
Le nouveau président trotskiste-léniniste des USA a tenu des mots forts devant le congrès américain il y a quelques jours : « Mes chers compatriotes américains, le ruissellement − la théorie économique du ruissellement −, ça n’a jamais marché. Il est temps de faire croître l’économie à partir du bas et du milieu ». Le président Macron doit un peu se gratter la tête, lui qui a fondé sa politique sur ce principe du ruissellement … mais on n’est pas ici pour parler d’économie ou de politique générale.
La théorie du ruissellement s’est aussi fortement développée dans l’ESR, en France comme ailleurs. On appelle cela le parti pris de « l’excellence ». Il a été décidé de flécher fortement les financements vers cette excellence, en disant qu’elle allait tirer les autres vers le haut. Ça fait plus de dix ans qu’on est dans ce régime du PIA (plan d’investissement d’avenir) et ses bilulex. En Europe on ne jure que par les programmes ERC qui flèchent un gros paquet d’argent sur un individu. Concrètement, le ruissellement occasionné ne me saute pas aux yeux.
Historiquement, en France on a pratiqué cette politique du ruissellement depuis des lustres, bien avant l’invention des Bidulex. Par exemple, on a favorisé l’investissement dans les grandes écoles (qui drainent les meilleurs étudiants) plutôt que dans l’Université, en se disant que l’essentiel était de bien former les élites (et ça marche ? …). Coté recherche, on a plutôt soutenu les organismes de recherche et là encore l’université a été délaissée. Ces régimes à deux vitesses ne semblent pas générer une performance particulière, sauf bien entendu si on considère les aspects de complications bureaucratiques et institutionnelles, là je crois qu’on est en France particulièrement innovants !
Si le fléchage des moyens vers un petit nombre ne semble pas porter ses fruits, faut-il pour autant arroser tout le monde sans différentiation ? Les spécialistes du ruissellement diront qu’il faut être prudent quand on arrose un terrain très sec : il faut le faire très progressivement sinon ça ruisselle ailleurs. Là où il y a une grosse lacune c’est pour la grosse masse de C et d’EC, qui ne sont ni excellents ni déméritants (la classe moyenne). A mon sens, c’est là qu’il faut investir. Ça peut se faire par des projets ANR à condition que le taux de succès soit supérieur à 30 %. On verra si la LPR tient ses promesses sur ce volet. Dans le cadre du PIA4, qui est semble-t-il couplé à des crédits du plan de relance (PEPR), ça pourrait se faire avec des investissements de collectivité dans les différents sites de l’ESR (pas seulement les IDEX ! pas seulement sur des thématiques trop restreintes !). Il pourrait s’agir par exemple de soutenir toutes les démarches de mutualisation d’instrumentation ou d’expérimentation qui font la science du quotidien, en garantissant à la fois des infrastructures de qualité, une instrumentation performante (on ne parle pas là des équipements uniques et différenciants d’excellence !), des personnels qui assurent la maintenance, des crédits pour couvrir les frais de fonctionnement et de maintenance. Si on revient à une comparaison avec l’économie, ça revient à investir plus dans la classe moyenne.
1 commentaire
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1 mai 2021 à 23:53
Dan- visseur démocrate
A ma connaissance, jamais le Président de la République n’a dit croire au ruissellement, et il a même affirmé le contraire.
https://actu.orange.fr/politique/videos/je-ne-crois-pas-a-la-theorie-du-ruissellement-declare-macron-macronbfmtv-CNT000001y98qw.html
Mais les médias ont fait semblant de croire qu’il y croyait, parce qu’il avait supprimé l’ISF, impôt qui n’existait plus dans aucun pays européen.
la comparaison avec les US aura du sens si l’on compare :
– les taux d’imposition par tranche
– les taux de prélèvements obligatoires
– le système de sélection des universités
– le financement des universités
– le coût des études supérieures
– le taux de redistribution
– les inégalités après impôts et allocations.
-le coût de l’accès aux soins
Nos deux systèmes ont peu de points de comparaison. Si Joe Biden veut se rapprocher du modèle européen, tant mieux pour les américains. Mais ils sont encore très loin de l’état providence à la française et de ses 112 allocations et avantages fiscaux (liste à disposition)
Quant au sous-financement de l’université, on en revient toujours au même problème : au nom de quoi financer également toutes les disciplines ? les US ont résolu cette question en pratiquant une double sélection – à l’entrée et par les droits d’inscription. c’est un choix qui parait peu applicable en France.On ne peut avoir le beurre (pas de sélection + le droit de postuler pour n’importe quoi, quel que soit le niveau ,la capacité d’accueil ou les débouchés) et l’argent du beurre (les finances publiques ad libitum)