La précarité à l’Université est un thème qui est devenu important. On va parler aujourd’hui de la précarité de type « vacations », c’est-à-dire des heures d’enseignement proposées à des jeunes chercheurs (souvent en thèse) à des tarifs qui avoisinent celui du SMIC et sans bénéfice de cotisation aux droits sociaux. Bref on va parler de la précarité la plus crasse et qui est pourtant largement développée dans nos Universités. Pour bien comprendre le problème, je propose de reprendre un petit échange sur CuiCui :

« Dans ma discipline (de type LSHS) les enseignements en recherche sont assurés à 70% par des précaires et 40% des thèses n’ont aucun financement. Et dans beaucoup de disciplines la continuité des enseignements dépend de ces doctorants et c’est souvent plus de la moitié des TD qui sont assurés en vacation faute de financement de postes de contractuels. Et les MCF n’ont le choix que de recruter eux-mêmes des vacataires ou d’assurer en heures supplémentaires ces TD ».

Dans un autre échange, un universitaire explique qu’il a 6 doctorants mais qu’ils n’ont pas de financement car il y a peu de financement de thèse en SHS. L’avantage c’est qu’il peut les mobiliser pour faire les TD qui correspondent à ses cours.

Ces personnes qui sont en thèse et qui font des vacations sont des « agents temporaires vacataires ». Ils ne peuvent pas faire plus de 96h eq TD par an. La loi prévoit qu’ils soient recrutés par le président après avis du conseil académique, sur proposition du directeur de département de formation. Pour des vacations « occasionnelles » ils peuvent être directement recrutés par le directeur du département de formation. Dans tous les cas, ce sont les universitaires qui sont aux commandes et que valident ce système de vacations confiées à des doctorants non rémunérés.

La raison du recours de plus en plus massif à des vacataires, c’est que le nombre d’étudiants augmente constamment et que le nombre de postes diminue depuis environ une dizaine d’année. Les vacations ça ne coûte pas cher (41,41 € de l’heure), c’est-à-dire bien moins cher que de pourvoir les heures avec des permanents (environ 10 fois moins cher). On est donc sur une conséquence de la mauvaise volonté des deux précédents gouvernements d’investir dans l’enseignement supérieur. D’un autre côté, d’un point de vue purement budgétaire, je les comprends : à quoi sert d’investir avec des enseignants statutaires si des vacataires payés dix fois moins cher peuvent faire le travail ? Pour les universitaires, comment alors revendiquer des postes supplémentaires s’ils trouvent des solutions en interne beaucoup plus souples et bien moins chères ?

Les universitaires ont un positionnement ambigu sur ce sujet. Par exemple, ils poussent des cris d’orfraie au sujet des chaires de Professeur Junior de la LPR (postes contractuels payés correctement) mais ils n’hésitent pas à exploiter les jeunes sans même leur offrir un vrai contrat de travail. Ils ne sont pas les derniers à lutter en faveur des opprimés mais sans trop de problème ils sont aussi des oppresseurs au quotidien sur leur lieu de travail. L’université socialement responsable ne semble pas trop être leur crédo mais c’est vrai que c’est compliqué de mettre le nez dans son propre caca.

Il serait temps que l’Université s’engage dans une démarche socialement responsable et soit motrice d’une amélioration de l’éthique professionnelle et l’équité. Pour cela elle doit réduire à minima les vacations réalisées par les doctorants non rémunérés. Elle doit aussi limiter drastiquement le volume d’heures complémentaires (voir nos propositions ici, volets 13 et 14) car la charge d’enseignement devient, en moyenne, trop lourde et elle nuit considérablement à l’activité de recherche (et bien entendu aussi sur la qualité de l’enseignement ou tout simplement à la santé des personnels).

Vous allez me dire : « mais sans ces vacations, des formations ne tournent plus ! ». Et alors, le manque de moyen n’est-il pas un argumentaire béton pour réclamer des postes ? Refusons de rentrer dans cet engrenage des vacations et heures complémentaires. On verra alors comment le gouvernement va réagir quand il aura sur le dos plusieurs dizaines de milliers d’étudiants sur le carreau faute de bonne capacité d’accueil (ici en termes de moyens d’encadrement). A mon avis c’est la seule façon d’espérer d’obtenir des postes.


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