Le thème des heures complémentaires à l’Université est complexe, mais la Gaïa Universitas ne recule devant aucun défi ! Il se peut que ce sujet soit l’une des clefs de l’évolution de nos universités, tout comme l’est la répartition des services des enseignants chercheurs.
Que sont les heures complémentaires ? Il s’agit d’heures d’enseignement effectuées en surplus de la charge statutaire des enseignants-chercheurs (192 h eq. TD). Il n’y a d’heures complémentaires que pour l’enseignement, pas pour la recherche.
Qui paie ? A quel tarif et à quelles conditions ? C’est sur le budget de l’université que sont payées les heures complémentaires, sur une ligne spécifique. Cela représente un volume très important pour les universités. Une heure complémentaire est rémunérée 60,86 euros pour un cours, 40,58 euros pour un TD et 27,05 euros pour un TP (tarifs du 27 juillet 2009). Bien entendu ces heures sont défiscalisées, net d’impôt. Ces heures complémentaires participent à la cotisation pour la retraite, ce qui veut dire qu’un enseignant-chercheur (EC) qui fait des heures complémentaires aura une retraite plus élevée que celui qui n’en fait pas. De son coté, l’université ne paie pas de charges patronales.
Quel est le volume d’heures complémentaires ? C’est un peu difficile de trouver des informations. D’après ce que j’ai pu glaner, le chiffre oscille entre 1 500 000 et 3 000 000 d’heures pour les enseignants de l’enseignement supérieur (voir par exemple ici). Cela représente entre 7 500 et 15 000 équivalent temps plein d’enseignants chercheurs et entre 60 et 120 millions d’euros.
Qui est gagnant ? Financièrement parlant, les heures complémentaires sont intéressantes car disons le franchement c’est un bon moyen de compléter ses revenus. Le ministère aussi est gagnant, c’est pourquoi il ferme les yeux sur les pratiques douteuses des universités sur ce sujet (voir divers rapports de la cour des comptes ou de la commission des finances). En effet c’est beaucoup moins cher de payer des heures complémentaires que de recruter des EC. Recruter un EC pour 192 h/an ça coûte 30000 euros alors que payer des heures complémentaires pour 192 h ne coûte que 7750 euros/an. On n’est donc pas surpris de voir une tendance qui encourage à faire plus d’heures complémentaires plutôt que recourir à des recrutements, comme cela est illustré par la déclaration de V. Pécresse en juin dernier « Je me place dans une logique d’heures supplémentaires, d’optimisation des moyens, de mobilisation des ressources plutôt que dans une logique de création d’emplois ». D’autant plus qu’il faut appliquer le concept gouvernemental du « travailler plus pour gagner plus ».
Qui est perdant ? La grande perdante c’est la recherche. Financièrement parlant il est bien plus intéressant pour les EC d’arrêter la recherche et faire des heures complémentaires. Du moins c’est comme ça que ça fonctionnait jusqu’à présent. Avec la nouvelle structure d’évaluation qu’est l’AERES, on demande maintenant aux chercheurs et enseignants-chercheurs de publier. Cela n’est pas forcement illogique étant donné que la publication d’articles ou la rédaction de livres fait partie du travail. Mais avant tout cela n’était pas contrôlé, on pouvait être enseignant-chercheur et ne pas faire de recherche. Comprend qui pourra.
A lire également : Le volet 1 qui dresse un panorama général sur les heures complémentaires à l’université. Dans le volet 2 nous comparons le salaire de personnels statutaires avec différentes configurations (par exemple avec ou sans heures complémentaires). Dans le volet 3 nous tentons de discuter très sommairement de l’influence des récentes réformes sur ce thème des heures complémentaires. Dans le volet 4 nous discutons plus spécifiquement du nouveau décret du statut des EC.
14 commentaires
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11 septembre 2009 à 08:39
Astronaute en transit
Intéressante analyse Titanium, la première question qui me vient à l’esprit est où sont les étudiants dans ce raisonnement? Puisque les heures complémentaires sont des heures d’enseignement, est-ce qu’elles se traduisent dans une plus grande disponibilité de l’enseignant à ses étudiants, ou servent-elles à accommoder une masse toujours croissante d’étudiants sans que chacun d’eux, individuellement, ne bénéfécie de plus de cours ou d’encadrement?
Une autre question serait sans doute s’il est même possible de quantifier l’apport, si apport il y a, par étudiant, de l’existence d’heures complémentaires faites par les enseignants-chercheurs?
11 septembre 2009 à 10:15
Titanium
Je ne pense pas qu’il y ait de relation directe entre le nombre d’heures complémentaires et la disponibilité auprès des étudiants (j’imagine ici que vous parlez de disponibilité hors cours). Les heures sont calculées sur du présentiel devant les étudiants (cours, TD, TP) et le temps passé en dehors de ça ne compte pour rien, pas plus que le temps passé à préparer les cours ou à corriger les copies. Donc rien n’indique que si on fait beaucoup d’heures complémentaires on sera plus disponible auprès des étudiants. Je pense qu’il y a toutefois un lien indirect. Je remarque, sans que ça soit une généralité, que les EC qui font beaucoup d’heures complémentaires me paraissent plus disponibles auprès des étudiants. Mais ces derniers souvent sont moins impliqués en recherche (difficile de tout faire, de la recherche et beaucoup d’heures complémentaires …), ce qui permet cette disponibilité. Les EC très impliqués en recherche sont assez souvent peu disponibles (là encore on ne peut pas tout faire …). C’est pourquoi je suis favorable à la modulation des services afin de se rapprocher d’un meilleur équilibre, ce dernier étant assez difficile à trouver pour un EC et de plus il n’est pas forcement constant au cours d’une carrière.
Je doute avoir répondu à vos questions, mais j’espère que d’autres internautes viendront aussi dire leur avis. Mais l’important de votre intervention est la question : quid de la disponibilité auprès des étudiants ? … ce que je n’ai pas abordé dans ma chronique.
11 septembre 2009 à 12:18
Astronaute en transit
Pour rebondir là dessus, Titanium, on pourrait aussi poser cette question facétieuse: quid de la disponibilité des étudiants auprès des enseignants! Sont-ils demandeurs de plus d’encadrement, par exemple? Comme nous discutions il y a quelque temps des stages d’introduction à l’université pour les nouveaux étudiants, animés par des volontaires, on peut se demander s’il ne serait pas opportun de les prolonger pendant la durée de toute la première année, afin que les étudiants qui se voient « décrocher » au bout de deux, trois ou quatre mois, puissent essayer de se mettre à niveau avec des cours de soutien? Je me rends bien compte que cela fait très « secondaire » et qu’un jour, il faut bien que de jeunes adultes prennent leurs responsabilités et sachent travailler sans avoir un enseignant derrière eux en permanence.
Je me retrouve avec vous parfaitement sur un point, il est très regrettable que tant d’activités en non présentiel ne puissent être comptabilisées, d’autant plus que comme vous le soulignez, c’est la recherche qui en subit le contre-coup. Faire même un tout petit peu de recherche, c’est intellectuellement très stimulant pour l’enseignant et les étudiants peuvent en percevoir la différence, il faut donc pouvoir trouver le moyen d’encourager à la recherche même ceux qui n’y sont pas statutairement tenus. À l’inverse, l’université ne saurait exister sans étudiants, et donc même les grands chercheurs devraient être sensibilisés au fait qu’être en contact avec des étudiants, c’est humainement stimulant!
11 septembre 2009 à 13:30
Titanium
Les étudiants sont demandeurs de cette disponibilité, et une formation qui est capable d’en fournir (donc d’avoir des enseignants disponibles) a probablement une valeur ajoutée importante. Il est vrai aussi, comme vous le soulignez, qu’un objectif majeur est l’accompagnement vers une responsabilisation et autonomie.
Pour lze présentiel/non présentiel, ça va peut-être évoluer prochainement avec la possibilité pour les universités d’octroyer des « heures » hors présentiel. Voir le billet sur le référentiel national des tâches que nous avons déjà discuté dans ce blog. https://rachelgliese.wordpress.com/2009/08/31/referentiel-national-de-taches/
Certaines universités faisaient déjà des efforts, par exemple avec la mise en place de tutorats (diverses formes sont connues) mais souvent ce tutorat ne se faisait pas forcement dans un cadre strictement légal. Ca montre bien la nécessité de réfléchir à tout cela et de faire des évolutions.
Je trouve que le métier d’EC est devenu difficile à gérer, en particulier par l’exigence de la recherche qui a considérablement augmenté. Tenir un bon niveau de recherche est très accaparant intellectuellement et rend certains EC peu disponibles pour le reste.
Il serait très intéressant de permettre (encourager ?) de faire de la recherche à ceux qui n’y sont pas statutairement tenus. C’est là un e position que je défends fortement. Par exemple si un PRAG souhaite faire de la recherche, je pense qu’il faut lui donner sa chance. Et il faut aussi lui permettre d’envisager une conversion vers un statut d’EC si la mayonnaise prend. Inversement un EC qui ne fait plus de recherche devrait voir son statut converti en équivalent PRAG. Bref prévoir des passerelles entre les métiers ?
11 septembre 2009 à 14:16
Astronaute en transit
A mon avis ce devraient même être des trampolines!
Évidemment une des difficultés techniques réside aussi dans le fait que les parcours « souhaitables » entre enseignement et recherche peuvent varier assez fortement selon les disciplines: il ne m’échappe pas que pour les sciences pures ainsi que l’ingéniérie, la nécessité de conduire de la recherche, si possible en pointe, est absolument essentielle, et je crains que dans les sciences humaines et sociales l’on soit un peu moins sensibilisé à cette nécessité, d’où des attitudes différentes, aussi, selon l’âge que l’on a et la situation qu’on occupe dans le parcours: un jeune a besoin de faire de la recherche pour progresser (le fameux « publish or perish ») mais il est aussi important de se forger une expérience dans l’enseignement en début de carrière; pour les personnels d’âge mûr, on peut comprendre aussi que l’envie de faire de la recherche prédomine sur celle d’enseigner, d’autant plus si l’on estime qu’on a « déjà donné » dans sa jeunesse…
11 septembre 2009 à 17:13
Titanium
Les difficultés résident surtout dans notre conception historique des métiers et une certaine rigidité des statuts ou d’entrée dans un statut donné. Pour le reste je pense que toutes les configurations sont possibles.
Deux petites remarques, qui s’appliquent aux sciences dures (dont je suis): pour un jeune qui ne parvient pas à bien démarrer son volet recherche c’est ensuite très difficile de remonter la pente, d’où une quasi-nécessité de ne pas se louper au départ. Pour un senior qui arrête la recherche (pour raison x), c’est très difficile de revenir.
4 mai 2010 à 14:01
NOB
bonjour;
je travail comme intervenant au département physiques ,je donne des cours de TP,
J’ai effectué 20h ,mais seulement 13 h seront payé .
Je ne comprend pas ?Pouvez vous m’expiquez le taux horaire.Merci
4 mai 2010 à 14:02
NOB
bonjour;
je travail comme intervenant au département physiques ,je donne des cours de TP,
J’ai effectué 20h ,mais seulement 13 h seront payés .
Je ne comprend pas ?Pouvez vous m’expliquer le taux horaire.Merci
4 mai 2010 à 23:18
Rachel
C’est assez simple: Pour les vacataires, 1 heure de TP est comptabilisée 40 minutes (on parle alors de 40 minutes d’équivalent TD). Donc 20 heures sont comptabilisées 13,3 heures.
Deux façons de calculer votre rénumération:
– 20 heures de TP sont rétribuées 20 x 27,05 euros = 541 euros
– 20 heures de TP sont transformées en 13,33 heures d’équivalent TD qui sont rétribuées 13,33 x 40,58 euros = 541 euros
3 avril 2012 à 10:29
agulhon
Il y a des inexactitudes dans votre texte, les jeunes maitres de conférences sont obligés de faire des heures complémentaires, car leur salaires sont faibles, plus on vieillit, plus on gagne, moins on fait d’heures supplémentaires, mais plus on est envahi par les exigences bureaucratiques, par ailleurs, les enseignants n’ont pas attendu l’AERES pour publier.. Il n’y a qu’à voir le nombre de revues scientifiques..
15 octobre 2012 à 15:38
Inarius
« Un enseignant coûte 30 000€ par an »…détrompez vous, avec les charges patronales, un enseignant même débutant coûte au minimum 50 000€ (la pension civile s’élève à 68% en 2012, +18% de charges patronales autres…)
15 octobre 2012 à 18:39
Rachel
Inarius, il est écrit que c’est pour un EC et ses 192h, ce qui représente un mi-temps d’enseignement (l’autre mi-temps est pour la recherche). Avec les 30.000 euros (le mi-temps), on n’est certainement pas loin du salaire chargé médian (il semble …). Mais si effectivement on prend tout en compte, les 30.000 euros sont largement sous-estimés.
8 novembre 2012 à 22:37
Stan Marsh
Hmm, intéressant, mais il n’y a pas que des ec dans les universités, et ça complique la situation : pour un prag, une heure sup c’est au contraire mal rémunéré. Si le tarif parait bien pour un ec, c’est seulement lorsqu’on le considère à priori comme malhonnête : le temps passé pour les heures sup (préparation+séance) est supposé déduit, au moins en partie, du temps consacré à la recherche (qui devrait faire la moitié de son temps de travail rémunéré). Pour un prag (situation plus claire puisqu’en théorie uniquement activité enseignante), même en début de carrière, le tarif de l’heure sup ramené correctement pour comparaison est moins bien payé qu’une heure « normale » (participant à compléter son service)! Dans mon iufm, la plupart de mes collègues ne courent franchement pas après les heures sup, puisque le tarif horaire est très couteux… en temps!
De plus, dans beaucoup d’iut, d’iufm et sans doute d’autres structures universitaires, il y a, au moins pour les prag, très peu de cm et on est sur un schéma cours avec td intégré comptés comme td, ce qui n’arrange rien.
1 août 2017 à 09:28
chateauneuf
sur l’ensemble des EC combien sont effectivement rattachés à un labo et publient. je ne comprends pas que l’on parle d’heures complémentaire alors que certains ne font pas leur 1607 h. quel est le nombre de jours de congés des EC et qui contrôle tout cela