
Noël, c’est la période de l’ouverture des paquets cadeaux. Pour beaucoup d’universitaires, c’est aussi la période de l’ouverture des paquets de copies à corriger. En effet le premier semestre se termine. Il reste quelques examens terminaux en janvier et on entame le second semestre. J’ai commencé le paquet hier matin mais j’ai vite calé à la quatrième copie, rêvant qu’on invente enfin la machine à corriger les copies …
Les copies sont mauvaises, je m’y attendais mais pas à ce point. J’avais pourtant pris le parti de faire un cours « allégé », c’est-à-dire que j’avais remplacé les parties difficiles par de larges rappels des bases qu’ils auraient dû acquérir l’année passée. Manifestement cela n’a pas suffit ou alors j’ai loupé mon coup.
Beaucoup d’enseignants semblent se plaindre du faible niveau des étudiants cette année. Paradoxalement, dans les équipes pédagogiques, on a peu discuté du programme de cette année et du comment prendre en compte les difficultés rencontrées pendant la période pandémique avec restrictions, qui ont bien entendu des répercussions sur les enseignements de cette année. Chacun semble faire comme il peut.
Sur ce semestre, on a eu la chance de pouvoir enseigner en présentiel. Mais j’ai pu constater que les étudiants ont eu plus de mal à rester attentifs (comparativement aux autres années). C’est peut-être à cause de la perte des habitudes que de rester assis pendant plusieurs heures, ou bien ils sont vite décrochés ? J’ai vu aussi beaucoup d’absences pour raison médicale (là encore comparativement aux autres années – hors Covid).
Ce semestre, enseigner a été pour moi plus difficile que les autres années. Je sortais du cours avec une grosse fatigue et je mettais systématiquement plusieurs heures pour remonter la pente. C’est peut-être à cause du masque, qui force à parler plus fort ? Ou bien le poids de l’âge qui commence à se faire sentir ? Faire cours devant des étudiants masqués n’est pas agréable non plus, moi j’aime voir les visages éblouis par mes prestations de pédagogue, petit plaisir qui ne m’a pas été accordé cette année …
A mon sens, cette crise sanitaire à mis en évidence deux éléments majeurs (1) l’importance de l’enseignement en présentiel, de quoi clouer le bec à tous les ayatollahs du tout numérique. Pour ce volet, tout le monde ou presque semble d’accord et on pourra trouver une multitude de témoignes à ce sujet. (2) cette crise aura aussi révélé une faible autonomie d’un trop grand nombre d’étudiants qui se sont retrouvés incapables ou en grande difficultés pour se prendre en main. Peut-être faudrait-il demander un peu plus de travaux personnels aux étudiants ?
10 commentaires
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29 décembre 2021 à 13:25
Dan -visseur pratique
» Peut-être faudrait-il demander un peu plus de travaux personnels aux étudiants ? »
J’adore le « peut-être « …je constate, depuis le primaire de mes enfants, il y a 45 ans, et de mes petits enfants il y a 20 ans, le nombre tristement décroissant de tst (travail sur table), de rédactions, dissertations (une dans l’année pour le dernier bachelier en 2019), …
Bien sûr, on ne fait pas une statistique sur 23 cas, mais cela interroge.
En revanche, pour ceux qui ont fait prépa scientifique ( 6 cas seulement, hélas ! ), devoirs de maths chaque semaine, corrigés dans la semaine, devoirs de Physique chimie, tous les quinze jours, interros d’anglais, colles hebdomadaires, partiels, concours blancs,résumés de texte de français…Bien sur la prépa,c’est 70 heures de travail par semaine.
La pédagogie élémentaire, connue depuis l’antiquité, et confirmée par Montessori, Freinet, Rogers, Mager et des milliers d’autres praticiens, nous apprend que c’est en faisant qu’on apprend à faire, pas seulement en écoutant, sauf exceptions.
Seulement voilà, faire faire, donner des travaux à faire, préparer les TD, les corriger…c’est beaucoup de taf, et cela implique les « parents » quand il y en a . Et la pression des associations de parents pour diminuer le travail à la maison, et le travail en général, n’a pas arrangé les choses.
Vous récoltez les fruits de notre démission collective. Nous vous en demandons pardon.
Bonne année quand même. Et merci pour vos réflexions toujours stimulantes sur un enjeu majeur : la formation post-bac , dont la problématique n’est pas seulement l’égalité ou l’inégalité .
29 décembre 2021 à 15:00
nicolas
Bonjour,
même constat de qualité en baisse des primo-arrivant cette année par-rapport aux autres.
Mon questionnement est de déterminer le coupable: une année covid à distance ou un nouveau bac farfelu avec des options macramés? les deux mon général?
Je suis désolé pour mes L1.
29 décembre 2021 à 18:58
Rachel
@Dan mon visseur, oui organiser des travaux personnels demande du temps. Il faut trouver de bons sujets, répondre aux questions, suivre l’avancée des travaux, évaluer les travaux. Un autre problème est que maintenant l’information est largement disponible sur la toile et on a du mal à bien voir ce qui est du travail de l’étudiant ou bien ce qui est pompé ailleurs sans effort.
Bonne année à vous et mille mercis pour vos commentaires toujours très stimulants !
@Nicolas, c’est vrai que pour les néo-bacheliers en L1, on superpose deux causes possibles. Pour ma part ce n’était pas des primo-arrivants, donc incrimine le covid- distanciel.
30 décembre 2021 à 11:37
Jean-Michel
A entendre et voir fonctionner (surtout) nombre de mes collègues, j’en retire l’impression que pour la plus grande partie d’entre eux, l’essence même de l’université, c’est le trio cours en amphi (bondés) – bachotage – examen terminal (dans les mêmes amphis, forcément bondés). J’en viens à me demander à quoi sert une telle concentration de bac + 8 minimum si c’est pour être incapable de sortir de ce modèle qui date de plusieurs décennies (l’université à grand papa). La crise sanitaire, qui nous a obligés à imaginer dans l’urgence quelques solutions « distancielles », aurait dû être mise à profit pour concevoir l’université de demain, qui à mon avis sera nécessairement hybride. Mais il n’en a rien été, à quelques rares exceptions près. Depuis septembre dernier, le seul mot d’ordre, pour les enseignements comme pour les réunions, c’est « présentiel, présentiel, présentiel, présentiel ! ». Un minimum d’observation permet pourtant de constater qu’il est possible d’être physiquement « présent » (dans un amphi par exemple) tout en étant socialement et mentalement « distant » : parce qu’il existe une distance sociale entre profs et étudiants, ou parce que le cours est soporifique, ou encore que le wifi invite à la distraction en permettant de se connecter à Netflix – chez nous ce n’est plus possible car la DSI avait repéré que ça occupait 15 % de la bande passante et en a bloqué l’accès via le wifi du campus en septembre 2020, mais c’est bien la preuve que ça servait aussi à cela. Mais j’ai aussi des témoignages crédibles au sujet d’étudiants de STAPS matant du porno pendant les cours ou d’étudiants d’histoire jouant entre eux à des jeux en ligne, en TD, pendant que leurs camarades ânonnaient leur exposé… Et ma liste des causes possibles de « distance » mentale ou sociale n’est pas close. Il y a toujours eu des élèves, de toute façon, qui étaient bien présents en classe, physiquement, mais pour y rêvasser en regardant par la fenêtre (j’en ai fait partie). Le retour d’expérience de la période mars 2020-juin 2021 montre en revanche qu’il a été possible de créer des enseignements en distanciel physique qui accroissaient la présence mentale via différentes formes d’interactivité. Mais évidemment, il y avait aussi le contre-exemple du monologue professoral en synchrone devant un écran Zoom avec des étudiants dont l’ordinateur pouvait certes être connecté sans que rien ne garantît qu’ils l’étaient eux aussi, soit la reproduction, en pire, du CM en amphi. Bref l’opposition distanciel/présentiel ne peut évidemment pas être réduite à une question de distance/présence physique dans les locaux. De mon point de vue, le temps de présentiel physique devrait être réservé à tout ce qui permet une réelle présence active avec TD, exercices, classes inversée, etc. Si c’est pour se contenter de faire perdurer le modèle amphi-bachotage-examen, à mon avis c’est peine perdue.
31 décembre 2021 à 00:29
Dan -visseur manuel
Merci Jean Michel. Les cours en amphi n’ont de sens que s’il y a un réel travail, important, après ou avant . Sauf pour quelques élèves très brillants qui ne sont sans doute pas en fac. La question qui se pose : quel degré d’exigence de travail est nécessaire pour atteindre les objectifs de chaque année ?
Les 50 % d’échec en L1 ont-ils un rapport avec l’absence de sélection à l’entrée ( horresco referens) et le volume de travail demandé et contrôlé régulièrement, pas seulement au moment des partiels ?
L’université demande sans cesse des moyens, sans doute à raison (cf dernier numéro d’Alternatives Économiques), mais, sans exigence de travail personnel intense des étudiants, et sans orientation-sélection forte c’est un tonneau des danaïdes.
UN bon plombier gagne plus qu’un fonctionnaire. mais il faut bosser, et avoir une compétence technique, commerciale, de gestion, de conduite d’équipe, d’apprentissage permanent…On manque de bons plombiers, pas de sociologues .
31 décembre 2021 à 12:20
Rachel
@Jean-Michel, faire l’enseignement autrement demande de l’investissement. J’ai déjà tenté et ce n’est pas évident. Mais d’un autre côté, quand on débute un enseignement ça prend du temps aussi alors il faut certainement voir ça sur la durée. L’autre point que j’ai pu observer c’est que faire autrement amplifie fortement les différences entre étudiants. Les bons étudiants apprécient et s’en sortent bien (et ils aiment ça), je pense que c’est très bénéfique pour eux. En revanche les étudiants médiocres se trouvent rapidement perdus et incapables de se prendre en main, c’est compliqué de sortir du schéma du bachotage.
31 décembre 2021 à 13:13
Jean-Michel
@Rachel Chez nous, les taux de réussite en L1 AES sont les suivants : bac ES 47 %, bac L 20 %, bac S 70 %, bac techno tertiaire 20 %, bac professionnel 3 % (les données sont tirées d’une fiche 2021 de présentation de la licence, mais doivent dater d’un an ou deux, avant la Covid). Autrement dit, même les bacs ES, a priori les mieux préparés, sont moins de la moitié à réussir. Les S s’en sortent bien mieux, ce qui n’étonnera guère, je pense. Ceux qui sont *déjà* perdus dans le modèle CM-bachotage-ET le seraient-il plus encore dans un modèle hybride leur demandant d’être plus actifs ? Je ne sais pas. Ce qui est clair c’est que la distance sociale entre la grande majorité des inscrits et le savoir de type universitaire est immense et que le présentiel tel qu’il est pratiqué le plus souvent n’y remédie guère, sans d’ailleurs que ça empêche grand monde de dormir.
31 décembre 2021 à 14:13
Dan-visseur bachoteur
« c’est compliqué de sortir du schéma du bachotage. »…s’il y avait vraiment bachotage avant…qu’appelez-vous « bachotage » ? Comme je l’ai constaté, la part de travail personnel, de dissertations, de devoirs corrigés, d’exercice en classe corrigés…a diminué de façon covidienne (exponentielle) en 50 ans. Le résultat est patent. Le bachotage avait une vertu : les élèves travaillaient – certains pour les notes,pas pour le contenu, mais au moins ils travaillaient.
En entreprise, nous affirmions – et tentons d’appliquer – que le contrôle sert
-d’abord au client ( c’est plus agréable que les freins aient été contrôlés par le garage quand il a changé les plaquettes – idem pour le réacteur ….)
-ensuite au contrôlé , qui sait où il en est et dispose de repères par rapport à son travail et aux objectifs d’apprentissage ou de production.
– ensuite à l’encadrement, pour rechercher les causes d’écart qui sont multiples (consignes pas claires, priorités incohérentes, …)
– ensuite à la « hiérarchie » pour se rassurer , d’une part, mais aussi vis à vis des autres partenaires, dans l’entreprise et en dehors.
La phobie collective du contrôle a amené les élèves à étudier « en boucle ouverte » …et le système diverge !
Nota : ma fille, 41 ans, a comparé ses cahiers de 6ème en 1990 à ceux de sa fille..en sixième. Triste constat de dégradation. Les deux étaient ou sont de « bonnes élèves » « normales » dans des collèges publics « normaux » (!)
21 janvier 2022 à 00:30
Henri IV
174 copies de L1 corrigées en ce début janvier. 60 notes égales à 0 ou 0,5/20. Moyenne générale 3,9/20. De profundis. Mais bon, c’est la faute du prof dans ce cas-là, ne l’oublions pas.
21 janvier 2022 à 10:55
Rachel
@Henri IV, ces 60 personnes étaient-elles présentes lors des enseignements ? Ont-elles rendu copie blanche ou bien alors ont-elles essayé de composer et tout était faux ?