arrivé dans mon université, le département d’enseignement avait décidé de ne donner que 64h eq TD aux nouveaux arrivants pendant 3 ans. Grand luxe.
Cela devrait aussi nous faire réfléchir au nombre d’heures que nous devons faire et à nos pratiques. 192h eq TD est énorme et je ne connais aucun collègue étranger qui fait autant que cela et surtout enseigner des matières loin de nos thématiques de recherche (je suis en physique de l’environnement).
2 décembre 2020 à 19:50
Jérome
@Rachel, sans nier l’hétérogénéité des besoins disciplinaires, ça serait un peu mesquin, je crois, de différentier cette dotation selon la discipline !
2 décembre 2020 à 21:03
Rachel
@Jérôme, les besoins financiers d’un physicien modélisateur ne sont pas les même qu’un physicien expérimentateur (je prends exprès dans la même discipline pour ne pas provoquer une guerre des disciplines !). Je peux convenir que c’est compliqué d’ajuster pour chaque poste mais il faudrait le faire. On passe bien un temps conséquent pour recruter, on peut bien mettre 5 min de plus pour décider du montant du package de bienvenu …
Et puis on différencie bien les dotations des labos selon les disciplines …
@Cédric, oui les 192h, mais ça personne n’en parle je crois …
2 décembre 2020 à 21:32
jerome
@Rachel, je persiste à penser que ça ne serait pas juste de différentier cette dotation que j’espère voir réellement se matérialiser dès l’an prochain.
2 décembre 2020 à 22:37
Rachel
@Jérôme, c’est pourtant pour être plus juste que je me disais que ça serait mieux d’adapter cette dotation selon les situations …
De toute façon, on ne va pas se chamailler sur le montant car nul doute que le package sera versé le 15 novembre sur une ligne de crédits non reportable, à dépenser avant le 20 novembre …
2 décembre 2020 à 22:57
Jérome
@Rachel, le pire c’est que ça pourrait être le cas, ou presque… l’avenir nous le dira !
3 décembre 2020 à 10:57
Gueux
@Rachel: Pour répartir équitablement, vous pensez créer un comité Théodule qui va couter un bras ? Où les aigrefins vont se servir et arroser leurs copains ?
Vos voeux d’équité sont louables, mais ils ne résistent pas à la pratique. Un exemple pour illustrer mon propos. Un labo, réputé internationalement, de mon université a eu la « bonne » idée d’incorporer des expérimentateurs travaillant sur un domaine à la mode d’alors. Il pensait ainsi élargir son rayonnement et, les expérimentateurs ramenants moult thune, profiter de quelques miettes financières. (La théorie du ruissellement bien avant que Zeus ne ressorte cette stupidité, bien connue comme telle par les économistes depuis la crise de 29.) Que s’est-il passé ? Bin, les expérimentateurs ont siphonnés tous les crédits et il ne restait plus la moindre miette, pas même au fond d’un tiroir obscur, pour les autres. Bilan, le labo a périclité. La recherche s’est comme la vie réelle : on prend aux pauvres pour donner aux riches.
Et recevoir le 20 pour dépenser avant le 25, c’est la version optimiste de l’histoire. Il n’est pas impossible, vu l’efficacité de notre bureaucratie, que ces sommes soient reçues un jour avec obligation de dépense avant la veille.
3 décembre 2020 à 14:44
HenryIV
Il y a une dizaine d’année, mon univ avait décidé de décharger certains nouveaux MCF (me souvient plus des critères), 96, 128, 164, puis 192 h sur 4 ans. Un audit au bout de qqs années a montré que les non déchargés avait davantage publié que les déchargés. Fin du système. (Soupir).
3 décembre 2020 à 14:47
Gueux
@H4: plusieurs études locales montrent que les CNRS ne publient pas plus, ni mieux, en moyenne que les EC. Fin du CNRS ou décharge à 100% des EC ?
3 décembre 2020 à 15:54
Rachel
@Gueux, des commissions bidules pour discuter des postes, il y en a des multiples et ça consomme un temps considérable. L’ajout de la question du montant du package représentera un epsilon dans ce contexte … mais vous êtes un sage, vous savez que dès que ça parle d’argent, les gens s’étripent facilement.
@HenryIV, c’est bien ce que j’avais en tête, j’ai l’impression que ces décharges en début de carrière se raréfient ces derniers temps. Est-ce à cause de la diminution de postes ces dernières années et une pression plus grande pour pouvoir de l’enseignement ?
@Gueux, fin du CNRS, je ne sais pas, mais ça oui: https://rachelgliese.wordpress.com/2020/09/21/reequilibrer-et-repartir-lenseignement-superieur-entre-enseignants-chercheurs-et-chercheurs/
3 décembre 2020 à 20:40
HenryIV
@ Gueux, si j’avais des solutions je serais ministre (ah euh du coup vu son niveau en solution je pourrais à l’aise crème). Sérieux, je ne sais pas expliquer cette corrélation inverse. je fais partie de cette catégorie d’imbéciles stakhanovistes d’ec qui publient plus que un cnrs, avec des heures sup en pagaille… Je n’y comprends plus rien. Ces dispositifs en effet tombent en désuétude. Un nouvel ec aujourd’hui je crois n’a pas le droit de faire d’heures sup la première année, c’est ce qu’il en reste chez nous. Sous réserve.
3 décembre 2020 à 21:18
Jérome
Actuellement, de souvenirs : tout maître de conférences recruté doit bénéficier de 32h de décharge la première année et de 32h, maxi et si il le demande, dans une période de 5 ans qui suit son recrutement.
3 décembre 2020 à 23:28
Rachel
@Gueux, @HenryIV, c’est un peu exagéré de parler d’une corrélation inverse mais c’est vrai qu’en toute logique le chercheur CNRS devrait publier 2 fois plus qu’un EC. Ensuite il faut rappeler qu’il y a publications et publications. Il est bien connu que le chercheur CNRS publie dans Science ou Nature et que l’EC publie dans le Bulletin de la Réforme Agraire de Lozère. En plus on voit bien que le nombre de publications du CNRS est largement plus élevé que celui de la meilleure université de France, c’est bien la preuve que vous êtes un peu mauvaise langue.
@Jérôme, ah bon ? c’est une règle statutaire mais alors pourquoi ce n’est pas en application chez moi ? ou alors il faut le demander et on l’a sous réserve que ce soit accepté par la composante ?
4 décembre 2020 à 07:23
Jérome
@Rachel non, c’est statutaire !
https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000034741081
8 décembre 2020 à 10:59
Albert Deboivin
@Gueux: Etant moi-même au CNRS, j’ai été initialement révolté par vos propos. Ensuite, j’ai essayé de faire froidement une étude statistique au sein de mon unité. Effectivement, la bonne moitié des CNRS chez nous tombent dans votre description assez précise. En revanche, il y a quand-même des gens au CNRS qui travaillent indéniablement beaucoup et qui publient beaucoup aussi. Heureusement, j’en connais quelques-uns. Je pense que l’on pourrait filer une charge d’enseignement aux (certains?) CNRS sans aucun effet visible sur la production scientifique de cet organisme.
8 décembre 2020 à 14:22
Rachel
Albert, il y a aussi des enseignants-chercheurs qui publient beaucoup. Je trouve toujours étonnant les amplitudes de production qui me paraissent extrêmes (que ce soient des CNRS ou EC). Est-ce une question de méthode ? de rigueur ? d’ambition personnelle ?
Je ne pense pas qu’une petite charge d’enseignement (admettons 50h) mette en péril l’activité de recherche des chercheurs.
8 décembre 2020 à 15:47
Gueux
@Albert: Désolé de vous avoir révolté, ce n’était pas l’objectif. Je n’ai fait que rapporter des études officieuses menées (à vue) par plusieurs collègues VP-recherche dans leurs universités respectives. Perso, j’ai autre chose à faire que d’aller compter les oublis des collègues.
Dire que les CNRS ne publient pas plus en moyenne ne veut pas dire qu’il n’y a que des bras cassés au CNRS, vous l’avez surement compris. Mon intension était plutôt de remettre en question le postulat q’un CNRS était, par définition, forcément « meilleur » en recherche qu’un universitaire.
Ce que montre ces « études » c’est que moyenner lisse énormément. L’excellence se mesure aux outliers, pas en moyenne. Il y a t’il plus d’outliers au CNRS qu’à l’université ? Je n’en sais rien, mais cela me semble aussi douteux à en juger par ce que j’ai pu constater autour de moi.
8 décembre 2020 à 15:56
Gueux
« Perso, j’ai autre chose à faire que d’aller compter les oublis des collègues. »
=>
« Perso, j’ai autre chose à faire que d’aller compter les publis des collègues. »
Ce n’était pas un lapsus, c’est le correcteur orthographique automatique !
8 décembre 2020 à 16:54
Albert Deboivin
@Gueux, je pense que nous avons tous autre chose à faire que de compter les publis des autres. C’est pour cela que je ne suis pas allé plus loin que cela dans mon observation et constat. Donc, personne n’a les données sérieuses et objectives ici à table.
« Mon intension était plutôt de remettre en question le postulat q’un CNRS était, par définition, forcément « meilleur » en recherche qu’un universitaire. »
– je n’ai jamais entendu cela. En revanche, j’ai entendu même de la part de mes collègues qu’on attend de la part d’un CNRS qu’il/elle publie en moyenne deux fois plus qu’un EC lambda (de la même discipline).
@Rachel, je trouve qu’une petite activité d’enseignement (dans les limites que vous avez spécifiées) est au contraire bénéfique. Personnellement, je m’implique même plus que ça dans le département d’enseignement.
8 décembre 2020 à 21:00
Rachel
@Gueux, chez moi les outliers d’excellence ne semblent pas être spécialement les chercheurs CNRS, ça me parait à vue de nez assez équilibré avec les EC.
@Albert, donc vous ne seriez pas opposé à mettre une charge statutaire d’enseignement de 50h pour les chercheurs ? Ça vous ferait perdre environ 2000 euros/an, c’est acceptable ?
J’ai fait un billet récent sur ce thème, à la suite d’un amendement à l’assemblée national qui n’a pas été retenu : https://rachelgliese.wordpress.com/2020/09/21/reequilibrer-et-repartir-lenseignement-superieur-entre-enseignants-chercheurs-et-chercheurs/
Je me souviens d’une discussion avec un chercheur qui faisait lui aussi un bon paquet d’enseignement. Alors je lui dis : en fait tu es un enseignant chercheur. Il me répond : non je suis un chercheur qui enseigne.
8 décembre 2020 à 22:33
Albert Deboivin
@Rachel, je réponds point par point en allant dans l’ordre chronologique inverse.
Je suis assez d’accord avec votre collègue. De facto, nous sommes des chercheurs qui enseignent. Administrativement nous sommes considérés comme des vacataires banals.
Je pense que je serais opposé à la mesure que vous proposez comme 99% de mes collègues même si je trouve mon bonheur dans cette activité. Je suis plutôt pour l’incitation de ceux qui veulent et qui sont motivés. Croyez-moi, il vaut mieux de garder la distance entre certains chercheurs et les étudiants pour le bien de ces derniers. En même temps, certains chercheurs peuvent trouver cette activité assez pénible vu le niveau des étudiants aujourd’hui. Je crois que soit il faut être dans le besoin soit il faut aimer profondément la nature humaine pour y aller volontairement.
Enfin, dans mon labo la concentration des chercheurs est plutôt élevée par rapport à la moyenne nationale (dans ma discipline). Les deux outliers appartiennent au CNRS mais en même temps il y en a d’autres chercheurs qui n’en branlent pas une. Donc, je pense que le constat de Gueux est certainement basé sur du vécu.
8 décembre 2020 à 23:16
Rachel
@Albert, vous savez les EC peuvent aussi trouver cette activité assez pénible vu le niveau des étudiants aujourd’hui. Je trouve qu’il n’y a pas beaucoup de solidarité alors qu’on travaille tous ou presque dans le même environnement, dans lequel il y a des inégalités professionnelles majeures. Mais je comprends car les chercheurs qui ne font pas d’enseignement n’ont pas envie d’en faire, ils s’y verraient forcés et ça ce n’est pas bon. Et ceux qui en font perdraient alors les rémunérations associées. Rien à gagner dans l’histoire …
9 décembre 2020 à 08:07
Albert Deboivin
@Rachel, prenons en compte aussi que le critère d’enseignement ne figurait pas parmi les critères de recrutements de nos chercheurs. Sans surprises, certains ne sont pas aptes. Je ne vois pas qu’est-ce que vous avez à gagner en les forçant à faire pour quoi ils n’étaient pas recrutés à la base. Je ne vois même pas qu’est-ce qu’on peut leur reprocher vu que le contrat initial a été différent. Maintenant vous allez me dire qu’on applique rarement ce critère (de capacité à enseigner) même dans le recrutement des ECs… Je vous l’accorde et cela me paraît pour le moins étrange, voir contre-productif pour le système.
Le dernier point sur la rémunération. Je crois avoir vu un vrai calcul du temps qu’on passe là-dessus outre la présence physique devant les élèves (préparation, correction des copies, examens, seconde session, etc). Maintenant, si on fait le rapport avec la compensation, on descend légèrement en dessous du SMIC vu le taux horaire effectif. Donc, la carotte est tellement légère qu’on a du mal à l’appercevoir. J’ose supposer que la motivation des chercheurs qui font cette activité n’est pas vraiment dans l’enrichissement personnel. De toute façon, qui va dans ce métier pour cela?
9 décembre 2020 à 11:02
Rachel
@Albert, je comprends bien que le contrat à la base était différent mais un contrat ça peut se renégocier. Et puis, si les chercheurs en poste sont réfractaires à l’idée (ce que je comprends) et qu’on ne peut pas changer une mission confiée au moment du recrutement, on n’a d’autre solution que d’intervenir sur les nouveaux recrutés. Mais tout ça n’est pas à l’ordre du jour.
9 décembre 2020 à 12:56
Albert Deboivin
@Rachel, l’idée de renégocier/changer les règles du jeu avec des nouveaux entrants au CNRS me paraît plus réaliste même s’il y aura beaucoup de résistance à cela. Question: qu’est-ce qu’on ferait avec d’autres organismes de recherche comme INRIA, INSERM, INRAE, etc ? Vous proposeriez la modification des statuts pour tout le monde ou uniquement pour les personnels du CNRS?
9 décembre 2020 à 20:49
Rachel
@Albert, dans la mesure où les chercheurs sont intégrés dans des labos d’Université, oui ça a du sens de l’étendre à d’autres organismes. Mais nul doute que ça provoquera des résistances et ce n’est pas pour demain.
Peut-on vraiment être chercheur à vie ? la réponse est certainement très variable selon les personnes mais je trouve que tout ça c’est un peu rigide. Coté Université, je connais nombre d’EC pour qui il aurait été bien de faire une période consacrée à la recherche. On me dira qu’il y a des délégations ou des CRCT mais c’est sur des temps très court, inadaptés à la recherche qui dans une grande partie des cas se fait sur des temps beaucoup plus long.
11 décembre 2020 à 15:33
Albert Deboivin
@Rachel, oui, certains peuvent être chercheur toute sa vie mais il faut accepter de passer par une période très pénible de changement thématique toutes les O(10) années. J’ai l’impression de vivre cela en ce moment.
La vraie question c’est qu’est-ce qu’on doit faire avec les chercheurs et enseignants-chercheurs (les postes à forte composante scientifique) qui ne souhaitent plus faire de la recherche scientifique? Il n’y a pas vraiment de portes de sortie honorables. Durant ma carrière j’ai vu pas mal de cas où les gens travaillaient plus ou moins correctement pendant leur thèse, ensuite, une fois le poste MCF est décroché, ils ne font plus que de l’enseignement. J’en ai vu d’autres qui mettaient des pantoufles après la promotion PR. Cela me pose quelques problèmes quand-même.
11 décembre 2020 à 16:16
Rachel
@Albert, vous voulez parler d’évolution de carrière ? Non ça n’existe pas à l’Université et la GRH est quasi inexistante (parfois ça peut aider).
12 décembre 2020 à 13:36
Martin Andler
Je vais me faire mal voir, mais la charge d’enseignement de 192h éq TD n’est pas systématiquement plus lourde que pour nos collègues dans d’autres pays. Aux Etats-Unis, cette charge dépend des universités (moins dans les universités de recherche, bien plus dans les « colleges » avec peu ou pas de recherche), des disciplines (moins dans les disciplines expérimentales), et des individus.
Dans les deux universités de recherche où j’ai enseigné aux US, mon contrat, comme celui de la très grande majorité de mes collègues mathématiciens, était 2+2, ou 2+1, l’unité étant la responsabilté d’un cours magistral semestriel (en amphi ou pas selon le niveau) de 3 heures hebdomadaires. 3h x 13,5 semaines = 40,5h, soit 120h ou 160h par an de CM selon les cas. Mais à ce que j’ai compris, les biologistes responsables de groupes de recherche (donc la plupart des profs) en faisaient beaucoup beaucoup moins. Aux US, comme dans la plupart des pays, il y a beaucoup moins (ou pas) de TD. Les étudiants ont typiquement 15 heures de « présentiel » par semaine.
De fait, la charge d’enseignement y était moins lourde :
– tout « tourne » bien, et sauf pour les responsables de cycle, la charge administrative liée à l’enseignement est très limitée;
– il y a une seule session d’examen, et celle-ci est vite bouclée : trois jours pour tous les examens quelques jours après la fin des enseignement, après quoi on a 36h pour corriger les copies (soit seul, soit ensemble avec tous les responsables des groupes du même cours). Du coup, un semestre ne prend en tout que 15 semaines; il y a donc 20 semaines totalement libérées par an;
– pour les cours, il y a un manuel, et on choisit les exercices dans le manuel; on peut demander aux étudiants de compléter le cours en regardant quelque chose dans le manuel;
– le chargé de cours a la responsabilité des énoncés de devoir (et il y en a beaucoup, un par semaine ou toutes les deux semaines), mais pas de la correction des copies.
12 décembre 2020 à 16:33
Rachel
@Martin, à l’étranger ça semble assez variable. J’avais plutôt l’impression que la charge d’enseignement était moins lourde. Peut-être aussi l’accompagnement est meilleur (secrétariat, …). Mais c’est vrai qu’il y a une grande différence de pratique d’enseignement. Il y a plus de travail personnel pour les étudiants alors qu’en France on mise beaucoup sur le présentiel et parfois on a l’impression que l’université c’est un peu comme le lycée. Les étudiants français seraient donc peu capables de travailler par eux-mêmes ?
Je trouve que la seconde session d’examen est un vrai problème. Ça met des conditions fortes sur le calendrier, ça complique l’organisation, multiplie les corrections et jurys, tout ça c’est du travail en plus qui n’est pas valorisable dans la charge de service. Et le taux de succès à cette seconde session est assez minable (tout ça pour ça ?). Je me demande bien pourquoi on sauvegarde cette seconde session ?
13 décembre 2020 à 11:28
Martin Andler
@Rachel La deuxième session est une ligne rouge des syndicats étudiants. C’est en effet un coût immense, pour un bénéfice minime, qui pourrait être mieux atteint différemment.
Sur la charge d’enseignement, il faut aussi prendre en compte la multiplication des UE. Encore une fois, aux US, un enseignement, c’est 40h de CM (il y a quelques universités qui ont un système de trimestres au lieu de semestres, et qui fonctionnent différemment). Donc on en fait 3 ou 4 par an. Chez nous, la combinaison de
– semestrialisation mal pensée
– micro-corporatisme qui fait que chaque sous-discipline veut être certaine d’être présente
– poids excessif des TD par rapport aux CM
font que nos charges d’enseignement se répartissent en bien plus d’unités bien plus petites, avec, pour chacune, un examen, une coordination avec des collègues, un groupe d’étudiants etc. Là j’ai parlé du point de vue des profs qui font principalement des CM, mais le raisonnement peut se faire aussi pour les MCF.
13 décembre 2020 à 12:13
Gueux
Pour les étudiants, avoir de l’ordre de 15h de présentiel par semaine, donc plus de travail personnel, serait l’idéal. Sauf que ce n’est pas dans la mentalité française, en tout cas le secondaire ne prépare pas à cela. Et la tendance ne va pas dans la bonne direction. Face à l’immaturité de plus en plus importante des étudiants, on nous demande au contraire de faire de plus en plus de baby-sitting. Ceci, bien sûr, avec de moins en moins de CM pour faire des économies.
13 décembre 2020 à 15:53
Rachel
@Martin, je comprends cette ligne rouge mais l’université ce n’est pas que les étudiants, c’est aussi des enseignants chercheurs. Je trouve un peu curieux que ce thème de la seconde session ne soit pas un objet de débat tant il a de l’impact sur les calendriers et le surplus de travail pour les EC. Je ne me souviens plus avoir fait de billet sur ce sujet mais c’est un bon thème de débat. Est-ce que vous savez s’il existe un peu de données quantitatives sur cette deuxième sessions (% d’étudiants concernés, taux d’absence, taux de succès …) ?
@Gueux, peut-être que le secondaire ne prépare pas à ça, mais on n’est pas obligé de faire comme dans le secondaire, au minimum on pourrait faire une petite rampe pour aller vers plus d’autonomie étudiant. Par exemple, dès le premier semestre de L1, prévoir un module largement axé sur un apprentissage par soi-même, puis ensuite une montée en puissance du dispositif.
Pour le baby-sitting, on en discute souvent ici, rien n’oblige les universités à accueillir les étudiants qui n’ont rien à y faire.
Pas évident que soient les CM qui coutent le plus cher. Les TD et TP se font en plus petits effectifs, donc sont chers aussi.
13 décembre 2020 à 17:02
Gueux
@Rachel: Le 1er semestre de L1 est plutôt consacré à une (re)mise à niveau des savoirs du secondaire, voire du primaire. On pourrait le faire en demandant plus d’autonomie, mais je ne suis pas sûr que c’est ce que les étudiants attendent, et que la plupart des prof conçoivent comme un « bon » enseignement (beaucoup adorent le bachotage, ayant eux même été des bachoteurs de première). Retour d’expérience de ce type d’enseignement (i.e. + d’autonomie) : environ 10% de réussite en première session, et souvent 0% en deuxième. Rassurez vous, les étudiants compensent. Mais pensez vous que cela serait tenable si tous les cours affichaient des taux similaires ? (Ce qui devrait être pourtant être le cas.)
Avant, en M2 recherche, il n’y avait que des CM. Maintenant, on nous « paye » 50% CM et 50% TD pour enseigner la même chose. Bien sûr, ce n’est pas pour faire des économies…
13 décembre 2020 à 18:48
Rachel
@Gueux, je comprends bien que le public entrant a un faible niveau (en moyenne) et qu’il y a des efforts pour s’y adapter. Mais est-ce à l’université de reprendre des notions qui n’auraient pas été acquises dans le primaire ou le secondaire ? Je me demande aussi ce que pensent les bons bacheliers quand ils voient ce qui est proposé en L1 : ne sont-ils pas tentés d’éviter l’université compte tenu du niveau moyen des promotions ? Après il ne faudra pas s’étonner que les formations privées se développent. Je trouve que tout ça c’est un mauvais calcul mais bien entendu la formation en masse génère des besoins en personnels donc des postes …
13 décembre 2020 à 18:54
Henry IV
On a déjà pas mal écrit par le passé sur votre blog, Rachel, de cette foutue seconde session d’examen. Il faudrait en effet en faire un bilan national. Localement, à l’échelle de mon UFR, plus de 90 % d’absents parfois. J’ai eu fait des 2nd sessions avec zéro présent, plusieurs fois. J’ai déjà plaidé qu’on ne l’organise pas, que les étudiants concernés contactent par eux-mêmes les enseignants s’ils souhaitent la passer (ça ce fait ds certaines universités). Le seul truc positif que nous ayons organisé est de tout mettre à l’oral dans mon département. J’ajoute que j’ai été souvent abasourdi par le passé en me rendant compte que la plupart des étudiants ignore son existence. On ne peut pas à la fois être sur les jeux en réseau 24/24 et faire des études sérieusement. C’est vrai, les pauvres choux.
13 décembre 2020 à 19:01
Henry IV
@Rachel, effectivement ce n’est pas à nous de (re)voir les programmes du lycée et de l’école primaire. Mais si nous ne faisons pas de remise à niveau d’une manière ou d’un autre, nous passons de 40% de taux de réussite, en oubliant l’orthographe, à 10%. Nous sommes coincés au quotidien. Enfin, les jeunes collègues surtout, et bcp sont ravis de ronronner avec ça en cours – TD. L’infantilisation et la secondarisation ne sont pas toujours imposées par le haut ou par le niveau moyen minable des L1, mais par les collègues eux-mêmes, qui refusent d’élever le niveau. Paresse intellectuelle.
13 décembre 2020 à 20:53
Rachel
@HenryIV, je me souviens qu’on en a discuté récemment mais je ne me souviens pas en avoir fait un billet dédié et je n’arrive pas à trouver des statistiques sur cette deuxième session. Je trouve ça un peu curieux que ce soit si peu discuté ou documenté étant donné la perturbation majeure que ça induit.
C’est une bonne idée de mettre tout à l’oral.
Quant aux jeunes, ils font ce qu’on demande de faire les EC les plus expérimentés (ceux qui mettent en place les maquettes et la philosophie de la formation), non ?
14 décembre 2020 à 22:59
Henry IV
@Rachel, Il y a surement des endroits où certains « vieux » EC veulent contrôler les maquettes. Le renouvellement générationnel (papy boum) ces dernières années fait qd même que ces vieux partent massivement à la retraite et que les jeunes constituent des cohortes non négligeables, qui se retrouvent très vite responsables de formation et de département. Perso je suis ravi de les laisser se dépatouiller tous seuls (ou presque), vu l’énergie qui j’y ai laissé (avec bcp de plaisir aussi). Mais bon, voulue ou subie, la secondarisation est là, elle n’est plus devant nous, nous sommes dedans jusqu’aux cheveux. Je l’ai déjà écrit ici, globalement, mes L1 ont un petit niveau de seconde (ou fin de 3e), des années 1980. Evidemment, à la fac, nous n’avons que le fond du panier. Les bons sont partis en IUT, BTS, Prépas. On creuse. Et avec la pandémie, on a tellement baissé les exigences qu’on va arriver en Chine…
18 décembre 2020 à 10:48
jako
@Rachel : « la formation en masse génère des besoins en personnels donc des postes » : oui bon peut-être, vous avez raison. Mais qui est-ce qui nous a bourré le mou avec la « performance » et les « indicateurs de performance » ? Et les NOCULU (Nouveaux Cursus etc. ) participent de la même logique. Regardez ici, c’est purement hallucinant :
Cliquer pour accéder à indicateur_amu-_ca_29_mai_cabinet.pdf
Alors de deux choses l’une : a) ou vous menez une politique de sélection radicale, mais vous imaginez ça une seconde ? Même vot copine Valérie s’est gardée de s’engager dans cette voie… préférant servir la soupe aux syndicats étudiants ; b) ou vous transformez radicalement la mission de l’Université en en faisant un lieu de remédiation personnalisée, mais ça, ça coûte en fric et en emplois… ; c) rappelez-vous aussi que le ministère a brandi la carotte des IDEX « innovation pédagogique ».
Vous n’avez pas répondu à l’appel à projet « Parcours Flexibles en Licence » (PFL) qui « propose de soutenir une évolution du modèle pédagogique afin d’améliorer les taux de réussite et d’accès au diplôme de licence, en permettant la flexibilisation et la personnalisation des parcours » ?.
https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid141953/appel-a-projets-parcours-flexibles-en-licence-pfl.html
Là aussi faut être cohérent : d’un côté on se voit accusés en permanence d’être des archaïques déconnectés du monde, des non-adaptés sourds aux exigences de notre société et de ses jeunes. Mais en même temps on fait le procès de ceux qui voudraient « s’adapter » à cette nouvelle donne. Perso je préfère encore être un archaïque, mais il faudrait juste savoir ce qu’on veut… :)