
Le 15 septembre, la nouvelle ministre Sylvie Retailleau a fait sa première conférence de presse de rentrée. On ne va pas ici commenter tout ce qu’elle a dit mais seulement un morceau qui a retenu mon attention (et c’est un exploit !) et qui laisse entendre que les personnels de l’ESR doivent se concentrer sur leur cœur de métier. Elle veut mener « une réflexion collective sur les conditions d’exercices des métiers de l’ESR pour que chacun puisse se recentrer sur son cœur de métier et retrouver le temps nécessaire à son plein exercice » (dépêche AEF du 16 septembre 2022).
J’ai souvent comparé ici l’enseignant-chercheur à un homme-orchestre, à qui on demande une palette très étendue de missions, pour des tâches périphériques à la recherche et à l’enseignement, sans qu’il y ait beaucoup de réflexion de collectivité en termes de répartition du travail. Par ailleurs, le soutien qu’ils reçoivent pour leurs missions est plutôt limité en nombre. Les services sont eux aussi surchargés, sans compter une GRH médiocre ou inexistante, ainsi que des situations d’incompétences notoires auxquelles des solutions sont rarement apportées. Les enseignants-chercheurs doivent, trop souvent, « faire tout ».
Ce que j’observe depuis de nombreuses années, c’est une forme d’inversion de paradigme : en toute logique les personnels d’accompagnement (administration incluse) devraient accompagner nos deux missions centrales de recherche et d’enseignement. Mais au fil du temps, cette logique a tendance à disparaitre pour glisser vers un schéma où ce sont les enseignants-chercheurs qui sont au service d’une administration froide qui nous inonde de règlements, de formulaires, de demande d’indicateurs et qui se décharge sur nous de tâches qu’elle devrait faire par elle-même (faire des emplois du temps, réserver des salles, collecter des devis pour des mises en concurrences, collecter des documents administratifs pour de la transmission inter-service, etc …).
Se recentrer sur notre cœur de métier (recherche et enseignement), moi je suis pour. Je pense que les enseignants-chercheurs devraient refuser toute injonction qui sort du cadre du métier. Bien entendu ça risque de faire écrouler l’édifice, mais peut-être que ça sera une bonne occasion de contrer une dérive technocratique délirante des services administratifs soumis à l’implacable loi de Parkinson. Et peut-être de repartir sur une base plus saine ?
6 commentaires
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17 septembre 2022 à 16:07
emiliebouv
Bonjour Rachel,
Je ne sais pas. Cela me fait réfléchir.
On entend dire des enseignants que ce n’est leur métier de mettre des cours à distance par exemple. C’est questionnant. Tous les métiers évoluent. C’est quoi un EC en 2022 ? Quel est le référentiel métier associé ? Ne reste t-on pas sur des modèles qui sont datés ?
En revanche, il y a sans équivoque un manque de personnels enseignants ET administratifs qui tend à charger la mule et qui plus est, toujours sur les mêmes.
À mon avis, on devra tous faire des efforts pour s’adapter au contexte actuel, EC ou administratifs et donc prendre en charge des tâches auxquelles on se serait bien passer 🤷♀️
17 septembre 2022 à 18:44
Rachel
@emiliebouv, de l’enseignement à distance c’est de l’enseignement, donc un cœur de métier. Ensuite on aime le format ou non, c’est une autre histoire. Mais faire des emplois du temps ce n’est pas de l’enseignement.
En fait je n’avais en en tête un positionnement dans le contexte actuel (covid, crise énergie), mais plutôt une lente évolution où il y a un accroissement de justification, de surveillance et d’acte administratif à fournir. Des fois on comprend pourquoi mais d’autre fois non.
Ensuite, qu’on participe à l’effort collectif quand il y a des difficultés, je suis tout à fait d’accord. Mais qu’on ait aussi un minimum de reconnaissance de l’effort fourni. Par exemple, je trouverai très déplaisant que les universités n’aient pas, au moins en partie, une compensation pour aider à payer le chauffage pendant l’hiver alors que le gouvernement débourse des milliards d’euros pour aider les automobilistes à bruler de l’essence (merci pour Poutine et pour le changement climatique).
17 septembre 2022 à 23:42
Dan - visseur naïf
Je me demande comment sont élaborés les emplois du temps. le processus me parait impossible à maîtriser par les seuls administratifs, car il doit intégrer les contraintes de chaque partie prenante, ou du moins des Enseignants et de la logistique. Peut-on faire sans les enseignants ? le glissement n’est il pas venu du fait qu’il est plus facile à un EC de négocier avec un autre EC qu’à un administratif, forcément « en dehors des réalités » …
18 septembre 2022 à 14:32
Rachel
@Dan, faire un emploi du temps, ça ne nécessite aucune compétence en enseignement. Oui l’argument du « c’est plus facile pour un enseignant de négocier avec un autre enseignant », c’est précisément ce que nous dit l’administratif qui cherche à se débarrasser de la chose.
18 septembre 2022 à 16:45
FUBAR
Rachel: music to my ears! Je passe mon temps à expliquer à l’administration centrale qu’il ne sert à rien de me demander des indicateurs qu’elle est censée me fournir. Quand j’étais en poste dans une université du nord de la France (enfin, au nord de Paris, quoi), une secrétaire faisait l’emploi du temps et elle y arrivait parfaitement, avec diplomatie, intelligence et équité. Depuis, il me semble que c’est désormais un EC qui s’en charge. Ici chez nous on entre les notes dans Apogée, là-bas c’était une prérogative sacrée des secrétaires pédagogiques et on avait pas intérêt à faire mine de vouloir s’en emparer. Bref, je crois hélas que personne ne lit plus les fiches de poste de l’administration, mais que tout le monde a quand même intégré l’idée que l’EC est là pour suppléer à TOUT dès que le besoin s’en fait sentir.
18 septembre 2022 à 18:49
Rachel
L’EC est très vindicatif dans les tribunes du Monde, mais l’EC est finalement très docile sur le terrain.