
Cette période de crise n’est pas qu’une crise sanitaire. Elle est aussi économique et sociale. Elle a engendré aussi de la détresse psychologique chez un grand nombre de personnes (peur de perdre son emploi, incertitude sur l’avenir, réduction drastique de liens sociaux, …). L’ensemble de la population a été plus ou moins impacté. Les jeunes, en particulier les étudiants, le sont particulièrement (périodes de confinement, couvre-feu, cours en distanciel en mode « dégradé », les soirées interdites, des liens sociaux quasi-supprimés).
Durant toute cette période, on nous a expliqué qu’il fallait protéger les plus fragiles, ce que je veux bien comprendre, c’est parfaitement normal. Quand on regarde la moyenne d’âge des personnes décédées de la Covid-19, on constate que plus de 90 % des décès de la Covid-19 surviennent chez les plus de 65 ans, la moitié des morts ont plus de 85 ans et que l’âge moyen des personnes décédées est de 82 ans (c’est-à-dire le même âge que l’âge moyen des décès en France, toute cause confondue).
Protéger les intérêts vitaux des plus âgés c’est bien, mais pour ça on a sacrifié les jeunes, eux dont le facteur de risque est bien moindre. On aurait pu adopter une autre stratégie : confiner les aînés et laisser les jeunes vivre leur vie de jeune. Mais il parait que ça serait une rupture d’égalité devant les libertés individuelles, donc on a préféré appliquer les mesures restrictives à l’ensemble de la population.
Pour les jeunes, c’est la double peine : on leur a supprimé déjà un an de leur jeunesse et ensuite on nous explique que cette crise aura généré une dette importante qu’il faudrait payer plus tard (bref ce sera pour les jeunes, car les aînés seront partis d’ici là). En fait c’est même la triple peine car ces jeunes sont régulièrement pointés du doigts pour être responsables de la propagation du virus : salauds de jeunes qui s’attroupent sur les quais sans masques !
Moi, de ma petite tour d’observation, en particulier dans mon université, j’ai surtout vu des jeunes très respectueux des consignes sanitaires. Ça ne me parait pas du tout évident que les jeunes soient, plus que les autres, vecteurs privilégiés de la propagation du virus.
On apprend également que le niveau d’épargne des français a augmenté de façon considérable. C’est logique comme on ne sort plus (resto, vacances, évènements culturels, …) on dépense donc beaucoup moins d’argent. Il parait qu’on atteint une somme épargnée de 200 milliards d’euros, c’est colossal. On pourrait alors se dire, ben voilà, c’est tout trouvé, on peut presque rembourser la dette liée au Covid. Mais il semble que le gouvernement ne veut pas de nouvel impôt (j’imagine que c’est impopulaire) et donc la résorption de la dette ça sera pour plus tard, donc pour les jeunes d’aujourd’hui.
Il parait aussi qu’un niveau d’épargne trop haut n’est pas bon pour l’économie. Alors le gouvernement semble s’orienter vers une défiscalisation de la transmission du patrimoine des ainés vers les plus jeunes, mesure qui profitera alors aux plus riches.
Dans ce contexte difficile de crise, je trouve que les jeunes ont globalement bien joué le jeu, sans rechigner. Il serait légitime qu’on leur renvoie l’ascenseur quand cette crise sera terminée, afin d’éviter une guerre intergénérationnelle ou autre sentiment d’injustice. La meilleure façon de le faire me parait être un investissement massif et immédiat dans l’éducation et la formation, de la maternelle à l’Université. Un effort particulier des aînés (ceux qui ont les moyens bien entendu) me paraîtrait légitime. Ce sont en effet les aînés qui disposent de la richesse du pays. Je ne sais pas trop quelle forme ça pourrait prendre, mais on pourrait imaginer une taxation bien supérieure des droits de succession. Ou alors on pourrait aussi ouvrir une sorte de cagnotte à l’attention des aînés, ça serait intéressant de voir si la solidarité intergénérationnelle marche dans les deux sens.
Remarque : J’ai publié initialement ce billet sur Twitter et on m’a gentiment fait remarquer que ce n’était pas le moment de déclencher une guerre intergénérationnelle. Ce n’est pas mon intention, moi je suis plutôt « peace and love ». Simplement je pense qu’il ne faut pas mettre ce sujet sous le tapis car il n’est pas du tout impossible qu’il nous pète violemment à la figure demain. Remboursement de la dette Covid (qui s’additionne aux autres), changement climatique à gérer, difficulté de trouver un emploi, précarité qui augmente, tout ça fait beaucoup pour les jeunes … Mon point de vue ici est que je pense que ce problème insuffisamment discuté. Ces derniers temps, on constate qu’il y a eu très peu de moyens déployés pour les jeunes et beaucoup pour les aînés. A un moment, il serait bien que la solidarité intergénérationnelle fonctionne dans les deux sens.
3 commentaires
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4 mars 2021 à 12:39
Dan- visseur fiscal
J’ai exprimé ailleurs mon soutien à la position d’André Comte-Sponville : il est normal que les vieux (dont je fais partie ) meurent, même si c’est désagréable vers la fin.Ce que je ne vois pas bien, c’est comment filtrer à l’entrée des hôpitaux et renvoyer les vieux malades chez eux. Pas facile.
En revanche – et je l’ai écrit à ma députée « en marche », je suis favorable à un impôt COVID – qui bien sûr me toucherait- pour financer le primaire et le collège, la vraie recherche scientifique (donc pas la sociologie) , la transformation de l’agriculture, la lutte contre le réchauffement.
On n’est pas maître de ce qu’il advient de nos impôts, mais cela me désolerait que ce soit utilisé pour un revenu universel sous quelque forme que ce soit.
Ceci dit, il faut faire gaffe : la France est déjà le premier pays pour les prélèvements obligatoires.Jusqu’où peut-on aller sans inciter à la fraude ou à l’évasion ? Le sens civique de mes concitoyens est à géométrie variable, assez exigeant envers les autres, plus élastique envers eux-mêmes.
5 mars 2021 à 16:00
Rachel
@Dan, oui mais ne soyez pas trop pressé non plus. De toute façon, on va tous partir ensemble car le grand chaos approche à grand pas.
Pour les sciences sociales, on en a besoin
5 mars 2021 à 16:42
Dan - visseur ni noir ni blanc
Besoin de sciences sociales…oui, mais « in medio stat virtus »…le déséquilibre de l’université en faveur des « sciences » HS (hors de service ?) menace l’université et la gangrène. Espérons que la cancel culture n’atteindra pas les sciences vraies, et qu’il ne faudra pas justifier de sa « race » ou de son « genre » pour faire des recherches sur le mélanome ou sur les gonades.
pauvres Durkheim et Lévi-Strauss, Mauss et Tillion !