C’est un constat terrible pour la formation doctorale dans les universités : « le taux de chômage des titulaires de doctorat est supérieur à celui des diplômés de niveau master. Il est près de trois fois supérieur à celui des pays de l’OCDE ». Ce constat est fait par Mohamed Harfi dans un document de travail pour le Commissariat général à la stratégie et à la prospective, octobre 2013, titré Les difficultés d’insertion professionnelle des docteurs. Les raisons d’une « exception française » (lire ici).
Pour expliquer ce taux de chômage, anormalement élevé compte tenu du niveau de qualification, le rapport souligne que ce n’est pas dû à une surproduction de docteurs. Il avance deux raisons :
- « un sous-investissement en recherche et développement du secteur privé,
- Et la préférence donnée aux ingénieurs pour des postes de recherche »
Les lecteurs assidus de ce blog savent que ce rapport ne fait que rappeler des problèmes déjà très bien identifiés depuis de nombreuses années (lire ici, par exemple). Pourtant on ne peut pas dire qu’aucun effort n’est fait. Par exemple il y a déjà un gros volant d’allocations CIFRE (convention entreprise – laboratoire public). Le CIR (crédit d’impôt recherche) comporte plusieurs mesures en faveur de l’embauche de docteurs. Mais cela ne suffit pas. Le rapport émet plusieurs recommandations pour améliorer l’emploi des docteurs (améliorer l’information, avoir une meilleure connaissance des besoins du marché du travail, accroitre le nombre de thèses financées par les entreprises, ou reconnaitre le doctorat dans les conventions collectives).
Malgré tous ces efforts humains et financiers, on est obligé de constater que les problèmes perdurent (à la fois la médiocre insertion professionnelle des docteurs mais aussi la faiblesse de la R&D privée française). « Le doctorat semble ainsi être la victime collatérale du ‘dualisme’ du système d’enseignement supérieur, qui fait coexister des universités et des grandes écoles, celles-ci détenant un prestige et une influence incomparables », déplore le député Emeric Bréhier (source ici). « Même lorsqu’il s’agit de recrutements pour la fonction recherche, les entreprises privilégient les profils d’ingénieurs par rapport aux titulaires de doctorat » dit le rapport en question. Le problème est donc structurel et culturel.
A mon sens il faut donc aller beaucoup plus loin que les quelques petits mesures sans ambition données dans le rapport. C’est certainement les mentalités qu’il faut faire évoluer sur le long terme, et ça c’est beaucoup moins simple. Deux questions simples et majeures devraient servir de socle à cette évolution :
(1) Pourquoi est-ce utile d’investir dans la R&D ? Les entreprises françaises devraient se réapproprier davantage la notion d’investissement plutôt que de consommer leur temps à la chasse à la subvention ou à la niche fiscale. C’est là une action qui pourrait être envisagée en amont, auprès de nos grandes grandes écoles, c’est-à-dire de là où sortent nos futurs dirigeants. Dans une grande majorité des cas, les néo-diplômés qui en sortent n’ont qu’une idée assez vague de ce qu’est la R&D. Dans l’idéal, les GE devraient être intégrées dans les universités car c’est là qu’on va trouver les meilleurs laboratoires de recherche. Bref il me parait essentiel d’un grand nombre de futurs dirigeants aient été confrontés un jour ou l’autre à la recherche (et plus qu’un simple petit cours ou stage « découverte du monde de la recherche » mis en place pour faire bonne figure…).
(2) Un ingénieur est-il un chercheur ? la réponse est bien évidemment non (mais je reconnais qu’on peut la nuancer à l’infini). Ceci est d’autant plus dramatique que l’ingénieur à la française est plutôt généraliste, de plus en plus inapte à réagir face à des situations de R&D qui nécessitent aujourd’hui des compétences de spécialistes. Pour ma part je pense qu’il n’y a pas assez de formations d’ingénieurs orientées vers la R&D. La vieille dame (la CTI) y est pour beaucoup dans cette faillite des ingénieurs et de leurs écoles. Il faudrait aussi faire comprendre aux entreprises l’intérêt d’une mixité de provenance dans leurs effectifs. Un bon équilibre serait 50%-50% de docteurs et d’ingénieurs dans les services de R&D. Aujourd’hui on en est très loin puisque les ingénieurs sont largement majoritaires. Étant donné la mauvaise santé de la R&D française, c’est bien la preuve que les ingénieurs sont peu compétents pour l’assurer.
78 commentaires
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9 novembre 2013 à 15:37
FBLR
@Rachel
Si « les entreprises » se trompent lourdement, pourquoi ne sont-elles pas supplantées par d’autres, plus agiles, plus investies en R&D ?
Pourquoi cette question n’est-elle jamais posée par ici ? Le monde de l’entreprise est fait de mort et naissance. Même en France où le cycle est plus long.
Vous pointez la chasse à la subvention/niche fiscale. Mais vous n’envisagez pas que cela puisse être rationnel. Si les incitations structurelles à ne pas faire de recherche sont supérieures aux autres, il est normal et naturel que ce qui est réalisé le soit.
Pour finir, je pense que « les ingénieurs » ont le dos large: ceux qui innovent et se spécialisent et bien, ils ne restent juste pas en France… voire préparent des thèses.
Sans compter que le modèle dominant des réussites en matière d’entreprises technologiques va de plus en plus à « l’innovation commerciale », soit la maîtrise de l’usage plutôt que la R&D à tout prix. C’est ce qui a fait la force d’Apple ou de tant d’autres. Chose sur lesquelles les docteurs sont en général malhabiles.
On dirait qu’ici on refuse de voir tous les autres paramètres: la puissance d’une économie dépend bien plus de l’organisation de ses rapports sociaux que du diplôme attribué à celui qui doit réfléchir à long terme au sein des entreprises…
9 novembre 2013 à 15:40
Reconnaissance du doctorat | Pearltrees
[…] De l’insertion professionnelle des doctorants dans le secteur privé […]
9 novembre 2013 à 16:02
Rachel
@FBLR, mais supplantées par d’autres, elles le sont. Il y a de nombreuses entreprises qui plongent car elles n’ont pas su investir dans l’amélioration de leurs moyens de production ou dans l’innovation pour produire de nouveaux produits. Mais s’il y a peu de R&D dans l’environnement, le problème c’est que peu de nouvelles pourront émerger et remplacer les défuntes …
Par rapport à la chasse à la niche fiscale et à la subvention, je ne dis pas que le comportement des entreprises est irrationnel. Si effectivement c’est plus juteux, elles auraient tort de s’en priver. Mais alors qu’elles ne viennent pas se plaindre d’une fiscalité trop lourde …
Enfin, ce dont je parle n’est certainement pas le seul paramètre à prendre en compte. Mais je persiste à penser que la formation et la recherche joue un rôle important (sinon pourquoi perdre du temps à former nos jeunes ?).
9 novembre 2013 à 16:07
Astronaute en transit
Tout à fait d’accord sur le constat que le culturel est assez primordial dans cet état de choses.
Pourtant il me semble qu’une autre question pourrait être posée:
Quelles sont les compétences professionnelles des docteurs, et, partant, quel est leur rôle dans la gamme des métiers?
Cette question me semble d’ailleurs beaucoup plus primordiale pour comprendre quelle devrait être la place et les fonctions remplis par des titulaires de doctorats dans le monde professionnel. Je crois qu’en France, où ce diplôme est essentiellement identifié avec des professeurs Nimbus, il serait essentiel de d’abord mener cette réflexion à caractère plus général. Ce serait d’autant plus utile que l’angle du billet semble encore une fois se pencher essentiellement sur les docteurs en sciences appliquées et leur rôle pour des entreprises essentiellement industrielles… d’où l’interrogation par rapport aux ingénieurs. Les docteurs en humanités et sciences sociales sont souvent soupçonnés d’être encore plus inadaptés à ces entreprises, mais peut-être faudrait-il aussi penser en termes de secteurs d’activités beaucoup plus divers. L’industrie, ce n’est pas tout ce qui fait les métiers dans une économie, même s’il y a à l’heure actuelle beaucoup de battage médiatique et politique fait autour de ces seules activités là, pourtant en forte perte de vitesse.
Pour l’instant, plus que résultant d’une sorte de complot des entreprises qui font la chasse à la subvention (subventions que le pouvoir politique, par clientélisme et féodalisme, n’est que trop content de leur offrir) et de la place indue occupée par des ingénieurs, il semble tout simplement que la qualification de docteur s’inscrit mal dans les visions françaises de la société, de l’économie et du monde. On ne comprend pas trop à quoi ça sert, le doctorat, hormis dans le milieu universitaire. ça débouche fort peu sur une grille de salaire élevée, tout au plus est-ce honorifique, et encore! Alors pourquoi essayer de fourguer ce genre de personnes aux entreprises, s’il demeure un lieu commun de penser qu’un doctorat, ça ne vaut pas grand chose et encore seulement dans un milieu de haute expertise où, en réalité, c’est bien plus le statut ou non d’agent public qui fait la différence. Ces mentalités là aussi doivent changer avant que l’on trouve des réponses adaptées.
Demander à « l’Etat stratège » de faire pression sur les entreprises pour qu’elles engagent des docteurs n’a pas grand sens quand la société française dans son ensemble est au mieux ignorante, au pire indifférente par rapport à ce type de formation, déjà cataloguée. L’Etat et ses politiques, en dépit de qu’ils prétendent, n’ont ni vocation ni talent particulier pour altérer le psychisme des gens: ces derniers temps, ses opérations ont bien plus contribué à répandre de mauvaises habitudes sociales (et notamment une détestation du travail assez propre à la France) qu’autre chose. Le doctorat est considéré autrement dans d’autres sociétés qui n’ont pas l’histoire ou la mentalité qui prévalent en France. mais attention, le dire, c’est ensuite s’attirer des remarques du genre « les Français n’en veulent pas de ce système étranger ». C’est parce qu’on n’a pas vraiment les moyens de faire penser autrement les Français que de la façon dont ils ont toujours fait qu’on se propose de modifier la perception générale des docteurs avec de « petites mesures » dirigistes (« Engagez des docteurs ou gare à vous!…) mais je crains que par rapport à l’ampleur du problème ce soit à côté de la plaque…
9 novembre 2013 à 16:13
nathalie
Ces arguments sont intéressants. Toutefois le système académique n’est il pas le premier à se méfier des docteurs, puisqu’il va exiger une longue période probatoire (les postdocs), des vérifications supplémentaires (la procédure de qualification) avant de se décider à en embaucher un ? L’Université/CNRS restera ensuite perclus de doutes sur les qualités des heureux élus et passera son temps à exiger de nouvelles réassurances, de rapports d’activités en HDR. Il est donc un peu paradoxal de faire ensuite des reproches au secteur privé (qui ne pourrait même pas garder si longtemps un cadre en CDD) .
J’ai aussi des doutes sur les capacités supérieures en « innovation » des docteurs : la recherche c’est de faire UN truc qui marche (en passant outre le temps, les crédits, les essais ratés); une innovation commercialisable c’est 1000, 10000 trucs qui marchent, à un coût raisonnable, avec quasiment pas de ratés…
9 novembre 2013 à 16:22
Astronaute en transit
Regardons l’agroalimentaire breton: il a été complètement drogué de subventions publiques, et notamment européennes. Comment dire à présent si une plus forte proportion de docteurs dans le management de ces entreprises leur aurait fait comprendre que leur modèle commercial était insoutenable face à l’émergence de concurrents plus compétitifs? À l’heure actuelle, les protestations dont on entend parler tendent à demander encore plus de subventions pour sauver un secteur dont le dynamisme a justement été tué par la subvention…
Là où les entreprises se plaignent de fiscalité lourde, c’est sur les charges de travail, les charges de retraites (alourdies précisément parce qu’on refuse, au gouvernement et dans la fonction publique, de les réformer), et sur des charges toujours plus lourdes sur les bénéfices, les investissements, les marges. Le gouvernement et ses agents arguent, royalement, qu’ils ont fait un « cadeau » aux entreprises par la voie de niches et de subventions… mais celles-ci surviennent alors que le mal est déjà fait, que la compétitivité du secteur privé est déjà plombée par un secteur publique qui veut tout régenter, de façon à gonfler son importance, son insatiable soif d’autorité sur une société de moins en moins libre.
Là où l’on suggère de donner des ordres différents, c’est en fait du logiciel tout entier qu’il faudrait changer. Remettre l’Etat à sa place, essentiellement le régalien. Comme régulateur d’économie il n’est pas plus fiable que les banques, toute l’histoire des dernières années l’a illustré et l’illustre encore.
C’est plutôt dans une société libérée dans ses façons de pensées, sans oukazes jacobins, qu’on pourra réfléchir à la richesse que pourraient contribuer les docteurs dans les différents métiers.
9 novembre 2013 à 16:55
Rachel
@Astronaute, c’est vrai que le billet comporte le biais habituel : il est en gros consacré aux docteurs des disciplines « sciences dures » et au monde des ingénieurs.
Dans ce monde des entreprises, et dans le domaine de l’ingénierie, il est considéré que le docteur est assez inapte à travailler en entreprise. C’est le constat souligné par la CDEFI (Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs), qui connait bien le monde de l’entreprise. Pour cela elle a créé récemment un « référentiel », bref une sorte de complément au diplôme pour des cours suivis en plus du travail de doctorat (sur des questions de gestion, de management, … bref le socle des enseignements de l’ingénieur à la française, m’enfin !). Dans l’introduction qui cherche à justifier la création de ce référentiel, il est écrit : « Plus de 80% des docteurs formés dans les disciplines scientifiques sont aujourd’hui employés au sein des entreprises. Or, si ces dernières leur reconnaissent de grandes compétences techniques et scientifiques elles leur reprochent, en revanche, très souvent des lacunes dans les problématiques sociétales, managériales, linguistiques et comportementales » http://www.letudiant.fr/static/uploads/mediatheque/EDU_EDU/4/1/136141-referentiel-parcours-competences-pour-l-entreprise-cdefi437-original.pdf. Dingue ! moi qui vis en quasi permanence entourée de doctorants et de docteurs, je n’avais pas vraiment percuté que mon labo était en réalité un asile d’aliénés (mais c’est vrai qu’en y réfléchissant bien …)
Sur le sujet de l’agroalimentaire breton, qui sait comment les choses auraient tourné si des docteurs étaient plus présents dans l’écosystème ? Peut-être auraient-ils pu, mieux que d’autres, pister des signes de faiblesses, innover pour de nouveaux produits ou améliorer les méthodes de production ?
@Nathalie, vous êtes bien gentille de me dire que le billet est intéressant, nous nous sommes déjà tellement disputées sur ce sujet …
Mais c’est vrai que le doctorat français est d’une qualité non garantie, la preuve par la qualification. Sous ce angle, on peut parfaitement comprendre la méfiance des entreprises à recruter des docteurs, d’autant plus que selon la CDEFI ils auraient également des lacunes comportementales …
9 novembre 2013 à 17:02
Marianne
Bah moi ce que je vois en discutant avec des PME c’est surtout qu’ils veulent un truc qui se vend…Ils ont en général leurs propres critères pour décider ce qui marche ou non et c’est pas forcément bien réfléchi…Le truc qui est de bonne qualité c’est ce qui satisfait au cahier des charges clients et peu importe s’il est absurde…Après un autre critère important est que ca aille vite et les constantes de temps sont pas les mêmes en entreprise et en fac….Voila, pour résumer j’ai l’impression que c’est l’aspect commercial qui prime (à tort ou a raison) et pas tellement scientifique…Difficile de faire cohabiter ces deux univers….
9 novembre 2013 à 18:29
FBLR
@Rachel
« Par rapport à la chasse à la niche fiscale et à la subvention, je ne dis pas que le comportement des entreprises est irrationnel. Si effectivement c’est plus juteux, elles auraient tort de s’en priver. Mais alors qu’elles ne viennent pas se plaindre d’une fiscalité trop lourde … »
Vous prenez le problème à l’envers: c’est parce que l’environnement fiscal et social *THEORIQUE* est extrêmement élevé (pour parvenir à 46% de PO et 57% de DP, comme le dit Piketty lui-même, nécessairement des gens paient bien plus que 60 voire 70%…), du coup, la survie de tas d’entreprises dépend de la possibilité ou non de récupérer une subvention directe ou indirecte.
Exemple typique: les panneaux solaires. Tout le secteur avait pris pour acquis le niveau extrêmement élevé de subventionnement du prix de rachat de l’électricité ainsi produite. Les politiques finissent par décider de siffler la fin de la partie et d’éliminer le subventionnement (car sinon, il eût fallu augmenter massivement l’électricité de *tous* les français, et devoir l’assumer: EDF aurait fini par communiquer sur le surcoût)
=> fermeture de toute la filière. LoL.
« Il y a de nombreuses entreprises qui plongent car elles n’ont pas su investir dans l’amélioration de leurs moyens de production »
Oui, mille fois oui.
Mais pour investir, c’est pas de docteur dont on a besoin, mais de la stabilité dans le cadre juridique (législatif et réglementaire), fiscal et social.
Si votre activité dépend d’une loi à passer ou défaire (exemple: les OGM à utilisation médicales, les recherches sur les cellules souches, les mini-générateurs nucléaires ou tout autre innovation dans les cartons dont la commercialisation dépend de l’environnement)
De manière générale, la R&D c’est à 10-20 ans. L’innovation de 6mois à 3 ans. Dans le premier cas on documente la technologie, dans le second on cherche à la mettre en place en tenant compte de toutes les contraintes économiques. Ayant pas mal d’amis dans l’industrie (et loin d’être tous ingénieurs, plutôt des ENS/DEA ou docteurs), je ne cesse de remarquer que nombre d’innovations non-rentables en France le deviennent dans leurs filiales à l’étranger.
Je garde sous le coude mon ami exerçant tro-tech, dont l’entreprise a une santé financière insolente, qui n’arrive pas à trouver suffisamment d’ouvriers et de techniciens spécialisés pour travailler dans son usine, et dont l’entreprise est en train de réfléchir à délocaliser l’activité en Europe de l’Est. Eux aussi se plaignent de cette volonté des écoles d’ingénieurs de former des « pseudo-ingénieurs » qui ressemblent de plus en plus à des commerciaux, dont l’horizon est « le management de projet ». Mais ils sont loin de représenter l’essentiel des besoins en ressources humaines.
Pour finir, je ne vois pas bien en quoi remplacer une « rente », un « statut » par un autre (en gros essayer d’institutionnaliser la nécessité d’avoir 10 ans d’études pour avoir le droit de bosser en bureau d’études) pourrait changer les choses. A titre personnel, je pense l’exact contraire, et l’expérience le démontre: beaucoup d’innovateurs célèbres et d’envergures n’ont même pas pu/voulu terminer leurs études.
» Plus de 80% des docteurs formés dans les disciplines scientifiques sont aujourd’hui employés au sein des entreprises. Or, si ces dernières leur reconnaissent de grandes compétences techniques et scientifiques elles leur reprochent, en revanche, très souvent des lacunes dans les problématiques sociétales, managériales, linguistiques et comportementales » http://www.letudiant.fr/static/uploads/mediatheque/EDU_EDU/4/1/136141-referentiel-parcours-competences-pour-l-entreprise-cdefi437-original.pdf. Dingue ! moi qui vis en quasi permanence entourée de doctorants et de docteurs, je n’avais pas vraiment percuté que mon labo était en réalité un asile d’aliénés (mais c’est vrai qu’en y réfléchissant bien …) »
Comme vous exagérez. Beaucoup de personnes provenant de milieux universitaires ont pu démontrer, notamment dans le passé, leur inaptitude à prendre en compte toutes les contraintes économiques. David Monniaux rappelle régulièrement ses discussions avec des universitaires qui raisonnent en « salaires nets » pour monter des projets… Je pense qu’avec la « recherche de projet » efface un peu ce biais. Mais finalement plus pour les post-docs et les MCFs investis que pour les docteurs.
Un docteur scientifique c’est quelqu’un qui met en place un projet à 3 ans, dans une bulle relativement confortable: pas de remise en cause des projets pour cause de gels des crédits annoncés en novembre, possibilité de devoir annoncer les licenciements à ses troupes, etc.
Un ingénieur qui ne s’oriente pas tout de suite vers l’administration/la finance, se retrouvera dans des conditions similaires à un docteur, l’apprentissage des contraintes économiques et industrielles en plus (notamment en termes de contraintes de reporting/habileté rédactionnelle). c’est d’ailleurs pour cela que les annonces aux USA, UK, en Allemagne ou en Suisse sont souvent de la forme « PhD ou MS et 3ans d’XP ».
D’après moi, nier ces réalités, cela ne rend pas service aux docteurs, loin de là…
Reste ensuite le message envoyé par les pouvoirs publics par rapport à la valeur d’un docteur.
=> ça ne suffit pas pour rentrer dans le monde qui les octroie (qualif, concours en plus, etc.)
=> aucun concours spécifique permettant d’intégrer les corps techniques ou administratifs de l’état (on est considéré comme si l’on avait un simple bac + 3 ou bac + 5 suivant les corps)
Donc comme d’habitude, que l’Etat montre l’exemple, et les entreprises suivront :-)
9 novembre 2013 à 18:37
Tom
Voici une réponse type « Rasoir d’Occam »: Si les entreprises françaises embauchent moins de docteurs que les autres pays de l’OCDE, c’est que les docteurs qu’on leur proposent sont moins bons que ceux qu’on propose dans les autres pays de l’OCDE.
Le niveau du doctorat est très hétérogène. Nous sommes certes capables d’évaluer le niveau du « haut du panier », à savoir les docteurs restant dans le monde académique, et visiblement, ils tiennent la comparaison avec ceux des autres pays.
Mais qu’en est-il des autres ?
– la non-soutenance des moins bons permet-elle de filtrer comme dans les autres pays ?
– quelles sont les influences de la qualif (segmentation les disciplines, validation nationale) sur le niveau globale ?
– l’encadrement « à la française », dans des labos plein de chercheurs permanents contrairement aux autres pays ?
– etc.
On devrait donc peut-être commencer par là, et vérifier que nous formons aussi bien les docteurs « qui ne restent pas dans le milieu académique » que nos concurrents…
9 novembre 2013 à 18:42
FBLR
@Tom
Pas d’accord avec votre analyse.
La meilleure preuve: nos docteurs non-académiques s’exportent très bien à l’étranger.
C’est plutôt une question de « niveau de queue »: l’hétérogénéité est bien plus forte, ce qui ne veut pas dire que le top 30%-5%, pourtant non embauché à la fac n’est pas de valeur.
9 novembre 2013 à 19:24
Tom
FBLR, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit.
Le problème ne sont pas les « bons qui trouvent un emploi dans le privé à l’étranger », mais les « moins bons qui restent au chomage », puisque ce billet traite du chomage des docteurs.
Mon propos est donc simple: avons-nous un moyen objectif d’évaluer le niveau de ces docteurs-chomeurs ?
Pour ma part, j’en connais quelques uns très brillants qui luttent pour trouver une position académique. Mais j’en ai vu aussi BEAUCOUP dont le niveau est une HONTE (et je pèse mes mots):
– niveau de sociabilité ridicule, incapacité à comprendre les enjeux d’une entreprise
– self-estime délirante (ben ouais, je suis un docteur quoi, l’élite de ma discipline, et on n’a plus grand chose à m’apprendre)
– Compétence théorique et technique nulle (en gros, rien n’a été appris pendant la thèse)
Pour la petite histoire, j’ai assisté à une soutenance de thèse en informatique, qui avait guère plus que le niveau d’une soutenance de fin de diplome en IUT, avec un jury composé exclusivement de non-informaticiens. La personne est aujourd’hui docteur, mais tout va bien, puisque la CNU a filtré…
Mon intuition est donc simplement que même si le gros de nos docteurs à le même niveau que dans le reste de l’OCDE, notre queue de peloton est beaucoup plus lourde. Nos mauvais docteurs ne seraient pas plus mauvais qu’ailleurs, mais ils seraient plus nombreux.
9 novembre 2013 à 19:34
FBLR
@Tom
Oui, mais il n’en demeure pas moins que le chômage/la dévalorisation sociale des docteurs, due notamment à cette queue de peloton qu’on a bien souvent tous fini par rencontrer dans nos carrières respectives (et même à l’université, du fait d’un mode de sélection pour le moins baroque, mais passons…), entraîne une suspicion sur le milieu de la distribution. Alors même qu’il s’agit pour l’essentiel d’excellents scientifiques. Parvenir à valider un DEA/M2 non-pipo puis faire une thèse exigeante sont clairement gage de qualité.
Mais comme dit plus haut, le bottom 10% rejaillit sur le reste de la distribution.
Notez qu’il n’y a pas que le chômage qui soit en jeu.
Le fait qu’à niveau d’expérience égale (thèse comprise) et de technicité équivalente le salaire des docteurs, même bon ou très bon soit significativement inférieur en entreprise doit être posé. Et là encore, cette queue de distribution est bien souvent utilisée à tort. Avec les sempiternelles histoires du « docteur en XX » qui a fait n’importe quoi pendant YY années avant qu’on ne se décide à le placardiser/licencier/ne pas renouveler son CDD.
9 novembre 2013 à 19:42
FBLR
Et en parlant d’insertion professionnelle, je rappelle que celle-ci est mauvaise pour tout le monde en ces temps de crise:
http://www.parismatch.com/Actu/Societe/BAc-5-la-galere-535859
A lire…
9 novembre 2013 à 19:43
Rachel
@FBLR, comme d’habitude on n’est d’accord sur rien mais pourtant je sens qu’on n’est pas non plus aux antipodes, curieux. Je pense surtout que nos cerveaux respectifs fonctionnent différemment.
Une petite question, certainement très naïve. Supposons que l’on baisse fortement la « pression fiscale » sur les entreprises, est-ce que ça veut dire qu’on baissera d’autant les subventions diverses octroyées aux entreprises ? J’imagine que oui, et dans ce cas on peut se dire and so what ? (bien entendu je comprends l’influence sur la politique d’intervention dans le monde économique).
J’exagère peut-être mais je pense que la formulation de la CDEFI n’est pas très heureuse. Mais c’est de bonne guerre, dans les écoles on fait ce qu’on peut pour déprécier les formations universitaires et les docteurs. De son côté l’université fait pareil, pas toujours avec le même bonheur d’ailleurs, à l’image du président de la CPU, Jean-Loup Salzmann « Les grandes écoles se sont développées sur des modèles très professionnalisants. Mais tout le monde sait, et les étudiants s’en aperçoivent lorsqu’ils intègrent une école, que les cours ne sont pas de très bonne qualité. De plus, les étudiants ne font pas de recherche. On a tendance à caricaturer l’université, or l’université, ce n’est que l’excellence ». Source : http://www.lemonde.fr/education/article/2013/10/15/l-universite-s-est-inspiree-des-ecoles_3496133_1473685.html
9 novembre 2013 à 20:40
Spririt_Of_Bouasse
FBLR @Rachel Si « les entreprises » se trompent lourdement, pourquoi ne sont-elles pas supplantées par d’autres, plus agiles, plus investies en R&D ?
Rachel @FBLR, mais supplantées par d’autres, elles le sont.
Je plussoie. Dire que tout va bien en france avec l’innovation industrielle est…, disons…., une forme de déni.
9 novembre 2013 à 20:43
fblr
@Rachel
10 points de fiscalité en plus que vos partenaires commerciaux, qui plus est avec une base mouvante, c’est un impact bien supérieur à tout ce que l’innovation pourra apporter et, la R&D, de toute manière apporte ses effets à long terme.
Oui, les subventions pourraient/devraient largement être revues. Il convient surtout de rappeler que l’apport des subventions/niches ne compensaient pas le surcroît de prélèvements…
S’agissant de la formulation de la CEDEFI, elle n’a que peu d’importance: celle-ci ne met pas en place les politiques RH des entreprises…
Rappelons un point important.
Un docteur coûte moins cher qu’un ingenieur pour une entreprise en France. Donc si son apport est équivalent voire meilleur, c’est un gain tres net pour l’entreprise qui recrute. Comme l’a rappelé Tom, la dispersion est tres importante sur cette population. Mais comme les spécificités du droit du travail français rend très important l’embauche et rend couteuse l’erreur au recrutement, cette volatilité peu s’avérer désastreuse.
Nota: Tom, pourriez-vous nous indiquer dans quel domaine vous exercez ?
9 novembre 2013 à 20:46
fblr
@Spirit
Vous lisez trop vite.
9 novembre 2013 à 20:57
François
@ Rachel » dans les écoles on fait ce qu’on peut pour déprécier les formations universitaires et les docteurs »
Je vous rassure, le président de la CDEFI fait des déclarations aux médias qui vont tout à fait dans l’autre sens :
» Pendant leurs trois années de thèse, les étudiants développent des compétences équivalentes à un expérience professionnelle de dix ans »
(ce que personnellement je ne trouve pas très promotionnel pour l’ingénieur diplômé …).
Si la France veut rester compétitive, elle doit former des docteurs de niveau bac+8, c’est le standard dans les pays étrangers
(il oublie qu’aux États-Unis qui servent constamment de référence, le standard est plutôt bac+4, puisque c’est celui de 75% des ingénieurs)
9 novembre 2013 à 21:12
François
@Rachel
» Un bon équilibre serait 50%-50% de docteurs et d’ingénieurs dans les services de R&D. Aujourd’hui on en est très loin puisque les ingénieurs sont largement majoritaires. Étant donné la mauvaise santé de la R&D française, c’est bien la preuve que les ingénieurs sont peu compétents pour l’assurer »
Il est intéressant de comparer cette proposition avec ce que dit une étude du Trésor qui paraît assez sérieuse :
http://www.tresor.economie.gouv.fr/File/331840
» Bien que faible, la part des docteurs dans la R&D privée est dans la moyenne internationale.
La répartition, par diplôme, des personnels effectuant de la recherche dans les entreprises privées montre la prédominance des ingénieurs. Ceux-ci représentent plus de 50 % des chercheurs en entreprise, contre seulement 13,5 % pour les docteurs (cf. graphique 2). Parmi les docteurs, 23 % sont aussi ingénieurs et un sur trois a obtenu son doctorat dans une discipline de santé (médecine, pharmacie ou odontologie) ; (Observatoire de l’emploi scientifique 2009)
Cette faible présence des docteurs dans les laboratoires privés n’est pas une spécificité française et concerne beaucoup de pays, y compris ceux considérés comme les plus à la pointe en matière d’innovation.
• Au Japon, en 2005, les docteurs ne représentaient que 5 % des chercheurs en entreprises contre 13,5 % en France en 2007.
• En Allemagne, en 2005, les docteurs représentaient 5,7 % du personnel de R&D (chercheurs, techniciens, ouvriers et administratifs) des entreprises industrielles
En France, cette proportion était de 7,7 % en 2007.
• Aux États-Unis, en 2006, 12,1 %des salariés du privé travaillant dans la R&D et diplômés du supérieur dans une matière scientifique étaient docteurs. Ce chiffre peut être comparé à la proportion de docteurs parmi les cher cheurs et techniciens des laboratoires de R&D privés (tous diplômes et toutes matières confondus) en France, celle-ci s’établit à 8,7 % en 2007 «
9 novembre 2013 à 21:28
François
A lire sur le sujet (concret et récent) :
» La poursuite de carrière des docteurs récemment diplômés » http://www.adoc-tm.com/2013rapport.pdf
9 novembre 2013 à 23:53
Astronaute en transit
@FBLR: même si mon opinion est largement disqualifiée en ces lieux, je n’ai rien à redire sur vos analyses que je trouve on ne peut plus claires.
Il ne me semble pas judicieux de lier les difficultés économiques, technologiques et scientifiques de la France à celles des docteurs pour y faire carrière. Il est évident que je préfèrerais voir un contexte professionnel bien plus favorable aux titulaires de ce genre de formation, mais ce n’est évidemment pas du seul ressort de la politique publique, mais bien du choix sociétal fait par les habitants du pays.
On espère simplement que cela évoluera un jour, et pas uniquement sur la seule initiative d’un ministère, sinon cela risque bien de ne jamais arriver! Aux habitants du pays de se creuser les méninges!
10 novembre 2013 à 00:09
Rachel
@François, je n’ai pas trop envie de « taper » sur la CDEFI car la plupart du temps elle tient des propos fort respectables. J’ai lu moi aussi des choses très intéressantes du récent président de la CDEFI. Je soulignais juste une formulation que je trouve malheureuse.
Je ne connaissais pas cette étude du Trésor. Je trouve que plusieurs conclusions contrastent avec les autres études que j’ai pu lire, y compris celle qui est citée aujourd’hui. Les taux de docteurs dans les services de R&D cités sont surprenants. Dommage que les sources soient disparates, les définitions pour calculer les différents pourcentages ne sont pas homogènes et je trouve difficile d’y voir clair.
A propos du rapport cité (daté d’octobre 2013), c’est amusant de voir combien il ressemble à celui du centre d’analyse stratégique de juillet 2010. Le titre est le même, ainsi que des phrases entières. http://www.oecd.org/fr/sti/48413317.pdf
@FBLR, @Astronaute, je trouve un peu « facile » d’attribuer à la fiscalité la seule responsabilité des difficultés économique de la France. Cette fiscalité est-elle responsable de son faible investissement dans la R&D?
10 novembre 2013 à 00:20
Doctrix
Bonjour Rachel, suite cette parution, nous venons de compléter la synthèse réalisée à partir de vos billets sur le sujet:
http://blog.educpros.fr/doctrix/2013/10/17/le-doctorat-intergalactique/
10 novembre 2013 à 02:42
fblr
Sur cette histoire de vertus prêtées aux docteurs, je recommande l’article du Project Syndicate: http://www.project-syndicate.org/commentary/derek-bok-on-policymakers–misconceptions-of-the-role-of-higher-learning
10 novembre 2013 à 08:55
fblr
Confirmation du mouvement de baisse du nombre d’inscrits à l’université aux USA:
news.msn.com/us/the-burning-question-why-has-college-enrollment-dropped
10 novembre 2013 à 09:33
Rachel
Sur Cui-Cui, le président des Ingénieurs et Scientifiques de France me dit « Et si on commençait par donner aux #docteurs et à leurs #profs un minimum de #formation à l’#entreprise ? »
Ca ressemble à la proposition de la CDEFI. Sauf que là ça va encore un peu plus loin, on mettrait aussi en formation les « profs » des doctorants.
10 novembre 2013 à 09:38
Gueux
@Rachel: Vous pouvez lui répondre que l’immense majorité des profs d’écoles d’ingé n’ont jamais mis les pieds dans une entreprise, et n’ont aucune idée de ce qu’est le boulot d’ingénieur.
10 novembre 2013 à 11:22
Rachel
@Gueux, je l’ai invité à venir discuter avec nous.
10 novembre 2013 à 11:31
Astronaute en transit
@ Rachel: il y a la fiscalité et l’usage qu’on en fait. Qu’elle soit lourde en France est un choix, peut-être défendable dans certains contextes, mais qui a des conséquences qu’il faut assumer. Cette fiscalité lourde c’est effectivement autant qui ne sera pas réinvesti par les contribuables eux-mêmes. Investissement dans des emplois, dans l’appareil productif ou en R&D. L’Etat, lui, prétend faire ces investissements à la place des contribuables grâce aux recettes fiscales, mais il ne le fait pas, et pourquoi? Parce que les recettes sont englouties par les dettes accumulées, dettes qui sont dues au fonctionnement chroniquement déficient de l’appareil d’Etat avec des gaspillages quasi structurels. Il n’y a pas là moyen de soutenir la R&D non plus. La fiscalité lourde est inopérante en raison de la dette lourde. C’est bien pour cela qu’une restructuration d’ensemble s’impose. Les partisans de l’impôt lourd soutiennent qu’il faut financer les services publics, mais ce sous-financement est moins dû à des recettes insuffisantes qu’à l’aspiration de ces recettes par des dettes écrasantes et jamais résorbées. En l’absence de ces dettes, ce qui induirait aussi la présence d’une gestion impitoyable pour les gaspillages des services publics, le produit de l’impôt pourrait effectivement servir les investissements de toute sorte. Mais ce n’est pas la situation actuellement.
Tant que les agents de l’Etat restent massivement dans le déni face à leurs responsabilités quant aux finances publiques, on pourra continuer à punir les contribuables jusqu’à les mettre hors jeu, la situation restera dans une spirale descendante.
10 novembre 2013 à 11:46
François
à Rachel » Un bon équilibre serait 50%-50% de docteurs et d’ingénieurs dans les services de R&D « .(NB. R&D d’entreprise).
– Connaissez-vous un pays au monde qui s’approche de ce ratio ? L’examen du diagramme n° 7 du document http://www.oecd.org/fr/sti/48413317.pdf montre qu’aux États-Unis 80% des titulaires d’un doctorat en « Science & Engineering » depuis moins de 3 ans sont enseignants ou postdocs. Ça n’en laisse 6 600 par an pour l’ensemble des autres activités dont la R&D d’entreprise (1 300 à l’échelle française). Pas de quoi faire monter le taux de docteurs à 50% … Quant au Japon, il décerne très peu de doctorats.
– D’autre part un taux de 50% de docteurs en R&D d’entreprise est-il souhaitable ? Imaginez l’équipe du PSG avec 5 Zlatan Ibrahimovic …
10 novembre 2013 à 12:07
FBLR
@Gueux
« l’immense majorité des profs d’écoles d’ingé n’ont jamais mis les pieds dans une entreprise »
Etant donné le faible niveau de personnel permanent de ces institutions, j’ai vraiment du mal à voir comment cela est possible. Du moins, il apparaît difficile que tous ces personnels vacataires/non-permanents ne travaillassent pas en entreprise.
@Rachel
« @FBLR, @Astronaute, je trouve un peu « facile » d’attribuer à la fiscalité la seule responsabilité des difficultés économique de la France. Cette fiscalité est-elle responsable de son faible investissement dans la R&D? »
Si dans mon propos vous ne retenez que le volant « fiscalité », c’est que je dois vraiment très mal m’exprimer.
Non, je recense des freins, des frottements, qui sont très forts dans notre société.
Prenons une analogie physique, peut-être sera-ce plus clair.
En gros, vous avez un gros camion: c’est notre beau pays, la France. Il roule sur une route cabossée digne d’une piste d’Afrique sub-saharienne, et comble du comble, il conserve le frein à main serré, pas à fond mais tout de même en position bien enclenché.
Et vous proposez quoi pour le faire aller plus vite notre camion ? Augmenter la puissance du moteur de quelques chevaux sur les 300ch qu’il comporte.
Alors oui, on irait peut-être un peu plus vite avec ces 5 à 10 chevaux de plus, mais c’est totalement imperceptible par rapport à desserrer le frein à main (p. ex. les normes) et/ou améliorer les infrastructures (p. ex. une refonte du système social).
C’est juste une question d’ordre de grandeur. Quelque chose pour lequel, normalement, les physiciens sont particulièrement bons :-)
Revenons à votre question sur la fiscalité.
Même s’il s’agit d’une réduction désagréable du tableau que je passe mon temps à brosser par ici, je vais être provocateur et répondre par l’affirmative. Oui, avoir une fiscalité très forte *et* illisible *et* impossible à prévoir empêche (du moins freine) l’investissement, et donc partant, les dépenses de R&D.
C’est de la gestion de bas niveau: quand vous ne pouvez savoir si vous existerez dans 5 ans, qu’il sera très dur de modifier l’activité de la société (mieux vaut mettre en liquidation que restructurer tant nous marchons sur la tête ici, en France), il est bien entendu hors de question de se poser la question d’investir sur des technologies dont le retour sur investissement n’est que putatif et, dont l’horizon d’amortissement est situé au-delà de 10 ans.
Un bon exemple ? Peugeot et Citroën contre Renault. Les 2 premiers ont passé leur temps à innover, investir, travailler sur le long terme, et surtout sur la production en France.
Renault s’est contenté de structurer sa production en face de ses coûts et d’utiliser l’état-actionnaire comme banque prêtant à taux bas.
L’histoire a été cruelle pour les premiers.
10 novembre 2013 à 12:15
FBLR
@Rachel
Plus généralement, avant de légiférer sur les modalités d’organisation de la R&D en entreprise privée, pourquoi l’état ne montrerait pas la supériorité de cette organisation:
1/ en recrutant d’avantage de docteurs pour les postes dans l’administration ? (mieux vaut une licence et un concours qu’une thèse à l’heure actuelle)
2/ en recrutant d’avantage de docteurs pour remplir les tâches de R&D des entreprises publiques (ex: EDF, GDF, ORANGE/France Telecom, SNCF, RATP, …) ?
3/ en recrutant d’avantage de docteurs pour les postes de cadres techniques et scientifiques de l’Etat ? Actuellement, certains corps d’Etat estime faire de la « discrimination positive » en recrutant de temps à autre un docteur pour 10 à 20 polytechniciens/+qqs autres écoles d’ingénieurs… je ne plaisante pas: l’expression revient régulièrement chez ceux qui organise les politiques RH de ces corps.
et surtout:
4/ en ne dévalorisant pas cette qualification en n’imposant des certifications supplémentaires (CNU) ou bien en n’attachant pas assez d’importance au niveau théorique de certains candidats qui reçoivent le titre ?
10 novembre 2013 à 12:31
FBLR
@Rachel, François
En page 5 du rapport du CAS. :
« Contrairement au secteur public où la détention du diplôme de doctorat est une condition sine qua non (NDLA: visiblement les rédacteurs de la note du CAS ne connaissent pas le CEA, EDF, les ingénieurs de corps d’état, et réfutent le qualificatif de « chercheur » à un doctorant, etc.) pour occuper un poste de chercheur ou d’enseignant-chercheur, les titulaires de doctorat ne constituent qu’une part marginale des ressources humaines de la recherche du secteur privé.
En effet, même lorsqu’il s’agit de recrutements pour la fonction recherche, les entreprises privilégient les profils d’ingénieurs par rapport aux titulaires de doctorat (poids des grandes écoles, méconnaissance des universités par beaucoup d’employeurs, etc.). Ces derniers ne représentaient que 13,6% des chercheurs en entreprises -(y compris les docteurs du domaine de la santé) contre plus de 50% pour les ingénieurs. »
Cela semble en ligne avec les estimations fournies par François, non ?
10 novembre 2013 à 12:36
Rachel
@François, d’accord, ma répartition de 50-50 % était irréaliste compte tenu des réservoirs. Autant pour moi.
@Astronaute, je trouve que ça fait un peu serpent qui se mord la queue. Ce n’est pas clair pour moi de bien comprendre qui est responsable des difficultés et de la dette. Est-ce les services publics ou les entreprises qui n’ont pas su être compétitifs ? un panachage des deux ? Bref est-ce que les uns dépensent trop et/ou les autres ne rapportent pas assez d’argent ?
@FBLR, dans votre image de gros camion, vous oubliez un paramètre important : l’Etat dépense un fric de dingue pour entretenir les routes afin de faire rouler les gros camions qui puent (car ce sont les camions qui détériorent les routes, pas les voitures des particuliers). Les routes françaises sont de bonne qualité et ne correspondent en rien à la description que vous faites (allez comparer à celles des USA, par exemple). C’est là un paramètre à prendre en compte. Si on sort de l’image, ça correspond aux aides subventions diverses perçues par les entreprises. Ce n’est pas rien, ça s’élève annuellement à 110 milliards d’euros (infrastructures routières non incluses).
Alors si on baisse les charges, est-ce qu’en France on serait d’accord pour baisser les aides diverses aux entreprises ? Mon impression c’est que ce n’est pas le cas, comme semble le montrer les manifestations récentes des bretons qui disent « Etat, arrête de nous taxer » et « Etat, aide nous à maintenir notre emploi ». Pour ma part je ne passerai pas l’hiver avec un bonnet rouge sur la tête.
10 novembre 2013 à 13:13
FBLR
@Rachel
Il s’agissait d’une image.
Les routes en France sont en effet de très bonne qualité: les conseils généraux préfèrent investir dans la qualité des routes plutôt que l’enseignement prodigué dans les collèges. Ca se passe de commentaires. Enfin, c’est une question de priorité. A titre personnel, j’ai déjà fait campagne à une cantonale en essayant de dénoncer cette caractéristique de mon conseil général: l’écho que nous recueillîmes dans l’opinion resta confidentiel… et les citoyens plutôt contents d’avoir de belles routes (sous-entendu: pourquoi voulez-vous réorienter les dépenses vers les collèges du département ?!)
La route que je décrivais est cabossée.
Et dans cette image, l’usine à gaz formée par le couple « hyper prélèvements/super-subventions » a bien entendu toute sa place. Les trous formés par les hyper-prélèvements, les belles bandes lisses construites avec les super-subventions. Il s’agit bien sûr d’une métaphore.
Les aides aux entreprises pèsent 110Mds€ ? Certes, mais les prélèvements directs et indirects aux entreprises dépassent les 600Mds€… Bref.
Mais l’absence de transparence, l’organisation plus que sibylline des modalités desdits prélèvements permettra toujours de ne pas se poser les questions « structurelles ». Et chacun de voir/se plaindre du bout de son pré carré. Bref, tout est fait pour pouvoir tenir et voir le Titanic-France continuer à couler à son rythme très lent. Ou bien notre brave camion claudiquer à quelques km/h.
Mais retenons: tout ne saurait se résumer au système fiscal/social, bien entendu. Il ne s’agit que d’une touche de couleur au milieu d’un tableau illustrant notre France bloquée de toute part, et incapable d’un sursaut. Pour pouvoir affronter l’accélération de la mondialisation, je n’ai pas vraiment l’impression que nous ayons autre chose que le protectionnisme et la Ligne Maginot comme horizon…
10 novembre 2013 à 14:47
Astronaute en transit
@ Rachel:
C’est vrai qu’il y a là un cercle vicieux et des causes à effets.
Mais il faut aussi se rappeler que la gestion des entreprises et la gestion de l’Etat sont aussi deux choses différentes. Que les entreprises françaises, comme leurs homologues étrangères, puissent commettre des erreurs stratégiques qu’elles paient ensuite avec des pertes de part de marché, des finances et des activités dégradées relève essentiellement d’elles. Mais comme l’expliquait FBLR avec sa métaphore routière, les entreprises opèrent aussi dans leur contexte national et public, et donc dans un contexte fiscal qui lui est décidé par l’Etat. Que la fiscalité soit un instrument macroéconomique keynésien de choix n’est pas à démontrer, mais cet instrument peut être l’occasion d’erreurs de manipulation par l’Etat et ses agents qui a des conséquences tout aussi néfastes qu’une erreur stratégique commise par les dirigeants d’entreprises privées. Le choix de fiscalité lourde dans ce pays a eu pour origine la volonté de faire de l’Etat un acteur économique supposé meilleur juge et meilleur stratège que les décideurs privés. L’Etat étant lui même très mauvais gestionnaire, sa fiscalité a du devenir encore plus lourde pour pallier à ces déficiences de gestion, et ce au point de se trouver totalement annulée comme source de recettes. C’est l’emprunt qui est désormais la source des recettes, plus qu’une fiscalité alourdie, laquelle n’en pèse pas moins sur les contribuables sans être vraiment la source de services en retour. On a beau jeu de dénoncer le « cadeau » aux entreprises que constituent des subventions (faites, « scandaleusement » selon les agents publics, au détriment de faire un « cadeau » aux services publics aussi dispendieux que réticents à toute révision de leurs méthodes de travail) mais ici encore, ces subventions ne sont pas la cause structurelle des déficits publics ainsi que de la sous-performance des services publics. Ces causes là sont à trouver dans les décisions de gestion de l’Etat et de ses agents.
Il faut craindre que la sortie de ce cercle vicieux ne repose sur un sérieux virage philosophique et l’acceptation d’une rupture dans les méthodes. Aussi bien l’Etat que les entreprises doivent se sevrer de dépenses publiques, pour s’habituer au fait incontournable que les recettes ne sont plus, et pour aussi longtemps que le poids écrasant de la dette demeurera. Cela, en soi, n’exemptera pas les entreprises des contraintes qu’elles se créent elles-mêmes par leurs propres choix ou en subissant la concurrence. Mais de toutes façons, des finances publiques assainies sont indispensable à l’amélioration matérielle de toutes les parties; cela passe par des baisses de dépenses, et cela passe aussi par des baisses de fiscalité puisque celle-ci au lieu de constituer un instrument positif n’a plus que des conséquences négatives. La baisse des dépenses? On a vu dans un billet précédent l’exemple pourtant édifiant des dépenses routières au dépens des dépenses éducatives, et encore ne s’agit-il là que d’un tout petit élément dans l’incroyable labyrinthe qu’est la façon française de dépenser, et souvent en perte sèche, l’argent public.
10 novembre 2013 à 19:32
Geordie
Il ne faut pas oublier de se demander si les doctorants souhaitent réellement s’orienter vers de des postes dans l’industrie. Quand je discute avec les thésards de mon établissement, la plupart souhaite décrocher un poste de Maître de Conf’, ou de chargé de recherche dans un grand organisme. Si il y a peu de docteurs qui postulent sur les postes en entreprise, ou bien si ils n’y restent que le temps de trouver un emploi académique, il ne faudra pas s’étonner qu’ils soient peu nombreux dans la R&D privée.
Les écoles doctorales cherchent elle à attirer les étudiants qui ont un profil plus orienté vers les entreprises? Il me semble qu’il sont plutôt dirigés vers les master pro, et ils ont ensuite beaucoup de difficultés pour trouver un directeur de thèse. C’est un peu dommage, ils seraient probablement très bons dans la R&D privée.
10 novembre 2013 à 21:40
gilles1412
Bonjour
Je vous invite à lire cet article de The Economist du 16 Décembre 2010 qui s’intitulait : »The disposable academic. Why doing a PhD is often a waste of time ». La réalité est que la thèse de 3ème cycle est en général utile au professeur qui la pilote mais inutile ou même néfaste pour le doctorant et ceci quel que soit le pays considéré, la France n’est aucunement un cas particulier, il vaudrait mieux revoir le système des doctorats plutôt que de forcer les entreprises à les embaucher . Concernant la spécificité Française, moi-même patron d’une jeune PME industrielle innovante en Dynamique des fluides, mécanique et thermodynamique (oui il en existe encore !) je n’ai à ce jour jamais considéré qu’une thèse CIFRE puisse être adaptée à nos besoins qui ne peuvent pas s’écrire sur plus d’un an ou maximum deux. Nous avons par ailleurs un mal fou à trouver des laboratoires Français qui s’intéressent à nos sujets et quand nous en trouvons un en Université, il faut d’abord négocier avec le CNRS des contrats léonins que seul les labos Français imposent à leurs partenaires privés. Nous travaillons par ailleurs en très bonne entente avec l’Université de Liège et l’EPFL à Lausanne. Dans les domaines des sciences de l’ingénieur, l’Université Française et ses chercheurs se meurent de leur conservatisme, de leur incompréhension du monde industriel et de la distance qu’ils n’ont cessé de prendre vis-à-vis de l’expérimentation pratique (visitez Liège ou Lausanne et vous comprendrez). La faute est peut-être dans les budgets indigents qui permettent tout juste de payer des chercheurs mais pas leurs expérimentations mais donner plus d’argent au système existant n’est surement pas la solution. Nous faisons de la R&D avec des ingénieurs et sommes prêt à embaucher les doctorants des labos qui sont prêt à travailler avec nous mais à part dans les DOM-TOM et hors le CEA qui n’a pas besoin de nos emplois, cette envie de travailler avec nous n’existe pas. Il est grand temps de juger la qualité des laboratoires universitaires ou de grandes écoles sur le nombre de start-up que ces laboratoires ont permis de créer.
Cordialement.
10 novembre 2013 à 21:59
Eloi
Là est peut-être la clé.
Les doctorants aiment la science, pas les grands patrons.
Ce sont ceux des étudiants qui se passionnent pour le Monde académique. Beaucoup plus nombreux qu’il n’y a de poste de chercheurs, la plupart feront leur thèse, deux CDD de recherche payés au smic et seront finalement contraints d’accepter des postes de développeurs de logiciels bancaires du plus profond ennui et très en dessous de leurs capacités. Dans l’affaire, les gagnants sont les directeurs de thèses et leurs futurs employeurs, qui leur mentent et les exploitent.
Au lieu de se faire rouler dans la farine, les thésards ne feraient-ils pas mieux de se lancer dès bac+5 dans la création d’entreprises innovantes, en relation avec des commerciaux, des designers, des ingénieurs, des administratifs, pour choisir des thèmes qui leur seront utiles à eux-mêmes ? Fâchés avec les entreprises des autres, ils seraient peut-être plus motivés par les leurs.
Pour augmenter leurs chances, aidons-les concrètement sur leurs points faibles. Proposons-leur un système permanent de constitution d’équipe et de création collective de plans d’affaires, genre hackathon, ainsi que des coopératives genre CAE pour couver leurs projets.
10 novembre 2013 à 22:25
FBLR
Merci à Gilles1412 et Eloi pour vos témoignages !
Espérons que ceux censés faire des lois autour de l’ESR sauront accepter ces réalités plutôt que de vouloir faire rentrer les faits dans leur prisme et vision du monde :-/
10 novembre 2013 à 22:47
Rachel
@Gilles, les docteurs ne sont peut-être pas utiles à votre entreprise (ou alors vous n’avez pas compris comment les utiliser), mais pourquoi généraliser ? Je peux vous assurer que des docteurs en entreprise il y en a et je connais certains patrons qui en sont très content.
@Eloi, en résumé vous jugez que toute recherche est inutile, ou du moins toute formation par et à la recherche ?.
11 novembre 2013 à 10:51
gilles1412
@Rachel. Je ne pense pas avoir écrit ni même pensé que les doctorants sont inutiles à mon entreprise, au contraire et je suis d’ailleurs entrain d’en embaucher un. Je dis simplement que les professeurs de laboratoire qui suscitent ces thèses et gèrent ces doctorants, le font de manière très égoïste sans se préoccuper de l’avenir des doctorants avec qui ils ont travaillé et que se rajoute à cela, l’incroyable fossé entre l’industrie et les labos universitaires Français qui n’a pas lieu d’être mais a une origine idéologique qu’il est grand temps de jeter pardessus bord. Sur le problème général des doctorants dans le monde entier, comme évoqué dans mon précédent commentaire, lisez cet article de the Economist, je pense que tout y est dit:
http://www.economist.com/node/17723223
Cordialement.Gilles
11 novembre 2013 à 11:25
Rachel
@Gilles, je vous ai lu un peu vite …. Les profs d’université choisissent leur sujet de thèse en fonction de leurs priorités du moment. Ils ont eux aussi à faire tourner leur boutique (de manière certainement différente d’une PME, mais pas tant que ça). Ils ont des thèmes de recherche, des contrats de recherche et des comptes à rendre. Pour faire avancer leurs travaux, ils embauchent des doctorants et autres. On peut effectivement penser que c’est égoïste, mais là encore ce n’est pas très différent d’une entreprise, qui embauche une personne en CDD non pas pour lui faire plaisir mais parce que ça rend service à l’entreprise et qu’on espère bien en tirer bénéfice. Ensuite certains sujets sont proches des problématiques des entreprises, et d’autres non.
Promis, je vais lire l’article dans the Economist !
11 novembre 2013 à 11:33
Astronaute en transit
Les perspectives de gilles et éloi sont à mon avis fort utiles dans cette discussion, car il est important de connaître les avis venant des différents points de cette quadrature du cercle.
J’ai lu l’article de l’Economist alors que j’étais encore dans l’enseignement supérieur, et ce qui était dit de la vraie valeur du doctorat sur le marché du travail m’a paru déprimant de vérité. On peut le regretter mais c’est ainsi. Dans un registre plus léger, la bande dessinée « PHD » ne dit rien de très différent.
Dans ma reconversion professionnelle hors des milieux universitaires, mon doctorat est un instrument à double tranchant. Je peux le faire valoir par rapport à certaines compétences professionnelles comme la recherch de sources, l’analyse de données et la mise en forme d’informations… mais me prévaloir du titre, du diplôme lui même voire de l’institution plutôt côtée où je l’ai obtenu, cela, il vaut mieux ne pas s’en prévaloir car cela intimide, et cela conduit les employeurs à vous cataloguer comme inapte à tout autre monde que l’universitaire. ça peut paraître injuste, mais ça a été une très grande leçon apprise de mon bilan de compétences… et m’a donné aussi quelques moyens d’accepter psychologiquement cette réalité et de ne pas me laisser décourager.
On en revient aux mentalités, qui transpirent aussi dans les témoignages publiés ci-dessus. Les docteurs ne peuvent pas passer tout leur temps à se considérer comme victimes de l’indifférence des patrons d’entreprises, et inversement beaucoup de patrons gagneraient à enrichir leurs contacts de façon à ne pas sombrer dans le cliché du professeur Nimbus. Les histoires à succès, d’après les témoignages, proviennent déjà lorsque les individus concernés de part et d’autre font tout simplement preuve de curiosité, d’imagination et d’ouverture d’esprit: bref, quand ils ne pensent pas en schémas formatés. Les guerres public-privé que nous avons évoquées, par exemple, à travers le problème de l’utilisation de la fiscalité et des subventions, sont malheureusement une réalité qui contribuent aux rivalités, aux fermetures d’esprit et à ce fameux formatage des rôles. Tant pis si c’est un retour à « mes obsessions » comme disent les autres, mais le quasi monopole public sur les universités et la recherche contribue à la grande incompréhension du secteur privé au sein de ces milieux… et l’inverse n’est pas vrai, car tout salarié d’entreprise, du dirigeant à l’ouvrier, a eu l’expérience des différents niveaux et degrés du secteur éducatif, et sait comment on y travaille, et connait les gens qui y travaillent.
Quand ces deux univers se comprendront mieux, on sera sans doute plus à même de re-réfléchir à l’utilité et à la finalité de la formation doctorale, à sa philosophie en somme. Et peut-être alors les titulaires de ces diplômes trouveront une plus grande diversité de métiers où s’appliquer.
11 novembre 2013 à 15:48
Eloi
@Rachel On doit en effet se demander à quoi sert la recherche, à qui et ce qu’elle doit apporter aux autres métiers. N’est-il pas paradoxal, en effet, de faire former les pharmaciens par des pharmaciens, des médecins par des médecins, des chercheurs par des chercheurs… et de considérer que les autres métiers ne pourraient trouver leurs source de compétence que dans la recherche ? Soyons cohérents. Les doctorants destinés à d’autres métiers que la recherche doivent se former aussi auprès des professionnels qui les ont précédés. Je dirai même que pour permettre aux jeunes docteurs d’exprimer pleinement leur énergie innovatrice, il ne faut pas attendre que des entreprises leur proposent des postes mais les aider à créer leurs propres boîtes.
Au passage, je note le corporatisme sur lequel repose le système de la recherche, à l’opposé des valeurs d’universalisme que prétend incarner l’université…
En conclusion, pour être cohérent et honnête avec les thésards et leur garantir de réaliser leurs projets professionnels, il faut soit limiter leur nombre au minimum nécessaire pour le renouvellement des laboratoires…soit confier leur formations aux docteurs en général et pas seulement aux chercheurs.
11 novembre 2013 à 19:27
Sirius
Chère Rachel,
Balayant l’ensemble de ce sujet, je suis stupéfait de lire vos propos tournant en ridicule la position de la Cdefi qui propose, bien modestement, de préparer les docteurs à l’entreprise :
« Dingue ! moi qui vis en quasi permanence entourée de doctorants et de docteurs, je n’avais pas vraiment percuté que mon labo était en réalité un asile d’aliénés (mais c’est vrai qu’en y réfléchissant bien …) »
Est-ce être « aliéné » que de savoir s’insérer dans une entreprise, parce qu’on comprend sa logique, qu’on sait piloter un projet, qu’on prend en compte les données économiques, etc ?
Peut-être est-il justifié d’accuser les entreprises qui ne comprennent pas la qualité des docteurs, les investissements en RD insuffisants, les conventions collectives défavorables, etc. Mais il faudrait faire un examen de conscience et s’interroger sur la formation des docteurs.
Je conseille depuis des années un cabinet de conseil en stratégies basées sur l’innovation. Je lui ai recommandé de se différencier de ses concurrents en embauchant des docteurs. Le bilan, quelques années plus tard, à mon grand désespoir, a été négatif. Non pas parce qu’ils étaient incompétents sur le plan scientifique, mais parce qu’ils étaient inférieurs aux ingénieurs sur des variables essentielles pour le métier : mauvaise compréhension de la logique des entreprises, insuffisantes capacités d’adaptation, difficulté à travailler en équipe avec des gens de formation différente, sans compter ceux qui trouvaient normal de quitter le bureau à 17h, même quand il y avait des urgences, parce que c’était leur habitude dans leur labo. Echec total.
Comment se plaindre de la mauvaise insertion des docteurs en entreprise si on ne les y prépare pas ?
11 novembre 2013 à 19:38
Marianne
Les nouveaux contrats doctoraux comportent une nouvelle mention dont je ne connais pas la dénomination exacte mais dont l’intitulé est en gros Consulting ou Recherche Industrielle et qui consiste en des expertises en entreprises…Dans ma fac la plupart prennent une mission d’enseignement mais quelque uns (les thèses cifre par exemple) prennent une autre mention…Donc ca evolue et le lien avec les entreprises commence à entrer en ligne de compte
11 novembre 2013 à 19:40
Marianne
C’est dans les missions hors enseignement
http://ecolesdoctorales.parisdescartes.fr/Contrat-doctoral-et-Missions
Le cadre existe….après comme la plupart des étudiants veulent devenir MCF la plupart prennent une mission d’enseignement mais je le redis la possibilité existe…
11 novembre 2013 à 19:52
Marianne
Et par ailleurs je ne sais pas si les entreprises jouent le jeu…De ce que j’ai compris, une thèse cifre est tellement financée par le CIR que c’est une aubaine pour une entreprise….Et les gens sont rarement embauchés à la suite de la thèse…Même les gens qui embauchent des docteurs n’embauchent pas forcément le gusse qu’ils ont eu en cifre….
C’est tellement la roulette russe les thèses cifre que ce n’est pas toujours attractif…
11 novembre 2013 à 20:05
Rachel
@Sirius, dire de quelqu’un qu’il a des lacunes comportementales, ce n’est pas très flatteur. J’ai peut-être réagi à l’excès en caricaturant cette formulation (je reste à penser qu’elle n’est pas très heureuse). Hormis la critique de la formulation de la fin du premier paragraphe, je ne crois pas avoir exprimé d’avis négatif sur la proposition de la CDEFI. Pour résumer, je n’ai pas tourné en ridicule la position de la CDEFI, j’ai tourné en ridicule une phrase dans l’introduction de sa proposition.
11 novembre 2013 à 20:23
gilles1412
@Rachel, non les jeunes entreprises comme la mienne ne peuvent pas vraiment faire de l’innovation avec des ingénieurs ou chercheurs embauchés en CDD. L’usage du CDD n’est lié qu’à la fragilité de ces entreprises qui ont souvent de réels problèmes de fin de mois et donc ont des patrons qui veulent garder une petite flexibilité pour pouvoir dormir la nuit (et ça n’est pas un effet de manche de dire ça..). Une entreprise innovante ça se construit années après années en construisant une équipe de jeunes employés en CDI qui sont la réelle valeur de cette entreprise. Je pense qui si j’avais trouvé un labo en France qui soit motivé pour travailler avec nous j’aurais déjà embauché plusieurs doctorants de ce labo. Par ailleurs trois ans c’est très long si le sujet s’avère une impasse au bout d’un an. Enfin le CIR ça permet peut-être à des grandes entreprises de faire de l’optimisation fiscale mais ça permet aussi à des entreprises comme la mienne de payer ses fins de mois ( le mois d’Octobre dans mon cas). Gilles
11 novembre 2013 à 20:44
FBLR
@Sirius
Votre témoignage est extrêmement intéressant et mériterait d’être développé…
Avez-vous écrit sur votre expérience ?
En ce moment beaucoup croient que changer des rentes en d’autres rentes serait une solution. J’y vois une fuite en avant…
11 novembre 2013 à 20:54
Rachel
S’il est d’accord, Sirius va nous développer un peu son expérience, je m’engage à le publier sur Gaïa.
@Gilles, vous dites travailler sans difficulté avec des labos en Suisse ou en Belgique mais ne pas parvenir à le faire avec des labos français. C’est quoi au juste la différence ? Est-ce juste une raison d’un manque de considération des universitaires envers les entreprises ou bien y a-t-il aussi des raisons de compétences scientifiques ?
11 novembre 2013 à 20:55
FBLR
@Rachel
Ca sent surtout les lourdeurs-administratives-que-le-reste-du-monde-nous-envie…
11 novembre 2013 à 21:55
gilles1412
@Rachel. Plusieurs raisons à nos difficultés avec les labos Français. D’abord c’est le manque d’intérêt pour la recherche opérationnelle. Le labo de thermodynamique de l’Université de Liège c’est un labo capharnaüm plein de manipulations souvent autour d’équipements fournis par des industriels autour desquelles s’activent des dizaines de jeunes ingénieurs et doctorants sur des expériences pratiques et je ne parle pas des labos de l’EPFL qui sont eux de luxe et clairement mieux financés… A titre de comparaison, le labo de thermodynamique de l’Université Henri Poincaré à Nancy ce sont des bureaux avec des ordinateurs personnels. Je n’ai tout simplement pas trouvé de laboratoire Français qui s’intéressent à concevoir des cycles thermodynamiques innovants ou les turbomachines associés. Deuxièmement c’est le caractère dissuasif de la discussion sur la propriété intellectuelle. Ni Liège ni Lausanne ne cherche à faire signer aux entreprises des chèques en blanc mais cherche surtout la collaboration et cette collaboration tient sur 1 à 3 pages pas 20 pages. A l’opposé le CNRS vous demande de signer des pavés incluant des engagements de rétribution automatique même si il n’y a pas brevet alors que le sujet que vous proposez est plus maitrisé par vous que par le labo que vous approchez donc on a clairement laissé tomber…. Le CNRS a récemment essayé de solder de nombreux brevets que personne n’utilisait, c’est un gag….Je crois sincèrement que les labos d’universités (hors recherche fondamentale) devraient être en partie jugés/financés sur les partenariat avec les entreprises ou les start-ups qu’elles ont suscités/essaimés. Troisièmement c’est la volonté de monter des projets ANR ou européens ensemble. Seul le CEA semble intéressé à collaborer, pourquoi ?Je rêve d’un labo d’université qui viendrait frapper à notre porte pour nous dire qu’ils aiment ce qu’on fait et qu’il voudrait faire des choses avec nous…Peut-être un jour…Quatrièmement c’est un phénomène culturel ancien qui fait que la France privilégie les grandes entreprises et que cette orientation très forte dans le domaine industriel, se retrouve naturellement dans les labos Francais qui finissent par ne travailler que pour les innovations des grands groupes. La thermodynamique en France c’est l’EPR, les propulseurs d’Ariane et les réacteurs de Safran… Dommage…Gilles
11 novembre 2013 à 22:19
De l’insertion professionnelle des doctor...
[…] C’est un constat terrible pour la formation doctorale dans les universités : « le taux de chômage des titulaires de doctorat est supérieur à celui des diplômés de niveau master. Il est près de troi… […]
11 novembre 2013 à 22:23
Rachel
@Gilles merci beaucoup pour vos explications, c’est très intéressant. Vous me parlez du CNRS mais avez-vous eu les mêmes déconvenues administratives avec les universités ? (je veux dire sans passer par le CNRS ?)
11 novembre 2013 à 22:28
Gueux
@FBLR. (Je répond un peu tard) Je ne connait pas toutes les écoles d’ingénieurs de France et de Navarre, mais celles que j’ai fréquenté et fréquente ont une majorité d’enseignants titulaires (MDC et PR) qui n’ont jamais travaillés comme ingénieur.
Les cours « métiers » sont assuré par des extérieurs. Il est à noter qu’une bonne partie de ces cours ont pour but la prise en main d’un logiciel maison. On met ces cours dans les cursus car des entreprises veulent embaucher des ingénieurs qui connaissent le logiciel X. Quand on sait qu’il suffit d’un peu de RTFM et de quelques heures de pratique pour savoir les utiliser, cela laisse dubitatif sur ce que les entreprises entendent par « formation de qualité et adapté au marcher », surtout à BAC+5.
@Gilles1412. La bureaucratie est certes lourdingue en France et les université ne savent pas gérer les relations avec les entreprises, mais le pb des relations université-entreprise ne se limite pas à cela.
J’ai bossé plusieurs années à l’étranger, dans l’académique et dans l’industrie. Des ingénieurs venaient fréquemment à la fac assister aux séminaires; je faisais de même étant ingénieur dans le privé. Je suis en France depuis maintenant quelques années. J’attends toujours de voir un ingénieur venir assister aux séminaires. Pour avoir approché pas mal d’entreprises depuis mon rapatriement, j’ai pu constater une mentalité « d’assisté social » de leur part à laquelle je n’était pas habitué à l’étranger.
Je ne cherche pas à dire que les entreprises sont les « méchantes » et les universités les « gentilles », loin de là, mais à faire remarquer que des remises en question sont à opérer des deux côtés.
@Sirius. « … mauvaise compréhension de la logique des entreprises, insuffisantes capacités d’adaptation, difficulté à travailler en équipe avec des gens de formation différente,… »
Les entreprises à l’étranger embauchent des docteurs et en sont contentes. Pourtant, ces docteurs ne sont pas plus formés à l’entreprise qu’en France.
11 novembre 2013 à 23:12
FBLR
@Gueux
Ayant une expérience limitée à quelques écoles mais diamétralement opposée à la vôtre j’imagine qu’il doit exister de larges disparités.
Vous serait-ce possible de décrire un peu plus ce que vous appelez « mentalité « d’assisté social » de leur part » ? Cela mériterait éclaircissement…
11 novembre 2013 à 23:32
Gueux
@FBLR: « Vous serait-ce possible de décrire un peu plus ce que vous appelez « mentalité « d’assisté social » de leur part » ? Cela mériterait éclaircissement… »
Vous allez voir une entreprise avec un projet de recherche et applications potentielles. La boite est intéressée et croit au projet. Elle souhaite donc s’associer à vous pour faire une demande de subvention et obtenir de la tune, au lieu de financer ce travail. C’est cela la mentalité d’assisté social : attendre d’être payé pour faire sa R&D.
12 novembre 2013 à 00:37
FBLR
@Gueux
Ok, compris.
Bien que ce soit désagréable, cette attitude est tout à fait compréhensible et rationnelle étant donnée la structure de l’économie française…
12 novembre 2013 à 08:12
Gueux
@FBLR. Peut être n’est ce pas si simple. Pensez vous que si, demain, on diminuait fortement les prélèvements sur les entreprises tout en supprimant *toutes* les subventions et aides, les entreprises changeraient de comportement vis à vis de la R&D (entre autre) ? Permettez moi d’en douter.
12 novembre 2013 à 09:07
gilles1412
@Rachel, je n’ai pas d’expérience pratique de travail avec des labos Français hors CNRS ou CEA mais les contacts que nous avions eu avec ce type de labos me laisse penser que ça aurait été plus facile.
@Gueux, je suis d’accord sur le fait que le financement (partiel) de la R&D est devenu une sorte de droit que les entreprises considèrent comme acquis mais cet assistanat général est un fondement du système Français ou l’état organise le marché en créant ou suscitant les monopoles, prend l’argent à tout le monde et décide de sa redistribution. On ne peut pas demander aux entreprises d’être libérales et en même temps les faire travailler dans un environnement totalement administré, au final les seules qui survivent sont les multinationales qui vont chercher leurs profits à l’étranger et comme corolaire, l’industrie Française qui disparait. Il faut plus de libéralisme dans tous les composants de la société Française et pas que dans le financement de la R&D des sociétés. En clair, si vous voulez des sociétés qui s’assument entièrement donnez leur l’économie qui leur permette de s’assumer. Par ailleurs, une subvention, si ça donne le coup de pousse qui permet à une société de justifier en interne le lancement d’un projet de R&D qui créera de la richesse c’est bien pour tout le monde. Dans tous les cas, c’est en général le monde de la recherche qui décide à l’ANR ou à la BPI de la pertinence de la subvention.
12 novembre 2013 à 17:32
étudiant inquiet
Je remets trois de mes cartoons préférés de PhD comics, qui illustrent très bien le sujet :
http://www.phdcomics.com/comics/archive.php?comicid=910
http://www.phdcomics.com/comics/archive.php?comicid=911
http://www.phdcomics.com/comics/archive.php?comicid=912
12 novembre 2013 à 21:33
Rachel
@Gilles, souvent les industriels ne passent pas par le CNRS (car c’est compliqué, beaucoup plus contraignant, beaucoup plus cher pour l’entreprise, …). L’université est beaucoup moins regardante (certains diront plus incompétente dans l’établissement de contrats privés). J’en connais beaucoup qui passent par les écoles d’ingénieurs.
13 novembre 2013 à 08:28
gilles1412
@Rachel, effectivement je pense que le CNRS est un obstacle.
13 novembre 2013 à 20:00
Gueux
@gilles1412. Vous avez globalement raison, mais vous semblez oublier l’aspect psycho-culturel.
« …cet assistanat général est un fondement du système Français ou l’état organise le marché en créant ou suscitant les monopoles, prend l’argent à tout le monde et décide de sa redistribution. »
C’est un peu le pb de la poule et de l’oeuf, ou du « y’a pas de fumée sans feu ».
« En clair, si vous voulez des sociétés qui s’assument entièrement donnez leur l’économie qui leur permette de s’assumer »
Avec des entreprises qui favorisent les diplômes plutôt que les compétences, qui ont la culture du petit chef à tous les niveaux, où les réseaux et la rétention d’informations sont des valeurs sûres pour réussir, sans parler du copinage et autres, je ne suis pas convaincu qu’une libéralisation leur permettrait de mieux réussir, et encore moins d’innover. Je ne suis pas sûr non plus que « s’assumer » soit un trait marqué du caractère français, pour les individus et donc pour les entreprises.
Bref, je suis perplexe quant à la capacité qu’auraient la plupart des entreprises françaises de jouer à un autre jeux que celui auquel elles sont habitués.
14 novembre 2013 à 08:41
gilles1412
@Geux, je pense que les entreprises françaises sont le produit de la culture des Français et qu’en sacrifiant certaines vaches sacrés de la culture Française ont pourrait faire évoluer les choses. Par exemple cet amour des diplômes est une conséquence directe de l’étatisation de l’industrie, en partie expliqué par l’obsession de l’égalité. Je pense que les Français s’assument autant que les autres peuples, par contre notre culture, nos intellectuels et nos politiciens nous explique à longueur de journée que le monde n’est pas ce qu’il est et donc qu’il ne faut l’accepter tel qu’il est, que les réformes sont mauvaises etc.. Au bout du compte ça fini dans la rue.
14 novembre 2013 à 23:16
CR1
A l’ironie : on pourrait aussi dire que si le taux de chomage de docteurs est élevé, c’est qu’il y a trop de docteurs par rapport au marché.
L’alternative :
– à la française, l’Etat y va, il subventionne le CICR etc…
– à l’américaine : il faut diminuer le nombre de bourses. Ca va énerver les académiques (ils aiment bien leurs thésards, c’est aussi une forme de reconnaissance pour eux).
15 novembre 2013 à 09:50
Anthony G.
@CR1 : A l’ironie oui, sauf que tous les rapports, dont le plus récent, démontrent qu’il y a un problème franco-français. Avoir un taux de chômage 3x plus important que dans les autres pays de l’OCDE (même s’il reste à voir en détail quel type de job les jeunes docteurs font) indique qu’il y a un soucis, alors qu’on a proportionnellement moins ou autant de docteurs qu’eux…
Message global : ce serait bien d’arrêter le terme « thésard » qui est, en large majorité, péjoratif (à cause du suffixe -ard) : ça rime avec clochard, tocard, pochard, flemmard, couard, binoclard, pantouflard, soiffard, soûlard, cafard, etc… et je ne mets pas les insultes en « ard ». Il serait bien plus respectueux d’utiliser doctorant/jeune chercheur/jeune chercheur en thèse, etc…
15 novembre 2013 à 11:48
François
A mon avis, les comparaisons entre la France et les autres pays qui sont basées sur des nombres totaux de docteurs ne sont pas très significatives, car la proportion de doctorats scientifiques en France est d’environ 60%, ce qui est un taux nettement plus élevé que dans les autres pays développés (en particulier Allemagne et États-Unis). Le taux global de chômage des docteurs en France est plus influencé par le taux de chômage des docteurs scientifiques que dans les autres pays.
Or du fait de la double filière scientifique, les entreprises (à tort ou à raison) donnent souvent la préférence au recrutement d’ingénieurs bac+5 sur celui de docteurs bac+8 (celles qui ne veulent pas prendre de risques recrutant des personnes cumulant les deux diplômes, dont la proportion parmi les docteurs scientifiques est de plus en plus élevée).
D’où l’intérêt de comparer le taux de chômage des docteurs scientifiques en France à celui des autres pays de l’OCDE, ce que ne permettent pas les statistiques disponibles.
15 novembre 2013 à 16:16
Rachel
François, voici une interprétation des chiffres un peu différente, que je soumets à discussion:
– Le taux de chômage des docteurs dans les pays de l’OCDE (hors France) est très faible : cela se situe entre 1 et 4%, bref c’est du plein emploi.
– Le taux de chômage des docteurs en France est plus important que dans les autres pays de l’OCDE (aux alentours de 9%, trois fois plus important).
– Le rapport dit aussi que l’insertion professionnelle est bonne pour les docteurs ayant été financé durant leur doctorat (au même niveau que la bonne insertion des docteurs de l’OCDE, quasi plein emploi). Or il se trouve que les secteurs des « sciences dures » et science de la vie, les docteurs sont très largement financés pour leur doctorat. Leur insertion pro doit donc être en moyenne celle de l’OCDE. En conséquence, le taux de chômage dans les secteurs LSHS doit être bien supérieur aux 9 % de la moyenne nationale. Cela est bien cohérent avec les documents de synthèse AERES qui dit que l’insertion pro est de 90-95 % pour les secteurs scientifiques mais seulement 66 % pour les LSHS.
Si ce que j’écris est correct, on serait donc devant une double difficulté : la France produit moins de docteurs en LSHS que la moyenne de l’OCDE, et en même temps ces docteurs trouvent beaucoup plus difficilement un emploi … Les autres pays savent donc manifestement comment bien utiliser les docteurs de LSHS mais la France ne sait pas le faire. Est-ce que quelqu’un sait pourquoi ?
15 novembre 2013 à 20:04
étudiant inquiet
@Rachel, sûrement qu’ils ne considèrent pas la thèse comme la première étape de recrutement d’un EC et que les universités se soucient du devenir professionnel de leurs étudiants.
15 novembre 2013 à 20:34
FBLR
@Rachel
Etes-vous sûr que même pour les matières scientifiques le taux d’emploi soit le même ? J’ai des stats sur les anciens normaliens et c’est pas forcément joli-joli après thèse… Allant jusqu’à nécessiter le suivi d’un « master pro » permettant d’intégrer plus facilement le monde de l’entreprise.
15 novembre 2013 à 21:01
François
@Rachel
– Les doctorats en chimie plombent la moyenne du taux d’emploi des doctorats en sciences « dures ». C’est une matière où depuis longtemps beaucoup d’ingénieurs font ensuite un doctorat, ce qui fait qu’il y a vraisemblablement surproduction de diplômés, d’autant plus que les sociétés françaises de chimie se sont souvent recentrées sur la pharmacie, où le concurrent du docteur en chimie est le docteur en pharmacie (qui n’est pas inclus dans les statistiques, puisqu’il ne s’agit pas d’un vrai doctorat),
– les docteurs en biologie (secteur très féminisé) souffrent non pas tellement de la concurrence des GE, mais de celle des docteurs en médecine (qui tout comme leurs homologues pharmaciens ne sont pas de véritables docteurs),
– etc.
Ce qui confirme qu’en dehors de son intérêt médiatique à destination des politiques, une analyse cherchant les causes du problème du chômage des docteurs n’a de sens que si elle est faite matière par matière.
15 novembre 2013 à 22:16
Rachel
@FBLR, moi aussi ça m’étonne un peu. Peut-être que j’ai fait une
sur-interprétation d’un morceau de texte:
« Parmi les docteurs, certains diplômés sont épargnés, notamment ceux qui bénéficient de financements pour la préparation du diplôme. C’est le cas par exemple des boursiers CIFRE et des bénéficiaires d’une allocation de recherche (financement intégré depuis 2010 au contrat doctoral). Cette performance peut s’expliquer par trois facteurs. Avoir un financement suffisant permet au doctorant de se consacrer pleinement à la préparation de sa thèse, favorisant ainsi sa réussite au diplôme. Le financement dans ces deux cas fait l’objet d’un contrat de travail, conclu entre un doctorant et une entreprise et/ou un établissement d’enseignement supérieur, une sélection s’opérant donc via les critères de recrutement des employeurs. Enfin, la période de formation doctorale est encore plus valorisée sur le marché du travail en tant qu’expérience professionnelle ».
Un peu plus loin c’est écrit que « Les données montrent que les docteurs qui bénéficient d’un financement présentent un taux de chômage nettement plus faible que la moyenne ». « Malgré les efforts déployés ces
vingt dernières années, la proportion de doctorants sans financement demeure élevée en France (estimée à un nouveau doctorant sur trois) ».
@François, je suis d’accord. Je vais tenter de trouver des choses plus détaillées. Si vous trouvez de votre coté …
22 novembre 2013 à 18:11
Le doctorat intergalactique - Doctrix
[…] aussi, De l’insertion professionnelle des doctorants dans le secteur privé, 9 novembre […]