Le think tank Institut Montaigne a publié récemment un document intitulé « adapter la formation de nos ingénieurs à la mondialisation » (lire ici). La question majeure qui est posée est la suivante : la formation de nos ingénieurs est-elle adaptée pour faire face aux enjeux de la compétition mondiale ? Pour tenter de répondre à cette question, le document est présenté en trois parties :

  1. Comment favoriser les pratiques innovantes ?
  2. Soft Skills & éducation technologique
  3. Les approches croisées au service de l’innovation

Chacune de ces parties est conclue par des propositions concrètes pour une meilleure adaptation de la formation d’ingénieurs à cette fameuse mondialisation. Car il est vrai que certains se posent quelques questions sur les capacités (ou compétences) des formations d’ingénieurs à stimuler un état d’esprit propice à un développement des pratiques innovantes – voir par exemple le billet « les écoles d’ingénieurs sont-elles nulles ? (Le Point)– voir également nos billets « les grandes écoles sont trop petites », « pourquoi la R&D française est-elle si mauvaise ? ». Bien entendu il faudra comprendre qu’il y a un brin de provocation dans ces différents titres …

Dans le chapitre 1 du document, une sous rubrique est dévolue aux enjeux stratégiques du doctorat. Extraits:

  • « Il manque aux ingénieurs français un sas, une étape de décompression, à la suite de leurs études très structurées, afin de leur apprendre à questionner les règles et coutumes établies, et ainsi sauter le pas de l’innovation », explique Maxime Marzin. La recherche et le doctorat peuvent jouer ce rôle.
  • Pédagogiquement, faire de la recherche, c’est « acquérir des qualités et des compétences qui ne sont pas spécifiques au monde de la recherche : c’est oser aller plus loin pour créer », souligne Marion Guillou.
  • C’est aussi, pour Cédric Villani, médaille Fields 2010, « faire preuve d’inventivité, de ténacité et de rigueur, c’est-à-dire autre chose que suivre des cours et de valider des examens ».

Ces petites phrases peuvent être taxées de « lieux communs » mais sont tout à  la fois pleines de bons sens. Mais elles n’atteignent manifestement pas les dirigeants des grandes entreprises qui préfèrent de loin recruter des ingénieurs plutôt que des docteurs. Cela est vrai aussi pour les services de R&D (voir illustration ci-dessous), ce qui est fort étonnant et qui, à mon sens, explique en partie pourquoi notre R&D présente certaines faiblesses (lire notre billet sur le sujet ici). Pour faire de la recherche, parfois un chercheur c’est utile. Il faut oser le docteur !

Proposition du think tank : « Créer de véritables doctorats orientés vers l’ingénierie, sans pour autant reproduire le titre d’ingénieur-docteur, permettant aux ingénieurs d’acquérir la compétence « recherche » en l’appliquant à des domaines déterminants pour leur carrière industrielle future. Ces doctorats doivent être souples et permettre d’alterner périodes de recherche, d’enseignement ou d’expérience en entreprise tout en autorisant une création éventuelle de start-up. Cette étape pourra incarner le sas manquant favorisant l’innovation et l’entrepreneuriat. »

Le texte ne précise pas où seraient réalisés ces « doctorats orientés vers l’ingénierie ». Je pense qu’implicitement ils seraient portés par les écoles d’ingénieurs étant donné que seules ces écoles ont le droit d’utiliser les mots « ingénieurs » et « ingénierie » (voir à ce sujet la pitoyable polémique lancée par la CTI en réaction à un rapport de l’AERES sur l’éventualité de masters avec un label « ingénierie » qui seraient réalisés à l’université ! – lire ici et ici).

Pourquoi ne pas profiter de l’occasion pour concrétiser la grande ambition du rapprochement écoles – universités ? le rapport de l’institut Montaigne n’en touche pas mot …