F. Hollande a présenté hier les grandes lignes tant attendues de son projet sur l’enseignement supérieur et la recherche.  Bien entendu on ne peut pas aller dans les détails dans un discours, nul doute qu’il sera suivi par un texte qui présentera les détails du programme et donnera quelques chiffrages. Globalement le programme se décline en trois axes (1) la réussite des étudiants et la réforme des premiers cycles (2) Restaurer la confiance avec les enseignants-chercheurs et les chercheurs (3) la place des (jeunes) chercheurs. Dans la suite je cite de larges extraits du discours (en italique et guillemets) et fait quelques commentaires. Le texte complet est ici.

Premiers cycles : mobilisation générale. « Une des premières causes de l’échec, c’est l’absence d’orientation positive et sérieuse. Je veux la création d’un service public de l’orientation territorialisé. Ce service devra être unifié du secondaire au supérieur. Dans les universités, nous donnerons aux bureaux d’insertion professionnelle de vraies compétences et des moyens. Les régions sont prêtes à s’engager à nos côtés pour relever ce défi. Il est essentiel. Je veux que ces bureaux aient pour mission de permettre un rapprochement entre le monde de l’université et celui du travail. Ils devront avoir pour objectif d’offrir à tout étudiant une expérience dans le monde du travail à l’intérieur de son cursus de licence et de préparer à l’insertion professionnelle ».

Enfin on parle des problèmes d’orientation ! Tant de gens viennent en licence sans en avoir les prérequis … tant de gens partent ailleurs alors qu’ils pourraient trouver épanouissement à l’université. Mais qu’est-ce qu’une orientation positive et sérieuse ? Est-ce la porte ouverte à une sélection à l’entrée des formations à l’université ? Est-ce le début d’un processus de type sélection-orientation ? Pour reste, il me semble que c’est déjà largement développé. Les BAIP (bureau d’aide à l’insertion professionnelle, créés suite à la LRU) sont tout récents, ils doivent certainement montrer qu’ils peuvent jouer un rôle. Leur donner des moyens est certainement utile.

« La réussite des étudiants suppose que l’on renforce l’encadrement et que l’on développe des pédagogies adaptées. J’affecterai 5000 des 60000 postes prévus pour l’éducation nationale à un plan de recrutement et de résorption de la précarité, et je demanderai que ces postes soient affectés prioritairement au premier cycle. J’ouvrirai une réflexion et une concertation sur le statut des Professeurs agrégés du supérieur ».

« Je veux que soit valorisé nettement, dans les carrières des enseignants-chercheurs, les tâches et l’implication pédagogiques. Des bonifications des dotations de l’Etat aux universités seront accordées à celles qui feront preuve d’initiatives innovantes et efficaces pour assurer la réussite des étudiants. Des accompagnements personnalisés, sous forme de tutorat, devront être institués, et les doctorants mobilisés à cet effet. »

« Par ailleurs, nous instaurerons des spécialisations plus progressives dans le parcours de licence, et nous organiserons les passerelles entre les différentes formations du supérieur. La première année sera revue en priorité car c’est à son niveau que se joue l’essentiel des décrochages. Je ferai réserver aux lycéens des enseignements professionnels et technologiques des places dans les STS et les IUT ».

En résumé, sur ce premier cycle, on est loin d’une révolution. Les solutions proposées me paraissent assez proches des diverses plans licence de V. Pécresse, qui ne semblent pas avoir donné de gros résultats. Comme je le disais dans mon billet précédent, je pense que tout ça ne changera rien, il nous faut surtout une grosse remise à plat structurelle, ce premier cycle marche sur la tête.

CPGE : rien. Pourtant le programme ESR de mai dernier prévoyait un rapprochement prépas-université.

Grandes écoles (et écoles d’ingénieurs) : pas un mot. J’aurais aimé savoir si la politique de rapprochement écoles-universités allait se poursuivre …

Annonce d’un plan national pour la vie étudiante : allocation d’étude sous condition de ressource pour un parcours d’autonomie (étudiants issus de milieux modestes) dans le cadre d’un contrat réussite, logement (40 000 sur 5 ans), chèque santé.

Formation des enseignants : « J’ouvrirai des pré-recrutements, en particulier pour ceux qui se destineront aux carrières de l’enseignement à travers les Ecoles supérieures du Professorat et de l’éducation que nous créeront dans le cadre des Universités ».  Est-ce simplement un changement de nom des IUFM ? Quid de la matérisation ? Et les concours ?

LRU : « La loi LRU devra être réformée. Nous la remplacerons par une loi-cadre, et nous ferons précéder cette loi d’Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche pour que le dialogue, l’écoute, le respect, la considération retrouvent leur droit ». 

« Il ne s’agit pas de revenir sur le principe d’autonomie. C’est un principe porté par la gauche depuis longtemps. Il s’agit de revenir sur la façon dont elle a été mise en œuvre. Nous savons dans quelle direction il nous faut avancer : celle d’une gouvernance plus collégiale et plus démocratique, qui permette le respect des libertés académiques, et celle de financements qui ne conduisent pas à accroître les disparités, à rogner sur les enseignements, à placer certaines universités sous tutelle ».

Je ne peux que reprendre mes questions du billet précédent : que veut dire plus collégiale et plus démocratique ? Est-ce que l’on retourne à une élection par les 3 conseils ? est-ce que l’on retourne avec des conseils avec plus de membres (60 comme avant) ? Est-ce qu’on étend le corps électoral à l’ensemble des personnels et étudiants pour élire le président ? par ailleurs je n’arrive pas à bien comprendre le lien fait sur les libertés universitaires et la mise sous tutelle. Dans une interview parallèle, j’ai lu que l’on se posait la question de la mise en place d’un sénat académique, mais pas un mot aujourd’hui.

« Le principe de compensation devra être respecté : à transfert de charges, transfert de moyens. Il s’agit de donner les moyens à l’Université autonome, ancrée sur son territoire, d’élaborer sa politique scientifique et sa stratégie par la mise en cohérence des différents partenaires : écoles, organismes de recherche, acteurs socio-économiques, sur la base de contrats d’objectifs et de moyens négociés ». Ce que je peux pressentir, c’est que les libertés universitaires (et l’autonomie) ne vont pas être faciles à mettre en œuvre, entre un pilotage scientifique des organismes, les pressions des acteurs des régions ou des industriels …

Financement des universités : rien

Empilement des structures. « Il va nous falloir aussi simplifier le paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche devenu illisible par l’accumulation de nouvelles structures. Les chercheurs doivent se consacrer à leurs recherches plutôt qu’à rechercher des financements. ». Tout le monde est en bien conscient. Mais lesquels on supprime ?

Organismes de recherche. « Les organismes nationaux retrouveront un rôle de pilotage scientifique national et d’appui à la recherche conduite dans les universités ». Ben voilà …

Crédits sur projet/crédits récurrents. « Nous réaffirmerons la place de l’unité mixte de recherche comme élément structurant de la recherche universitaire, en rééquilibrant les soutiens de base, les crédits récurrents, et les crédits sur projets. Il faut que les équipes puissent se projeter sur le moyen et long terme ». Je pense moi aussi que les crédits de base sur devenus trop bas et que la recherche sur projet est épuisante. Mais comment seront distribués ces crédits de base ? Aux universités qui les distribueront ensuite aux labos ? aux organismes de recherche ? Ou bien directement dans les labos ? Sur quels critères (type saupoudrage ou bien conditionné par un certain niveau de production) ?

ANR: « Cela conduira à recentrer les missions de l’Agence nationale de la recherche sur les priorités nationales, les projets émergents et les projets interdisciplinaires. Les grands organismes doivent être associés, définir les priorités, effectuer la programmation et retrouver des moyens ». Et les universités, ça compte pour du beurre ?

AERES: « Je reviendrai sur l’évaluation, et donc sur le fonctionnement de l’Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement supérieur, trop complexe, trop opaque. Il appartiendra à la concertation de proposer, à partir des Comités nationaux et du Conseil national des Universités, de redéfinir le rôle et les méthodes de cette agence ». Là ça devient très piquant ! Donner pour mission au Comités nationaux et CNU de définir le rôle de l’AERES, voilà qui va être très amusant !

Investissement d’avenir. « Ils ont aggravé les disparités et les déséquilibres. Il ne peut s’agir de remettre en cause le travail considérable accompli par les équipes, ni de renier la parole de l’Etat. Mais nous devrons corriger ces inégalités territoriales et veiller à ce que ne se constituent pas des déserts universitaires et scientifiques. Une logique de coopération devra se substituer à une logique de compétition ».

Crédit impôt recherche. Deux mesures qui me semble intéressantes  (1) Encouragement à la contractualisation avec des laboratoires publics pour les candidats au CIR et (2) incitation à embaucher des docteurs.

Doctorants. Contrat de travail, protection sociale. Bref terminé les chinois qu’on fait bosser à la cave. C’est un coup dur pour la science. Plus sérieusement, en science « dure » ça fait longtemps que l’on applique ces principes (pas de thèse sans financement). Les doctorants feraient du tutorat dans les premiers cycles (ce qu’ils font déjà pour beaucoup). Il y aurait des bonifications pour les universités qui augmentent le nombre de contrats doctoraux. Franchement je ne sais pas si la carotte est pertinente. Les universités font ce qu’elles peuvent pour financer des thèses, mais les moyens sont tellement misérables, que même pour faire plaisir, je ne vois pas comment elles pourraient faire plus.  Dans une interview précédente, j’avais lu que FH voulait augmenter le nombre de financement CIFRE (pas d’allusion à ça aujourd’hui).