Le think tank Institut Montaigne a publié récemment un document intitulé « adapter la formation de nos ingénieurs à la mondialisation » (lire ici). La question majeure qui est posée est la suivante : la formation de nos ingénieurs est-elle adaptée pour faire face aux enjeux de la compétition mondiale ? Pour tenter de répondre à cette question, le document est présenté en trois parties :
- Comment favoriser les pratiques innovantes ?
- Soft Skills & éducation technologique
- Les approches croisées au service de l’innovation
Chacune de ces parties est conclue par des propositions concrètes pour une meilleure adaptation de la formation d’ingénieurs à cette fameuse mondialisation. Car il est vrai que certains se posent quelques questions sur les capacités (ou compétences) des formations d’ingénieurs à stimuler un état d’esprit propice à un développement des pratiques innovantes – voir par exemple le billet « les écoles d’ingénieurs sont-elles nulles ? (Le Point)– voir également nos billets « les grandes écoles sont trop petites », « pourquoi la R&D française est-elle si mauvaise ? ». Bien entendu il faudra comprendre qu’il y a un brin de provocation dans ces différents titres …
Dans le chapitre 1 du document, une sous rubrique est dévolue aux enjeux stratégiques du doctorat. Extraits:
- « Il manque aux ingénieurs français un sas, une étape de décompression, à la suite de leurs études très structurées, afin de leur apprendre à questionner les règles et coutumes établies, et ainsi sauter le pas de l’innovation », explique Maxime Marzin. La recherche et le doctorat peuvent jouer ce rôle.
- Pédagogiquement, faire de la recherche, c’est « acquérir des qualités et des compétences qui ne sont pas spécifiques au monde de la recherche : c’est oser aller plus loin pour créer », souligne Marion Guillou.
- C’est aussi, pour Cédric Villani, médaille Fields 2010, « faire preuve d’inventivité, de ténacité et de rigueur, c’est-à-dire autre chose que suivre des cours et de valider des examens ».
Ces petites phrases peuvent être taxées de « lieux communs » mais sont tout à la fois pleines de bons sens. Mais elles n’atteignent manifestement pas les dirigeants des grandes entreprises qui préfèrent de loin recruter des ingénieurs plutôt que des docteurs. Cela est vrai aussi pour les services de R&D (voir illustration ci-dessous), ce qui est fort étonnant et qui, à mon sens, explique en partie pourquoi notre R&D présente certaines faiblesses (lire notre billet sur le sujet ici). Pour faire de la recherche, parfois un chercheur c’est utile. Il faut oser le docteur !
Proposition du think tank : « Créer de véritables doctorats orientés vers l’ingénierie, sans pour autant reproduire le titre d’ingénieur-docteur, permettant aux ingénieurs d’acquérir la compétence « recherche » en l’appliquant à des domaines déterminants pour leur carrière industrielle future. Ces doctorats doivent être souples et permettre d’alterner périodes de recherche, d’enseignement ou d’expérience en entreprise tout en autorisant une création éventuelle de start-up. Cette étape pourra incarner le sas manquant favorisant l’innovation et l’entrepreneuriat. »
Le texte ne précise pas où seraient réalisés ces « doctorats orientés vers l’ingénierie ». Je pense qu’implicitement ils seraient portés par les écoles d’ingénieurs étant donné que seules ces écoles ont le droit d’utiliser les mots « ingénieurs » et « ingénierie » (voir à ce sujet la pitoyable polémique lancée par la CTI en réaction à un rapport de l’AERES sur l’éventualité de masters avec un label « ingénierie » qui seraient réalisés à l’université ! – lire ici et ici).
Pourquoi ne pas profiter de l’occasion pour concrétiser la grande ambition du rapprochement écoles – universités ? le rapport de l’institut Montaigne n’en touche pas mot …
62 commentaires
Comments feed for this article
8 mars 2011 à 09:17
étudiant frustré
http://www.phdcomics.com/comics/archive.php?comicid=910
8 mars 2011 à 11:15
François
Le rapport publié par l’Institut Montaigne contient un certain nombre de recommandations sensées, mais généralement peu originales et qui, pour beaucoup d’entre elles, ont déjà commencé à être mises en œuvre.
La partie « analyse » du rapport est souvent superficielle (se contentant de répéter quelques idées à la mode sans les valider) et contient pas mal d’erreurs.
Si on se concentre sur les licences , maîtrises, doctorats d’ingénierie une comparaison France-USA ne se réduit pas du tout à : en France 4% des ingénieurs font une thèse, alors qu’ils sont 15% aux USA comme le dit le rapport.
Sont décernés tous les ans aux USA en ingénierie :
– 68 000 bachelors (dont 63 500 Américains et 4 500 étrangers),
– 33 000 masters (dont 19 000 Américains et 14 000 étrangers),
– 7 600 PhDs (dont 3 000 Américains et 4 600 étrangers).
Donc si on ne tient pas compte de parcours croisés ingénierie-autres matières scientifiques :
– 70% des ingénieurs américains ne vont jamais plus loin que le bachelor en ingénierie (ils travaillent ensuite immédiatement, pas mal d’entre eux faisant ultérieurement un MBA),
– 30% vont jusqu’au master (en France 100%),
– moins de 5% jusqu’au PhD (en France on parle actuellement de 7% et non de 4% comme le dit le rapport, mais le chiffre exact est difficile à connaître, en particulier parce que pas mal d’ingénieurs français vont faire des doctorats à l’étranger).
(à suivre)
8 mars 2011 à 12:23
Rachel
Merci François pour ces chiffres, c’est très utile et de plus j’adore les chiffres ! pour ma part je trouve que certaines propositions de l’institut sont assez discutables ou manquent singulièrement d’esprit d’innovation, et si j’étais mauvaise langue je dirais que c’est un peu normal étant donné qu’il est écrit par des personnes sortant d’une (très) grande école (pardon, je peux pas m’empêcher …).
Pour le pourcentage de doctorants issus d’un cursus en ingénierie, il faut comparer ce qui est comparable. A mon sens c’est le pourcentage d’étudiants qui poursuivent en thèse ayant un master d’ingénierie (ou diplôme d’ingénieur). Ce qui ressort quand même c’est qu’il y a plus de deux fois plus de poursuite en doctorat aux US qu’en France (car pour les US, 5 % de doctorants issus de 30 % en master, ça fait quand même 15 % d’ingénieurs qui poursuivent en thèse, contre plmus de moitié moins en France … si j’ai bien compris).
8 mars 2011 à 13:00
François
D’accord avec le fait que 15% des masters en ingénierie américains font un PhD. Mais le nombre de masters en ingénierie obtenu par des Américains est dérisoire (19 000 par an pour un pays de plus de 300 millions d’habitants, par rapport à la population, c’est 6 ou 7 fois moins qu’en France où 25 000 ingénieurs français bac+5 sont diplômés tous les ans!).
Compte tenu de ces chiffres, quand veut juger l’influence des ingénieurs sur l’innovation en France et aux USA, il paraît plus exact de comparer la population de bachelors en engineering (68 000) à celle des ingénieurs diplômés (30 000 pour 5 fois moins d’habitants).
Plus globalement, si on compare les populations de docteurs scientifiques, on est à peu près au même niveau dans les deux pays (6 000 en France, 25 000 aux USA).
Ceci montre bien que le problème des doctorats en France est qualitatif et non quantitatif.
PS. J’ignore le chiffre d’ingénieurs diplômés dans le 6 000 docteurs scientifiques français (1 500 ?).
8 mars 2011 à 13:02
François
Institut Montaigne, AERES, CTI, etc. (suite).
Les licences / maîtrises d’ingénierie.
De nombreuses études récentes témoignent d’un bon consensus international sur les composantes qui doivent entrer au XXIème siècle dans la formation d’un ingénieur : solide base scientifique, spécialisation n’excluant pas un certain niveau de pluridisciplinarité (allant au delà des matières scientifiques et techniques), ouverture à la recherche et à l’international, connaissance de l’entreprise, formation comportementale grâce à des mises en situation lors de projets et de stages, …
Or le paragraphe suivant de l’étude AERES est passé inaperçu :
« La formation académique. Ce modèle est celui qui prédomine dans les disciplines fondamentales : mathématiques, physique, biologie, sciences de la Terre et de l’univers, etc. Dans ce « modèle académique » l’activité non seulement principale mais en fait quasi unique est la maîtrise d’une spécialité. Les mathématiques générales y sont encore présentes, en tout cas en première année, mais aucune science n’est enseignée en dehors de la spécialité et les disciplines d’ouverture générale y sont plus ou moins totalement ignorées. Ce modèle n’est donc pas adapté à la formation en ingénierie. »
Le point étrange dans cette affaire est que pratiquement toutes les universités, constatant que leurs formations scientifiques classiques ne correspondaient pas à la totalité du cahier des charges de formation d’ingénieurs, ont été capables de mettre sur pied des écoles internes (les Polytech’, les Universités de Technologie) ou externes (les INP, les INSA). Une bonne partie du recrutement de ces écoles se faisant au niveau du bac, et la scolarité durant 5 ans, pourquoi les universités ne font-elles pas évoluer le contenu de l’enseignement de ces entités vers le cursus qu’elles estiment souhaitable, et veulent-elles créer de toutes pièces de nouvelle formations ?
8 mars 2011 à 13:12
Dan- visseur étonné
Redécouvrons l’eau tiède – Vive la recherche :
Grenoble INP = 5 076 étudiants dont 3 646 élèves ingénieurs et 796 doctorants
Supélec est un centre important de formation de docteurs dans les domaines des sciences de l’information et de l’énergie en accueillant 210 doctorants dans ses entités de recherche. Quarante à cinquante docteurs sont ainsi diplômés chaque année dans les domaines de recherche de l’École
Répartition des doctorants
Chimie 12 %.
Droit, économie et gestion 15 %.
Lettres, sciences humaines et sociales 25 %.
Mathématiques, physique 9 %.
Sciences de l’ingénieur, génie électrique, génie mécanique, électronique et informatique 21 %.
Sciences de la vie, de la terre et de l’univers 18 %.
Débouchés professionnels
Public 54 %.
Privé 46 %.
À noter une variation en fonction des domaines : 74 % des diplômés en lettres, sciences humaines et sociales travaillent dans le public, contre seulement 40 % des diplômés en sciences de l’ingénieur, génie électrique, génie mécanique, électronique et informatique.
1 – il me semble qu’il serait intéressant de s’interroger sur la capacité des entreprises, et peut-être de l’esprit français, à accueillir l’innovation – et à prendre des risques d’entrepreneurs. Je ne suis pas sûr que la formation, et en particulier la formation en sciences économiques dans le secondaire, valorise l’activité d’entrepreneur et la prise de risque. N’y a-t-il pas une corrélation entre innovation et risques ?
2 – merci à François pour la remise en perspective. Question : pourquoi les « docteurs » seraient-ils plus innovants que les ingénieurs ? Quand ils sont dans l’entreprise, déposent-ils plus de brevets ? A-t-on des informations là-dessus ? La formation des docteurs comprend-elle des formations à la créativité, à penser autrement, au risque ?
3 – les motivations pour faire un doctorat me semblent très variées, même en sciences. Dans un certain nombre de cas, cela permet de retarder l’entrée sur le marché du travail. Dans d’autres cas, il y a une vraie passion pour la recherche scientifique.
8 mars 2011 à 13:41
calculman
Et si les docteurs osaient une école d’ingénieur, histoire de trouver du travail ?
Pour qui ça peut intéresser :
Cliquer pour accéder à Notedeveille189_Emploi_des_docteurs.pdf
Il semble que les docteurs cifre trouvent plus facilement à travailler dans la recherche privées que les autres parce qu’ils connaissent l’entreprise. Cela éclaire-t-il le fait que la Ret D privée choisissent des ingénieurs plutôt que des docteurs ? Le souhait de l’énorme majorité des docteurs de faire une carrière universitaire et donc d’être fonctionnaire est-il le signe d’une « bonne adaptation aux enjeux de la compétition mondiale » ?
Les statistiques sur l’emploi réel intègre évidemment des choix par défaut.
8 mars 2011 à 16:49
Jojo
Dans Libé de vendredi dernier (il me semble), il y avait un portrait des protagonistes de l’affaire Renault. Du côté des accusateurs et donc du ridicule achevé, on trouvait X, X, ENS-ENA (et encore, il manquait Carlos Ghosn, X). Nos grandes écoles sont à la pointe de l’innovation, dans la farce…
8 mars 2011 à 17:09
étudiant frustré
Je comprends un peu la méfiance des recruteurs envers les docteurs de l’Université, lieu où je n’ai jamais vu quoique ce soit en rapport avec le monde de l’entreprise (la preuve : tout le monde veut être prof). Après je ne sais pas si ces recruteurs ont déjà fait l’effort de venir sur les campus…
8 mars 2011 à 17:47
PR27
La R&D privée, souvent, n’a pas besoin de docteurs parce qu’elle ne fait pas de la R&D. Ce qu’une entreprise appelle R&D, c’est souvent du travail sur des objets qui sont nouveaux pour elle, mais nullement sur le « front de la connaissance ». Par ailleurs, en entreprise, les services R&D sont à la merci des changements d’humeur des managers (et j’ai été manager en entreprise, ça n’est pas un réflexe marxiste), passent beaucoup de temps à faire du powerpoint (et ça les ennuie) pour justifier que toutes leurs étranges activités s’accompagnent de modèles économiques formidables.
Si les docteurs ont un goût prononcé pour faire une carrière universitaire en tant que fonctionnaire, c’est pas seulement pour la stabilité de l’emploi ; c’est aussi parce que cela leur permettra une meilleure maîtrise du contenu même de leur travail. Haro sur le fonctionnariat ? Je vois à l’instant où je vous écris, par ma fenêtre, la branche R&D d’une grosse boite franco-américaine. Du jour au lendemain, on décide que telle compétence ne concernera que les états-unis et ici, on fera des « conneries ». Dans plein de moyennes entreprises, la R&D doit bien souvent faire surtout du « D » parce qu’il faut bien manger. Cela n’a rien de honteux, d’inintéressant… mais tout cela pour dire que le contenu de la recherche à l’université ou en entreprise, ça n’est pas la même chose. Hier encore, dans le cadre d’un partenariat OSEO, une boite qui fait de la « R&D » m’a écrit : « on veut voir du théorique, mais surtout du pratique ». Du pratique et comment on va pouvoir faire de l’argent avec. Le plupart des gens que je connais dans des services R&D sont très frustrés sur l’aspect « recherche », même si par ailleurs le job est intéressant.
8 mars 2011 à 18:03
PR27
@François : justement, deux points ne sont pas clairs :
– s’agit-il de créer de nouvelles formations ou de faire évoluer des formations existantes. Ce qui plaide, dans le rapport, pour la deuxième option, c’est que de fait, beaucoup de titulaires de masters font fonction d’ingénieur dans les boites. Autant mettre le delta nécessaire dans le formation (du blabla avec des diagrammes de gantt, en fait) et un label « ingénierie ».
– comment ça se connecte (si ça doit) aux écoles internes aux universités. On nous crie dans les oreilles à longueur de journée : « il faut être lisible ! » Comment va t-on expliquer aux jeunes et à leurs parents que ingénieur d’université et master d’ingénierie, c’est pareil l’un est 2+3 et l’autre 3+2.
Il faudrait modifier un peu l’architecture interne des universités (pourquoi pas) entre les facs de science et les écoles internes. Ensuite, il faut cogiter sur les masters qui ne sont pas d’ingénierie – et c’est bien tout le propos de B.Remaud dans son courrier.
8 mars 2011 à 20:24
MAxime
Bonjour,
je suis élève ingénieur et j’ai l’impression de devoir le justifier. Pourquoi tant d’acharnement sur mon parcours ?
J’ai regardé avec attention l’étude de l’institut montaigne, et selon eux je devrais avoir trois vies :
1°) être entrepreneur et créer ma société pour créer de l’emploi, mais du fait du « confort des écoles d’ingénieurs » (page 9) je participe au « retard de l’entrepreunariat en France »…
2°) faire un doctorat, car seulement « 4% des ingénieurs français réalisent une thèse » (page 16) contre 15% aux Etats-Unis…
3°) et pour parfaire l’innovation française, je devrais créer des brevets pendant ma formation !
Les ingénieurs ne sont pas la cause de tous les maux de la France, alors ayons un schéma directeur cohérent et traitons tout le monde de la même façon s’il vous plaît.
Maxime.
8 mars 2011 à 20:47
PR27
petit tuyau hors sujet : le forum ESR du parti socialiste aura lieu en mai. Comptez sur moi pour vous tenir au courant, je compte sur vous pour m’envoyer les boulets rouges.
8 mars 2011 à 21:00
Rachel
PR27, et le texte plus détaillé sur l’ESR, promis dans quelques semaines lors de la publication du texte sur l’égalité réelle (novembre dernier), reporté aussi en mai ? J’attendais ce texte avant d’aborder sérieusement le cas du PS sur Gaïa …
Oui, tenez moi (nous) au courant !
8 mars 2011 à 21:03
Rachel
Maxime, je voudrais vous rassurer et je vous demande de ne pas faire d’amalgames. Il n’y pas d’acharnement contre les ingénieurs ici, il y a seulement une question centrale et récurrente (obsédante!) sur ce blog, qui est celle de la fragmentation de l’enseignement supérieur. Pour ma part (animatrice de ce blog), je pense qu’il n’est pas sain d’avoir deux systèmes qui sont encore trop cloisonnés et je milite pour qu’ils se rapprochent avec à terme une fusion, tout en gardant des identités et autonomie fortes. Ce rapprochement et fusion apporterait une mixité et favoriserait la diversité, ce qui ne serait pas superflu en cette période.
Par ailleurs on sait bien que le métier d’ingénieur est à multiples facettes (production, bureau d’étude, management, R&D, …). Tous ne sont pas appelés à faire un doctorat ! d’ailleurs je précise bien dans mon titre « Des ingénieurs en mal … » et non pas « Les ingénieurs en mal … ».
8 mars 2011 à 21:15
Rachel
Calculman, c’est vrai que la majorité des docteurs visent plutôt une carrière dans la recherche publique. Vous pouvez penser que c’est le choix de devenir fonctionnaire pour sa sécurité de l’emploi qui les motive (mais salaire peu attractif !), mais il faut aussi prendre en compte un autre paramètre, souligné par le PR27, qui est une meilleure liberté de conduire ces actions de recherche, ce qui est appréciable aussi.
On peut aussi poser la question autrement. Peut-être que les docteurs ne sont pas très attirés vers l’entreprise car l’entreprise n’a pas une bonne image d’eux et sont donc un peu réticents entrer dans cet environnement qui ne leur est pas des plus favorable ? ou alors ce sont eux qui ont une mauvaise image de l’entreprise ? Comment savoir et surtout comment faire disparaître cette « méfiance réciproque » ?
8 mars 2011 à 21:17
Rachel
François, je ne suis pas persuadée que les universités françaises ont mis sur pied de toute pièce ces écoles internes. Le plus souvent elles étaient déjà présentes depuis fort longtemps, mais assez invisibles. Les écoles du réseau Polytech ne sont pas des créations mais le fruit d’une évolution sous la forme d’un changement d’identité, une rénovation de la pédagogie et l’insertion dans un réseau national. Peut-être certaines ont été créées, je ne sais pas …
8 mars 2011 à 21:42
Dan- visseur étonné
@ PR27 = Autant mettre le delta nécessaire dans le formation (du blabla avec des diagrammes de gantt, en fait) et un label « ingénierie ».
Mais c’est bien sûr, , l’ingénierie n’a pas la noblesse de la recherche pure. Les visseurs imbéciles qui ont fait le tunnel sous la Manche ou le pont de l’île de Ré, qui ont conçu la machine à laver la vaisselle et travaillent sur les économies d’énergie ou sur les appareils de chirurgie non invasive, ce ne sont que des bla-blateurs mondains. Et en plus, comble d’horreur, certains se préoccupent de ce que cela coûte, du respect des délais, des attentes des clients et de leurs besoins, et même des clients ! Comme si l’on attendait, lorsqu’on pose sa voiture au garage, que les freins fonctionnent après la réparation.
Décidément, grâce à PR27, je comprends mieux pourquoi je défends la coexistence et l’indépendance des écoles d’ingénieurs et de l’université, même en sciences dures, et pourquoi je refuse l’Anschluss que veulent faire les universités sur les écoles d’ingénieurs.
Cela n’empêche pas de s’interroger sur l’innovation, mais personne n’a répondu à ma question : en quoi les docteurs sont-ils plus innovants ? Et pour cause ,la petite innovation concrète, celle qui a permis de diviser par 2 ou 3 en 30 ans la consommation de pétrole au kilomètre parcouru, de faire durer les voitures 2 fois plus longtemps, de relier les révolutionnaires par Facebook et Internet, de construire le tore géant du CERN qui permettra aux docteurs de chercher, celle-là n’a aucun intérêt pour Herr Doktor , seul représentant de la noblesse de la recherche. Dont acte. Mais alors pourquoi diable Rachel veut-elle que les universités prennent le contrôle des écoles d’ingénieurs ? Pour faire du bla-bla ?
8 mars 2011 à 22:23
Astronaute en transit
Vu de mon côté, qui n’est pas celui de l’ingénieur mais du docteur en histoire, dont l’enseignement ne génère aucune découverte, aucun investissement, aucune innovation, ce dialogue est fort intéressant. J’aime bien l’Institut Montaigne et ses publications qui ont au moins le mérite de lancer des discussions, ça me parait être leur but principal plus que celui de porte parole d’un lobby ou d’une catégorie. Certes l’Institut fait des propositions mais il me semble que c’est davantage dans un but de débat et d’amendement que de mise en oeuvre littérale.
François a rappelé des choses fort justes avec son panorama chiffré et je crois pouvoir en rajouter en termes plus généraux, c’est qu’actuellement les États-Unis connaissent bien une crise de compétitivité malgré le dynamisme de leurs universités, les moyens dont dispose la recherche et le nombre de doctorats. Je rejoins les doutes de François lorsqu’on le rapporte à la population. Néanmoins je pense que la comparaison entre France et États-Unis ne devrait pas être disqualifiée purement sur la base des vrais problèmes que soulèvent cette comparaison (comme beaucoup de comparaisons internationales, pour reprendre la vieille rengaine anti-PISA, anti-Shanghai, anti-Europe qui s’appuient sur une pluralité d’objections dont les valeurs ne sont jamais égales, certaines très pertinentes et d’autres évidemment moins).
Pour ma part je pense que peut-être certaines des propositions de l’Institut Montaigne ou d’autres observations qui émergent de ce dialogue visent à espérer que la France puisse trouver un moyen, essentiellement culturel et mental, de savoir valoriser des parcours diversifiés. Des docteurs-ingénieurs, venant des universités ou des écoles (pas forcément des mêmes moules d’accord, mais la fragmentation, pour l’ingéniérie, est-elle vraiment aussi négative et extrême qu’on le suppose?) pourquoi pas? S’il y a une possibilité qu’au moyen terme cela dote le pays de personnes créatives qui puissent non seulement matériellement améliorer les performances économiques, sociales, et ce faisant font évoluer les mentalités, pourquoi pas expérimenter?
J’ai vraiment l’impression qu’on reste très souvent, dans nos discussions, dans la logique du chat échaudé qui n’aime pas l’eau froide (j’aurais peut-être du dire la girafe échaudée pour en référer à notre mascotte préférée). L’aversion au risque et à l’expérience me paraissent être les signes caractéristiques des approches françaises aux différents problèmes que nous évoquons.
Je dis cela appartenant à une discipline de l’enseignement supérieur professionnellement inutile, avec des perspectives d’avenir si totalement bouchées que je suis en train d’être démarché pour aller enseigner dans une école-pour-élite-sociale-maghrébine qui dit pouvoir m’offrir, non sans véracité je pense, un meilleur marché que la France ou je serai toujours traité comme de la deuxième classe. Et j’ai suffisamment d’aversion au risque et de peur de l’expérience typiquement français pour ne pas avoir envie d’aller m’enterrer au Maghreb, en particulier alors que nous ne connaissons pas le fin mot de ces fameuses « révolutions » de « pays émergents », etc. C’est stupide de revenir jouer au soutier en France parce que ça paraît être une option plus sécurisante, mais voila…
Au fond je dois me poser une question qui suit celle du billet, les ingénieurs vont-ils oser le doctorat, mais le doctorat en vaut-il le coup? Je suis très fier de mon doctorat mais comme soutier il ne me sert pas à grand chose, et il ne fait rien au fait que je pratique une discipline sans utilité économique et sociale (je sers tout juste à augmenter un peu la culture générale et ça beaucoup de gens croient pouvoir s’en passer). En serait-il de même pour un ingénieur, c’est à dire, ses qualités personnelles et son talent et ses possibilités d’actions peuvent elles effectivement, en France, être améliorées par la possession d’un doctorat qu’il soit d’université ou de grande école (quelque part je commence à trouver à cette opposition entre les établissements quelque chose d’irritant, mais qui ne veut pas partir comme le sparadrap du capitaine Haddock)?
Autant de questions qui, vous l’aurez bien compris, n’altèrent pas beaucoup mes visibles désillusions…
J’ai un projet de billet sur les community colleges au regard de quelques informations lues la semaine passée, j’ai eu du travail mais j’espère m’y mettre cette semaine! Bien sûr de tels établissements ne dispensent pas de doctorats…
8 mars 2011 à 22:26
PR27
Dan, à ce que je vois (mais ma vue est sûrement restreinte), en M1-M2, sur les secteurs « durs » pour lesquels il existe des formations d’ingénieurs de thème équivalent, on n’enseigne pas de la recherche, mais des connaissances parfois récentes, parfois classiques, mais je crois qu’on se fait tout un monde de la différence entre les contenus pédagogiques des M1-M2 et des écoles « basiques ».
Si je mentionnais les diagrammes de Gantt (comme symbole de la gestion de projet), c’est justement parce que je crois que c’est à peu près ce qui fait la différence significative entre les formations d’ingénieurs et le M1-M2. Dans le reste des enseignements d’ « humanité/management », pas mal de blabla. Mon propos était de dire que ça n’est pas une grosse révolution de faire un peu plus de » mode projet » en master, à la fois théorique et surtout pratique. Il faudra mordre un peu sur tous les modules académiques un peu trop long, en enlevant quelques heures où des EC se font plaisir en enseignant des dadas un peu trop perso, mais c’est faisable, si c’est souhaitable. Dan, je vais même vous faire plaisir : je fais chaque année un cours sur « comment rédiger un brevet » que je donne en école d’ingénieurs (chez moi) et… à la fac. Quant à facebook, il utilise un nombre considérables de technos issus de la recherche académique, tout comme amazon et ses systèmes à recommandation. Il y a des milliers de gens dans des équipes de recherche qui travaillent sur ces sujets, qui proposent, qui expérimentent, qui comparent, qui publient. Gilbert Béréziat écrivait récemment sur son excellent blog : le problème entre la fac et les écoles, c’est la différence de moyens financiers. Je ne suis pas loin de penser comme lui.
8 mars 2011 à 23:29
François
A lire dans « The Economist » : un point de vue inhabituel et peut être un peu excessif sur le doctorat,
http://www.economist.com/node/17723223
Pour résumer :
– les sociétés américaines n’attachent pas une grande importance à l’éventuel plus apporté par un doctorat puisque dans les matières scientifiques ils proposent pratiquement les mêmes salaires à de PhDs ou des masters,
– toute la campagne mondiale actuelle en faveur du doctorat viendrait essentiellement des départements de recherche universitaires (essentiellement américains) qui ne pourraient plus fonctionner sans la main d’oeuvre à bas prix que constituent les doctorants.
» But universities have discovered that PhD students are cheap, highly motivated and disposable labour. With more PhD students they can do more research, and in some countries more teaching, with less money. A graduate assistant at Yale might earn $20,000 a year for nine months of teaching. The average pay of full professors in America was $109,000 in 2009—higher than the average for judges and magistrates. »
NB. Il y a une erreur sur la production annuelle de PhD aux USA dans cet article. Il indique 62 000 par an car il est parti d’une statistique erronée du NCES qui inclut des doctorats qui ne sont pas de vrais PhD (par exemple des EdD). Le chiffre réel confirmé par une étude détaillée et très récente de la National Science Foundation est 50 000 (c’est-à-dire moins qu’en France à population égale).
8 mars 2011 à 23:50
Astronaute en transit
François, j’ai lu cet article il y a quelque temps et il m’a fait beaucoup réfléchir. Personnellement je ne le trouve pas tant « un peu excessif » que brutalement réaliste, et il me semble que ce sont d’ailleurs des idées qui font d’autant mieux leur chemin dans les rangs des enseignants-chercheurs des humanités où il y a manifestement saturation autant que précarisation. Les départements ferment ou offrent des emplois bêtement spécialisés répondant à la « demande » en terme de mode (en histoire, beaucoup de « socio-culturel »). Quand à la stratégie de sous-payer des personnels non titulaires (diplômés ou non), elle est universelle, et je dirais, au moins économiquement rationnelle à défaut d’être autre chose, surtout s’il faut rendre compte de l’argent dépensé et que cet argent se trouve être celui des contribuables. On nous dira bien sûr que c’est la faute du « management », du « néolibéralisme » et, inévitablement, de Sarkozy!
Faire un doctorat est une aventure personnelle qui peut s’avérer passionnante et intellectuellement enrichissante, mais les circonstances actuelles sont telles qu’on peut soulever la question de savoir si c’est une décision professionnelle prudente. Faut-il se donner autant de mal pour avoir à supplier d’avoir un emploi à temps partiel payé au salaire minimum et être perçu comme coincé dans une spécialité qui vous rend « inutilisable » du point de vue des responsables de toutes sortes de secteurs autres que l’enseignement supérieur où des emplois bien rémunérés se créent?
9 mars 2011 à 00:41
Jojo
Je le trouve très pertinent, cet article. Je vais le diffuser autour de moi.
9 mars 2011 à 14:01
étudiant frustré
Astronaute, je me réjouis que vous parliez des communty colleges.
Il faut que nous regardions ce qui se fait à l’étranger même si François explique que les USA ne sont pas aussi bons que ça sur la formation des ingénieurs. En l’occurrence, j’aimerais en savoir plus le système allemand et ses docteurs-ingénieurs, à l’origine (?) des bonnes performances économiques outre-Rhin.
Je remarque que lorsque Dan évoque le travail des ingénieurs en France, il cite toujours des grands groupes ou projets industriels ; or, ce qui m’avait frappé lors d’un voyage en Bavière, c’est le nombre important d’usines et d’entreprises même dans des petites villes et des villages. Un capitalisme peut-être moins sensationnel, mais au final mieux réparti sur le territoire et plus efficace?
9 mars 2011 à 14:42
Astronaute en transit
Étudiant, les Allemands parlent de Mittelstand, leur réseau de PME à gestion familiale et à implantation régionale mais qui peuvent avoir un chiffre d’affaires global! Cela dit, la Bavière est une région à forte tradition industrielle depuis longtemps, en dépit de l’image bucolique qu’on en a généralement, cela n’empêche pas qu’il y ait une véritable friche industrielle dans les Länder orientaux où la Mittelstand n’a pu empêcher la désertification post-soviétique. Il y a un problème similaire aux États-Unis où l’industrie traditionnellement répartie sur les territoires à déménagé vers des régions plus dynamiques, emportant la population d’ingénieurs et d’entrepreneurs avec elle. C’est d’ailleurs un phénomène assez naturel à la société américaine qui a un nomadisme assez prononcé.
9 mars 2011 à 14:58
François
Je ne dis pas que les formations d’ingénieurs américaines sont mauvaises ! Je dis :
– que la majorité (70%) des ingénieurs américains sont des bachelors à bac + 4 (étant entendu que la terminale S française pourrait être considérée comme d’un niveau en math-physique équivalent à celui de la 1ère année de fac ou de college américains),
– qu’à tous les niveaux (L,M et même D) les USA forment à population égale moins d’ingénieurs que les Français (mais ils compensent par immigration d’étudiants et de diplômés).
La situation allemande est complexe car ils ont décidé de passer d’un système dual (fac et Fachhochschulen) au LMD et ont l’air de vouloir maintenant revenir en arrière. Je cite Wikipedia :
« En Allemagne, le diplôme d’ingénieur (Diplomingenieur) était historiquement délivré par les Universités, et depuis 1987 par les Fachhochschulen (Hautes écoles spécialisées). Les Fachhochschulen délivrent leur diplôme après généralement moins de semestres d’études (8 en moyenne) que les Universités (10 semestres en moyenne).
Les Universités ont en Allemagne vocation à former des ingénieurs spécialisées pour la R&D, tandis que les Fachhochschulen forment des ingénieurs de terrain, plus techniques.
Les titres abrégés tels qu’ils sont traditionnellement écrits en précédant le nom de l’ingénieur sont alors : Dipl.-Ing ou Dipl.-Ing. Univ pour un ingénieur d’Université, et Dipl.-Ing (FH) pour un ingénieur de Fachhochschule. Si l’ingénieur a poursuivi jusqu’au Doktorat (Doctorat), celui-ci placera ce titre avant son titre d’ingénieur : Dr.-Ing.
Depuis l’application Processus de Bologne, le Diplomingenieur a été remplacé par le diplôme du bachelor (6 semestres d’études) suivi du master (4 semestres d’études) suivant les principes de la Déclaration de Bologne. Il s’agit alors fréquemment de Bachelor of Engineering et du Master of Engineering, ou plus rarement du Bachelor et Master of Science.
Les titres précédant le nom de l’ingénieur à l’écrit deviennent alors respectivement B.Eng. et M.Eng..
Enfin, la fonction d’ingénieur est réglementée et donc réservée au titulaire d’un diplôme d’ingénieur, d’un Bachelor ou d’un Master of Engineering. »
Maintenant si on veut chercher les qualités propres de chaque système :
– USA : forte innovation dans des secteurs de pointe, mais qui semble plus liée à un contexte général qu’à un niveau de formation (au moins dans les TICs, où les bac + 1 ou 2 semblent faire merveille); en revanche balance commerciale catastrophique,
– Allemagne et Japon : innovation dans des secteurs plus traditionnels, haute qualité des produits, excellente balance commerciale,
– France : capacité à mener à bien des programmes d’une immense complexité impulsés par l’Etat, balance commerciale actuellement catastrophique mais qui avait pu être redressée il y a une vingtaine d’années (les USA et le Royaume-Uni en étant incapables malgré des ressources naturelles/énergétiques supérieures).
Pour terminer et pour rire un peu, si vous avez lu le rapport de Philippe Aghion sur l’excellence universitaire où il cherche à trouver grâce à des instruments pseudo-mathématiques des corrélations confirmant ce qu’il veut prouver, je propose la corrélation suivante pour les pays développés :
« Meilleure est la qualité du système d’enseignement supérieur d’un pays selon les critères de Shanghaï, plus catastrophique est sa balance commerciale ». Vérifié pour USA, UK (bien classés) Japon, Allemagne(mal classés) …
9 mars 2011 à 20:17
AubeMort
PR27, y a t il vraiment une différence de moyens financiers entre les écoles d’ingénieur et un cursus équivalent à la fac ? En général on ne trouve que des chiffres qui mélangent allègrement sciences humaines et sciences « dures ».
Quand on voit certaines pratiques en M1/M2 (options avec à peine une demi-douzaine d’étudiants, TP sur du matériel de recherche dont l’utilisation n’est pas facturée…) c’est bien difficile à croire.
9 mars 2011 à 20:40
Rachel
Dan, en plus de militer pour conserver ce cloisonnement stérile entre écoles et universités, il semble que vous séparez de façon franche la science et l’ingénierie. Comme le souligne le PR27, vos exemples que vous prenez de réalisation (d’ingénierie) se nourrissent souvent de développements amonts réalisés par la recherche académique. C’est certainement le cas pour Facebook (cas que je ne connais pas), c’est assurément le cas pour la microélectronique et demain les nanotechnologies. Quand vous parlez de ponts ou de forage, c’est certainement des prouesses d’ingénierie dont on peut être fiers (les ingénieurs français sont bons, et nulle intention ici de dire le contraire), mais vous oubliez que derrière, des chercheurs ont développé des alliages spécifiques pour les matériaux de structures ou des céramiques ultradures pour les abrasifs qui décorent les forets qui creusent les tunnels.
Je vais tenter d’illustrer autrement le sujet du jour. Imaginons une entreprise avec un service R&D en difficulté pour innover. Très logiquement le dirigeant va vouloir que ça change et hop hop il vire tout le monde et décide de monter un nouveau service tout neuf. Il hésite entre deux options :
Option 1 : il a fait l’école bidule et pense donc que les ingénieurs de l’école bidule sont les meilleurs, il a d’ailleurs gardé beaucoup de contact avec son école. Il décide donc de ne recruter que des ingénieurs de l’école bidule pour son service, dans la spécialité de son entreprise.
Option 2 : il décide de monter son nouveau service en employant des ingénieurs qui proviennent d’écoles différentes. En plus de ça il embauche aussi des docteurs, provenant d’universités différentes (en France et à l’étranger).
A votre avis, quelle est l’option dont on peut espérer le plus d’innovation ?
Ce qui est décrit pour un service de R&D, on peut aussi l’extrapoler à un pôle géographique de l’ESR ou à la société entière. Peut-être que je suis naïve (ou fleur bleue), mais je crois sincèrement que la diversité est source de richesse. Cette diversité existe (du moins le réservoir existe), il est regrettable de ne pas l’utiliser plus, c’est pourquoi je pense qu’il faut créer de vrais points de rencontre pour cette diversité et qu’on aille plus loin que les petites passerelles actuelles.
9 mars 2011 à 20:58
Rachel
Aubemort, je crois que la différence se situe surtout au niveau de l’environnement proposé et disponible à l’élève ingénieur, que n’a pas l’étudiant en master : cela concerne des aides efficaces pour trouver des stages, un service de relations internationales, de multiples manifestations organisées avec les entrepreneurs, l’action individuelle et collective dans des associations, le réseau des anciens … j’en oublie certainement.
9 mars 2011 à 21:07
PR27
@Aubemort : tout à fait d’accord, j’ai écrit ici exactement la même chose il y a quelques semaines (et évidemment je me suis fait taper sur les doigts), je donne la même cours en école à 72 étudiants et en M1 à 7 étudiants dont 2 fantômes, et je suis choqué par le coût de ces cours particuliers. Parfois il y a excès d’options, pour permettre à tout le monde de faire sa charge en enseignant ses dadas, mais dans d’autres secteurs, comme me l’avait répondu justement Rachel, le drame est la désaffection des étudiants pour des études dont les débouchés professionnels sont pourtant bons. Il y a parfois tellement de moyens humains que ça joue du CRCT à tour de bras, pendant que nous on rame à 270h/an…
9 mars 2011 à 23:00
Astronaute en transit
Allez, on transfère d’autorité la pléthore d’étudiants en SHS qui ne savent pas la grammaire (on ne parle même plus de l’hortaugraf) et on les met d’autorité dans ces filières de sciences dures en manque d’étudiants! Rétablissons quelques équilibres!
9 mars 2011 à 23:42
étudiant frustré
Ce déséquilibre est pourtant inverse au lycée! les bacheliers ES sont largement majoritaires, à la différence des littéraires. Quelque chose ne marche pas correctement dans ce système. Peut-être que les maths du lycées, puis dans les classes prépas, sur lesquelles est fondée toute la sélection pour les grandes écoles, dégoutent les étudiants de poursuivre en sciences?
10 mars 2011 à 00:19
étudiant frustré
Oups, je voulais dire S, bien sûr.
10 mars 2011 à 13:52
AubeMort
étudiant frustré, il y a environ une moitié (52%) seulement de bacheliers généraux en série S. Ils s’inscrivent ensuite en CPGE, IUT, médecine/pharmacie, écoles d’ingénieur post bac. Environ 10% continuent à la fac en cursus scientifique (hors études médicales). Donc ces bacheliers ne sont pas particulièrement dégoûtés des sciences ! De même une très grande proportion d’élèves de CPGE (MPSI et PCSI, ex mathSup) ont une place en école à l’issue des concours. Les autres continuent le plus souvent leur cursus à la fac, et ne sont donc pas non plus dégoûtés…
11 mars 2011 à 22:06
Rachel
Les auteurs du rapport discuté dans le billet du jour se présentent :
À PROPOS DES AUTEURS
Romain Bordier, Aloïs Kirchner et Jonathan Nussbaumer sont d’anciens élèves de l’École polytechnique, issus de la promotion entrée en 2006.
Que sont-ils aujourd’hui ? On ne sait pas. Je me demande quand on pourra décrire les personnes autrement que par l’école de laquelle ils sont sortis ? c’est presque caricatural ici …
11 mars 2011 à 22:18
François
Ils sont tous les 3 en formation du corps des mines, actuellement en stage à l’étranger.
12 mars 2011 à 13:51
Rachel
En fait je me rends compte que j’ai été imprécise dans mon commentaire précédent. Il n’est pas mis en valeur l’école dont on est sorti mais celle que l’on a intégrée, ce qui est une façon détournée de dire son rang sur le concours des CPGE. Curieux de définir une promo sur les flux entrants.
12 mars 2011 à 14:53
AubeMort
Rachel, la mention de l’école se fait surtout quand il s’agit de Normale Sup ou Polytechnique, quand on sort d’une « petite » école de province on est en général plus discret. C’est dommage de faire en quelque sorte le procès des 30 000 ingénieurs formés dans des écoles à partir de 500 polytechniciens, soit environ 1,5 % … d’autant plus qu’un certain nombre finit par prendre du recul après quelques années.
Les personnes que tu cites sont très jeunes, donc il est normal qu’elles mentionnent leur formation, qui représente mécaniquement une forte proportion de leur parcours.
12 mars 2011 à 15:40
Rachel
Aubemort, je ne fais pas le procès des écoles ! Mais je remarque combien la susceptibilité est exacerbée quand on titille un peu les (grandes) écoles. Peut-être que je commets une faute de goût ? Quand je critique l’université sur ce blog (pourtant bien plus souvent que les écoles), ça se passe beaucoup mieux … mais d’accord avec le fait que les auteurs sont très jeunes et donc ils n’ont certainement pas encore grand-chose à mettre sur leur carte de visite.
12 mars 2011 à 16:20
AubeMort
On critique ça et là l’Université, qui est perfectible comme tout autre système, mais personne n’envisage une seconde sa disparition…
Ce qui m’embête c’est que la critique des grandes écoles s’exerce en général à partir de quelques exemples concernant une poignée de polytechniciens, voire des énarques (école qui n’a rien à voir avec le système CPGE/écoles d’ingénieur); ça n’a pas de sens de critiquer un système en considérant 1% des effectifs.
12 mars 2011 à 16:42
Rachel
Aubemort, peut-être faut-il accepter le fait que tout système est perfectible et peut être critiqué, que ça soit universités ou écoles …. A mon sens la question majeure est de savoir si ce système dual a encore un sens aujourd’hui et est-il optimum ? Pour ma part je pense que non. Et je précise que je ne milite pas pour la disparition des écoles mais pour un rapprochement avec les universités, au moins dans un premier temps. Après on verra. Mais dans tous les cas, je pense qu’il faut laisser de l’autonomie aux acteurs des formations et surtout ne pas formater tout le monde pareil.
13 mars 2011 à 19:59
étudiant frustré
A voir cette interview de Jean-Lou Chamau, un ingénieur parti aux USA finir son cycle d’ingénieur, devenu président de Caltech :
On remarque qu’il y a découvert sur place l’intérêt du PhD…
13 mars 2011 à 21:55
François
Oui, mais à l’époque à laquelle il a obtenu son PhD (et même encore maintenant) quel rapport avec un doctorat français pour lequel il suffit de fournir quelques centaines de pages sur des sujets ésotériques tels que « Situation épistémologique de l’astrologie à travers l’ambivalence fascination-rejet dans les sociétés postmodernes », « Fluctuations quantiques de la signature de la métrique à l’échelle de Planck » ou encore « Etat topologique de l’espace-temps à l’échelle zéro » ?
» American students typically undergo a series of three phases in the course of their work toward the PhD degree. The first phase consists of coursework in the student’s field of study and requires one to three years to complete. This often is followed by a preliminary, a comprehensive examination, or a series of cumulative examinations where the emphasis is on breadth rather than depth of knowledge. The student is often later required to pass oral and written examinations in the field of specialization within the discipline, and here, depth is emphasized. Some PhD programs require the candidate to successfully complete requirements in pedagogy (taking courses on higher level teaching and teaching undergraduate courses) or applied science (e.g., clinical practice and predoctoral clinical internship in PhD programs in clinical or counseling psychology).
Another two to four years are usually required for the composition of a substantial and original contribution to human knowledge in the form of a written dissertation, which in the social sciences and humanities typically ranges from 50 to 450 pages in length. In many cases, depending on the discipline, a dissertation consists of (i) a comprehensive literature review, (ii) an outline of methodology, and (iii) several chapters of scientific, social, historical, philosophical, or literary analysis. Typically, upon completion, the candidate undergoes an oral examination, sometimes public, by his or her supervisory committee with expertise in the given discipline « .
13 mars 2011 à 22:08
Rachel
François, je trouve que votre commentaire pourrait laisser penser que le doctorat français actuel serait dévalorisé ? Je peux vous assurer que le post-doc français a assez bonne réputation aux US et qu’il est assez recherché …
13 mars 2011 à 22:25
François
Je n’en doute pas, mais je pense que la valeur du jeune Français vient en grande partie de son parcours jusqu’au niveau master (universitaire ou ingénieur ou cumulant les deux) mais que le jeune Américain progresse plus pendant son PhD que le Français pendant son doctorat.
J’ai entendu cette opinion de la bouche d’Alain Aspect (physicien considéré comme nobélisable et connaissant bien les deux systèmes).
13 mars 2011 à 22:36
Rachel
Le master n’a certainement rien à envier aux formations des écoles d’ingénieur (c’est assez comparable, à mon sens), le niveau est donc bon. Ce qui me semble assez clair, c’est que la préparation au doctorat-PhD est très différente entre la France et les USA. En terme de progression pendant le doctorat, je pense surtout que ça dépend de l’environnement et de la personnalité des candidats. Ca me parait difficile de faire des comparaisons, ce qui n’empêche pas d’envisager des améliorations du doctorat français, bien entendu.
14 mars 2011 à 17:44
François
Pour mettre un peu de piquant dans la discussion.
La corrélation entre le nombre de docteurs formés par un pays et ses capacités en matière d’innovation n’est pas évidente.
Par rapport à la France et à population égale : l’Allemagne a deux ou trois fois plus de docteurs, le Japon … deux fois moins, les USA un peu moins, etc.
14 mars 2011 à 19:13
étudiant frustré
Les pays qui n’ont pas de docteur du tout ne doivent pas non plus être les plus innovants.
Ce que je voulais montrer par cette vidéo, c’est le cas d’un ingénieur français qui n’envisageait pas le doctorat, mais que d’en avoir fait un lui a ouvert des (larges) portes, aux USA.
14 mars 2011 à 21:22
Rachel
François, l’Allemagne, à population égale, dépose aussi deux à trois fois plus de brevets que la France … CQFD ?
Mais pour dire si une corrélation est évidente ou non, il faut avoir des chiffres à mettre sur une courbe. J’ai les chiffres du nombre docteurs pour chaque pays, ainsi que le nombre de brevets (à supposé que l’innovation pourrait se mesurer par les brevets …) mais l’idéal, pour répondre précisement à la question, ça serait d’avoir le nombre de doctorants travaillant en recherche dans le secteur privé (ou pourcentage de doctorants parmi les « chercheurs » de ce secteur privé) et le nombre de brevets générés par ce même secteur privé.
Si vous avez des chiffres … on peut voir ensemble comment tracer les courbes …
15 mars 2011 à 01:05
François
Les chiffres « brevets » figurent dans le document de l’OST :
http://www.obs-ost.fr/fr/le-savoir-faire/etudes-en-ligne/travaux-2010/rapport-biennal-edition-2010.html
Ils comparent le nombre de brevets pris par plusieurs pays (brevets pris en Europe et brevets pris aux USA).
A priori la corrélation entre nombre de brevets annuels et nombre de doctorats annuels n’est pas évidente (voir en particulier la comparaison France-UK, où UK est meilleur que F en nombre de docteurs, mais moins bon que F en nombre de brevets).
15 mars 2011 à 09:50
François
Brevets américains en 2008 (OSC)
USA 80 770
Japon 35 150
Allemagne 9 360
UK 3 346
France 3 264
Chine 1 545
Brevets européens en 2008 (OSC)
USA 35 006
Allemagne 23 463
Japon 22 521
France 8 236
UK 5 636
Chine 1 310
Production annuelle de docteurs scientifiques (diverses sources)
Chine 66 000
USA 25 200
Allemagne 13 600
UK 8 500
France 6 050
Japon 5 800
Je n’ai pas :
– les stocks de docteurs en âge de prendre des brevets
– la répartition chercheurs académiques / chercheurs en entreprise
15 mars 2011 à 11:37
étudiant frustré
J’ai trouvé pour l’Estonie : http://www.econstor.eu/dspace/bitstream/10419/34376/1/548147531.pdf
et ça aussi, avec une bonne biblio : http://www.rvm.gatech.edu/bozeman/rp/read/41405.pdf
C’est vrai qu’il est difficile de trouver une étude synthétique sur le doctorat dans les principales économies et dans toutes les disciplines.
15 mars 2011 à 22:07
Rachel
Les données de l’OST sont très riches, j’apprécie beaucoup, j’en ai déjà utilisé quand j’ai fait ma série de billet sur les régions et l’ESR. Mais ici je doute que ça soit suffisant pour apporter des éléments quantitatifs adaptés à la question. Peut-être commencer par étudier l’éevnetuelle corrélation brute entre docteurs et brevets, jsute histoire de voir à quoi ressemble la courbe ? (à défaut de pouvoir raffiner les données …). Je coince un peu sur le choix de la normalisation … Et je manque de temps en ce moment …
16 mars 2011 à 12:00
PR27
Sur les brevets, peut-être un manque en France d’institutions publiques dont le brevet fait partie des objectifs prioritaires, à la Fraunhofer ? Le CEA et quelques rares boutiques cherchent à la fois à faire du nouveau et le breveter, mais entre les universitaires et chercheurs, dont le coeur bat encore et toujours pour la publication, et l’entreprise qui produit beaucoup de ppt et dont les chercheurs doivent faire la recherche seulement le week-end et apres autorisation, il y a un trou…
16 mars 2011 à 23:25
François
Si on compare le total annuel brevets américains + européens au nombre annuel de nouveaux docteurs (chiffres en milliers, 1er chiffre brevets, 2ème chiffre nouveaux docteurs scientifiques) :
USA : 116, 25
Japon : 58, 6
Allemagne : 33, 14
France :11,5 , 6
UK : 9, 8,5
J’exclus la Chine (stock de docteurs très faible par rapport au flux actuel de nouveaux docteurs).
La corrélation n’est pas évidente. Intuitivement j’ai l’impression que c’est beaucoup plus important de produire de bons bac + 2 ou 3 (cas du Japon qui produit très peu de docteurs et dans une certaine mesure de l’Allemagne, mai qi en plus a les docteurs ! la Suisse donnerait de résultats semblables à ceux de l’Allemagne).
17 mars 2011 à 20:55
Astronaute en transit
En tous les cas, quand on a fait un PhD à l’étranger et qu’on revient en France, il faut aller devant la CNU pour se faire « homologuer ». Ces mandarins français conservent pour eux le privilège d’arbitrer la qualité d’études, qu’elles soient dans des institutions de renommée mondiale ou de simples façades dans un pays sous-développé, n’en sont pas moins étrangères.
17 mars 2011 à 21:22
PR27
Ah ? Non, il faut se faire qualifier aux fonctions d’EC, comme il le faut avec un doctorat français. On peut critiquer certains aspects du CNU, se plaindre du principe de listes syndicales (même si en pratique, je trouve que ce sont plutôt des gens de bonne volonté et honnêtes qui donnent à la communauté pour 100 euros d’indemnité pour quelques week-end à évaluer des dossiers). Je trouve que la qualif n’est pas un problème en soi, mais par contre, le principe de sa session annuelle unique est un réel problème pour les candidats étrangers, MC ou PR.
17 mars 2011 à 21:30
Rachel
Mais franchement à quoi ça sert la qualification, mis à part une grande perte de temps et à satisfaire l’universitaire de sa fièvre de l’évaluation. Et de plus les recrutements se font maintenant « au fil de l’eau », alors la session anuelle de qualif n’a plus vraiment de sens.
17 mars 2011 à 22:17
PR27
ça sert à emmerder l’organisation des emplois du temps en bourrant les agendas de jurys de thèse entre le 20 novembre et le 5 décembre. Dans ma section, ça ne me poserait pas de problème de supprimer la qualif. Comme on a introduit des comités de sélection anti-magouille-locale, ça rend l’étape nationale moins nécessaire.
17 mars 2011 à 22:38
Rachel
PR27, vous prenez comme inconvénient le seul avantage que je vois aux qualifs ! c’est-à-dire donner aux candidats une motivation et une date limite pour soutenir leur thèse !
17 mars 2011 à 23:46
Jojo
« satisfaire l’universitaire de sa fièvre de l’évaluation » : Rachel, vous savez bien qu’avant 2009, les universitaires n’étaient pas évalués. C’était même une des principales motivations au changement. On m’aurait menti ?
17 mars 2011 à 23:52
Rachel
Ben Jojo, les EC (ceux qui font de la recherche) sont évalués tout le temps: articles, proposals … à quoi sert d’évaluer ce qui est déjà évalué ?