Pour Terra Nova, une difficulté majeure de l’université « a été l’accueil par les universités d’un nombre croissant d’étudiants. Certes mal vécue par le système, il s’agissait en réalité d’une opportunité qui a été très mal gérée faute de moyens et de méthodes pédagogiques adaptées » (Contribution au projet 2012, faire réussir nos étudiants, faire progresser la France : propositions pour un sursaut vers la société de la connaissance, lire ici). Terra Nova parle ici de la conséquence de la « massification » qui a suivi la politique du 80 % d’une classe d’age au bac. Cet accueil massif d’étudiant, Terra Nova ne le rejette pas : « La réussite du plus grand nombre n’est pas incompatible avec un système sans sélection dès lors que l’orientation fonctionne bien et que les établissements ont les capacités d’encadrer les nouveaux publics ».

A mon sens, l’accueil « massif » d’étudiants n’est qu’une partie du problème. L’autre partie est l’extrême diversité du public. On y trouve des étudiants avec un niveau vraiment faible, objectivement incapable de réussir les parcours proposés à l’université. Inversement, et malgré les multiples possibilités de contournement de l’université, on y trouve aussi de bons et très bons étudiants qui n’apprécient pas l’ambiance de compétition des autres filières. Ainsi se pose une question majeure, qui est rarement abordé à l’université: comment faire réussir les étudiants avec un public aussi hétérogène ? Impossible, bien entendu …

Terra Nova ne s’y trompe pas : « Les enseignants n’ont pas tous et pas toujours fait évoluer leurs méthodes face à l’arrivée de nouveaux publics de niveaux très hétérogènes »

« Face aux nombreuses difficultés, les universités ne peuvent plus accueillir dans des cursus uniques des étudiants de provenance et de niveaux très différents. L’hétérogénéité croissante du public et de ses demandes rend obsolète toute réponse uniforme qui certes a l’avantage de mutualiser les moyens, de simplifier les choix et les parcours, voire de donner une certaine impression d’égalité. Mais il s’agit en réalité d’un système extrêmement inégalitaire qui entraîne dans la spirale de l’échec les étudiants peu préparés, les moins motivés ou les plus faibles scolairement après le bac. »

« Les enseignants s’en trouvent désorientés : faut-il faire cours pour « ceux qui suivent » –souvent ceux qui ont acquis des codes et méthodes de travail grâce à un capital culturel transmis par la famille – ou pour les autres, au risque d’ennuyer et de démotiver les meilleurs en ne traitant qu’une fraction réduite du programme et de fournir ainsi des efforts importants pour de maigres résultats… Il en résulte que l’enseignant finit souvent par « enseigner dans la moyenne », ce qui n’est ni optimal pour les meilleurs, ni pour les plus faibles. Dans le système qu’il faut promouvoir, les meilleurs doivent pouvoir exprimer leur talent au plus haut niveau et les moins préparés aux études en universités acquérir vite les méthodes, les compléments de connaissance et la motivation pour réussir. »

C’est alors que Terra Nova avance des idées de réformes :

« Un entretien de niveau devrait déterminer les cours et modules de méthode les mieux adaptés en fonction de la filière de provenance, du dossier de l’étudiant et de sa motivation. Il est essentiel d’instaurer des parcours différenciés aux niveaux L1 et L2, selon des groupes de niveaux, avec un suivi renforcé pour rehausser le niveau des moins préparés aux études supérieures. Il serait préférable d’aller vers une différenciation sur les deux premières années pour permettre une remise à niveau efficace des plus faibles, répartie dans le temps ».

Mais je trouve que la proposition n’est pas claire. Quelle serait la finalité de cette différenciation ? Est-ce identifier les étudiants faibles afin de rehausser le niveau et leur permettre de devenir aussi bons que les autres ? Terra Nova ne parle de différenciation que pour les L1-L2 … et quid de la L3 ? On remet tout le monde ensemble et au final, les étudiants auraient tous la même licence ? Je doute fort que les étudiants faibles puissent rattraper leur retard, d’autant plus que le « groupe des bons » ne va certainement pas se tourner les pouces en attendant … je pense même que le différentiel va se creuser. Ou au contraire est-ce cela signifie implicitement l’instauration de deux licences de niveaux différents ? Dans ce cas, n’est-ce pas construire une université à deux vitesses ?

J’espère que les Terra Noviens auront l’amabilité de venir nous clarifier ce niveau L3 ou pointer le morceau de texte que j’aurais pu louper dans leur rapport…

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Pour lire ou relire les billets de Gaïa sur le thème de la licence: le verrou du premier cycle. Faut-il sélectionner les étudiants ? Faut-il rénover les pratiques studieuses ? En mai dernier, la CPU a ouvert son grand colloque, consacré au cycle licence. Le titre de ce colloque était « la licence, une ambition » . D’après la CPU, il faut oser la cohérence, diversifier les parcours. L’UNEF? de son coté, nous donne ses raisons de l’échec en licence. Mais que les conclusions de ce colloque paraissent décevantes ! Ceci dit, la rénovation est en marche, ça commence par un décret et la création de référentiels nationaux.