Le MESRI a publié récemment son bulletin de santé (bilan annuel chiffré du système d’enseignement supérieur et de recherche français). On pourra le lire ici. On y apprend que « depuis 2014, la dépense moyenne par étudiant s’est réduite, sous l’effet de la vive progression des effectifs étudiants. Ainsi, la dépense moyenne par étudiant s’est réduite de près de 5 % en cinq ans, alors même que le nombre d’étudiants inscrits progressait de près de 8 % ». On constate aussi, même si on ne savait déjà depuis toujours, que les étudiants à l’université coûtent beaucoup moins cher que ceux dans les filières STS et CPGE. Qu’il y ait une différence entre les filières, ce n’est pas fondamentalement choquant car par exemple les STS ont certainement besoin de beaucoup de travaux pratiques (donc un encadrement adapté, des équipements, …) et les CPGE ont un volume d’enseignement hebdomadaire bien plus conséquent que les étudiants à l’Université. Certains disent que la dépense par étudiants à l’Université est en fait encore beaucoup plus faible que les chiffres donnés dans le rapport, et je pense qu’ils ont raison (lire ici).
Le rapport nous dit que l’investissement de la France dans l’enseignement supérieur se situe dans la moyenne de l’OCDE, mais si on va voir dans les données de l’OCDE on est plutôt dans la seconde partie du tableau (voir ici). Si on prend en compte que notre enseignement supérieur comprend des STS, CPGE et grandes écoles, j’ai quand même l’impression que les dépenses relatives à l’enseignement dans les Universités doit être vraiment très bas comparées aux autres pays de l’OCDE.
La courbe d’évolution des dépenses au cours des années est intéressante (voir la courbe ci-dessous). On peut constater qu’il y a effectivement une baisse moyenne depuis 2014. On peut aussi constater que la baisse ne concerne que les Universités alors que récemment l’investissement dans les STS et CPGE a augmenté (l’ensemble a baissé). On pourra lire quelques explications techniques sur cette période récente de la courbe ici. Sur cette courbe, il est intéressant de constater aussi pour les universités que la dépense augmente quand on est sous la droite (et fortement grâce à V. Pécresse, mon idole) et qu’elle baisse avec la gauche (qui a toujours eu un faible pour les organismes de recherche), et inversement pour les STS et CPGE.
Il est encore certainement un peu tôt pour tirer le bilan de la politique de E. Macron, mais je n’ai pas du tout l’impression que l’Université soit une quelconque préoccupation. Il parait que le projet de loi LPPR (Loi de programmation pluriannuelle de la recherche) a été remis récemment sur la table après l’arrêt forcé causé par la pandémie, projet que l’on ne connait pas pour l’instant (à ma connaissance). On sait toutefois qu’il s’agit d’un projet qui concerne la recherche et non l’enseignement supérieur. Ainsi que doute fort que ce soit très favorable à l’Université. Mais attendons d’avoir à disposition une première lecture de l’avant-projet avant de pousser des cris d’orfraie (honnêteté intellectuelle oblige …)
18 commentaires
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6 juin 2020 à 19:35
Dan-visseur radin
Bien que tenté de compatir à votre tristesse, il me semble que les universitaires ont une petite part de responsabilité dans cet état de fait.
1 – tant qu’ils n’accepteront pas une sélection minimale, permettant de n’avoir que des étudiants susceptibles de suivre les cours…
2 – tant qu’ils n’accepteront pas que les étudiants « sécurité sociale » soient exclus dès la première année
3 – tant que les SHS représenteront le premier effectif des étudiants inscrits, sans aucune corrélation avec les possibilités d’emploi. Je ne nie pas les apports des SHS, de Marcel Mauss, Germaine Tillion, Claude Lévy-Strauss, Raymond Aron …mais la proportion est trop déséquilibrée. J’ai du mal à croire que 300000 jeunes soient passionnés par les enquêtes terrain, les entretiens sans limites, la prise de notes et la mise au propre, le traitement des données de manière rigoureuse ou par l’écoute objective et sereine des difficultés de vie de leurs concitoyennes et concitoyens.
4 -tant que de nombreux universitaires se solidariseront de façon moutonnière avec les mouvements « étudiants » qui dégradent les locaux comme à Rennes 2 ou Montpellier 3, et se fichent éperdument de « l’investissement » qu’ils détruisent avec bonheur.
5 Tant que toute réforme sera condamnée a priori, et que le terme « rentable » sera utilisé pour dégommer tout effort de rationalisation ou de changement
Pour ces raisons, entre autres, je ne vois pas de raison d’investir indéfiniment dans les universités, tonneau des danaïdes. Et c’est dommage pour les étudiants sérieux et bosseurs (il y en a beaucoup) et pour les profs ejusdem farinae…
Droit 206 100
Economie, AES 184 500
Arts, Lettres, Langues, SHS 500 700
Sciences, STAPS 346 900
…dont Sciences 292 100
Total disciplines générales 1 238 200
Santé 228 800
IUT 117 800
Allemagne 37 % des étudiants en sciences, Inde 33%, RU 27 %, Espagne 26 % Italie 25 % France 24 %
7 juin 2020 à 11:57
Albert Deboivin
Le démantèlement et l’assèchement de l’université française continuera tant qu’on accepte collectivement de travailler dans ces conditions de plus en plus dégradées.
7 juin 2020 à 13:59
Rachel
@Dan, je comprends, il n’y a pas grand-chose qui pousse à l’investissement dans l’Université car elle donne parfois une triste image. Mais c’est un peu un cercle vicieux, je ne vois pas bien comment elles peuvent remonter la pente sans investissement et réformes. A vrai dire je ne comprends pas le positionnement des divers collectifs nonistes devant la future LPPR qui demande son retrait pur et simple. Ce positionnement devrait être « oui nous voulons un investissement dans la recherche ; non nous ne voulons pas ceci ou cela », ça serait plus constructif.
Je viens de voir que le texte de la LPPR était rendu public !
7 juin 2020 à 14:23
HenryIV
Je comprends qu’on fasse de la provoc dans les forums, moi-même… Donc je laisse Dan visser ses boulons à sa guise. Nous même nous en SHS sommes surpris comment des filières très peu porteuses en accessibilité directe à l’emploi continuent d’être porteuses depuis des générations: en tête, STAPS, sciences de l’éduc, psycho, socio, histoire de l’art… On ne parle pas du droit et de médecine, qui opère une sélection de 75 à 80 % en 1ere année sans avoir une remarque. Nous, quand on colle 50%, on se fait engueuler. Je vais lire le projet LPPR, car l’an prochain, ce sera: vous avez aimé le corona, vous allez adorer les blocages…
7 juin 2020 à 14:24
HenryIV
Je comprends qu’on fasse de la provoc dans les forums, moi-même… Donc je laisse Dan visser ses boulons à sa guise. Nous même nous en SHS sommes surpris comment des filières très peu porteuses en accessibilité directe à l’emploi continuent d’être porteuses depuis des générations: en tête, STAPS, sciences de l’éduc, psycho, socio, histoire de l’art… On ne parle pas du droit et de médecine, qui opère une sélection de 75 à 80 % en 1ere année sans avoir une remarque. Nous, quand on colle 50%, on se fait engueuler. Je vais lire le projet LPPR, car l’an prochain, ce sera: vous avez aimé le corona, vous allez adorer les blocages…
7 juin 2020 à 14:37
Rachel
@HenryIV, quand vous parlez blocages, vous voulez dire une entrave d’aller et venir dans un lieu public ? C’est légal ça ?
7 juin 2020 à 17:30
HenryIV
Ben oui, ce qu’on a subi dans mon UFR, avec la bénédiction et les encouragements de qqs collègues, pendant presque 4 mois en 2018 (mars, avril, mai, juin). Bien sur que c’est pas légal, Gaia n’est pas si loin de la Terre… Je viens de recevoir un mail du groupe JP Vernant, y a rien à sauver, en bloc. Bon, vu qu’on est même pas sur de rentrer en septembre, peut être que ça va être compliqué de bloquer une activité qui n’existe pas. Sur le fond, il y a assurément à boire et à manger dans ce projet de loi; l’université étant un boulet inutile pour les gouvernements depuis des décennies.
7 juin 2020 à 17:55
Rachel
@HenryIV, sur Gaïa ces choses n’existent pas, en effet, j’ai du mal à m’y habituer. Euh, n’allez pas me dire que l’illuminé du groupe Vernant est votre mentor ?
7 juin 2020 à 22:54
HenryIV
Ah ah, surement pas. J’arrive à un âge où la notion de mentor est toute relative. Le nonisme ne passe pas par moi.
7 juin 2020 à 23:20
Rachel
@HenryIV, j’ai eu subitement une sueur froide, pardonnez-moi, c’est idiot … bon faut que je fasse un billet sur la LPPR ou bien on s’en passe sur Gaïa ? Je me suis dit que je pourrai faire un billet de soutien à la LPPR juste pour faire enrager les nonistes (qui n’ont pas besoin de ça, si j’en crois les réactions fiévreuses sur twitter) mais j’ai tenté de la lire et ça m’a donné envie de dormir. C’est terme, non ? Et pas vraiment en faveur de l’Université, je trouve. Vraiment je regrette l’époque de Valérie Pécresse, c’est quand même plus rock & roll.
8 juin 2020 à 16:23
HenryIV
Ach, Valérie P… Je sais que vous êtes une fan. Moi pas du tout, mais ce n’est pas grave. Face à l’effacement total de Vidal, on la regretterait presque. Sur la LPPR, j’ai parcouru des analyses plus que le texte lui-même, qui est incompréhensible et somnifère en effet. La revalorisation of course, tout le monde devrait être pour. Les tenure track suis pas du tout fan, (euphémisme). augmenter les CRCT et les délégations il est plus que temps, c’est bien. Limiter les recours aussi, au risque de paraitre liberticide, j’en ai marre de participer chaque année à des COS où on fait de l’huile en permanence en disant : « oui, mais s’il y a un recourt, qu’est ce qu’on fait? Maman !! » Plus question de la modulation des services, ça aussi c’est bien.
8 juin 2020 à 19:14
Gueux pingre
@Dan radin : Le tonneau des danaïdes c’est la bureaucratie. Il n’y aurait pas besoin de réclamer plus de sous si tout budget n’était pas absorber par cette engeance. La bureaucratie c’est 34% du budget des hôpitaux en France, contre 24% en Allemagne. A cela s’ajoute le fait que nombre de médecins français doivent passer leur vie à trouver des lits, donc 34% c’est une estimation bien en deçà de la réalité. Pour quel résultat ? Le Covid nous l’a montré.
A titre de comparaison, les universités françaises c’est plus de 50% de bureaucrates en moyenne (57% pour AMU !). Pendant la crise, certains se sont pris à rêver que tout ne serait plus comme avant. Je viens de regarder les postes publiés aux concours des université, du CNRS et de l’INSERM : Quasiment que des postes de bureaucrates ! (pardon, de gestionnaires.) Franchement, les rêveurs vont avoir un réveil pénible.
Je parlais de bazooka récemment ici. En fait, c’est plutôt la bombe à neutrons qu’il faudrait employer.
8 juin 2020 à 22:22
jako
@Rachel : ça fait belle lurette que les universitaires n’ont plus la main sur le sort de l’Université, entièrement aux mains des syndicats étudiants – au premier rang desquels l’UNEF – tellement sûr de sa capacité de nuisance que votre copine Valérie s’est sentie obligée de se prosterner devant leurs diktats. Relisez leurs revendications : a) interdiction de sélectionner ; b) interdiction d’augmenter les frais d’iscription ; c) refonte totale de la licence en vue d’accueillir tous les publics. Mais en même temps a) insérer ce public professionnellement ; b) assurer la réussite de tous d’où qu’ils viennent et quelles que soient leurs lacunes. Or, c’est ce ramassis d’objectifs totalement incohérents et contradictoires que Valérie a fait siens pour l’Université française, pour le plus grand bonheur de l’Unef.
Quand l’UNEF écrit que « L’université reste une institution d’élite, tournée exclusivement vers la recherche, et n’a pas franchi le cap de la démocratisation des enseignements pour devenir l’université de masse, l’université de tous les métiers », on pourrait se contenter d’en rire, si ce n’est que nos ministres de tutelle exhaucent année après année tous les voeux de ce genre de syndicat. L’Unef voit sans doute l’Université comme le Costa Diadema, ce paquebot de croisière de 4947 passagers entassés dans un HLM ambulant où ils se goinfrent à volonté et où ils passent du bon temps en se donnant l’illusion d’accéder à un « privilège » dont ils étaient « exclus »…
P.S. Si vous enseignez en M dans une école d’ingé où le public est sélectionné, alors vous êtes à mille lieues des moeurs qui prévalent à l’Université. Vous avez vu qu’à Paris I l’Unef a réussi à imposer à la CFVU le 10 minimal ou 10 améliorable
https://www.cnews.fr/france/2020-05-26/la-sorbonne-annule-les-moyennes-inferieures-10-les-enseignants-sinsurgent-960881
Et il semblerait que le TA leur ait donné raison. A partir de là, que nous reste-t-il à faire ? Plier bagage, déserter, aller garder des chèvres dans le Larzac, etc. etc..
8 juin 2020 à 23:18
Rachel
@Jako, si on en est arrivé là, c’est aussi notre faute. Ne reportons pas tout le temps la responsabilité sur le dos des autres (l’UNEF, V. Pécresse, etc …). Ce que je tente de faire comprendre, mais sans y parvenir, c’est qu’on peut certainement influencer la trajectoire si on arrive à avoir un ligne collective, constructive et pragmatique (voir par exemple le billet du 8 juin). Mais bien entendu, si on laisse l’Université aux mains des nonistes, là c’est certain qu’on va vers l’encore plus bas. Et je vous interdis formellement de dire du mal de V. Pécresse !
9 juin 2020 à 13:18
jako
@Rachel : personne n’a dit que nous étions exempts de tout reproche. Sous couvert d’« ’innovation pédagogique », de « révolution numérique », de « différenciation des parcours » – on a institué la soupe populaire en guise de formation universitaire, et on a fait croire aux étudiants que cette soupe populaire leur assurerait une insertion sur le marché de l’emploi (quel emploi d’ailleurs….). Mais sous la pression de qui ? Et il y a quand même des faits objectifs. Vous n’avez jamais entendu parler du « oui si » ? Vous avez, en français, un niveau de cours élémentaire ? Aucun problème : l’Université va se charger de vous faire rattraper en deux temps trois mouvements les lacunes de toute une scolarité. D’où la prolifération de dispositifs « tremplin », « remédiation », etc. Rappelez-vous que la loi ORE interdit la sélection, et chez nous des collègues nous signalent qu’ils se sont vu imposer par le Rectorat des bacheliers dans des cursus sans aucun rapport avec le profil et le bagage des candidats, au seul motif que les formations en question avaient de la place pour les accueillir. C’est ça l’autonomie ? On en revient à une remarque déjà faite. Au fond, le problème ce n’est pas le nonisme mais l’inverse : le ouiouisme et l’acceptation des mille et un chantages auxquels nous sommes soumis : chantage de la réussite pour tous, chantage devant le chômage de masse, chantage devant les privilèges supposés des Universitaires, chantage devant le principe d’après lequel « le premier cycle est ouvert à tous les titulaires du baccalauréat », avec ce corollaire : sélectionner, c’est discriminer et donc ce n’est pas bien, etc.
P.S. Le conseil constitutionnel – c’était rappelé dans un article récent d’il y a deux ans – a estimé que « la finalité de cette procédure du « Oui si » était de « favoriser la réussite des candidats en situation de handicap » de sorte « qu’il est tenu compte des aménagements et adaptations dont ils bénéficient. » (cons.12). Vous avez bien lu : les bâcheliers qui n’ont pas le niveau sont assimilés à des étudiants en situation de handicap… C’est quand même insultant pour les vrais handicapés, non ?
http://blog.juspoliticum.com/2018/05/07/de-lart-daplanir-les-problemes-le-conseil-constitutionnel-face-a-la-loi-sur-lacces-aux-universites-par-olivier-beaud/
12 juin 2020 à 14:32
Matricule
Ben alors ? Rachel ? Vous êtes en panne ? https://www.topuniversities.com/university-rankings/world-university-rankings/2020
12 juin 2020 à 14:42
Matricule
Bien sûr, le classement QS ne doit pas en masquer un autre où les universités françaises brillent en haut du classement (lol comme disent les jeunes) : https://thotismedia.com/classement-thotis-universites/
12 juin 2020 à 15:27
Rachel
@Matricule, j’ai plein de truc à faire en ce moment et en plus les nonistes ne veulent pas de ma LPPR, je vais devoir tout réécrire !
Dommage pour les classements, j’adore ça. Vous nous faites un petit résumé ? Comment se portent nos nobles institutions ?