Le projet de loi aura donné l’occasion de discussions parfois étonnantes. Il a été discuté du « rapprochement » CPGE-universités par la signature de conventions. Souvent ces conventions existent déjà et on ne voit pas bien comment elles pourront faciliter ces rapprochements. Dans ce contexte, un amendement adopté vise à faciliter l’orientation des bons élèves vers les filières sélectives, en particulier vers les CPGE. L’argument donné est axé sur une meilleure mixité sociale dans les filières sélectives : « Depuis des années, par Bourdieu par exemple, nous savons qu’il existe une sorte d’autocensure sociale naturelle : de bons, voire de très bons élèves ne vont pas dans les filières sélectives, soit qu’ils en ignorent l’existence, soit qu’ils pensent que ce n’est pas possible – ou, s’ils ont osé poser la question, qu’on leur ait répondu que ce n’était pas pour eux. […] Concrètement, une fois les résultats du baccalauréat publiés, le rectorat pourrait vérifier si les meilleurs élèves de chaque lycée ont choisi une filière sélective. Il y a effectivement 150 lycées qui n’envoient personne en classe préparatoire, et on a du mal à être convaincu qu’aucun de leurs élèves n’en a la capacité ! » (Vincent Feltesse, rapporteur du projet de loi, séance publique à assemblée nationale).
« On peut être le meilleur élève d’un lycée difficile et avoir totalement intériorisé que la prépa, les concours, les admissions sur dossier ce n’est pas pour soi mais pour les autres. Cette situation constitue un gâchis insupportable et est profondément injuste » (Jerome Guedj, député PS, source ici). Il est vrai que ces bons étudiants n’arrêtaient pas leurs études mais allaient à l’université plutôt que dans les filières sélectives. Un gâchis insupportable. Qu’on se le dise, les CPGE et les GE sont pour les bons étudiants, les gros nuls peuvent aller à l’université (ils prennent tout le monde). Au moins le message est clair …
Rappelons aussi que les CPGE ont du mal à recruter. Il y aurait environ 4000 places non pourvues. 150 lycées qui n’envoient pas d’élèves dans les CPGE, ça fait certainement quelques milliers de bons étudiants qui sont concernés (et sauvés !). Non Monsieur Feltesse, ce n’est pas une mesure « symbolique », c’est une mesure de salubrité publique !
*****************************************************
Ajouts :
Sur le blog de J.L. Vayssière, on peut lire un très intéressant billet sur le même thème, que je vous invite à lire (ici). Il inclut aussi la problématique du processus APB (admission post-bac). Extraits :
Sur le guide APB, « Il est expliqué noir sur blanc que certains cursus sont sélectifs, d’autres pas, et que, par conséquent, il est plus pertinent de mettre dans les premiers choix les filières sélectives plutôt que les autres, qui resteront toujours accessibles. L’exemple donné, celui des classes préparatoires et des universités, ne peut qu’agacer. Rarement on aura été aussi loin dans la mise en évidence de la logique inavouée du système français qui a toujours sacrifié l’université : choisir d’abord les filières sélectives, de l’aveu même du ministère, et se rabattre sur l’université en cas d’échec, puisqu’elle est obligée d’accueillir tout le monde, jusqu’à l’absurde ». […]
« il ne sert à rien de parler de réforme de l’université sans une refonte générale de l’organisation du premier cycle, et sans repenser la situation d’inégalité incroyable qui conduit nos filières universitaires à travailler avec plus d’étudiants et moins d’argent que toutes les autres ». […]
« Enfin, il me semble qu’il n’est pas déraisonnable de poser, avec discernement, la question de la sélection à l’entrée de l’université. Si la loi réserve maintenant des quotas de place dans les filières sélectives que sont les BTS et les IUT aux bacheliers technologiques et professionnels, on pourrait aussi imaginer, réciproquement, que leur inscription dans les filières universitaires générales ne soit pas automatique – plutôt que de maintenir la fiction, destructrice pour notre système d’enseignement et aussi pour le parcours de formation des jeunes concerné, d’un accès totalement ouvert de l’université qui conduit à des taux d’échec parfois terribles à la fin de la première année, masquant finalement une sélection qui ne dit pas son nom. Je suis bien conscient du caractère sensible d’une telle proposition, mais il me semble qu’il serait hypocrite de ne pas poser la question, mise en lumière par APB : combien de temps un système d’accès à l’enseignement supérieur aussi inégalitaire, et en réalité économiquement contreproductif et socialement injuste, peut-il continuer à exister ? ».
On notera que l’association fédérative nationale des étudiants universitaires scientifiques demande la suppression des formations dans les UFR scientifiques (lire ici). Extrait : « Considérant dès lors qu’être étudiant à l’université est un échec, puisque les meilleurs iront de droit en CPGE, l’AFNEUS demande le redéploiement des crédits alloués à la formation, auprès des écoles d’ingénieurs en grande partie privées et ne disposant d’aucun adossement à la recherche pour la majorité d’entre elles. Ainsi dispensés de la formation, les personnels enseignants-chercheurs seront libérés de leurs 192 heures d’enseignement annuel et pourront alors se consacrer entièrement à leur recherche et promouvoir leurs carrières puisque celles-ci dépendent uniquement de leur capacité à produire des publications de recherche, l’enseignement étant subi, et non désiré ».
83 commentaires
Comments feed for this article
1 juin 2013 à 11:55
Benoît
Pour la mixité sociale, il semble en effet urgent de promouvoir l’université auprès des bons élèves des les lycées « favorisé ».
1 juin 2013 à 12:24
FBLR
@Rachel
Comme je vous le répète, ce n’est pas sur l’amont qu’il faut oeuvrer, mais bien sur l’aval. Une fois que l’aval aura été amélioré (i.e. au niveau des carrières, de la reconnaissance sociale, etc…), la place de l’université suivra…
1 juin 2013 à 12:29
Jacques Bolo
Malheureusement, on n’en est déjà plus là (outre que ça fait 40 ans que les mauvais trustent l’université donc). La réalité actuelle ce sont les écoles privées, et bientôt les MOOC.
1 juin 2013 à 12:42
Rachel
Merci Benoit. Très curieusement la question n’est que très rarement posée sous cet angle (améliorer la mixité sociale en orientant de bons élèves vers l’université). Une autre idée développée par nos députés (que je n’ai pas repris dans mon billet) est que dans les lycées défavorisés, les bons élèves migrent vers les lycées mieux cotés. Alors si on réserve des places dans les CPGE pour chaque lycée, alors cette migration pourrait être réduite et on aurait alors des lycées avec une meilleure mixité sociale.
Quant à faire la proposition de l’université auprès des lycéens, c’est une opération difficile étant donné que les lycées sont impliqués dans la formation post-bac (CPGE, STS). Je me doute bien que les profs du secondaire vont chercher à garder chez eux les meilleurs éléments.
1 juin 2013 à 12:54
Rachel
@FBLR, Je suis d’accord avec vous. A mon avis il y a aussi beaucoup de travail à faire sur l’amont (primaire et secondaire). Chacun doit travailler à son niveau. Donc cela n’empêche pas que le supérieur peut aussi travailler la question, avec l’état des lieux du niveau bac.
@Jacques, ça fait longtemps que ça dure effectivement. Avec la montée en puissance des formations privées, des MOOC, le peu de considération de nos politiques, l’idée serait de fermer le premier cycle universitaire (en particulier en sciences « dures », il n’y a plus grand monde). Un lien en relation directe avec le billet « suppression de la formation dans les UFR scientifiques » : http://afneus.org/a/40/l-afneus-demande-la-suppression-de-la-formation-dans-les-ufrs-scientifiques.html
1 juin 2013 à 13:02
Benoît
Quand j’étais au lycée, les profs présentaient tous l’université comme la voie de garage si on était pris nulle part. Les bon élèves étaient donc incités à s’orienter de préférence vers des BTS (ou IUT) plutôt que l’université. Les CPGE étant évidemment le premier choix.
Je précise que mon lycée de faisait pas de formation post-bac.
1 juin 2013 à 13:35
FBLR
@Benoit
Ce n’est pas la réalité statistique: de moins en moins veulent s’inscrire en CPGE, en ce qui concerne les filières scientifiques en tout cas.
Pour moi, avec des contraintes aussi fortes, l’université doit impérativement faire différemment: sortir de la normopathie. Permettre des cursus express aux meilleurs étudiants (qui auraient par exempleleurs Bac+5 en 3 ans, comme c’est possible ailleurs).
Favoriser la possiblité de se développer en alternance. Bref, sortir de tout ce qui fait la marque des filières sélectives: un assèchement des capacités créatives du fait du cadre contraint lié au concours. Et cela fait « perdre » environ 2 à 3ans (l’école permettant de sortir de ce cycle, si encore on souhaite en faire qqch…).
Mais pour cela, les universités devraient viser l’aval, rentrer en concurrence là où elles le peuvent: sur la très grande spécialisation, l’incubation de start-up d’élèves/chercheurs, la formation professionnelle (avec éventuellement une légère modification réglementaire pour favoriser les E/C-Universités). Tant de pistes pas encore creusées depuis tant d’années :-/
1 juin 2013 à 13:45
Rachel
J’ai ajouté deux éléments à mon billet (ajouts en fin de billet). Merci d’aller lire ces éléments intéressants.
1 juin 2013 à 13:48
Dan- visseur lucide
Ce qui est amusant, c’est que la réponse à la question existentielle de Rachel est bien connue, et admise de presque tous les participants à ce blog : introduire la sélection en sciences dures à l’Université – ce qui diminuera de façon drastique le taux d’échec. Ensuite, avec des élèves capables, on pourra augmenter le volume de travail et de cours, diminuer les vacances, assurer une plus grande proximité des élèves…et les facs scientifiques redeviendront attractives. Tout le reste est littérature. sauf bien sûr travailler sur l’amont, celui ou tout se joue : la maternelle et le primaire. Après , sauf exceptions sympathiques (20 % ?), il est trop tard.
Quand aurons nous un ministre de l’ESR capable d’accepter la grève de six mois (sans rémunération- avant les vacances, évidemment) qui permettra de débloquer les choses ? Si ce n’est pas possible, alors, c’est vrai, il faut fermer L1 à M1en sciences dures et récupérer ensuite des ingénieurs à vocation recherche ou enseignement pour de vrais doctorats.
Nota : un de mes petits enfants passe son bac. Il est tête de classe dans toutes les matières. Il veut enseigner les Maths. Il n’aurait même pas l’ombre du soupçon de l’idée de s’inscrire en fac.
1 juin 2013 à 15:05
étudiant inquiet
Si on me le demandait, je déconseillerais fortement à un lycéen d’aller à la fac. Je l’orienterais plutôt vers un IUT ou s’il en a les capacités, vers une université étrangère. C’est ce que j’aurais fait si j’avais su…
Je partage le constat de Dan : il est trop tard pour réformer l’université (ce que d’ailleurs personne ne veut faire).
1 juin 2013 à 15:12
FBLR
@Tous
L’autre problème sur la « sélection » est que contrairement à ce que j’ai pu lire ici ou ailleurs, son absence arrange le corps enseignement, d’une certaine manière.
En effet, avec une réduction drastique du nombre d’élèves passant directement de terminale à l’université, le nombre d’encadrants moyen par élèves exploseraient, et finirait par entraîner des coupes dans le personnel…
Sur un autre plan, la contribution de l’AFNEUS est indigne. « Payez-nous, ne nous controllez pas et foutez nous la paix avec vos histoires. »
Certains devraient se rappeler que si le contribuable paie, c’est pour qu’existe un service en retour.
1 juin 2013 à 15:35
étudiant inquiet
@FBLR, le corps enseignant qui s’occupe du premier cycle universitaire est avant tout composé de précaires payés au lance-pierre. Donc les réductions d’effectifs ne devraient pas émouvoir grand monde. Par contre, je pense qu’il y aura un grand scandale si quelqu’un voulait supprimer les « universités » de Nîmes, Lorient ou Dunkerque.
1 juin 2013 à 15:41
FBLR
@Etudiant Inquiet
C’est bien là mon propos: ces gens voudraient bien sûr garder leurs locaux…
Car dans l’idée d’une collégisation de l’ESR (qui reviendrait donc aux Ecoles et pas aux universités, qui ne seraient plus que des fédérations d’écoles, comme la tutelle essaie de le promouvoir sur Saclay), ces enseignants permanents se verraient réaffectés aux différentes Ecoles…
Et qu’on soit clair: seuls les mouvements d’étudiants inquiètent les politiques. Les mouvements sociaux des enseignants/chercheurs, ils s’en contrefichent pas mal.
1 juin 2013 à 15:49
François
@ FBLR » Comme je vous le répète, ce n’est pas sur l’amont qu’il faut oeuvrer, mais bien sur l’aval. »
Une question concernant l’aval.
Si on prend l’ensemble des disciplines scientifiques, le système d’ES français délivre en 5 ans post-bac (hors redoublement) après entrée en licence, CPGE, IUT et parfois STS :
– 25 000 masters scientifiques
– 30 000 diplômes ingénieurs
dont quelques doubles-diplômes ingénieur/master (1 000 à 2 000 ?) .
Parmi eux, 20% d’étrangers dont environ la moitié a obtenu sa licence dans une université étrangère.
Un certain nombre de ces masters et ingénieurs obtiennent ensuite un des 6 500 doctorats scientifiques annuels (dont parmi les 40% d’étrangers, environ la moitié a obtenu sa maîtrise dans une université étrangère, ce qui veut dire qu’un peu moins que 5 000 de ces docteurs ont commencé leurs études supérieures en France).
A-t-on une idée de l’origine de ces 5 000 docteurs ? Répartition des 1ères années post-bac entre licence, CPGE, IUT et formations étrangères ? (je ne pense pas qu’il y ait beaucoup d’ex-STS …). C’est important pour mesurer l’intérêt réel du maintien de licences scientifiques.
1 juin 2013 à 16:30
theobroma
@FBLR : l’AFNEUS est une association étudiante, pas une association d’enseignants-chercheurs.
1 juin 2013 à 16:42
theobroma
@FBLR : « En effet, avec une réduction drastique du nombre d’élèves passant directement de terminale à l’université, le nombre d’encadrants moyen par élèves exploseraient, et finirait par entraîner des coupes dans le personnel… »
Pas forcément si ça se couple d’une diminution du service d’enseignement, d’une meilleure prise en considération des charges administratives et pédagogiques et/ou d’une augmentation de la part des TD par rapport aux cours en amphis.
Par ailleurs, toute votre argumentation (un peu condescendante) sur « ces gens-là qui veulent garder leurs locaux », outre qu’elle témoigne d’une méconnaissance de la situation dans ces petites universités, peut aussi s’appliquer à « ces profs de prépas qui ont peur d’être gérés par les universités ».
1 juin 2013 à 16:50
FBLR
@Thebroma
Je viens d’aller lire leur communiqué potache.
Plusieurs contresens dans leur texte.
Les écoles ne sont pas toutes privées (l’ESR ne se résume pas encore aux écoles de commerce, loin, d’ailleurs, d’être toutes privées).
La part des montants affectées en école vs l’université est un faux-débat si on supprime la part des touristes qui n’iraient pas dans l’une ou l’autre des structures (ou du moins ne seraient pas comptabilisés) dans un système où il n’y aurait pas d’incitation à l’inscription de tourisme. Et dans ce cas les moyens seraient équivalent ou légèrement supérieur à l’université (cf. le coût de « formation arrivé à bac+5 », bien plus révélateur que le ratio « Fonds sur Etudiants »…)
Pour finir, ils n’abordent pas le point de la sélection ou de l’orientation sélective. Ils souhaitent pouvoir avoir le choix d’aller à l’université: c’est bien le moins ! En ce sens leur contribution est hypocrite comme l’est bien souvent celles des associations d’étudiants qui défendent le diplôme pour tout le monde, la baisse des exigences, et la secondarisation de l’organisation des cursus. Un exemple typique de syndrome de Bossuet.
1 juin 2013 à 16:55
theobroma
@ FBLR : j’ai pas dit que le texte était bien, en fait je ne l’ai pas lu. Je réagissais sur votre interprétation de leur texte : « Payez-nous, ne nous controllez pas et foutez nous la paix avec vos histoires. » qui laissait suggérer qu’il s’agissait de revendications d’EC corporatistes.
1 juin 2013 à 17:03
FBLR
@Theobroma
C’est en effet ce que j’avais compris en lisant en diagonale la manchette de Rachel plus haut. Je m’en excuse auprès de tous les EC qui lisent ce blog.
1 juin 2013 à 17:33
François
Nos Ministres successifs font preuve d’une incroyable incohérence quand ils affirment vouloir revaloriser l’université et encouragent simultanément (qui plus est, au nom de la justice sociale !) l’organisation d’un écrémage encore plus efficace des lycéens au profit des CPGE.
On pouvait peut-être accuser les Ministres de machiavélisme plus que d’inconscience sous le gouvernement précédent (« volonté – camouflée – de casser l’enseignement supérieur public » évidente pour certains) mais franchement accuser le gouvernement actuel d’un double langage destiné in fine à favoriser l’enseignement privé procède de la paranoïa.
C’est pourtant ce que font sans hésiter les étudiants de l’AFNEUS lorsque pour critiquer les CPGE scientifiques ils affirment que le gouvernement actuel préfère « les CPGE et le système privé qui en découle ». C’est vraiment un argument pitoyable … qui risque finalement de confirmer aux yeux des observateurs le faible niveau intellectuel de ces étudiants.
1 juin 2013 à 17:49
Dan- visseur fatigué
merci FBLR de rappeler, une fois de plus , mais il faudrait l’expliquer à tous ceux qui causent dans le poste et qui votent les lois, qu’il y a des disciplines différentes, des écoles gratuites ou quasi, que les ingénieurs, ce ne sont pas des commerciaux ou des gestionnaires, que Khâgne n’est pas Sup de Co ou ISC…L’immense confusion mentale quand on parle d’ESR est nuisible, et on a parfois l’impression que les politiques ne comprennent rien, mais votent quand même. Heureusement que François apporte des faits dans ce blog, et certains une vraie expérience des prépas scientifiques ou des GE scientifiques !
1 juin 2013 à 17:51
Rachel
La mesure discutée n’est pas sans rappeler les « cordées de la réussite » du gouvernement précédent.
Faut-il vraiment sauver le premier cycle universitaire ? https://rachelgliese.wordpress.com/2012/03/31/faut-il-sauver-le-premier-cycle-universitaire/
@FBLR, vous êtes pardonné (mais à condition de poser la bonne question demain !).
@François, qu’est-ce que ça change pour les doctorats scientifiques (si on supprimait le premier cycle universitaire) ? On pourrait imaginer que le premier cycle serait fait dans des lycées du supérieur, accolés aux GE. Et les universités viendraient les recruter pour leurs masters, c’est là que sont recrutés les doctorants deux ans plus tard.
1 juin 2013 à 17:58
FBLR
@Rachel
Je pense que François raisonne en termes de rationalité économique: « à quoi bon sert-il de conserver les 2nds cycles, si ceux-ci n’apportent pas réellement plus de doctorants »
(en gros cette voie d’accès ferait doublon, et au titre d’une orientation finalement assumée ne serait plus nécessaire).
1 juin 2013 à 18:41
jako
@François: je vous signale ce petit texte glané sur le net, et qui émane non pas d’étudiants mais d’un parlementaire: finalement on remplace « établissements congréganistes » par CPGE et on retrouve le même débat qu’il y a plus d’un siècle:
« Le gouvernement ne saurait, en effet, tolérer – et ce sont là, textuellement, les conclusions de la commission du budget, absolument conformes aux sentiments de M. Charles Dupuy – que ses fonctionnaires mènent la lutte contre les établissements universitaires, et, par leur exemple, au besoin par l’autorité dont leurs fonctions les investissent, organisent, en faveur des établissements congréganistes, une propagande à laquelle leurs subordonnées sont souvent impuissants à résister. (…)
« Et il est assez drôle qu’il y ait des gens dans ce pays qui, n’étant pas forcés d’être fonctionnaires, se croient en droit, une fois qu’ils le sont devenus – et on sait souvent au prix de quelles sollicitations – d’avoir, en quelque sorte, une double comptabilité ou, si vous aimez mieux, une double conscience : à la fin du mois c’est la conscience qui touche l’argent de l’Etat, et le reste du mois c’est la conscience qui se défie de l’Etat et qui le lui dit en mettant ses enfants hors des écoles de l’Etat ». (…) Pas plus que pour les fonctionnaires qui donnent l’exemple du dédain de l’enseignement de l’Etat, dont parle M. Ribot dans son rapport, le gouvernement impérial n’eût toléré que l’Etat se fit concurrence à lui-même par l’entremise des professeurs formés dans ses écoles et payés sur les fonds de son budget, et il aurait eu raison. Il est temps de ne plus faire jouer à l’Etat, sous la République, le rôle résigné et ridicule de ce légendaire mari de comédie dont Molière a immortalisé le type »
1 juin 2013 à 21:48
François
@Rachel » qu’est-ce que ça change pour les doctorats scientifiques (si on supprimait le premier cycle universitaire) ? »
Le but de ma question sur l’origine des docteurs scientifiques (licence ou CPGE) était le suivant.
Les formations scientifiques jusqu’à bac + 5 destinées à préparer à l’emploi en entreprise et qui passent par la licence ne semblent pas présenter un grand intérêt :
– les voies non-CPGE d’accès aux écoles d’ingénieurs qui se sont développées ne sont pas la licence, mais l’entrée directe en école post-bac et les IUT (y compris pour les écoles d’ingénieurs internes des universités, ce qui est un comble ! ),
– pour fournir aux entreprises des diplômés scientifiques bac+5 aussi appréciés que ceux des écoles d’ingénieurs, les universités sont obligées de mettre en place avec des années de retard des masters professionnels qui reprennent les recettes des écoles d’ingénieurs (stages en entreprise, projets/mémoires, apprentissage des langues, de rudiments de management et de communication, etc.).
L’intérêt théorique des licences scientifiques est de fournir des étudiants bien adaptés aux masters recherche, ceux-ci étant un réservoir de futurs docteurs (pour l’ESR, la recherche publique et les entreprises). Or une bonne partie des doctorants scientifiques provient des ENS et des écoles d’ingénieurs. Il me semble donc important de connaître la proportion de docteurs scientifiques qui ont commencé leurs études par une licence scientifique pour évaluer l’intérêt de maintenir cette filière.
1 juin 2013 à 22:09
Rachel
@François, vous jouez du billard à deux bandes, c’est trop compliqué pour moi.
A mon sens, les licences scientifiques (hors licences pros) devraient être sélectives et faites pour trois orientations majeures : (1) les métiers de l’enseignement (2) Les métiers de la recherche publique ou privées (3) aux entreprises par des masters d’ingénierie qui peuvent se différencier facilement des écoles par une spécialisation plus pointue (et surtout pas en essayant de « copier » les GE).
J’ai déjà développé ça ici, dans un billet que je ne retrouve pas …
1 juin 2013 à 23:56
Dan- visseur public
@Jako : il me semble qu’il y a une « petite différence » entre les congréganistes et les CPGE : 80% (90% ?) des CPGE sont publiques et sont des écoles de l’état….donc , rassurez-vous, pas de drame de conscience : un fonctionnaire peut, très légitimement, préférer les CPGE à L1-L3. Ouf! Et de plus, la plupart des écoles d’ingénieurs sont publiques. Re-ouf !
2 juin 2013 à 00:12
Astronaute en transit
@ FBLR: « Certains devraient se rappeler que si le contribuable paie, c’est pour qu’existe un service en retour. »
Quand ce genre de phrase vient de moi, ça déclenche les foudres de Jupiter sur mon humble personne!
« seuls les mouvements d’étudiants inquiètent les politiques. Les mouvements sociaux des enseignants/chercheurs, ils s’en contrefichent pas mal. »
Question: y a t il un « mouvement étudiant » récent qui ait fonctionné sans téléguidage, soutien et complicité active de la part des enseignants chercheurs, qui évitaient ainsi de ne pas se voir payer alors qu’ils étaient en grève?
2 juin 2013 à 00:42
FBLR
@Astronaute
Ne confondez pas la mouvance syndicalisée/politisée des EC, qui effectivement peut avoir les comportements que vous décrivez, avec l’ensemble du corps enseignant. Ce dernier est certe majoritairement à gauche et jacobin (ah ! l’Etat), mais comme ce fil le rappelle, ils sont pour des réformes: l’orientation sélective (voire la sélection) et plus généralement pour améliorer les universités.
Lisez l’ensemble des contributions sur internet et constatez comme la majorité des enseignants en a marre d’en être réduit à cette fonction de garderie.
2 juin 2013 à 08:23
Astronaute en transit
@ FBLR: la majorité des EC est « pour les réformes »… et comme beaucoup de leurs compatriotes, ils seront d’autant plus pour dès que ça ne leur demande pas d’efforts personnels. Honnêtement, s’il ne faut pas confondre la majorité de ces personnes avec une minorité syndicale/corporatiste/politisée agissante, comment se fait-il que la majorité ait, à répétition, laissé la minorité fermer et bloquer les universités? C’est à cause de cette lâcheté à répétition qu’on ne fait que des réformettes universitaires en ayant peur des troubles. Il ne suffit pas de dire sur internet qu’on en a marre de la fonction de garderie, il faut savoir agir, porter et soutenir, physiquement s’il le faut, les changements qui s’imposent au système universitaire français. Jusqu’ici rien ne permet de faire confiance à cette « majorité » tellement amorphe à de nombreuses reprises. Il faut des actes, pas des paroles.
2 juin 2013 à 11:26
jako
@Astronaute : vos propos ne manquent pas de sel : à vous lire, il faudrait finalement que les universitaires bloquent les facs, organisent des sit-in et des manifs pour exiger la sélection à l’Université ?… Car vous ne vous imaginez quand même pas qu’il suffit d’envoyer une lettre au ministère pour faire état de ses positions et de ses revendications pour que ce dernier s’exécute ?!!…
@FBLR : Dans un article déjà cité, F. Vatin notait lui-même que « On a, depuis près de quarante ans, depuis que le chômage a commencé à croître, utilisé l’université française comme instrument de politique sociale. C’était une grave erreur, dont on n’a pas immédiatement mesuré les conséquences, tant on était convaincu du caractère conjoncturel de la situation sur le marché de l’emploi. Le résultat en a été le développement de formations d’enseignement supérieur sélectives extra-universitaires, qui ont fait de l’université la « voiture-balai » du dispositif [1]. Cette politique de Gribouille a paradoxalement bénéficié du soutien du corps universitaire car, dans un premier temps tout au moins, elle a conduit à une augmentation considérable des effectifs étudiants, et, en conséquence, des postes universitaires »
http://www.journaldumauss.net/spip.php?article953
Ce faisant il sous-estime un paramètre psychologique fondamental que des collègues allemands me disaient avoir vu à l’œuvre également chez eux : à force de matraquage, on a cessé d’assener l’idée que les universitaires étaient des privilégiés enfermés dans leur tour d’ivoire et assis sur leurs privilèges. Du coup les universitaires on accepté la massification avec la même résignation avec laquelle ils ont accepté l’injonction de la professionnalisation et la mission d’insertion professionnelle inscrite dans la loi. Dans les faits, pas sûr que les EC trouvent particulièrement jouissif de faire cours dans des amphis de 400 étudiants où les 9/10 sont des touristes… Et puis quand on décrète du jour au lendemain l’organisation de 1.500 heures minimales pour une licence (cf. l’arrêté Wauquier), cela nécessite évidemment des postes pour les assurer…
@Dan : le rapport entre les « établissements congréganistes » et les CPGE est qu’ils constituent l’un et l’autre des voies de contournement de l’université, que nos politiques réservent à dessein à la plèbe. Avec en outre cet avantage que précisément les CPGE restent en général dans le giron de l’Etat. Comment expliquer que les CPGE n’aient pas eu à subir les mille et une pseudo-réformes qui tous les 4/5 ans tombent sur la figure des Universités et contribuent à sa perte? Comment se fait-il que les CPGE n’aient pas leur dose d’arrêtés Wauquiez qui institutionnalisent le « laxisme » croissant des modalités de contrôle des connaissances ? C’est bien parce qu’elles constituent, pour les têtes blondes de nos élites, la voie réservée vers les grandes écoles, lieu de reproduction sociale s’il en est… Bref les propos ministériels rapportés par Rachel sont on ne peut plus clairs et révèlent – à ceux qui en douteraient encore – une stratégie politique de torpillage de l’Université assumée comme telle au sommet de l’Etat…
2 juin 2013 à 12:13
MCF27
@François
En informatique (à Paris, donc à proximité de plein d’écoles), environ 90% des derniers doctorants de notre équipe (une grosse dizaine) ont fait une école d’ingénieur ou l’ENS. Ils ont doublé leur dernière année avec un M2 la dernière année. On observe la même proportion chez les EC et chercheurs de l’équipe.
De plus, dans les master où je suis impliqué, les 20% meilleurs (ceux qui ont une chance d’obtenir une bourse de thèse) sont presque exclusivement issus de l’ENS et des écoles d’ingénieurs (ce taux explique aussi l’origine de nos doctorants, évidemment).
De notre expérience, la majorité de ces ingénieurs sont très compétents techniquement mais ils sont peu formés à la recherche (par exemple à la rédaction d’article et à la bibliographie) ; mais nous avons observé la même chose chez les étudiants issus d’autres fillières. Nous ne recherchons donc pas activement à ne pas recruter d’ingénieurs, nous cherchons plutôt à faire le tri parmi toutes les candidatures d’ingénieurs.
2 juin 2013 à 12:31
FBLR
@Jako
ne sous-estimez pas l’impact des réformes sur les classes prépas. Elles sont du genre très récurrentes… Les classement APB, les forums à se taper le week-end, les élèves touristes (sisi !! ) pour remplir les classes (afin de rentabiliser).
Un bon critère: il est désormais nécessaire d’avoir un CPE pour les prépas, chose qui eût paru peu nécessaire il y a une dizaine d’année.
D’ailleurs ces consignes sont appliquées de manière différenciée (comme toujours dans notre beau pays): dans une prépa top tier, on ne reprochera rien à un prof qui effectue son enseignement « à l’ancienne » (=sans se soucier de la pédagogie, avec l’objectif de remplir le crâne d’un maximum de « hors-programme »), alors que ce sera un motif de non-titularisation dans une prépa modeste (typiquement en province hors du centre-ville).
@MCF27
Vous allez dans le sens de François avec votre description… (i.e: « a-t-on besoin d’un 2nd cycle universitaire pour amener les gens au doctorat ? »)
2 juin 2013 à 18:18
FUBAR
Doit-on s’étonner que des élus tiennent aujourd’hui ce discours sur l’université quand nous avouons nous-mêmes (enfin, certains d’entre nous au moins, dont je fais partie), que nous ne conseillerions pas l’université à nos enfants ou petits-enfants? La réalité est là: l’université est à terre, surtout son premier cycle. Je n’attends plus que nos hommes politiques la sortent du bourbier par conviction et encore moins par idéologie, mais j’espère encore, avec la candeur pathétique qui me caractérise, qu’ils finiront par abréger ses souffrances par simple calcul économique. Mais à la réflexion, je me demande si j’ai raison d’espérer: et si à leurs yeux maintenir des bacheliers hors des statistiques du chômage valait bien que le contribuable paie 10 000 euros par tête (et 15 000 par tête de boursier fantôme, si j’ai bien compris)?? A court terme, je comprends bien que ce calcul puisse sembler le bon, mais à long terme, j’ai comme un doute. Et quand on s’apercevra que la garderie coûte en fait bien plus cher que ça, il faudra quinze ans pour recréer ce qui aura été détruit (option haute; un éternité, option basse).
2 juin 2013 à 20:33
Marianne
Ben surtout, il va falloir expliquer aux chérubins qu’on a gardé cinq ans au chaud qu’on les a grugés et que leur diplôme vaut même pas le papier qu’on a utilisé pour l’imprimer…
D’autant plus qu’a coté le gars qui aura fait bac +5 dans une bonne formation va lui avoir un job a la sortie et un bon
On va créer et c’est déjà un peu le cas une génération de gens déclassés à qui on aura fait miroiter l’illusion d’une ascension sociale…Ca risque de créer une société de gens amers et aigris qui auront le sentiment d’avoir été floués…pas très bon tout ça…
2 juin 2013 à 21:37
Rachel
Je vous trouve particulièrement sévères sur la qualité de la formation à l’université (en particulier des masters). Dans mon labo, on prend à la fois des néo-diplômés ingénieurs et des masters. Franchement, difficile de dire qui s’en sort le mieux en thèse. Mais peut-être que nos filières ingénieurs ne sont pas au top (me dira-t-on) ? On pourrait aussi rappeler que le taux d’insertion des masters n’a rien à envier à celui des ingénieurs, ça montre quand même que les formations à l’université ne sont pas si déclassées que ça.
2 juin 2013 à 21:39
Petit Cerveau
@ Francois, un chiffre communement evoque est que 5% des eleves des GE incluant un aspect recherche font un doctorat (le pourcentage est sans aucun doute plus eleve dans les ENS, ou ce qui doit etre interessant est de connaitre le pourcentage des etudiants qui ne font pas de doctorat). Ce chiffre ne me semble pas facile a verifier, mais ca suggere des effectifs faibles par rapport aux 5000 doctorants annuels. Cependant, ca doit etre assez concentre dans certaines disciplines, le cas du polytechnicien Antione Compagon devenu professeur de lettres semblant assez marginal. Mes souvenirs d’enseignement scientifique en France sont plus solide sur la question de savoir a quoi sert le second cycle: si vous posez la question aux etudiants, ils vous diront que c’est ce qui permet d’atteindre le niveau cadre, et que de toute facon les debouches de la licence sont assez limitees.
2 juin 2013 à 21:43
Petit Cerveau
@ Rachel, le taux d’insertion est evidemment une variable importante, mais il me semble que le vrai critere de comparaison en terme economique, du moins du point de vue des etudiants, est le salaire d’embauche (du moins lorsque le taux d’insertion est eleve, sinon la comparaison est immediate).
2 juin 2013 à 21:49
Gueux
Marianne: « On va créer et c’est déjà un peu le cas une génération de gens déclassés… »
Pas « un peu » le cas, c’est déjà le cas. Si j’en juge autour de moi, le déclassement touche d’abord les « basses classes ». Mais c’est pas bien grave me direz vous, puisque quand on vient de la « France d’en bas » on a peu de marches sociales à dégringoler, et donc la chute ne peu être bien douloureuse ;-)
2 juin 2013 à 22:04
Rachel
@Petit Cerveau, si on se limite aux formations scientifiques (de type « science dures », bref là où on peut faire de vraies comparaisons), le salaire d’embauche des masters risque fort d’être inférieur à l’ingénieur. Car même si les deux font le même boulot, le titre d’ingénieur reste quand même mieux coté auprès des entreprises. Ensuite, ce qu’il serait intéressant de voir, c’est comment les deux populations évoluent dans l’entreprise. Est-ce que le différentiel de départ va s’estomper ou bien au contraire augmenter ?
(en fait je me pose quand même souvent cette question : est-ce que la formation (et son diplôme associé) est juste un sésame d’entrée ou bien va-t-elle conditionner fortement la façon de travailler en entreprise ?). J’aurais tendance à penser que la première option est la bonne, car ce qui compte, c’est le socle scientifique, non ?
2 juin 2013 à 22:36
Petit Cerveau
D’accord avec vous Rachel. Mais normalement, a travail identique salaire identique, sinon ca risque d’etre considerer comme de la discrimination: ca suggere qu’il y a aussi une difference de fonction entre les deux types d’etudiants.
On peut aussi essayer de s’en convaincre par un autre raisonnement. En assimilant les etudiants a une marchandise, une justification pour le sursalaire des etudiants des GE est le fait qu’ils sont selectionnes (Je pense que les etudes d’ingenieurs sont assez competitives scientifiquement et qu’en fait dans les meilleures ecoles on ne s’interesse pas temps que ca a la connaissance de l’entreprise si ce n’est quelques cours tres generaux. il me semble cependant que les etudiants de mastere sont aussi selectionnes), ce qui assure une meilleure qualite de la « marchandise » et moins d’aleas pour « l’acheteur ». Mais si c’est le raisonnement suivi, l’employeur peut aussi faire debuter l’etudiant de GE a un niveau plus eleve, ce qui va aussi justifier la difference de salaire par la difference de fonction.
Ca veut donc dire que l’etudiant de GE peut commencer a un echelon plus eleve dans la carriere, et donc son avantage a de fortes chances de perdurer mecaniquement. Ca merite quantification, et il me semble que beaucoup de classements publient des salaires apres 10 ans d’anciennete (une information interessante mais sans doute affectee par toute sorte un de biais).
2 juin 2013 à 23:10
Rachel
Petit Cerveau, d’accord, la sélection est un filtre. Mais en suivant ce raisonnement, on peut surtout conclure que les entreprises seraient alors sensibles au filtre d’entrée (la sélection) d’une formation, et pas vraiment à la formation elle-même ? C’est quand même un peu curieux, je trouve. La marchandise devrait surtout être évaluée à son terme de fabrication, pas au niveau d’une étape intermédiaire (ceci dit, les formations ingés sont évaluées assez serré par la CTI).
Les étudiants masters ne sont pas vraiment sélectionnés à l’entrée. La sélection, c’est l’érosion par l’échec au fur et à mesure de la progression dans les échelons universitaires (ce qui est une philosophie très différente des GE, ces dernières s’engagent à mener au bout ceux qui intègrent, sauf gros accident, bien entendu).
A mon avis, quelqu’un qui est sélectionné sur les critères des concours de type CPGE présente tout autant d’aléas que celui qui sera passé par la jungle universitaire. Nul doute que l’un et l’autre aura démontré des qualités (faites votre choix !).
2 juin 2013 à 23:33
François
@ Gueux » Si j’en juge autour de moi, le déclassement touche d’abord les « basses classes » »
Sur le déclassement un excellent petit ouvrage de Dominique Roux et Eric Maurin « Les nouvelles classes moyennes » qui décrit les stratégies de ces classes moyennes pour éviter (avec un succès indéniable) ce déclassement qu’elles craignent par dessus tout
(ne pas confondre Eric Maurin avec Louis Maurin de « L’observatoire des inégalités »).
Un résumé assez complet sur :
http://econo.free.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=18&Itemid=2&codenote=200
2 juin 2013 à 23:54
Petit Cerveau
Rachel, je crois qu’il y a effectivement de ca, « les entreprises seraient alors sensibles au filtre d’entrée (la sélection) d’une formation, et pas vraiment à la formation elle-même ? », sauf que je ne dirais « aussi plus sensible », elles ne vont pas considerees de la meme facon des formations tres differente en moyenne.
Et si, de facon caricaturale, je vous demande de choisir entre deux loteries qui rapporte 100 euros en moyenne, mais avec une variance de 1 pour la premiere, et une variance de 250 pour la seconde, la plupart des gens prefere la premiere a cause de la plus petite variance.
Dans le cadre du recrutement, ca implique egalement que les recruteurs vont avoir tendance a preferer des formations proches des leurs, car ils les connaissent mieux.
Je differe d’avec vous sur l’appreciation du type d’enseignement des GE, car beaucoup qui donnent en fait un enseignement universitaire: si vous regardez le corps des enseignants de l’X, ce sont pour beaucoup des universitaires. Il n’y a donc pas de difference veritable des formations sur ce point, du moins pour les GE a partir d’un certain niveau.
Ma critique de la selection a la francaise n’est pas sur ce plan, elle porte sur le prix qu’elle fait payer a la societe. Si je compare avec la societe britannique, l’existence des GE a positionne le niveau cadre a bac+5, ce qui est exagere puisque les entreprises embauchent des diplomes de licence a ce niveau (ou approchant, elles ont souvent des periodes d’essai) au RU, et elle rend plus long les processus de promotion interne des entreprises, ce qui contribue a renforcer l’importance du diplome par rapport aux realisations (assez comiquement c’est un peu comme le probleme de la grace chez les catholiques, les lutheriens et les calvinistes). Tout ceci doit contribuer a generer beaucoup d’aigreur inutile dans le monde du travail
2 juin 2013 à 23:58
FBLR
@Rachel
Sur « Bouh, les employeurs s’intéressent moins au contenu qu’à la sélection réalisée par la formation », soit ce que l’on appelle en économie « la théorie du signal appliquée à l’éducation ».
Je l’ai déjà mis en avant ici, mais comme c’est une théorie assez classique je préfère le rappeler:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Signal_(économie)#Signal_et_.C3.A9ducation
En pratique, ce qui importe c’est la capacité à intégrer de nouvelles informations, rapidement, et à comprendre les consignes données. Savoir travailler en environnement contraint.
3 juin 2013 à 00:01
FBLR
@Petit Cerveau
Merci pour ce rappel: la Licence devrait être le diplôme de référence pour devenir cadre :-/
Ce qui permet de monter au sein d’une entreprise, ce devrait être les réalisations et le potentiel démontré.
Mon intuition est qu’il est très difficile de rattraper l’écart qui se crée en entrée, notamment dans les grandes sociétés avec une culture d’ex administration d’état (où les gens sont naturellement stratifiés, sauf exceptions).
3 juin 2013 à 00:02
Spririt of Bouasse
@Petit Cerveau : « une justification pour le sursalaire des etudiants des GE est le fait qu’ils sont selectionnes (….), ce qui assure une meilleure qualite de la « marchandise » et moins d’aleas pour « l’acheteur ». »
Parfaitement d’accord: les employeurs achètent la sécurité en employant des étudiants de GE. Dans un monde où il est très délicat de licencier, embaucher un docteur est très aléatoire, on peut tomber sur le meilleur comme sur le pire. Au moins avec un étudiant de GE, les fluctuations coté pire sont plus limitées. Peut-être coté meilleur aussi, mais en fin de compte le risque est moindre.
3 juin 2013 à 00:22
Gueux
@François: Merci pour la référence, ça m’a l’air très intéressant et je vais m’empresser de lire ce livre.
@Petit Cerveau: Je constate en effet autour de moi que l’immense majorité des EC des GE, pas uniquement à l’X, n’a jamais travaillé ailleurs que dans l’académique et n’a en fait aucune idée de ce qu’est le métier d’ingénieur au quotidien. Peut être que mon expérience n’est pas représentative. Il y a t il des études sérieuses à ce sujet ?
3 juin 2013 à 12:57
jako
Pour nourrir le débat:
« La première lecture est donc implacable : la scolarisation dans le privé garantit de bien meilleures performances dans la plupart des pays ! Mais la réalité est bien plus complexe. En fait, les établissements privés ont davantage d’élèves provenant de milieux favorisés que les établissements publics dans 21 des 29 pays avec des données. Quand on sait que le milieu socio-économique des parents est un des facteurs les plus importants pour expliquer les performances des élèves, on comprend mieux. En effet, les établissements privés en attirant des élèves favorisés sont également plus susceptibles d’attirer des élèves plus performants et d’avoir de meilleurs résultats. »
http://educationdechiffree.blog.lemonde.fr/2013/05/30/la-qualite-de-lenseignement-est-elle-meilleure-dans-les-ecoles-privees/
3 juin 2013 à 18:09
Rachel
@Jako, si je comprends bien le raisonnement, (1) les formations privées ont des meilleurs résultats que les formations publiques. (2) les formations privées attirent les élèves plus favorisés. Or il est bien connu que les performances des élèves sont meilleures dans les milieux favorisés. Bref le 2 annihile le 1 car on a fait l’erreur de mesurer l’absolu alors que c’est uniquement le relatif qui permet de mesurer la qualité d’un enseignement. Classique et catastrophique. Le jour où on sera capable de mesurer le « delta » ou « valeur ajoutée », alors peut-être qu’on pourra penser autrement.
C’est un peu comme les GE qui disent « regardez comme ils sont bons nos diplômés ! ». OK, ils sont bons, c’est incontestable. On leur fera remarquer qu’ils étaient bons aussi à l’entrée de la formation. Qu’ils sortent bons à la sortie est quand même le grand minimum qu’on peut demander.
3 juin 2013 à 20:43
FUBAR
@Jako et Rachel. Je pense qu’on peut aller jusqu’à dire que compte tenu de leur population scolaire triée sur le volet (en tout cas dans les bons lycées privés parisiens, dans certaines villes de province la donne doit être un peu différente), le privé fait très peu d’effort. Sa valeur ajoutée est uniquement un environnement de travail propice et une population relativement homogène.
Finalement c’est la même chose avec l’université: laissez-nous choisir nos étudiants et on explosera les taux de réussite en licence.
3 juin 2013 à 22:54
Helios
« On peut être le meilleur élève d’un lycée difficile….» etc…
C’est assez bizarre comme assertion, parce que, venant d’une famille pauvre, j’ai immédiatement capté, comme d’autres camarades, quel pouvait être l’intérèt d’une GE : on pouvait être payé en y entrant. Et c’est la principale raison qui m’a dirigé vers l’ENS plutot que l’université.
La différence entre les classes sociales se voit plutot à mon avis sur ce qu’on fait à la sortie des études. Les pauvres ont une vision plus limitée des possibilités offertes (manque d’exemples) et auront plus tendance à avoir une profession correspondant exactement à leurs études.
3 juin 2013 à 22:58
DM
@Gueux, Petit Cerveau: Attention, l’X est certes une école d’ingénieurs mais on n’y fait pas ou du moins peu d’ingénierie : on donne une formation scientifique (et extra-scientifique) diversifiée, puis on fait un peu de spécialisation et on laisse l’école d’application, master et/ou doctorat finir la formation.
C’est un cas un peu à part de ce point de vue.
3 juin 2013 à 23:46
Petit Cerveau
DM, c’est a peu pres la meme chose dans beaucoup des ecoles d’application de l’X, qui ont souvent comme objectif de recreer a une certaine echelle – plus raisonnable – le paradis de l’alma mater (d’ou peut etre cette boutade qui dit que si on confiait le Sahara a des polytechniciens, il faudrait dans trois ans importer du sable…).
4 juin 2013 à 00:16
Petit Cerveau
Rachel, vous avez raison sur l’importance de la valeur ajoutee dans l’enseignement superieur, mais cela se defend surtout si on prend le point de vue de la societe dans son ensemble. Ce n’est pas necessairement le point de vue de l’employeur (toutefois, RU les requins de la finance type Goldmann Sachs font de la retape dans des lycees peu favorises). Et l’employeur est un acteur majeur dans l’enseignement superieur francais qui a beaucoup d’influence sur les choix des etudiants. C’est tres difficile de faire converger tous ces interets.
4 juin 2013 à 12:36
Astronaute en transit
D’accord avec FUBAR: que les universités se réforment, deviennent sélectives (donc exigeantes) et leurs atouts pourront jouer pour qu’un certain nombre d’entre elles deviennent tout à fait attractives pour les étudiants aussi bien que les futurs employeurs. Ça représente un travail de longue haleine, et pas mal de retard à rattraper.
Qu’elles restent là où elles sont, engluées dans leur culture fonctionnaire amorphe et paralysée par les fouteurs de merde syndicaux/politisés, et ce n’est pas la peine de s’étonner de leur état actuel, elles l’ont bien cherché.
Il est comique que mon appel à l’action de la part de la supposée « majorité en faveur du changement » ait été automatiquement interprété comme un appel à la grève, ce qui traduit évidemment la profonde différence de culture entre ceux qui m’interprètent de cette façon et ce que je suis réellement. Je suis, de toute façon, contre le principe de la grève à l’université publique. Si celle ci entend rester publique, OK, mais la continuité du service doit être garantie à tout moment, et les grévistes doivent supporter toutes les conséquences (perte de salaire, perte d’année en sanction du travail non accompli) de leur choix sans l’imposer aux autres.
S’il existe véritablement une majorité de personnels voulant le changement dans l’université, alors que leur comportement et leurs actes traduisent véritablement cette volonté en luttant contre la minorité de fauteurs de troubles. Il faut que cette majorité se mobilise activement auprès des autorités universitaires et politiques pour faire adopter une législation pour interdire les blocages d’universités, et autoriser à poursuivre pénalement tous ceux, y compris les organisations qui les pilotent, qui le pratiquent. Il faut, si l’on veut le changement, se mobiliser aux élections professionnelles, faire battre et chasser toutes les organisations ayant promu grèves, blocages, et arrêt de réformes. Il faut demander la fin des subventions publiques à ces organisations et exiger qu’elles se financent elles-mêmes. Une fois la place nette,et débarrassés des fauteurs de troubles, cette majorité devra faire adopter les procédures de sélection, les refontes de départements et de cursus, la rationalisation de l’administration et des budgets pour lutter contre le gaspillage de fonds publics, enfin faire toutes les réformes qui s’imposent pour construire des universités publiques de qualité.
Y aura-t-il une telle mobilisation? Probablement pas, les fauteurs de troubles « minoritaires » intimident le reste depuis trop longtemps, et avec trop de violence. C’est pour cela que je doute fort de la véritable volonté de changement de cette soi disant majorité réformiste. Si elle souhaitait agir, cela se saurait depuis un certain temps.
4 juin 2013 à 15:49
FUBAR
@astronaute… Ouais…. Good luck, comme dirait l’autre. C’est pour ça que de temps à autre me titille l’envie de faire de la plomberie. J’ai parfois du mal à m’imaginer tenir encore 20 ou 30 ans à ce régime.
4 juin 2013 à 17:22
Krokodilo
@Rachel et Jako,
« Le jour où on sera capable de mesurer le « delta » ou « valeur ajoutée », alors peut-être qu’on pourra penser autrement. »
Plusieurs hebdos essaient de le faire depuis qq années, le Nouvel obs,, par exemple, sort régulièrement un « palmarès des lycées » qui introduit des paramètres sociaux (ZEP, etc.) pour tenter de mesurer la plus-value due à l’équipe pédagogique elle-même. Comme je n’envisageais pas de retourner au lycée, je ne me souviens plus s’ils avaient inclus les privés. Bon, c’est pas une science exacte, mais la notion est au moins reconnue.
4 juin 2013 à 18:38
DM
@Astronaute: Là encore, je vous encourage à étudier les différences de comportements, tant des étudiants que des enseignants-chercheurs, suivant les disciplines.
4 juin 2013 à 18:45
Astronaute en transit
@ FUBAR, honnêtement, mais allez-y si vous pensez que c’est plus épanouissant! Je suis parti de l’enseignement supérieur français parce que mes efforts n’y servaient à rien. Je ne serai peut-être pas professionnellement, un « dépositaire et transmetteur du savoir » comme ils aiment pompeusement se nommer, mais de toutes façon, le savoir que j’ai, je le garderai, et je l’augmenterai à mon gré; entretemps, je trouverai un métier qui m’apporte une vraie satisfaction.
4 juin 2013 à 18:46
Astronaute en transit
@ DM: je vous avoue qu’au fond, je m’en fous. J’ai laissé tout le bordel universitaire français derrière moi, et ça a été une bonne décision. Ils continueront bien à stagner sans moi.
4 juin 2013 à 18:53
François
@ Rachel Pour le bon fonctionnement d’un pays, le plus important n’est pas tellement la répartition de la valeur ajoutée apportée par telle ou telle composante de la chaîne éducative, c’est beaucoup plus le niveau du produit final qu’est le diplômé qui commence à travailler..
Le seul intérêt d’une évaluation de la contribution de chaque composante est de constater (par exemple grâce à des comparaisons internationales) quels sont les maillons faibles du système afin de les améliorer (en évitant si possible de pénaliser ceux qui marchent mieux qu’ailleurs).
4 juin 2013 à 19:18
Rachel
@Krokodilo, effectivement il semble que la « plus-value » soit utilisée pour mesure la performance de formation. Ce fut le cas récemment pour un classement des licences dans les universités. J’avoue que je n’ai pas regardé les critères utilisés.
@Petit Cerveau, pour les formations à l’université, je crois comprendre que l’employeur en France joue un rôle assez mineur. Ce n’est que très récemment que la problématique de l’insertion pro commence à se généraliser, et ce n’est pas forcement bien accepté dans la sphère universitaire (mais on s’est aperçu récemment que les trente glorieuses étaient terminées !).
@François, c’est quoi le ou les maillons faibles du système ? Est-ce les licences universitaires (avec leur taux d’échec important), les IUT (avec leur taux de placement pro lamentable), les écoles d’ingénieurs (avec leurs ingénieurs en mal d’innovation), ou bien les grandes GE (aves les dirigeants aux choix stratégiques discutables) ?
4 juin 2013 à 21:00
Petit Cerveau
@ Rachel, ce que je voulais dire est sans relation avec l’institution. Les debouches en terme d’emploi sont un critere de choix predominant pour les etudiants: donc a partir du moment ou ils connaissent les preferences des employeurs, ils vont les suivre. En consequence ils prefereront, avec de fortes chances, les GE a l’universite, puisque c’est aussi le choix des employeurs si on regarde les salaires les plus eleves. La « plus-value » devient un element interessant pour eux si ils ne peuvent pas (ou ne veulent pas) entrer dans une GE.
Ceci etant dit, les entreprises peuvent se tromper dans leur preference pour les GE et ca peut etre un mauvais choix pour la societe. Mais a part faire travailler les etudiants de l’universite pour des salaire de misere, a subventionner massivement l’emploi de ceux-ci, ou a mettre un revolver sur la tete des responsables des ressources humaines, il n’y a pas beaucoup de moyen de faire evoluer les entreprises. C’est une situation assez absurde car je vois par exemple des etudiants de licence se faire embaucher par de grands cabinets de consultants au RU, alors que les ces cabinets n’embauchent que des etudiants de GE en France… (sachant aussi que je pense que l’exigence des licences francaises est superieure a celui des britanniques).
4 juin 2013 à 22:27
Petit Cerveau
Rachel, un autre point pour clarifier: les universites britanniques s’interessent tres peu a « l’insertion » de leurs etudiants, et pour une raison assez simple, qui est que « l’insertion » se fait au merite, en fonction de la mention obtenue sur la licence: tres peu d’emplois « prestigieux » en dessous de la mention assez bien. Ce sont donc les etudiants qui sont responsables de leur « insertion », et cet objectif introduit dans la loi me semble le signe d’une deresponsibilisation dangereuse des etudiants. Ca n’est qu’un moyen supplementaire pour forcer les universites a faire ce que le ministere a envie de leur faire faire, puisque ca veut dire que ce seront ces etablissements qui supporteront les consequences d’une mauvaise « insertion », sachant qu’une mauvais « insertion » peut etre la consequence de l’interdiction de selectionner ou d’orienter.
4 juin 2013 à 22:45
jako
@Astronaute : à vous lire, l’ESR serait entre les mains d’on ne sait quelle Camorra qui ferait régner terreur, violence, désolation, racket, etc. – c’est sans doute l’art de l’hyperbole… Ce qui est comique, c’est le postulat d’après lequel dans une communauté donnée – en l’occurrence l’ESR – tout le monde devrait avoir les mêmes opinions, les mêmes objectifs, les mêmes vues, les mêmes conceptions et les mêmes aspirations… Sauf à verser justement dans la terreur, on ne voit pas comment cela pourrait être le cas. Ce sont les politiques qui font les lois, non ? S’ils avaient voulu la sélection, ils l’auraient instaurée depuis belle lurette, comme bien d’autres réformes l’ont été, y compris aux dépens des intéressés: le grand foutage de la LRU a précisément été d’instituer un « pilotage à la performance », fondé sur toute une série « d’indicateurs », mais en prenant soin d’évacuer cette donnée cruciale qu’est l’absence de sélection : belle conception de l’optimisation des coûts que celle qui consiste à envoyer au casse-pipe des jeunes qu’on ne peut même pas qualifier de « décrocheurs » puisqu’ils n’ont jamais « accroché » à l’Université!
http://www.letudiant.fr/educpros/entretiens/francois-sarfati-sociologue-l-universite-peut-etre-un-lieu-d-une-tres-forte-violence-sociale.html
(Quand l’auteur parle de la « violence » de l’amphi, on dira que c’est de l’envolée lyrique : pénétrer dans un amphi d’université, c’est quand même pas Kaboul…)
Pour information :
« Bruno Sire, président de l’université Toulouse 1 Capitole se dit « révolté » par l’amendement à la loi Fioraso, votée ce 28 mai, déposé en dernière minute par les socialistes Vincent Feltesse et Jérôme Guedj.
Cet amendement PS crée un droit d’accès aux filières sélectives (Sciences Po, classes pré¬pas…) pour les meilleurs bacheliers des lycées de France. « C’est un coup de poignard dans le dos des universités ! Je suis choqué et révolté. Si ça doit se passer comme ça, alors il faut que le service public accepte de faire la sélection ! »
http://www.vousnousils.fr/2013/06/03/bruno-sire-un-coup-de-poignard-dans-le-dos-des-universites-548588
Et Monsieur BS n’a pas vraiment le profil d’un casseur…
4 juin 2013 à 23:00
Petit Cerveau
Jako, il faudrait que vous precisiez ce que vous entendez par « selection » car entre la selection telle que pratiquee par les grandes ecoles et celle en vigueur au Royaume-Uni, il y a un ecart assez substantiel.
4 juin 2013 à 23:46
Rachel
@Petit Cerveau, je pense moi aussi qu’on en fait un peu trop sur le thème de l’insertion. Mais le taux de chômage augmente, et on n’a pas fini d’en parler. Il faudrait peut-être que les jeunes comprennent: du travail y’en a pas pour eux !
En France les flux ne sont pas régulés (à l’université) et je doute fort que les bacheliers ont une idée claire sur les besoins des entreprises. Je pense qu’il va falloir trouver un équilibre entre l’accompagnement des université et la propre démarche des étudiants. Je me demandais si au RU il y avait régulation des flux étudiants pour telle ou telle filière ?
Ca me fait penser aussi aux stages obligatoires que cherche à imposer G. Fioraso. Bientôt les étudiants viendront réclamer leur stages aux acteurs des formations. Ca sera un droit (le stage il est obligatoire, faut m’en trouver un !).
@Jako, merci pour ce travail de veille. Vous auriez pu aussi citer cet article du Monde, qui fait gloire à ce blog: http://www.lemonde.fr/education/article/2013/06/04/classes-prepas-des-quotas-aux-effets-secondaires-non-desires_3424168_1473685.html
4 juin 2013 à 23:57
étudiant inquiet
@Petit cerveau. On pourrait déjà commencer par dire que les bacheliers professionnels et technologiques ne peuvent pas accéder à l’université.
Pour les autres, en plus d’une épreuve spécifique à la filière choisie (au niveau du bac), on pourrait donner une dictée à ceux qui veulent rentrer en SHS, des équations (voire les tables de multiplication) pour ceux qui veulent entrer en Sciences. Chaque filière devrait aussi fixer un numerus clausus en fonction de ses moyens humains.
@Rachel, l’article est pour les abonnées…
5 juin 2013 à 00:45
Petit Cerveau
Rachel, le Royaume-Uni n’est pas l’URSS, il n’y a donc pas de quota par filières.
5 juin 2013 à 08:37
jako
@petit cerveau : on peut avoir de la sélection au moins deux versions : une version soft, qui consisterait à s’assurer qu’il y a bien adéquation entre les aspirations d’un étudiant et la formation qu’il entend suivre : si un étudiant a eu 3 de moyenne au bac en français, on ne voit pas comment on peut le laisser suivre un cursus de lettres. Et une version hard, qui consisterait à n’accepter, pour une filière donnée, que les mentions TB du bac ; et on ne voit pas pourquoi cela devrait être interdit aux Universités, compte tenu du fait qu’elles sont « autonomes » (n’est-ce pas ?….) et qu’elles sont entrées (ou plutôt on les a de force (en)traînées…) dans le monde hystérique de la « performance », de la concurrence généralisée et du marché de la connaissance : dans ces conditions le tri de la matière première est une condition minimale, ce que ne semblent pas avoir bien vu les apôtres de la LRU…
5 juin 2013 à 09:24
Rachel
@Etudiant, l’article revient sur l’amendement discuté dans le billet. Il rappelle aussi que c’était une proposition de F. Hollande, elle-même en conformité avec une volonté de N. Sarkozy. Bref tous solidaire pour torpiller l’université (mise à part V. Pécresse, bien entendu).
Extrait de l’article :
« On peut légitimement s’interroger sur le message adressé aux universités à travers cette décision, alors que Mme Fioraso n’a pas cessé ces derniers mois d’envoyer des signaux en faveur de l’université, a obtenu 5 000 postes sur cinq ans et a fait de la réussite en premier cycle l’un de ses objectifs.
« Des bons élèves à l’université ? Un gâchis insupportable ! », ont titré avec ironie les auteurs d’un article sur le blog Gaïa Universitas. « Qu’on se le dise, les CPGE et les grandes écoles sont pour les bons étudiants. Les gros nuls peuvent aller à l’université (ils prennent tout le monde). Au moins le message est clair… » C’est François Hollande, alors candidat à la présidentielle, qui a relancé l’idée, s’inspirant d’une proposition de loi déposée en 2005 par les députés PS Manuel Valls et Victorin Lurel. Il s’agissait déjà d’augmenter la mixité. »
Franchement je trouve que les signaux envoyés en faveur des universités sont plutôt factices. Dans les faits, elle a surtout mis en valeur les organismes de recherche.
A lire également sur le sujet, le président de l’AFNEUS : http://www.letudiant.fr/educpros/entretiens/alois-dubois-afneus-les-conventions-universites-cpge-sont-a-sens-unique.html
5 juin 2013 à 09:42
DM
@Jako: Peu plausible — les universités, pour justifier leurs effectifs d’enseignants-chercheurs, doivent avoir des étudiants, et les mentions TB n’y suffiraient pas.
5 juin 2013 à 10:20
Dan- petit visseur
La valeur ajoutée : le palmarès des lycées prend en compte la valeur ajoutée par ces lycées
http://www.letudiant.fr/palmares/classement-lycees.html
Intéressant de noter la place du Lycée Privé Averroès – Une explication possible et vraisemblable : les parents sont fortement impliqués , fournissent des heures de service non rémunéré pour diminuer les coûts, et la relation parents- profs est travaillée. De même, le nombre élevé d’établissements privés dans la tête du classement – pas plus sélectifs que Louis le Grand ou HIV. Et qui ont une très grande « valeur ajoutée » (réussite d’une cohorte d’élèves) . Au lieu de hurler comme d’hab » oui, mais ils sélectionnent, ils ont de gros moyens », il serait bon de regarder la réalité :
Interrogés par Le Monde sur leur recette, une bonne part d’entre eux ont raconté cette bataille quotidienne pour individualiser l’aide aux élèves. Pour mettre en œuvre ces services que d’autres demandent à des coaches privés.
Pas de sélection !
Au lycée privé Saint-Gabriel de Bagneux, Yves Lebouter, le directeur, a rangé au musée de l’école les cours de mathématiques organisés classe par classe. « Chaque élève est affecté dans un groupe qui travaille spécifiquement les savoir-faire sur lesquels il bloque. » Les cartes sont rebattues toutes les semaines, après une leçon commune à tous, assez bien pensée pour repérer les points de blocages.
A Jean-Moulin de Roubaix – dont Le Monde avait souligné la belle réussite au bac 2010 –, Alain Godon, juste installé comme proviseur, se dit interpellé par la finesse d’analyse de son équipe. « Ici, les professeurs repèrent les problèmes précis de chaque élève. Ensuite, des binômes animent des ateliers, et non des cours, sur des points bien particuliers tels que la prise de note, la méthodologie… »
L’établissement public compte 58 % de boursiers pour un taux académique à 19 %. Et cela ne l’empêche pas de s’enorgueillir de 82 % de bacheliers. Un peu comme le lycée privé de Tour-Sainte à Marseille. Avec 20 points de valeur ajoutée, c’est l’un des plus efficaces de France. Marie-Pierre Chabartier, qui le dirige, se refuse à sélectionner. Elle n’y accueille que des enfants des quartiers Nord. « Chez nous, tous arrivent à 8 heures et repartent à 18 h 15. Cette longue plage de présence nous permet vraiment de dégager du temps en journée pour les aider. »
HUIT ÉTABLISSEMENTS PUBLICS
A cette pédagogie de proximité, s’ajoute la volonté de créer un vrai climat de travail. Le lycée public Romain-Rolland de Goussainville qui, en dépit de son double classement ZEP et zone violence, amène 81 % de ses jeunes au bac, met largement l’accent sur cette dimension. La proviseure, Martine Benbassa, rappelle la grande sévérité qui prévaut dans ses murs. Chez elle, chaque heure séchée est rattrapée et il n’y a pas de devoir qu’on oublie de rendre. « Nous organisons aussi une fois par mois des examens sur deux matières tournantes. Une manière d’obliger les lycéens à travailler régulièrement », ajoute-t-elle. Sur ce terreau, germe un succès au bac de 82 % des 1 400 élèves qu’on lui confie.
Sur les 36 lycées qui ont une valeur ajoutée de 10 points supérieure à ce qu’on attend d’eux, huit seulement sont publics, alors que les lycées publics sont un tiers plus nombreux que les privés. Et ces privés ne sont pas toujours catholiques, alors qu’en France ces établissements représentent 94 % du privé sous contrat et accueillent 17 % des lycéens. Dans la liste, plusieurs lycées juifs et un musulman brillent aussi par leur efficacité, même s’il faut relativiser le succès des premiers par une forte propension à se délester d’élèves au fil de la scolarité.
« UNE VRAIE PLACE POUR LES PARENTS »
Le premier avantage de ces structures est leur petite taille : 20 % des lycées publics reçoivent plus de 1 500 élèves, contre 5 % des privés. Or il est plus simple de faire du sur-mesure sur des petites cohortes… Par ailleurs, les contraintes du privé ne sont pas les mêmes que celles du public. Les lycées privés sont maîtres de leur recrutement.
« Même s’ils inscrivent des jeunes en difficulté, le choix fait par les parents en frappant à la porte du privé illustre la place que tient l’éducation dans la famille », analyse le sociologue François Dubet. Un élément primordial, si l’on en croit Yves Dutercq, sociologue lui aussi, qui vient juste de publier Les Bons Elèves (PUF, 232 p., 18 euros) : « Toutes mes études et celles d’autres avant moi ont montré que ce qui est déterminant dans la réussite des élèves, au-delà de leur origine sociale, c’est d’abord leur projet de lycéen et le soutien familial. »
Pour garder espoir dans l’école publique, reste à observer, à l’instar de François Dubet, ce qui est duplicable. « Il y a trois facteurs sur lesquels le privé appuie son efficacité : d’abord, la carrure du chef d’établissement, ensuite la cohésion de l’équipe éducative et l’instauration d’une vraie place pour les parents. Or, je ne connais pas de circulaire qui interdise de s’appuyer sur ces leviers dans le secteur public ! Je connais même des établissements qui le font très bien. »
Meilleure formation des chefs d’établissement, pilotage plus serré avec le recteur… Encore quelques sujets qui pourraient trouver place dans le fourre-tout de la refondation de l’école !
Quand je lis ceci, et que je corrèle à mon expérience de pédagogie et d’enseignement, je ne peux que m’interroger sur l’utilité des mégastructures shangaïennes, et répéter inlassablement mon credo « petit est beau…et efficace »
5 juin 2013 à 11:01
Astronaute en transit
@ Dan: l’efficacité se trouve-t-elle seulement grâce à la petite taille? Ce qu’on voit dans l’article précédent, c’est le caractère des acteurs engagés, aussi bien chefs d’établissement qu’enseignants, des gens qui font bien plus qu’appliquer le règlement et leur temps de service: des gens qui appliquent leur propre éthique, leurs convictions, leur sens de mission, et ne s’abritent pas derrière la culture du fonctionnariat amorphe pour se plaindre qu’ils n’y arrivent pas. Cette culture là fait des ravages dans des établissements qu’ils soient grands ou petits, urbains ou ruraux. J’ai passé une heure au téléphone hier soir à écouter les lamentations d’une amie conseillère d’éducation et d’orientation sur la gestion lunaire des établissements franciliens qu’elle dessert: une hallucinante suite de démissions, de jalousies, de coups fourrés… les adultes concurrencent leurs élèves en immaturité adolescente, mais ils ont la sécurité de l’emploi.
Alors, on peut chercher la bonne structure, mais si les mentalités ne sont pas à l’unisson, l’efficacité s’en ressent.
5 juin 2013 à 18:32
Francois
Gaia cite ce soir par Le Monde PAPIER pour cette discussion. Une premiere ?
(Page 9 en haut a droite du cahier Universites et GE).
(desole, pas d’accents sur mon clavier ce soir)
6 juin 2013 à 07:10
Benoît
Je pense qu’un premier niveau de sélection pourrait être mis en place : accès de plein droit à la fac de sciences aux titulaires d’un bac S ; à la fac de lettres aux titulaires d’un bac L ; etc. Obligation d’obtenir un DAEU spécifique justifiant d’une mise à niveau sinon.
Cela garantit au moins un certain niveau de prérequis.
10 juin 2013 à 16:00
Amendement pro prépas : l’injure faite à l’université ? | Blog Headway
[…] En proposant de «repêcher» ces «malheureux» bacheliers de très bon niveau qui auraient eu le malheur de ne pas penser aux prépas, les auteurs de l’amendement à la loi Fioraso pensaient sûrement faire l’unanimité. Loin d’eux certainement l’idée qu’il puisse y avoir du bonheur à étudier autrement qu’en prépas… Ce qui n’est certes pas du goût des universitaires «Qu’on se le dise, les CPGE et les GE sont pour les bons étudiants, les gros nuls peuvent aller à l’université (ils prennent tout le monde). Au moins le message est clair», rit jaune l’excellent blog Gaïa Universités. […]
4 juillet 2013 à 21:26
«Un droit d’accès» aux filières sélectives pour les meilleurs bacheliers : "un coup de poignard dans le dos des universités" ? | Veille documentaire
[…] Des bons élèves à l’université ? un gâchis insupportable ! (Blog Gaïa […]
9 juillet 2013 à 23:44
FBLR
La vraie raison pour laquelle les sciences sont désaffectées ? En fait c’est dur:
http://blogs.wsj.com/economics/2013/07/08/math-science-popular-until-students-realize-theyre-hard/
10 juillet 2013 à 00:07
François
@ FBLR
Dans le commentaire qui suit tout est dit …
» I started as an electrical engineering major, but made a value based decision to switch my major to accounting. A decade later I’m fairly high up on the corporate ladder earning significantly more than I could ever hope to as an engineering major. Could I have succeeded as an engineering major? Absolutely. But… why bother when the reward/effort ratio is appreciably higher in other majors/professions? «
10 juillet 2013 à 02:17
FBLR
@François
Je ne cesse de rappeler qu’en moyenne… les acteurs économiques réagissent très bien aux incitations économiques.
Le meilleur exemple: tout le monde semble s’étonner que les parents veulent en majorité que leurs enfant devinssent fonctionnaires. C’est le contraire qui serait étonnant :-) (car il s’agit bien de situations moyennes)
21 avril 2014 à 19:40
Poutine7
Vivement qu’on supprime les départements! Jérôme Guedj en photo sur 1 photo sur 2 dans son papelard du conseil général de l’Essonne