En automne, c’est la saison des feuilles qui tombent c’est aussi celle de la réponse à l’appel à projets de l’ANR. Cette année, il semble que l’ANR ait mis un « instrument » nouveau (du moins je ne l’avais jamais vu). Il s’agit du « Projet de recherche mono-équipe » (PRME). Je trouve que c’est une bonne idée et cela manquait au catalogue d’instruments.

Toutefois, en lisant les conditions d’acceptabilité à cet instrument, je me questionne un peu sur les intentions sous-jacentes. En effet le porteur du projet ne peut être qu’un chef d’équipe : « L’instrument de financement PRME est dédié au financement d’une seule équipe issue d’un laboratoire d’un organisme ou d’un établissement de recherche et de diffusion de connaissances éligible au financement de l’ANR. Seule l’équipe du coordinateur ou de la coordinatrice est financée dans le cadre du projet de recherche mono-équipe », « Un PRME est coordonné par un ou une responsable d’équipe ». (ici, page 10). Et il n’y a pas moyen de contourner ça car en plus du fameux « 4 pages », il faut fournir un fichier supplémentaire, une « attestation » avec des informations administratives prouvant que le porteur est bien un responsable d’équipe.

Tout cela pose plusieurs problèmes assez majeurs :

D’une part, la notion d’équipe est déclinée de façon très variable selon les laboratoires. Certains sont organisés en grosses équipes qui sont ni plus ni moins des axes de recherche. On peut avoir alors des équipes qui comprennent plusieurs dizaines de membres. Dans d’autres laboratoires, l’organisation se font selon des axes et les équipes se déclinent au sein de chaque axe. Dans ce cas, les équipes sont beaucoup plus restreintes, très rarement plus de 10 personnes et souvent 3-4 personnes. On peut donc voir qu’il y a une forte inégalité de situation à l’accès le PRME.

Par ailleurs, la géométrie des équipes est aussi fortement dépendante des disciplines. Là encore, l’inégalité de situation est manifeste.

Enfin, l’appel à projets ne permet pas à tous les membres de l’équipe de déposer un projet (seul le chef peut le faire). Je trouve très stupide de conditionner le portage du projet au responsable d’équipe car il n’a pas forcément toutes les compétences qui sont développées dans son équipe. Les responsables d’équipe n’ont pas exclusivité de pouvoir de pouvoir présenter « une ambition et un caractère innovant remarquables » (extrait de l’instrument PRME). J’ai un exemple dans mon labo où un projet PRME est écrit par un membre de l’équipe mais qui sera porté par le chef d’équipe, ce dernier en situation un peu borderline d’un point de vue opérationnel sur le projet. En outre, quand on sait l’importance d’un succès à l’ANR pour un dossier d’avancement de carrière, c’est un comble que le chef d’équipe en retire tous les bénéfices (en plus d’avoir les rênes des crédits à dépenser).

En lisant ces conditions de recevabilité, on a l’impression que l’ANR a pris modèle sur des fonctionnements de la recherche à l’étranger. Ailleurs, il est très fréquent que les équipes soient en effet petites, pilotées par un professeur. Derrière il y a éventuellement un « assistant » mais le plus souvent il s’agit d’une armée de post-doc ou autres précaires de la science. En France, le fonctionnement est différent mais peut-être que l’ANR ne le sait pas ?

Ou alors, l’ANR cherche à réintroduire le mandarinat ?

Dans tous les cas, ce dispositif mono-équipe est intéressant mais ses conditions d’acceptabilité sont à revoir.