etudier_droitParlons aujourd’hui des droits d’inscription dans l’enseignement supérieur. Récemment, plusieurs écoles d’ingénieurs du service public ont été autorisées à augmenter ces frais (d’environ 1000 euros) (lire ici, par exemple). Par contre, la ministre G. Fioraso a bien précisé que ces droits n’augmenteraient pas dans les universités, sous la pression de l’UNEF, je pense. Car il se dit que la ministre aurait comme mission principale de veiller à ce que les étudiants n’aillent pas dans la rue. La question ne se pose donc pas dans les universités, pour l’instant …

On peut dire « pour l’instant » (c’est d’ailleurs le terme utilisé par la ministre) car comme tout le monde, les universités cherchent des crédits pour se développer, ce qui n’est pas évident dans le contexte budgétaire actuel. Ces droits d’inscription sont bien entendu une source potentielle abondante. Par exemple, si une université de 10.000 étudiants augmentait ses frais de 1000 euros (comme les écoles d’ingénieurs citées), ça ferait un joli paquet supplémentaire de 10 millions d’euros, bref le nirvana.

Par ailleurs on peut se questionner sur la justesse de cette quasi gratuité de l’enseignement supérieur en France. Contrairement à l’école primaire ou secondaire, à  l’accès aux systèmes de santé ou aux administrations diverses, l’enseignement supérieur n’est une obligation pour personne. Quand on regarde la population qui fréquente l’université, on se rend compte que le barycentre n’est pas le même que le barycentre de la population (qui finance le tout selon un mode qui aura été jugé équitable). Ceux qui profitent de ce système de gratuité sont plutôt les classes favorisées, ce qui m’a parfois fait dire que ce blog « que les pauvres payent pour les études des riches ».

On pourrait envisager les choses un peu autrement. Plutôt que d’avoir un taux fixe, on pourrait avoir un taux gradué de droits d’inscription, selon les situations et capacités des familles. C’est en gros ce que propose QSF (qualité de la science française), propositions à lire ici (il y a aussi d’autres points de discussion intéressants). Je mets ci-dessous ces propositions de QSF sur le sujet.

Financement et démocratisation des études (par QSF):

« Jusqu’ici, la démocratisation des études supérieures n’a pas été suivie d’une politique de redistribution des efforts. Un système qui, s’inspirant d’un principe d’équité, tiendrait compte de la condition sociale des étudiants, est tout à fait envisageable : une augmentation des droits liée aux revenus des familles et limitée par des règles nationales n’aurait rien de commun avec le système américain, où des droits d’inscription très élevés sont financés par un très lourd endettement, qui fait que la dette étudiante est devenue la deuxième dette américaine.

Aujourd’hui les droits d’inscriptions (192 €) correspondent à environ 2 % de la dépense moyenne par étudiant (10 000 € environ), alors que dans les autres pays de l’OCDE la moyenne de ces droits s’élève à 14 ou 15 %. Est-il normal qu’en France les familles aisées dont les enfants font des études universitaires ne contribuent quasiment pas au budget des universités ? Le fonctionnement actuel n’a pas, par ailleurs, d’effet redistributif. Il est inéquitable et inefficace. Il ne contribue ni à la démocratisation des études ni au rayonnement de nos universités.

Or nous sommes tous conscients de la grave crise budgétaire que connaissent nos  universités. Nous sommes tous également conscients du fait que les moyens budgétaires alloués par l’État aux établissements de l’enseignement supérieur risquent de diminuer encore à l’avenir. Dans ces conditions, les universités sont dans l’obligation de trouver d’autres ressources budgétaires qui leur permettent de mener à bien leurs missions fondamentales.

Il faudrait dès lors envisager des droits d’inscription progressifs, liés aux revenus du foyer parental, avec l’exemption pour des étudiants issus de classes défavorisées. On pourrait introduire quatre taux progressifs de droits d’inscription : 500 €, 1 000 €, 1 500 €, 2 000 € (éventuellement déductibles du revenu imposable des foyers fiscaux). Une telle mesure aurait un double effet : elle renforcerait la détermination des étudiants, qui seraient ainsi davantage conscients des efforts consentis par leurs familles, par conséquent également incités à terminer dans les meilleurs délais leurs études ; elle contribuerait à renflouer de manière importante le budget des universités. On peut estimer que plus d’un milliard d’euros supplémentaires (si l’on prend d’un côté la moyenne des quatre taux, 1 250 €, et d’autre part les étudiants inscrits dans les universités françaises, 1 400 000, moins 300 000 ou 400 000 boursiers) pourraient ainsi abonder les crédits budgétaires de nos universités, ce qui correspondrait à une augmentation d’environ 10 %.

Un changement de politique sur ce sujet impliquerait que le système d’attribution des bourses soit remis à plat. Des bourses permettant de vivre et de financer les études universitaires doivent être accordées aux étudiants d’origine modeste. Une politique de bourses adaptées au coût de la vie et aux conditions de travail des étudiants défavorisés n’a jamais existé en France. Or la moitié de ce que rapporterait l’augmentation des droits d’inscription pourrait être destinée par les universités à des bourses d’études triennales (Licence) ou biennales (Master) dignes de ce nom (en moyenne mille euros par mois, ce qui permettrait d’accorder 300 000 ou 400 000 bourses). La suppression de l’allocation de logement, qui ne sert en réalité que les intérêts des bailleurs, permettrait également de dégager des ressources supplémentaires pour ces bourses d’étude. »