Information venue cette semaine d’Allemagne, qui, à défaut de construire des moteurs diesel émettant un peu moins d’oxyde d’azote, a pris une initiative originale pour l’accueil d’étudiants réfugiés. Nous avons déjà évoqué ce thème il y a peu, notamment après l’appel de quelques universitaires français (lire ici). La démarche allemande, rapportée hier par L’Opinion, tranche avec ce dont nous avons discuté qui évoquait des mesures à prendre dans les universités existantes. Les Allemands proposent au contraire la création d’un établissement-sas spécifique permettant aux étudiants réfugiés de s’insérer à terme dans le système universitaire conventionnel.
Le journal rapporte que ce projet est né de l’imagination de deux « entrepreneurs sociaux », Vincent Zimmer et Markus Kressler, qui ont acté son lancement la semaine dernière, après y avoir réfléchi pendant un an. L’Université Kiron est un établissement entièrement virtuel, spécialisé dans les cours de premier cycle, et fonctionnant par l’offre de MOOC. Ceux-ci sont retransmis en provenance d’universités du monde entier mais le service de Kiron consiste à réaliser le sous-titrage en 26 langues différentes, et en particulier en arabe car 80% des 100 étudiants inscrits sont d’origine syrienne. Kiron met aussi à disposition des locaux équipés d’ordinateurs ou des portables pour que les étudiants suivent les cours, d’abord concentrés sur l’ingéniérie, le management, l’informatique, l’architecture, les langues ou les « études interculturelles » (ce qui fait très « cours interdisciplinaire à la NVB »!). Selon le principe de nombreuses autres formations à distance ou à temps partiel, les étudiants ont aussi la possibilité de se rassembler quelques semaines à Berlin pour des séminaires et autres évènements. Leur formation porte sur les deux premières années de licence, et à partir de la troisième ils doivent pouvoir intégrer une véritable université partenaire, qui sont actuellement au nombre de quinze. Il y a parmi elles des universités hors d’Allemagne, une britannique, une américaine et aussi, de façon intéressante, une grecque et une turque, situées donc dans les pays d’entrée et qui permet aux migrants de s’informer en chemin sur leurs possibilités. Le plus gros effort semble être fait par l’université technique d’Aachen qui s’est engagée à prendre près de la moitié de la première promotion, sous condition de maitrise de la langue et de validation des deux premières années d’acquis.
Kiron est financée par dons des fondations philanthropiques et des particuliers, et a déjà de quoi alimenter 150 bourses. A l’avenir elle inviterait ses diplomés à reverser une cotisation de 5% si leur salaire annuel dépasse les 30000 euros.
L’idée d’un établissement-sas spécifique parait assez séduisante. On pourrait d’ailleurs se demander si les universités françaises existantes, peut-être en s’associant, pourrait créer un système semblable qui a aussi le mérite de procéder par étapes: les deux premières années dans le sas, la troisième dans la « vraie » université. Ce pourrait être aussi un moyen de permettre des parcours accélérés, où des qualifications déjà acquises peuvent être vérifiées, et où l’enseignement linguistique peut se faire de façon plus intensive. A voir, donc, à moins que le snobisme germanophobe qui a repris ses lettres de noblesse en France ne décourage encore l’étude d’une initiative venue d’ailleurs?
8 commentaires
Comments feed for this article
22 octobre 2015 à 15:04
FUBAR
Chez nous apparemment (discussion en conseil d’UFR), on s’achemine vers la mise en place d’une année de FLE + 2 cours de la discipline visée par les étudiants réfugiés donnant lieu à 60 ECTS (je crois) et permettant de s’inscrire en L1 ensuite avec des équivalences. Nul ne sait combien de personnes ça va concerner, ni dans quelles disciplines.
22 octobre 2015 à 23:49
Astronaute en transit
Voila au moins un projet! Qui sait si cela aboutira, mais cela parait au moins une action concrète à proposer. Peut-être que les intrépides pétitionnaires ont aussi affiné leurs réflexion depuis?
23 octobre 2015 à 13:16
Poutine4ever
Formidable comme l’ESR est inventif pour trouver des solutions pour des ressortissants n’ayant payé un seul euro d’impôt sur le territoire. Sans parler du reste (service national etc).
J’imagine que pour satisfaire à l’autonomisation le Qatar et le royaume des Saoud ont des idées questions financements ?
23 octobre 2015 à 14:24
FUBAR
@Poutine4ever: On peut effectivement imaginer une sélection censitaire à l’entrée de l’université… Blague à part, il ne me semble pas totalement inepte que des départements de FLE dont c’est le métier contribuent dans une mesure raisonnable à faire en sorte qu’une partie de ces réfugiés tentent une intégration, même temporaire. Je dirais même que politiquement on leur doit bien ça vu qu’on est un peu beaucoup pour quelque chose dans la situation actuelle qui prévaut au Moyen-Orient. Entre ça et claquer du pognon à faire marcher nos avions de chasse, je ne suis pas certaine d’hésiter très longtemps.
23 octobre 2015 à 19:04
Rachel
Dans la mesure où ces réfugiés ne repartiront certainement pas, le pays d’accueil à tout intérêt à dépenser un peu d’argent pour favoriser l’intégration.
24 octobre 2015 à 09:00
Astronaute en transit
Où on pourrait explorer cette voie allemande, rechercher des mécènes, de façon à ce que ce genre d’initiative ne soit pas entièrement à la charge des pôvres universités.
Soit dit en passant, si payer des impots et faire son service militaire donne des droits inaliénables dans l’université publique française, j’ai fait tout ça et j’ai quand même été viré au profit d’enseignants fonctionnaires.
Si je n’étais pas Astronaute, et ayant donc la possibilité d’aller voir sous d’autres cieux, je pourrais aussi me considérer comme un réfugié en France. De fait, je me suis réfugié à l’étranger!
24 octobre 2015 à 10:51
FUBAR
http://www.theguardian.com/world/2015/oct/23/uk-universities-offering-lifeline-to-syrian-academics-refugees
25 octobre 2015 à 11:26
Astronaute en transit
@ Fubar: merci pour ce lien! C’est intéressant sur le plan historique de remarquer à quel point le Committee for At Risk Academics continue ses activités depuis 1933. L’article soulève aussi une question toujours délicate pour les férus d’égalitarisme: cette démarche ne représente-t-elle pas un traitement de faveur pour les réfugiés les plus qualifiés et susceptibles de trouver leur place dans les universités des pays d’accueil?
Je dirais qu’on évoque ici un cas de figure un peu différent du projet de l’Université Kiron (CORRECTIF: je m’aperçois qu’une faute de frappe m’a fait indiquer 100 inscrits, alors que c’est 1000; excuses galactiques!)
L’intégration et la formation des réfugiés présente naturellement des défis de nature différente. Il y aura d’une part certains, dont les qualifications sont déjà évidentes, et renforcées par l’existence d’attaches dans le pays d’accueil (c’est le cas des étudiants et universitaires aidés par le CARA britannique) d’autres ont encore besoin d’acquérir ces qualifications, ou doivent faire valider celles de leur pays d’origine (ce peut être ici le travail de Kiron)
Je remarque aussi, dans ces deux cas de figure, à quel point les initiatives et engagements individuels restent primordiaux pour mettre en branle ces opérations. Comme nous en parlons sur l’autre fil au sujet d’une éventuelle implication des universités dans le formation continue et professionnelle, cela fait tilt!