Les chercheurs du CNRS, INSERM, INRA ou INRIA sont manifestement remontés contre la politique de prime individuelle proposée par le ministère (PES – prime d’excellence scientifique). Cette mise en place se fait, semble-t-il, dans l’urgence. Pour le CNRS, la contestation se cristallise autour de l’attribution de primes assez élevées pour les médaillés. Plusieurs sections du comité national du CNRS ont voté des motions pour protester contre cette politique de rétribution.
Parmi éléments de protestation, on trouve l’argumentaire sur le faible niveau de rémunération. Plutôt que de distribuer des primes, il faudrait d’abord relever le salaire de base des chercheurs. Car il faut bien avouer que celui-ci n’est pas très élevé, tout comme d’ailleurs celui des enseignants-chercheurs. Ensuite, les protestataires font remarquer que les travaux d’un lauréat d’une médaille sont réalisés dans le cadre d’un collectif, une équipe de recherche. Un médaillé bénéficie donc du travail de l’équipe, ce qui est parfaitement vrai, même s’il faut préciser aussi que dans une équipe, tout le monde ne travaille pas forcement avec la même implication ni avec le même talent. Ces sections du CNRS proposent donc que la prime se transforme en un prix collectif qui soit distribué à l’ensemble des membres des équipes.
Il y a du vrai dans ces argumentaires. Toutefois cela m’amène à formuler deux remarques :
1) Il est assez cocasse d’entendre parler d’égalité de traitement dans les équipes par les chercheurs CNRS. Il faut savoir que dans les équipes, il y a souvent un mélange de chercheurs et d’enseignants chercheurs. Et des chercheurs on n’en trouve pas beaucoup qui veulent bien faire des enseignements, des réunions pédagogiques, des suivis de stage, des forums étudiants, des commissions truc bidule, des jurys, des corrections de copies, des examens de dossiers et entretiens de recrutements, des lectures et auditions de rapport de stage ou de projet, de la confection des emplois du temps, du balayage de salle de cours, etc … moi je n’ai rien l’égalité de traitement dans les équipes. Mais alors qu’on aille jusqu’au bout de la logique.
2) Les primes, si elles n’existaient pas pour les chercheurs, existent pour les enseignants-chercheurs depuis fort longtemps. Mais je ne comprends pas bien pourquoi les EC ne protestent pas contre cette politique de prime individualisée. Eux aussi travaillent dans des équipes, équipes pédagogiques et équipes de recherche. C’est curieux, non ?
10 commentaires
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21 novembre 2009 à 11:22
Jojo
Rachel, il y a des protestations d’EC, mais elles restent plutôt locales (voir par exemple à Paris VI). L’avantage pour les EC, comme vous le dites, c’est que des primes existaient déjà. Avec le temps, elles sont rentrées dans les moeurs et ne choquent plus grand monde. Donc c’est plus serein.
En particulier, on a une référence qui est le montant de la PEDR. Chez moi, certaines propositions sont de conserver ce montant forfaitaire (pas de modulation des primes), mais de profiter de l’augmentation de l’enveloppe indemnitaire (augmentation proclamée par le ministère, je n’ai pas les chiffres et on ne peut guère lui faire confiance) pour la donner à plus de monde. Il y a aussi un travail sur les critères d’attribution pour égaliser les taux de MdC et de profs qui la perçoivent.
Sur votre premier point, je suis assez d’accord. C et EC ne sont pas censés faire le même travail, d’accord, mais il est clair qu’il y a souvent (pas toujours) un manque de solidarité dans les équipes. Dans au moins deux établissements, j’ai connu des expérimentations où on proposait à des CNRS de faire un peu d’heures d’enseignement (10, 20 heures maxi) payées en vacation qui étaient automatiquement converties en décharges pour un EC. Tout était à la carte : le C se mettait d’accord avec l’EC de son choix, donc il choisissait le bénéficiaire de la décharge et ils s’accordaient sur la nature des enseignements pris dans le service de ce dernier. Cette possibilité a rarement été utilisée…
21 novembre 2009 à 20:47
Rachel
Jojo, il y a deux façons d’aborder le problème. (1) on fait comme le ministère dit de faire et on laisse piloter ces primes de l’extérieur (critères d’attribution, montants, différenciation selon le grade, etc …). (2) l’université prend le volume global et fait par elle-même la distribution selon ses propres critères et sur les montants qu’elle estime adaptés pour telle ou telle situation.
Bref tout dépend si l’université se décide à être libre et responsable ou bien si elle se contente d’être un pion du ministère. Certaines universités prennent les choses en main, n’en déplaise aux nonistes qui préfèrent voir un pilotage étatique de la recherche et de l’enseignement supérieur, ce qui correspond à une fuite de la liberté et un comportement déresponsabilisant pour ne pas dire irresponsable.
Juste un exemple qui est assez intéressant, et qui devrait vous plaire car il va exactement dans le sens de votre message. Prenons l’exemple de Paris VI, qui selon vous représente un îlot de protestation. Et bien cette université a manifestement pris les choses en main. D’abord, elle estime qu’elle la mieux placée pour savoir qui mérite une prime dans son établissement. Donc c’est elle qui fait la distribution, selon ses propres critères. Exit l’ingérence du ministère ou autre CNU. Ensuite elle modifie les modes de répartition entre les grades (très fortement en défaveur des MCF). Elle rehausse donc le volume de primes pour les MCF (et donc baisse celui des PR). Par ailleurs elle décide que les montants sont indifférenciés selon le grade (montant prime de MCF = prime de PR).
Pour le premier point, je pense qu’il faut décloisonner le système. Il est anormal de voir que les missions ne puissent pas être évolutives comme c’est le cas partout ailleurs (au moins en termes de possibilités). Je n’ai aucun problème de voir dans l’université des personnes qui ne font que de la recherche : c’est une des missions de l’université. Tout comme je n’ai aucun problème de voir des gens qui ne font que de l’enseignement : c’est aussi une mission de l’université. Entre les deux il doit pouvoir y avoir une modulation en fonction des situations. Pour en revenir aux équipes de recherche, les C et les EC ont la même mission : la recherche. Et là les inégalités sont flagrantes et il est anormal qu’on les entretienne en maintenant ce système bicéphale.
22 novembre 2009 à 11:52
Jojo
Rachel, c’est irritant à la longue de voir décliner sous toute ses formes (substantifs, adjectifs, verbes…) le tandem « liberté-responsabilité ». On a l’impression d’être sur un site du ministère.
22 novembre 2009 à 12:27
Rachel
Oui, je sais, c’est énervant. C’est fait un peu exprès d’ailleurs. Ce sont des mots qui me tiennent à coeur. Mais je peux convenir aussi que ce sont des mots qui dérangent.
22 novembre 2009 à 15:31
Jojo
Les mots ne me dérangent pas. Ce sont plutôt les faits quand ils ne collent pas avec les mots. Qui a vu des universités plus libres et plus responsables depuis 2007 ? Personne.
22 novembre 2009 à 17:11
Rachel
Oh oui, vous avez bien raison, c’est un peu décevant. Mais il faut convenir aussi que le climat tendu n’est guère propice pour aller de l’avant. Les acteurs sont prudents car les freins sont nombreux dans les universités pour contrer cet accès à la liberté et à la responsabilité. Il faut dire aussi que c’est un peu prématuré pour faire un bilan de la LRU, étant donné qu’une minorité d’universités a accédé aux RCE à ce jour. Par ailleurs, le bilan n’est pas complètement nul. Je donne juste comme exemple le commentaire n°2, au dessus. Un autre exemple ici.
22 novembre 2009 à 17:43
Jojo
Pour ce qui est de gérer les scories des attaques idéologiques contre les statuts, c’est clair, les universités sont libres et autonomes.
En revanche, pour fermer un IUFM dans le nord-pas-de-calais ou créer un PRES à Paris, c’est-à-dire pour les choses sérieuses, faut pas déconner, Valoche a la main.
NB : pour le PRES, inutile d’insister sur le fait que les CA votent pour. Un odieux chantage financier a bien facilité les choses.
22 novembre 2009 à 18:45
Rachel
Oh oui, pour cette histoire d’attaque idéologique contre les statuts, le coup était très rude : ça aurait pu conduire à ce que des fonctionnaires puissent évoluer au cours de leur carrière, que l’équilibre de leurs missions soient temporairement modifiées. Inadmissible ! et dangereux !
Pour l’IUFM du Nord-pas-de-Calais, c’est plutôt le contraire, V. Pécresse est intervenue en sa faveur. C’est vrai qu’elle garde la main, même si elle ne s’intéresse plus vraiment aux problèmes : elle consolide.
23 novembre 2009 à 10:45
Astronaute en transit
En fait nous devrions conclure que l’état actuel de l’université, c’est un état de servitude et d’irresponsabilité! Et on peut se demander à quel point les statuts de certains, justement, contribuent à cette situation.
23 novembre 2009 à 17:57
Irnerius
Chronique signalée dans le n°3 de la Revue de Blogs http://histoireuniversites.blog.lemonde.fr/2009/11/23/revue-de-blogs-3/
Cordialement.