Le concept semble bien fonctionner si on en croit la multiplication de l’opération ici et là, dans le cadre de doctoriales ou de concours régionaux. Le principe est simple : le doctorant doit raconter sa thèse en 180 sec avec comme support une seule slide, devant un auditoire souvent scientifique mais très divers (de la biologie, des SHS, des maths …). Ce n’est évidemment pas un exercice facile car une thèse est consacrée à un sujet hyper-spécialisé souvent inaccessible au commun des mortels.
Bien entendu le concept fait grincer des dents et on entend ici et là les donneurs de leçons nous expliquer qu’une thèse ne peut pas être expliquée en 180 secondes et qu’on verse là dans la « science spectacle », l’artifice, pour ne pas dire la pitrerie. C’est par exemple le cas de Guy Birenbaum dans une chronique sur Le Huffington Post (lire ici).
Monsieur Birenbaum est docteur et nous explique doctement que sa soutenance a duré 4 heures (avec une pause pipi). Je pense qu’il n’a certainement pas compris que l’opération « thèse en 180 secondes » ne correspond en rien à une soutenance de thèse, mais un exercice de style, un « défi » qui ne se fait pas juge de la qualité des travaux mais cherche à travailler un « emballage ». Pour lui, cette opération est « totalement cosmétique et artificiel, une ineptie cumulant les trois faillites de notre époque: la vitesse, le vernis et la communication ». […] « Dans cet univers étourdissant d’accélérations, de clashs et de crashs permanents, il reste quelques espaces préservés, dont la recherche, où la vitesse, le pitch, le vernis, la communication, le « paraître ne sont pas les valeurs qui dominent. Peut-on continuer à leur donner le temps? ». Nul doute qu’il trouvera son public. Le plus drôle c’est qu’il est (ou a été) chroniqueur radiophonique, dont une qui s’appelait « Deux minutes net » sur Europe 1. Deux minutes, c’est 120 secondes, pas 180, certes …
Pour ma part, j’encourage mes doctorants à savoir raconter leur sujet et travail de thèse sous différents formats, dans différentes configurations (1) raconte ta thèse à ta grand-mère (2) raconte ta thèse à tes amis autour d’une bonne bière (3) raconte ta thèse à un directeur de labo qui peut avoir un poste à pourvoir prochainement (4) raconte ta thèse au meilleur spécialiste du domaine dans le couloir d’une conférence internationale (5) etc …
42 commentaires
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29 mars 2014 à 23:40
François
C’est peut-être une manœuvre pour essayer de détecter les fraudes qui vont vraisemblablement se développer si ce diplôme prend de l’importance (plagiat, thèses écrites moyennant finances par des sociétés spécialisées, échange de bons procédés avec des patrons de thèses, etc.).
N’oublions pas qu’en Allemagne deux Ministres d’A. Merkel qui avaient obtenu leurs thèses de façon contestable ont été obligés de démissionner du gouvernement pour cette raison..
30 mars 2014 à 00:44
matheux
Bonsoir,
Je suis doctorant en maths pures ; ça fait un an que je suis votre blog avec grand intérêt, sans être d’accord avec tout, mais tout de même en phase sur pas mal de points.
Mon avis sur la question rejoint très clairement celui de Guy Birenbaum : voilà bien toute une époque résumée dans ce genre de trucs, entre mépris du savoir et du bon sens, communication, vitesse à tout prix et « esprit positif » (c’est-à-dire la suite logique de slogans comme « le bac à 80% » : tout le monde peut tout faire, pas besoin de travail…). Il a raison : la recherche, le savoir ont besoin de temps et de travail ! C’est sûr que c’est pas vendeur et que ça ne convient pas à l’esprit libéral de notre époque…
Dans la pratique, ça paraît quand même difficile dans beaucoup de disciplines, dont la mienne : on a besoin de maîtriser beaucoup de concepts, de définitions, etc. avant de pouvoir avoir une idée même vague d’un sujet de thèse ! Sans parler de l’abstraction, les maths sont une discipline cumulative : pour comprendre ce qu’on fait à un niveau donné, il faut avoir bien compris ce qui se fait aux niveaux précédents. Pour ma part, expliquer mon sujet en 180 secondes à des gens qui sont en L3 maths me paraît jouable, ça me paraît très difficile face à des terminales S, et clairement impossible face à quelqu’un qui ne connaît rien aux maths et qui en général ne s’y intéresse pas (d’ailleurs, quel est l’intérêt ?).
Peut-être que c’est possible dans des disciplines basées sur quelque chose de plus concret, comme la biologie, mais même dans ce cas-là, ce n’est pas en 180 secondes qu’on peut faire comprendre suffisamment de choses (même à un niveau modeste).
D’aucuns me diront qu’il s’agit de vulgariser ; certes, mais on peut tout de même le faire plus intelligemment, non ? Si quelqu’un s’intéresse à un sujet, il n’aura certainement pas envie d’un blabla forcément vague, creux et en somme publicitaire ; il préfèrera prendre vraiment un peu de temps pour tenter de comprendre.
@Francois : vous pensez qu’il s’agit de détecter les fraudes. Au vu de ce que je viens de dire, ça ne détecte rien du tout : un très bon doctorant peut être incapable de vendre son sujet en 3 minutes comme un paquet de lessive, alors qu’on peut être mauvais thésard mais bon vendeur ! En plus, comme on reste forcément à un niveau assez basique dans un oral de ce genre, c’est pas là qu’on verra la compétence scientifique du doctorant. En principe, y a un truc pour ça ; ça s’appelle une « soutenance de thèse » (quand ça n’est pas plus ou moins truqué !). De nos jours, on a même des « comités de suivi de thèse » annuels pour ça ; encore faut-il que ses membres ne soient pas des amis du directeur de thèse…
30 mars 2014 à 12:22
Rachel
@Matheux, bienvenu dans la discussion. Je suis bien d’accord avec le fait que la recherche nécessite du temps. Mais là on est sur un tout autre exercice et je trouve un peu déplacé de le mépriser, ça revient à dire la masse ignorante qui n’aurait pas le droit d’avoir un peu d’ouverture sur tel ou tel sujet (masse ignorante = moi incluse en ce qui concerne les maths pures). Et si, lors d’une rencontre je vous demandais « et vous, vous faites quoi comme recherche ? ». Vous me répondrez que « holala c’est trop compliqué pour que je vous l’explique comme ça en 3 minutes ». Mais le problème c’est je n’ai nulle envie de maîtriser beaucoup de concepts ou les définitions des maths pures, ni d’y passer trois plombes, je veux juste savoir sur quoi vous bosser … no way ?
30 mars 2014 à 12:33
Astronaute en transit
Une présentation avec une seule slide, pourquoi pas?
Ne suffit-il pas de faire tenir dessus le plan, ainsi que l’idée fondamentale défendue? ça devrait rentrer en A4…
30 mars 2014 à 12:35
itgugue
Crise des valeurs et du recrutement universitaires, apparition de concours absurdes et abêtissants : relire Horace McCoy…
30 mars 2014 à 15:23
MCF27 (de Marseille)
@Rachel: matheux soulève quand même un point intéressant et je ne crois pas qu’il fasse preuve de mépris. Il dit simplement qu’il est des sujets qu’on ne peut rendre accessible comme cela à tout un chacun. Derrière cela pose la question aussi de l’utilité, de l’application possible (ou souhaitable ?) d’une recherche, qui la rendrait « grand public ». Je sens l’astronaute et autres camarades libéraux (au sens actuel) s’agiter sur leur siège car une recherche qui ne servirait à rien mérite-t-elle qu’on finance des STATUTAIRES A VIE ??!! (sur VOS impôts ma bonne dame).
Mais au delà de ça, peut-être faut il la jouer modeste, et se dire qu’on ne pourra jamais vraiment vulgariser un sujet de thèse, très précis, très spécialisé mais plutôt le contexte. Si un tel fait une thèse en théorie des nombres alors peut il juste sortir quelques banalités (c’est le revers de la médaille des 3 minutes) sur les nombres premiers et quelques formules un peu « magiques » quand on découvre les maths (la somme des inverse des carrés des entiers vaut pi carré divisé par 6… voilà un bon énoncé qui se dit et se conçoit en moins de 10s). Donc oui Rachel, 3 min pour intéresser les profanes (aucun mépris de ma part dans ce terme je précise) c’est bien mais ne pas prétendre à la profondeur (vous ne l’avez pas écrit cela dit).
30 mars 2014 à 15:35
MCF27 (de Marseille)
@Rachel: en fait j’aimerais vous poser une question. Vous parlez de défi à faire un bel emballage mais quels intérêts verriez vous à ce genre d’exercices qui se multiplient (exemple des TED aussi) ? Raviver la curiosité du grand public pour suppléer la nullité des média (à part le type du monde qui fait un super boulot) ? Ou autre chose encore ?
30 mars 2014 à 15:48
Rachel
@itgugue, vous êtes de la génération twitter ? Si votre tweet a une quelconque profondeur, ça serait bien de développer un peu (ici on a de l’espace et du temps …).
@MCF27, je n’ai pas compris ça dans le commentaire (intéressant) de @Matheux. Je pense qu’il parlait en général et non de sujets particuliers qui seraient plus difficiles à expliquer (et d’ailleurs en quoi seraient-ils plus difficile à expliquer). Je ne pense pas non plus qu’on soit là sur le thème de sujets fondamentaux dont l’utilité pratique n’est pas évidente. On peut parfaitement expliquer un sujet dans un contexte d’avancée des connaissances (pures, ou qui ne servent à rien à l’économie).
Évidemment qu’on ne peut pas prétendre à la profondeur en 3 min, ce n’est pas le but recherché. Mais provoquer l’intérêt est déjà beaucoup. Après on peut creuser et prendre le temps qu’il faut. Faut toujours un début à tout.
Pour votre question, je pense que j’ai déjà répondu => mon dernier paragraphe du billet.
30 mars 2014 à 16:09
Marianne
@matheux
Ben à mon avis j’imagine qu’en trois minutes sur un sujet pointu on peut juste présenter le contexte…..En gros, si vous faites de la geodiff par exemple, expliquer quels sont les objets étudier…J’ai un copain qui s’intéressait aux variétés riemmaniennes à courbure constante et qui disait qu’il s’intéressait aux bulles de savon…et une nana qui s’intéressait à la théorie des valeurs extrêmes racontait à ses potes que c’était utile pour dimensionner les barrages…C’est compréhensible par tout le monde…mais après c’est un peu compliqué quand on vient vous demander votre avis sur la politique d’EDF ou qu’on vous demande si après votre thèse vous envisagez de travailler chez l’oréal (ben la mousse des shampoings, y a pas à dire c’est tout plein de bulles)….Après quel est l’intérêt de l’exercice puisqu’on ne pourra pas forcément faire passer les enjeux de ce qu’on étudie?
Les bulles de savon ça fait nettement moins sérieux que les inégalités isopérimétriques….
30 mars 2014 à 16:19
MCF27 (de Marseille)
@ Rachel: « Je pense qu’il parlait en général et non de sujets particuliers qui seraient plus difficiles à expliquer (et d’ailleurs en quoi seraient-ils plus difficile à expliquer) »
Franchement vous croyez vraiment que tous les sujets se valent en terme de facilité de vulgarisation (à temps constant) ??? Reconnaissez quand même que certaines disciplines sont favorisées (en moyenne), de par certaines facilités intrinsèques à comprendre les phénomènes (parce que ça parle au sens commun) mais aussi de par une certaine habituation des media qui ressortent toujours les mêmes thématiques sensationnalistes (« pourra-t-on bientôt lire dans les consciences grâce à l’IRM ? »).
30 mars 2014 à 16:51
itgugue
La grande Dépression, les marathons de danse : « On achève bien les chevaux ».
30 mars 2014 à 17:40
Rachel
@MCF27, d’accord, un sujet est plus ou moins facile pour en faire une synthèse de 3 min. Mais quand même, quelqu’un qui n’est pas capable d’expliquer ce qu’il fait en 3 min, c’est certainement que son sujet de thèse est trop compliqué pour lui et dans ce cas, il ferait mieux d’arrêter.
Après réflexion, je pense que le concept est définitivement intéressant et pourrait remplacer avantageusement la soutenance traditionnelle, qui barbe tout le monde tant c’est trop long. 3 min, deux questions (au max !) et hop on passe au pot.
30 mars 2014 à 18:02
MCF27 (de Marseille)
@Rachel: très juste pour la soutenance. Idem pour les conférences et d’ailleurs et il n’y aurait même plus besoin de se déplacer à l’autre bout du monde puisque tout serait en ligne.
30 mars 2014 à 18:03
Astronaute en transit
@ MCF27, je ne m’agitais pas encore, mais vous me donnez des idées :)
Pour un historien de formation, faire une présentation aussi courte d’un sujet de recherche ne me paraît pas être la mer à boire. Qu’il y ait des disciplines et des problématiques plus complexes est une évidence. N’empêche, cet exercice se veut d’abord un essai de communication; c’est plutôt simple et ça ne demande pas un QI inhabituel; il n’est ni scandaleux ni dégradant pour divers professeurs Nimbus très fiers de leur-recherche-si-compliquée soient invités à le faire, ne serait-ce que pour rire!
La mentalité d’assiégés des fonctionnaires français de la recherche a au moins un côté divertissant…
30 mars 2014 à 19:00
MCF27 (de Marseille)
« La mentalité d’assiégés des fonctionnaires français de la recherche a au moins un côté divertissant… »
que voulez vous, nous avons une « fonction », avons signé un contrat à vie donc si on change un peu d’un iota notre mission (de service public soit disant mais vous comme moi ne sommes pas dupes, n’est ce pas), nous protestons.
Plus sérieusement, vos ponctuations aussi sont très divertissantes (même si je ne partage pas les idées). Un peu comme un personnage burlesque de Donald Westlake :-)
30 mars 2014 à 19:43
étudiant inquiet
J’aime beaucoup cette initiative, même si ça agace les partisans du plan en trois parties de trois sous-parties de trois sous-sous-parties comptant chacune un exemple, et avec une introduction en bonne et due forme (accroche, définition des termes du sujet, sources, bibliographie, problématique, annonce du plan).
On ne demande pas de faire une présentation de type conférence, mais de savoir présenter ses recherches à des non-initiés, qui peuvent être les membres du labo de l’autre côté du couloir, et qui ont un temps limité.
Je suis capable d’expliquer mes recherches en trois minutes et même dix secondes, tout dépend du niveau de détail et de l’interlocuteur. J’ai d’ailleurs toujours fait attention de choisir des sujets de recherche qui pouvaient être compris par tous, refusant les sujets trop ésotériques. Tous mes camarades n’ont pas cette préoccupation et s’engagent un peu – à mon sens – dans des voies sans issue.
30 mars 2014 à 19:44
Un assiégé
Quel est le but de ce « concept » ? Augmenter la culture générale de l’auditoire ou faire le buzz ? Je penche pour la deuxième option…
L’intérêt de l’exercice semble donc d’autant plus limité qu’à chaque thèse est associée un résumé, lisible en général en moins de 180 secondes. ;-)
M’enfin, faut bien animer les doctoriales, sinon, on risquerait de s’y ennuyer.
30 mars 2014 à 19:48
étudiant inquiet
Apparemment certains préfèrent la recherche-tour d’ivoire qui n’intéresse personne.
Tant mieux si ça fait le buzz !
30 mars 2014 à 19:51
Un assiégé
@ « étudiant inquiet »: il y a de quoi l’être en effet, si on choisit « ses sujets de recherche [de manière à] être compris par tous, [en] refusant les sujets trop ésotériques ». Je suppose que vous avez voulu dire autre chose que ce que vous dites effectivement…
30 mars 2014 à 21:17
FBLR
@Rachel
Plus difficile car plus long à entrer dans le sujet.
Quand pour pouvoir énoncer le travail de recherche il y a 300 à 500 mots à avaler, non, on ne peut pas vulgariser l’énoncé rapidement, sauf à dire des banalités.
Pour avoir fait cet exercice du temps où je me passionnais pour la géométrie algébrique, je vois bien de quoi @matheux parlait…
30 mars 2014 à 21:57
Rachel
Je comprends pourquoi j’étais nulle en maths, si les matheux ne savent pas expliquer leurs affaires simplement alors il n’y a pas d’issue possible.
Je comprends également que certains ne veulent pas faire d’effort vers la masse ignorante. Elle est ignorante et ne peut donc pas accéder à la finesse de pensée qui est développée dans une thèse (dans certaines thèses). La bonne science doit rester obscure, c’est entendu.
Je comprends également que les efforts de médiation scientifique est pour certains synonyme d’abêtissement, de versement dans le sensationnalisme, du slogan marketing marmonné en novlangue etc
31 mars 2014 à 00:04
FBLR
@Rachel
Rien à voir avec ce que vous dites: si l’écart entre rien et l’énoncé nécessite 100 pages d’idées, il devient très dur d’expliquer autrement qu’en faisant des banalités sur « ouais c’est génial ça permet de paramétrer autrement qu’avec des coordonnées classiques », parce qu’en pratique, expliquer d’où vient la cohomologie motivique sans avoir expliqué les intuitions géométriques et arithmétiques, puis quelques sorites sur les différents résultats et intuitions du XIXème, on arrive à rien en 3min.
Et pourtant même au sein de certains domaines « ésotériques » on trouvera sans peine des sujets vulgarisables, par exemple en théorie des nombre ou en algèbre des corps finis – code correcteur, etc.
Pour d’autres pans des mathématiques, tels que les probabilités ou le calcul stochastique que je pratique désormais il n’y a aucun problème pour être pertinent en 3minutes voire même moins.
Mais j’insiste, si pour poser un énoncé il faut 300 mots de *vocabulaire* (je n’ai pas dit 300 mots de démonstrations ou d’énoncés…) pour pouvoir comprendre là où réside la finesse étudiée par le chercheur, c’est une escroquerie intellectuelle de faire croire que l’on peut le résumer en 3 minutes. Sans un aucun mépris pour la masse d’ailleurs.
31 mars 2014 à 05:04
Georges Henry
Woody Allen prend des cours de lecture rapide. On peut lire ‘Guerre et Paix’ en 5 minutes. Ca parle de la Russie.
31 mars 2014 à 09:38
Astronaute en transit
Je ne sais pas si l’exposé de thèse en 180 secondes va faire le buzz mais j’ai bien l’impression de l’avoir fait avec le concept de « fonctionnaire assiégé » :)
31 mars 2014 à 15:07
Helios
j’ai passé ma thèse de maths pures il y a bien longtemps. Et je pense que tous les exposés, en 180 secondes ou en 4 heures, sont secondaires. Ce qui compte c’est évidemment le texte de la thèse.
Mais l’exposé en 180 secondes ça peut être intéressant comme exercice pour une thèse en vulgarisation scientifique, si ça existe (l’exercice étant : « comment donner l’impression aux gens qu’ils ont compris quelque chose le plus rapidement possible ? »). J’avoue que je serais probablement un mauvais jury, je pense toujours que je n’ai pas bien compris.
31 mars 2014 à 18:59
Rachel
@Helios, ce qui compte c’est le texte de la thèse ? ah là vraiment tout le monde n’est pas d’accord. D’ailleurs on sait bien que « une thèse c’est pas fait pour être lu, c’est fait pour être écrit »
(merci à Arctangente pour la phrase d’anthologie …)
31 mars 2014 à 23:04
Krokodilo
En lisant le titre, j’ai cru qu’il s’agissait de faire sa thèse en 180 secondes (!) à l’aide de MOOC et de logiciels experts (en copier-coller),ou que le « Human brain project » donnait déjà des résultats étonnants. J’ai trop lu de SF !
31 mars 2014 à 23:47
FBLR
@Georges Henry
il ne s’agit justement pas de « lire », mais de révéler l’intrigue. Et 3 minutes suffiraient amplement pour Guerre et Paix.
Par contre croire/faire croire que l’on peut expliquer/motiver la théorie des cycles évanescents et le formalisme des 6 opérations de Grothendieck dans le monde motivique (thèse de J. Ayoub) en 3min, oui, ça relève de l’escroquerie intellectuelle.
1 avril 2014 à 09:39
PR27
L’exercice est intéressant et en 3 minutes on peut dire des choses. Ce sont des exercices qu’on fait classiquement devant des posters, dans des congrès pour des passants qui veulent une version courte de l’exposé, et ensuite on fait plus par questions/réponses. Idem à des journées d’école doctorale. Bref, rien de bien original, sinon que filmer/mettre en ligne est un progrès, probablement.
Par contre, il peut prend un tour marketing et participe de l’air ambiant, en renversant la responsabilité du succès de la communication : ça n’est pas à l’auditeur d’être concentré, d’avoir les connaissances prérequises, d’avoir la ténacité nécessaire à suivre un exposé long. Au contraire, le spectateur visé est volage, vous ne savez rien de ses connaissances préalables et ne pouvez l’interroger là-dessus, il ne fait que passer et vous n’avez que 3 minutes pour le séduire, il est déjà bien aimable de vous accorder un peu de son précieux temps. C’est conforme à bien des processus actuel : si vous faites une activité de qualité mais pas de propagande, vous n’êtes pas « visible » et c’est mal. Ca n’est pas la faute des gens qui n’ont pas fait correctement leur bibliogaphie, bien sûr, mais la faute de celui qui n’est pas allé se vendre partout.
1 avril 2014 à 20:49
DM
Autant je me sens assez capable d’expliquer rapidement les finalités pratiques de mes recherches, autant il me semble difficile d’expliquer au grand public ce sur quoi je travaille précisément (c’est-à-dire la valeur ajoutée que j’apporte par rapport à l’état de l’art, ce que j’aimerais faire, etc.).
@Astronaute: Excusez-moi, mais il y a de l’indécence pour un « historien de formation » à venir faire la leçon à un matheux pur en ce qui concerne la vulgarisation.
Quant à votre obsession pour les professeurs Nimbus fonctionnaires, allez au MIT ou à Princeton au département de maths pures, et demandez à avoir une présentation des recherches en 180 secondes. Ils ne sont pas fonctionnaires, mais ça ne sera pas différent.
1 avril 2014 à 21:11
DM
@FBLR: Je pense que sur ce genre de sujets, le seul résumé que l’on puisse faire est « j’étudie rigoureusement des objets très abstraits et c’est très dur ».
1 avril 2014 à 22:18
FBLR
@DM
Oui c’est exactement mon point.
A titre perso j’avais une parade, j’expliquais la classification des surfaces de Riemann compact (en gros classable par nombre de sphères/nombre de trous) pour expliquer le concept de « coordonnées généralisées ».
Mais expliquer mon mémoire de DEA (aspects motiviques du Pi{1} de la P1-{3 points}, conséquences sur les multizetas) c’était déjà impossible en 3min alors la thèse…
Mais après je comprends tout à fait l’importance de la vulgarisation. Juste là faut prévoir plutôt 40 min à 1h pour que ça soit possible, avec un auditoire pas trop ignares sur certains concepts mathématiques (sinon le niveau d’abstraction requis et la quantité de pré-requis à avaler pendant la séance de vulgarisation pourraient être roboratifs)
1 avril 2014 à 22:43
Astronaute en transit
@ DM, je parlais juste pour mon cas; je ne prétend aucunement « faire la leçon » aux autres disciplines y compris les matheux purs, vous m’avez mal lu. Et après tout ce temps, vous ne devriez pas me prendre si au sérieux…
1 avril 2014 à 22:45
FBLR
Au fait David, très courageux ton choix de rendre ton ERC, maximum respect pour ça:
http://david.monniaux.free.fr/dotclear/index.php/post/2014/04/01/Ras-le-bol-de-l-ERC
2 avril 2014 à 00:22
Marianne
Et l’audition CNRS c’est pas ta thèse en trois minutes mais en six….Les gens s’y connaissent mieux mais c’est quand même carrément naze….
2 avril 2014 à 00:23
FBLR
@Marianne
De ce que je crois comprendre tout est joué d’avance au CNRS de toute manière… :-)
2 avril 2014 à 01:02
Marianne
Bah ça c’est vrai…D’ailleurs cette année en maths, ils ont pas fait d’audition en DR…Plus facile….
2 avril 2014 à 03:27
MCF27 (de Marseille)
@DM: ah mince, j’ai failli y croire pour votre ERC, figurez vous que je me pose (sérieusement) la même question pour ma plus modeste ANR… je commençais à rêver: « on pourrait initier un mouvement de rébellion contre ce système de merde etc etc » :-)
4 avril 2014 à 13:12
arctangente
180 secondes c’est bien
une ligne, c’est mieux !
http://lolmythesis.com
5 avril 2014 à 20:36
Benoît
Même s’il y a bien entendu un effet de l’air du temps (qui s’écoule de plus en plus vite), l’intérêt principal de cet exercice ne me semble pas résider dans son résultat, mais dans la démarche ayant permis d’y parvenir. C’est d’ailleurs, selon moi, l’essence même d’un exercice. Le doctorant, ayant la tête dans le guidon et pouvant s’éparpiller, doit se poser la question sur ce qu’il fait vraiment, et essayer d’en extraire l’essentiel. C’est forcément difficile et cela demande du temps (le voilà, ce temps de la réflexion difficile tant aimé). Perso, devoir écrire des articles avec un nombre de pages très limité et faire des présentations très brèves à des béotiens m’a permis de voir mes recherches autrement.
15 avril 2014 à 07:31
Ma thèse en 180 secondes | Olivier Bouba-Olga
[…] Gaia Universitas avait expliqué que certains grinçaient des dents face à ce type d’initiative, notamment Guy Birenbaum dans cette chronique, qui demande à ce que l’on continue à donner du temps aux chercheurs. […]
20 avril 2014 à 11:38
strazny
– C’est quand même un concept super sympa, qui fait penser à The Voice et autres variétés du même genre (qui continuent à voir le jour dans la lignée du petit conservatoire de Mireille). Et peut-être que ces 180 secondes pourraient se faire en chantant, avec un refrain (reprenant le titre de la thèse), et chaque couplet consacré à l’un des chapitres de la thèse…
Avec un beau plateau de télévision, quelques paillettes, l’éclairage qu’il faut et un animateur vedette, je suis sûr qu’en retour, les inscriptions en doctorat – et le recrutement des jeunes chercheurs sur le marché du travail – connaîtraient une croissance exponentielle. Faire un doctorat ferait rêver toute la jeunesse de ce pays, dès la sortie du lycée. Il reste juste à trouver un titre accrocheur pour le concept (en anglais de préférence, genre : « The Thesis Race », « PhD-Academy », « Doctorat Top Chef »… mais ce ne sont là que des suggestions ! Une étude marketing s’impose en la matière.).
– Dans la même veine que ce qu’écrit ici @Georges Henry, on peut noter que la Critique de la Raison Pure peut aussi se résumer très facilement : « l’homme ne peut pas savoir si Dieu existe ou n’existe pas, mais on peut toujours y croire » (la deuxième phrase est plutôt un résumé de la Critique de la Raison Pratique, on pourrait donc se limiter à la première…). Lire le bouquin prend toutefois un peu plus de temps que ça. Et l’écrire aura demandé à Kant une grande partie de sa vie. Je ne sais pas si son h-index était élevé, mais en ces temps de renouveau des prétentions religieuses, ce texte reste (hélas) d’actualité. Quant à savoir si Kant aurait accepté d’être un homme de télévision (ou de se promouvoir sur youtube en 180 secondes), il y a lieu d’en douter. Mais ça aurait été plaisant à voir…