Le nouveau décret concernant le « haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur » (HCERES) est enfin paru. On pourra le lire ici. Rappelons que G. Fioraso aura décidé de supprimer l’AERES et de la remplacer par ce HCERES. C’est, à mon sens, une décision très discutable car l’AERES fonctionnait plutôt bien et avait une marge de progression encore importante. Mais l’AERES était un symbole à abattre et elle a été sacrifiée sur l’autel des nonistes pour atténuer la pilule du maintien de la LRU (lire notre billet ici). Ainsi, l’AERES est morte, vive le HCERES ! (j’ai volé cette formule à EducPros, qui consacre un billet sur le sujet, à lire ici).
Certains disaient que le changement ne serait que de façade et que la vie continuerait comme avant. Et bien ils se trompaient. Car il y a des différences très notables entre l’AERES et le HCERES. Tentons de faire ressortir ces différences (pour cela, la suite de mon billet s’est inspirée d’un billet sur le blog du lapin blanc de l’ESR, à lire ici. Merci au lapin pour son analyse intéressante).
Tout d’abord, on est obligé de constater que l’HCERES n’est pas strictement une agence d’évaluation, contrairement à l’AERES. En effet, l’évaluation d’un établissement pourra être faite par une autre instance. Dans ce cas, l’HCERES sera chargé de contrôler l’évaluation qui sera faite par un tiers. Cela veut dire qu’un établissement aura le choix de l’instance qui l’évaluera, sous caution de l’HCERES. L’HCERES pourra se charger de l’évaluation à la demande de l’établissement. On comprend ici que le spectre du comité national du CNRS va certainement resurgir pour l’évaluation des UMR et ça ce n’est pas du tout une bonne nouvelle pour les universités.
Coté des personnels, l’HCERES va beaucoup plus loin, alors que l’AERES ne faisait aucune évaluation des individus. Ainsi l’HCERES va « s’assurer de la prise en compte, dans les évaluations des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche, de l’ensemble des missions qui leur sont assignées par la loi et leurs statuts particuliers » (lire ici). Bigre ! L’HCERES va donc aussi mettre son nez dans les travaux de l’évaluation des personnels faits par le CoNRS (pour les chercheurs du CNRS) et par le CNU pour les universitaires, afin de s’assurer que chacun réalise l’ensemble des missions qui leur sont confiées ? La chasse au non produisant va-t-elle être ré-ouverte ?
Les rapports d’évaluation ne seront plus publics. Seul un résumé de cette évaluation le sera. Ce sera donc certainement moins transparent, une sorte de retour à l’opacité antérieure à l’AERES. Reste aussi à savoir si les critères d’évaluation seront eux aussi opaques ou bien s’ils seront clairement affichés … on le saura certainement plus tard étant donné que la vague d’évaluation de cette année est encore assurée par l’AERES.
Disparition de la notation. C’était déjà le cas l’année passée pour l’AERES, qui l’avait abandonné en urgence, dans une dernière tentative de survie (qui n’a pas suffi). Ayant vu les effets catastrophiques des notations des labos, je trouve ça plutôt une bonne nouvelle. Mais d’un autre côté, les récents rapports de l’AERES sont quasi inexploitables en termes de pilotage. On ne sera pas parvenu à trouver la juste mesure …
En ce qui concerne la composition du haut conseil, il sera composé de 30 membres. On notera le retour en force du CoNRS et l’arrivée du CNU (qui n’a pourtant jamais été impliqué dans l’évaluation des structures). On notera aussi qu’il y aura maintenant deux étudiants dans ce conseil. Bref c’est l’arrivée en force des élus, alors que l’AERES ne fonctionnaient qu’avec des nommés (si je ne me trompe pas).
Je me demande vraiment si on va gagner au changement … l’avenir nous le dira !
11 commentaires
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18 novembre 2014 à 07:32
Romain Pierronnet
Bonjour
Deux petites précisions :
– l’AERES avait déjà pour mission auparavant de travailler à la validation des procédures d’évaluation des personnels (nb : et non de les évaluer directement), c’était une mission explicite dans les textes relatifs à l’AERES. C’est néanmoins la seule de ces missions qui n’a jamais été mise en oeuvre
– le décret HCERES évoque bien la diffusion d’une synthèse limitée des rapports d’évaluation, mais « seulement » pour les unités de recherche. La transparence est une exigence importante des standards internationaux de la qualité, ce qui fait que les critères devront eux aussi être publics (ils l’étaient déjà avec l’AERES, par exemple dans le « guide de l’évaluation » et les établissements ne s’en privaient d’ailleurs pas pour préparer leurs auto-évaluations)
Bonne journée :-) (et content que ce blog soit de retour !)
18 novembre 2014 à 08:47
françois garçon
Pour tous ceux qui ont eu affaire à cette vérole française qui se nomme le CNU, où s’agglutinent tant de petits carriéristes médiocres, faites-vous ce plaisir, il est gratuit: http://www.francois-garcon.com/parutions/le-dernier-verrou/
Parcere subjectis et debellare superbos
18 novembre 2014 à 10:00
Blum
Salut les ET,
Quand Rachel, vous écrivez « Cela veut dire qu’un établissement aura le choix de l’instance qui l’évaluera, sous caution de l’HCERES. L’HCERES pourra se charger de l’évaluation à la demande de l’établissement. On comprend ici que le spectre du comité national du CNRS va certainement resurgir pour l’évaluation des UMR », vous allez vite en besogne. Ce peut-être à 1 niveau beaucoup plus local que l’éval se fera (COMUE par ex). Cette instance locale validant elle-même une auto-évaluation faite par les unités. Vu l’aspect multi-tutelle des unités, il va y avoir 1 frottement entre les tutelles pour définir comment l’évaluation se fera. Wait and see.
18 novembre 2014 à 18:38
Rachel
@Blum, alors ça serait une instance locale validant une auto-évaluation et tout ça sous contrôle de l’HCERES (un monde ou tout le monde surveille tout le monde, c’est ça la vraie définition de l’université !).
Mais moi je parie que le CNRS va tenter la reprise en main de l’affaire, l’occasion est trop belle.
@François Garçon, je vous trouve bien sévère. Le CNU, c’est quand même notre garant de la qualité de la science française.
18 novembre 2014 à 19:09
Marianne
@François Garçon
Les sections de CNU en maths sont assez raisonnables. Ca ne correspond pas (dans ce cas) à ce que vous décrivez…
18 novembre 2014 à 21:47
FX Coudert (@fxcoudert)
Le CNU est l’exact opposé d’un ensemble homogène. Dans les disciplines proches la mienne (chimie, physique), la qualif MCF est tout sauf un verrou : plus de 90% des candidats sont qualifiés, et elle ne sert à rien. Même la qualif PR est, dans la pratique, plus d’usage. Elle a sûrement servi de contrôle national à une époque passée, mais le niveau des concours et les taux de pressions sont tels qu’aujourd’hui, les qualifs sont obsolètes.
Donc : dans mon domaine, le rôle de la CNU se limite aux promotions.
19 novembre 2014 à 07:36
Un “Haut Conseil” à la place d’une “Agence” pour l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur : quels changements ?
[…] Edit (19/11/14) : Un débat sur le blog Gaïa Universitas […]
19 novembre 2014 à 09:22
Damien
@Rachel
« @François Garçon, je vous trouve bien sévère. Le CNU, c’est quand même notre garant de la qualité de la science française. »
Parfois j’ai un peu de mal avec le second degré…
20 novembre 2014 à 10:48
Astronaute en transit
Peut-être que ce nouveau « Haut Conseil », qui en rajoute au moins dans le ronflement de son titre, remplacera la fameuse notation des labos tellement décriée, par les codes couleurs qui semblent en passe de remplacer les notes « décourageantes » à l’école primaire? Autant étendre la mode…
20 novembre 2014 à 10:49
Astronaute en transit
Je prévois déjà force gloussements de la part des intéressés (« moi, je suis dans un labo vert, nananère… »)
18 avril 2016 à 15:37
Zerka
Automne 2016 : expertise d’un labo bas-normand par l’HCERES. Une ANR en échec cachée à ces sympathiques « experts », plusieurs thésards cachés (mais toujours présents au labo). Noms bidons sur les publis, pour gonfler le nombre de publiants.Tout ça pour que le bilan soit joli.
L’AERES est morte ! L’HCERES aussi !