Depuis le mois de novembre, on peut constater une activité importante des collectifs nonistes (SLU, RogueERS, groupe Vernant, …), sur le sujet du projet de loi LPPR. Il faut dire qu’avec la vague jaune et les grèves liées à la réforme des retraites, les esprits sont échauffés. Depuis fin novembre, on assiste à un florilège d’amalgames, de rumeurs, de procès d’intention, de scénarios anxiogènes ou de théories du complot.

Alors que les rapports des groupes de travail sont publiés en septembre2019, c’est une petite phrase dans une interview qui fait le buzz fin novembre. Antoine petit, PDG du CNRS, déclare « Il faut une loi ambitieuse, inégalitaireoui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne (…) » Les Echos, lire ici. Cette petite phrase aura eu plus d’impact que trois rapports fouillés totalisant 304 pages. C’est vrai que c’est long à lire et qu’on vit dorénavant au rythme des tweets, guidés par l’émotion plutôt que par l’analyse de fond. Les universitaires n’échappent pas à cette évolution largement exacerbée par les réseaux sociaux. Le problème ici c’est qu’Antoine Petit a été l’un des rapporteurs d’un des groupes de travail. Il a été fait une confusion, soigneusement entretenue, entre le contenu des rapports et celui du projet de loi LPPR.

Le second point intéressant est un billet du collectif RogueESR daté du 10 février dernier (lire ici). Ce texte a été largement repris par divers autres collectifs sur la toile (SLU, sur le blog de Pascal Maillard, pour ne citer que les plus actifs). Dans cette tribune, le collectif RogueESR propose une analyse d’une « version courte du projet de loi datée du 9 janvier 2020 ».  Le collectif laisse aussi penser qu’il connait aussi une version plus longue du texte du projet de loi, postérieure au 9 janvier, qu’il commente également. On se demande un peu pourquoi le collectif ne cite pas les sources des documents en question ou des extraits pour appuyer leurs analyses, comme il est d’usage dans le monde académique. D’après mes propres informations, qui peuvent être bien entendu parcellaires, la « fuite » aurait été un sommaire d’une page avec juste des titres d’articles (source AEF). Le collectif RogueESR aurait-il eu accès à un document plus conséquent ? Si oui, pourquoi le contenu n’est pas cité pour appuyer leurs analyses du texte ? Ce texte existe-t-il vraiment ou bien le collectif RogueESR est-il dans une démarche de vaste manipulation de la communauté universitaire ? Dans ce même texte, le collectif RogueESR dit « L’Université et la recherche méritent respect, éthique intellectuelle, transparence et intégrité, toutes valeurs qui fondent nos traditions académiques et que nous entendons défendre et incarner ». J’invite donc le collectif à se mettre également en phase avec les valeurs qu’il revendique et nous donne des explications quant aux sources de leur tribune. La remarque pourrait aussi s’adresser au Groupe Vernant, qui nous présente le sommaire d’une « version stabilisée de la LPPR » (lire ici, texte daté du 24 février), hélas sans citer la moindre source.

La récente polémique est au sujet du pacte productif, suspecté par certains d’être en lien trop étroit avec la LPPR (par exemple lire ici pour le Groupe Vernant, ou ici sur le blog de Julien Gossa). Extrait : « L’idée est donc de concentrer les moyens de la recherche sur des « chaînes de valeur stratégiques » définies par « la qualité de la base industrielle en France, la situation du marché et les performances de notre recherche ». En clair, il s’agit de concentrer les moyens sur l’innovation à certains secteurs rentables décidés par le haut, au détriment de la recherche en général dont les thématiques sont décidées par le bas ». Bien entendu on peut s’interroger sur les articulations LPPR et le pacte productif, mais à ce niveau d’information (le contenu de la LPPR est encore inconnu), cela relève du procès d’intention. Lors d’une visite récente à la Cité de l’innovation et des savoirs de Marseille le 21 février, la Ministre dit: « Si votre question est de savoir si la LPPR va favoriser certains domaines technologiques pour être en adéquation avec le Pacte productif, la réponse est non ». Elle dit aussi « On entend beaucoup de choses qui visent à désinformer, à inquiéter ».

La ministre sur Cuicui, le 11 février 2020 : « La #LoiRecherche est parasitée par ce qui devrait pourtant être le plus éloigné du monde de la recherche: les rumeurs. Elle a été co-construite sur la base d’échanges permanents avec la communauté, afin que soit rendue à la science la place qu’elle mérite au cœur du débat public » (voir ici une petite vidéo de 2 minutes sur cette question, lors d’une séance aux questions au gouvernement à l’assemblée nationale).

Chacun sait ici que je suis une taupe du ministère, comme l’a révélé le très perspicace Monsieur Dubois le jour où il est venu faire caca dans mon blog, ou un dégueulis macroniste d’avant l’heure comme le pense le groupe Vernant sur CuiCui. Il est évident que la ministre est un peu agacée par tous ces procès au sujet de cette loi au contenu encore inconnu. Peut-être devrait-elle publier des démentis à chaque tribune noniste ? Je vais lui chuchoter ça à l’oreille …