
Antoine Petit, PDG du CNRS, ne renonce pas à dire des bêtises autant qu’il peut. On se souvient qu’une simple phrase aura mis le feu il y a trois ans, pendant la période de la préparation de la LPPR (devenue la LPR). Cette phrase était « Il faut une loi ambitieuse, inégalitaire – oui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne (…) ». Une petite phrase hors contexte car à cette époque personne ne savait à quoi allait ressembler la LPR, mais qui a suffit à provoquer un naufrage collectif.
Depuis, le visionnaire darwinien et prophète de l’inégalitarisme dans la recherche ne renonce pas à sa vision élitiste. Il y a quelques jours il déclare au sujet du recrutement des chercheurs au CNRS : « nous recherchons quelques candidats exceptionnels, pas une cinquantaine de moyens-bons ». Étant donné le faible nombre de postes (et c’est encore pire à l’Université), je veux bien comprendre que les personnes recrutées aux CNRS soit des champions de la science, des personnes exceptionnelles, qui sont a priori toutes vouées à une carrière brillante.
Comme le CNRS a très peu de labos en propre, ces stars de la science sont positionnées très souvent dans des laboratoires universitaires. Je me demande comment ça peut marcher dans le contexte où l’essentiel de la recherche se fait dans un mode collaboratif. J’imagine qu’Antoine Petit compte sur l’Université pour pourvoir les soutiers qui vont bosser pour les stars du CNRS. La vassalisation des Universités par le CNRS ne date pas d’hier et il est évident que le CNRS n’y renoncera pas.
D’ailleurs Antoine Petit n’encourage pas du tout à ce qu’une forme de solidarité s’organise au sein des laboratoires, comme une participation aux tâches d’enseignement qui deviennent un vrai problème du fait de l’augmentation du nombre d’étudiants et la diminution drastique du nombre de postes d’EC. Antoine Petit déclare dans une récente interview « Dire qu’il faut décharger les universitaires d’une partie de leurs cours pour la transférer aux chercheurs, ça ne tient pas la route. Ce n’est pas en détériorant les conditions de travail des uns qu’on améliorera celles des autres » (source : TheMetaNews ici, pour les abonnés). Et ben bravo Monsieur Petit ! Les universitaires sauront apprécier. Si j’étais la Ministre, je vous mettrais à la porte illico.
Le pire c’est que le billet de TheMetaNews est titré « Le CNRS est irremplaçable, qui peut dire le contraire ? ». Moi je pense surtout que le CNRS ne sert à rien car ça fait longtemps qu’on n’a plus de recherche nationale, tout le monde le sait depuis la découverte de l’internet. Ah si, ça sert à complexifier la bureaucratie des laboratoires, on peut donc dire que c’est utile car on connaît l’appétence des universitaires pour les tâches administratives.
3 commentaires
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24 octobre 2022 à 15:57
FUBAR
Je propose de fermer le CNRS en même temps que les classes prépas.
27 octobre 2022 à 15:00
Tom
Bonjour,
Un tel manque de modération, même sous couvert d’humeur… Ce blog m’avait habituer à mieux.
Je me permets de rappeler quelques faits assez élémentaires:
– il existe des disciplines avec des besoins d’enseignement plutôt faibles, et des besoins en recherche très importants (le contraire existe aussi… doit-on faire converger les statuts de EC et de PRAG???)
– il existe des unités mixtes où les chercheurs CNRS/INSERM/autres sont majoritaires
– il existe même des unités mixtes dont les chercheurs signent avec une affiliation multiple incluant l’université du coin, alors qu’il y a 0 EC affecté dans le labo (ni aucun autre poste de permanent type ITA financé par la fac).
Pour ma part, je coche les 3. Je peux comprendre que :(1) cela est exceptionnel dans le paysage ESR; (2) une réflexion sur la multiplicité des tutelles est nécessaire, notamment en raison de la lourdeur admin qui en découle; (3) mon PDG est plus clivant que nécessaire (et par ailleurs, je n’adhère pas à son propos, cf. plus bas, mais comme il ne me demande pas mon avis…). Mais bon, de là à prêter des intentions cacher (« J’imagine qu’Antoine Petit compte sur l’Université pour pourvoir les soutiers qui vont bosser pour les stars du CNRS ») qui ne servent qu’à remettre une pièce dans le juke-box des tensions/rancœurs larvées qui existent dans tout labo… je ne vois pas l’intérêt.
Pour en revenir à la dernière citation: « Dire qu’il faut décharger les universitaires d’une partie de leurs cours pour la transférer aux chercheurs, ça ne tient pas la route. Ce n’est pas en détériorant les conditions de travail des uns qu’on améliorera celles des autres »:
– j’adhère totalement à la première phrase: ca ne tient pas la route. Enseignant et un métier. Chercheur aussi. Il existe bien un métier d’EC, cela ne veut pas dire que les E d’une part et que les C d’autres part ne sont pas des métiers en tant que tels. J’ai été EC en début de carrière, je suis C maintenant, et je connais des gens qui ont eu la trajectoire inverse. Je connais un C qui est devenu E, sans passer par la case EC. etc.
– La seconde partie de la phrase est en effet peu pertinente: En quoi enseigner correspond-il une détérioration ? pour ma part, c’est un métier que j’ai beaucoup aimé et comparer les 2 est problématique. Je sais en revanche pour l’avoir vécu que faire les 2 correctement est à la fois très difficile est épuisant. C’est peut-être simplement cela qu’il voulait dire: si quelqu’un a été recruter pour faire une tache plutôt que l’autre, pourquoi lui demander ensuite de faire les 2 (moins bien) ? Cela ne viendrait à l’idée de personne de demander à un PRAG de faire de la recherche comme un EC, non ? Pour moi, la situation est complétement symétrique.
30 octobre 2022 à 11:40
Rachel
@Tom, une simplification du paysage permettrait de dégager un équivalent de moyens considérables qui pourraient être redirigés vers actions vraiment utiles (recherche et enseignement). Un jour les universitaires s’émanciperont et refuseront la tyrannie et autres humiliations des organismes de recherche.