Revenons aujourd’hui sur le sujet des masters en ingénierie. Mais avant, résumons les étapes précédentes. L’histoire commence par un rapport de l’AERES en décembre 2010, dans lequel elle préconisait aux universités de développer des formations de masters dans le domaine de l’ingénierie (lire ici). La CTI, gardienne du temple du mot « ingénieur », a fortement réagi à cette proposition, bien entendu suivie peu de temps après par la CGE (Conférence des grandes écoles) et la CDEFI (Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs) (lire ici). Il est très clair que le monde des écoles d’ingénieurs refuse une éventuelle concurrence des universités. La formation d’ingénieurs doit rester leur exclusivité.
L’histoire aurait pu en rester là. Mais en début d’année, deux rapports viennent un peu semer le trouble, d’autant plus problématiques qu’ils émanent tous deux d’anciens élèves des écoles (et pas des moindres). C’est tout d’abord le think tank Institut Montaigne qui a publié un document intitulé « adapter la formation de nos ingénieurs à la mondialisation » (lire ici). La question majeure qui est posée est la suivante : la formation de nos ingénieurs est-elle adaptée pour faire face aux enjeux de la compétition mondiale ? Ce rapport questionne sur les capacités (ou compétences) des formations d’ingénieurs actuelles à stimuler un état d’esprit propice à un développement des pratiques innovantes. Plus récemment, c’est une association d’anciens élèves d’écoles d’aéronautique (ISAEE) qui publie un livre blanc intitulé « Réinventer le métier d’ingénieur pour en valoriser le rôle dans la société » (lire ici).
Parmi les critiques entendues récemment ici et là (voir aussi le dossier récent et fort détaillé du Nouvel Economiste « Ecoles d’ingénieurs : le moule ne fonctionne plus » – lire ici), on peut citer le formatage trop important des formations ingénieur et un éloignement trop grand de la recherche et des pratiques innovantes. (1) Trop éloignés de la recherche. Relativement peu d’élèves ingénieurs poursuivent en thèse. Durant leur cursus dans leurs écoles, ils n’ont peu, voire pas du tout, de contact avec les métiers de la recherche. Ils ne développent pas assez leur esprit de créativité, d’innovation et d’entrepreneuriat. (2) Trop formatés. Nos ingénieurs sont trop formatés (le fameux moule du french engineer), avec des formations fortement influencées par des référentiels métiers qui ne laissent pas beaucoup de marge à l’originalité, d’où une faible aptitude à la créativité et l’innovation à la sortie de la formation. Elles sont souvent accusées de mimétisme, c’est-à-dire qu’elles se basent sur la reproduction des élites sans pour autant y incorporer d’évolution de fonctionnement. Ce moule serait mal adapté à un marché multiforme et complexe. Ca serait d’ailleurs une des causes du positionnement médiocre de nos entreprises sur des secteurs de forte intensité technologique (lire ici).
Récemment, il se discute dans certaines universités qu’on pourrait aller outre les intimidations de la CTI et suivre les recommandations de l’AERES. Ce projet me semble plutôt embryonnaire (et pour rassurer ma meute de commentateurs, je n’y participe pas). Il s’agirait de la création d’un réseau de formations à l’ingénierie dans les universités, complémentaires à celles dispensées par les écoles (réseau FIGURE : Formation à l’Ingénierie par des Universités de Recherche). C’est à mon sens une excellente occasion pour travailler sur l’interface entre le monde des écoles et le monde universitaire, mais avant tout une réponse à donner aux enjeux futurs d’un monde multiforme et complexe.
Je remercie les deux internautes qui m’ont signalé ce projet. Ci-dessous, je copie le projet de charte du réseau FIGURE et les réactions de la CDEFI (conférences des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs) et de la BNEI (bureau national des élèves ingénieurs). J’attends avec impatience la réaction de la CTI !
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Projet de Charte du réseau FIGURE
(Formation à l’Ingénierie par des Universités de Recherche)
Les universités signataires de cette charte, conscientes d’une part de l’enjeu que représente l’ingénierie dans le développement économique de la Société et d’autre part de l’aspiration des étudiants, décident de s’unir dans un réseau afin de développer un modèle complémentaire de formation aux métiers de l’ingénieur, qui repose sur les principes suivants :
- Cursus continu et cohérent de 5 ans se terminant par un diplôme de Master et offrant une sortie qualifiante au niveau Licence.
- Maîtrise d’un domaine de spécialité impliquant une connaissance solide de l’ensemble des disciplines du champ disciplinaire qui en constitue le socle.
- Adossement à des laboratoires de statut international qui s’engagent à s’investir dans cette formation, en liaison avec leurs partenaires industriels.
- Respect d’équilibres de formation impliquant en sus de la spécialité, des fondamentaux solides, une ouverture pluridisciplinaire, un programme de formation humaine et sociale, et des activités de mise en situation.
- Pédagogie faisant appel notamment à la proximité de la recherche et à l’apprentissage par projet.
- Ouverture à l’international
- Développement de compétences transversales (aptitudes), consignées et évaluées dans un livret de compétences.
- Formation progressive et exigeante. Sélectivité par la réussite
- Contact étroit avec les entreprises
Ce cursus sera désigné dans la suite de ce texte sous le nom de « Cursus de Master en ingénierie » et reconnu à l’échelle internationale sous le nom de « Master of engineering »
Les modalités de fonctionnement et les règles à respecter sont décrites dans le référentiel placé en annexe. Celui-ci est susceptible de modifications périodiques décidées par consensus et conformes aux principes précédents.
En mettant en oeuvre des cursus conformes à ce référentiel, les universités du réseau s’engagent à former des professionnels dont la qualité et le profil doivent être garantis. Dans ce but elles s’engagent à faire valider cette conformité par le réseau et par l’AERES. Seuls les étudiants qui auront suivi un cursus ainsi validé et atteint un niveau défini collectivement par le réseau auront droit au titre de Master en ingénierie, certifié par le président de l’université (au nom du réseau) ; ils devront notamment avoir obtenu un diplôme de Master habilité par le Ministère en charge de l’Enseignement supérieur.
Les conditions de fonctionnement du réseau sont décrites en annexe. Le réseau est ouvert par cooptation aux établissements qui en feraient la demande.
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Réaction de la CDEFI
La CDEFI souligne que la charte de ce réseau reprend très largement les conclusions du rapport de l’AERES de janvier dernier relatif à l’évaluation des formations universitaires aux métiers d’Ingénieurs et à l’endroit duquel la Conférence avait formulé de lourdes critiques. Celles-ci restent inchangées et doivent être rappelées.
En premier lieu, la CDEFI constate, une nouvelle fois, l’obstination à conduire cette réflexion autour des métiers de l’Ingénieur sans y associer le monde professionnel. Elle conteste que des universités seules soient capables de se coopter entre elles en se reconnaissant aptes à former à des métiers sans y associer les milieux professionnels concernés.
La Conférence remarque également que toutes les universités concernées disposent d’une école d’ingénieurs interne. Elle s’étonne donc qu’elles ne tirent pas davantage partie de l’existence des formations d’ingénieurs qui existent en leur sein et dont il faut rappeler que les effectifs ont progressé de 70 % au cours des vingt dernières années.
La CDEFI rappelle que l’AERES a une mission d’évaluation confiée par l’Etat. Elle n’a pas à intervenir dans l’accréditation de formations. En l’espèce elle se fonderait, de surcroît, sur un référentiel établi par la réunion informelle d’un petit groupe d’établissements qui énonceraient d’eux-mêmes les règles selon lesquelles ils devraient être évalués. Cela apparaît pour le moins incompatible avec la mission de service public de l’Agence. De plus sa mission se cantonne à l’évaluation des formations relevant de diplômes nationaux, ce qui n’est pas le cas ici.
Aussi, la CDEFI prend acte de la création de ce réseau et ce, au mépris du refus de la Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche clairement affirmé, en janvier dernier, de ne pas soutenir le développement de ce type de formation. La Conférence considère que cette démarche porte atteinte au dialogue permanent et au respect mutuel que l’ensemble des acteurs de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en France (qu’ils soient universités ou écoles) conduisent depuis plusieurs années pour se réformer. La CDEFI en appelle à l’intelligence collective pour qu’il soit mis un terme à une initiative qui, si elle devait être confirmée dans les prochaines semaines, marquerait une volonté manifeste de se positionner contre le titre d’ingénieur diplômé et les écoles qui le délivre. Il s’agirait-là d’une rupture manifeste avec la dynamique de réformes souhaité par le gouvernement et dont il faudrait alors tirer toutes les conséquences.
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Réaction de la BNEI
Le BNEI dénonce le jeu dangereux joué par les membres du réseau Figure pour la lisibilité des formations
Le BNEI s’interroge sur l’annonce par un petit nombre d’universités de la création du réseau Figure (Formation à l’Ingénierie par les Universités de Recherche) visant à « développer un modèle complémentaire de formation aux métiers de l’ingénieur ».
Ces quelques universités ont décidé de reprendre les points principaux du rapport AERES sur une labellisation « masters en ingénierie », pourtant dénoncé par l’ensemble des acteurs institutionnels. La ministre avait notamment clôt la controverse en déclarant qu’elle ne « voyait pas l’opportunité de créer un nouveau label risquant de déstabiliser un système qui fonctionne ».
Nous ne voyons pas en quoi cette formation est « complémentaire » aux formations existantes, puisqu’il existe déjà une formation universitaire d’ingénieur, reconnue par la CTI, dispensée par les écoles internes à une université.
C’est un véritable manque de considération des élèves-ingénieurs de ces formations de ne pas les prendre en compte, alors que la quasi-totalité des universités ayant une composante scientifique possèdent ou sont actuellement engagées dans une création de formation d’ingénieur interne à l’université, accrédité par la CTI.
Plus grave, la mise en place d’un système parallèle aux écoles internes, favorisant l’émergence d’une concurrence au sein d’un même établissement, va dans le sens de la création d’un système à deux niveaux, où ce seront ainsi les étudiants les mieux informés qui sauront où se diriger. Comment favoriser la diversification des profils si seuls ceux bénéficiant d’un environnement social connaissant toutes les subtilités de l’enseignement supérieur et leur crédit sur le marché de l’emploi peuvent s’en sortir ? Mettre en place des formations aboutissant à des diplômes différents mais jouant sur une sémantique proche ne contribue pas à cette visibilité auprès des étudiants. Nous dénonçons ainsi le jeu dangereux des universités signataires de cette charte, nuisant à la visibilité externe des formations, et, ce qui est plus grave encore, à leur compréhension par les étudiants.
Ainsi, plutôt que de chercher à recopier un système sous un autre nom, introduisant une confusion supplémentaire dans l’orientation des étudiants, il serait par exemple préférable de poursuivre la dynamique actuelle, favorisant l’appui des universités sur leurs écoles internes plutôt que leur mise à l’écart.
94 commentaires
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21 juin 2011 à 08:56
Benoît
Ils sont marrants. Ils délivrent bien des masters et doctorats maintenant…
21 juin 2011 à 09:09
PR27
La semaine prochaine, notre université validera une demande, auprès de la CTI, d’une nouvelle formation d’ingénieur, s’appuyant très largement sur une formation IUP qui fonctionne bien.
Posons donc la question différemment : pourquoi les UFR qui souhaitent monter de telles formations ne souhaitent-elles pas valider leur dossier auprès de la CTI ?
Ont-elles progressé sur l’argument qui leur avait été opposé il y a 6 mois : comment coordonnez vous cela avec votre école interne ? Panique dans les UFR de sciences pour trouver 192h à chacun ?
21 juin 2011 à 10:09
Rachel
PR27, je crois que la CTI s’est clairement exprimée contre ces masters. Dans ce contexte on peut comprendre que les éventuels futurs projets de ce type n’ont aucune chance via la CTI (d’ailleurs ça risque de coincer ailleurs aussi, pas de panique). La CTI, en plus d’être une agence d’évaluation et d’accréditation, est aussi un lobby. Elle défend une certaine perception du métier d’ingénieur à la française (qui a fait ses preuves mais qui n’est pas forcément un modèle unique). A mon avis les écoles d’ingénieurs universitaires sont formidablement bien positionnées pour développer des formations du type du réseau FIGURE, en interface avec les formations plus académiques et les labos de recherche. Il y a là une opportunité évidente.
21 juin 2011 à 10:30
Benoît
Il n’y a pas très longtemps, j’ai assisté à une présentation d’un chercheur (en sciences de l’ingénieur) de Penn State. Il faisait bosser les étudiants sur des projets de recherche concrets (comme des satellites, des systèmes de propulsions…). C’est peut-être ce genre de formation que veut fournir les Master en ingénierie, avoir de vrais ingénieurs en R&D. Les écoles d’ingénieur française formant plutôt des cadres, managers… (ça me semble être la tendance.)
21 juin 2011 à 10:33
PR27
Rachel, les promoteurs des masters d’ingénierie semblent ne pas vouloir les faire avec leur école interne, mais dans leur UFR de sciences, de manière autonome de l’école de leur université. Je pense que c’est le premier point à détailler. Qu’est-ce qui bloque ?
Quels flux pour les formations académiques dans les UFR sciences ? Plus de 10, on ne peut pas les caser dans la recherche, moins de 10, ça coûte une fortune par étudiant pour le contribuable opprimé. Le MEng a vocation à formation à la fois à la recherche et au pro ?
Son argument est-il que si les étudiants ont, à l’entrée, un niveau suffisant, la distinction des perspectives n’est pas pertinente ?
Le deuxième point à discuter est la nuance entre les visions de l’ingénieur « CTI » et « master d’ingénierie ». En faisant cela, il faut s’appuyer sur les vraies formations, les vraies étudiants qui existent, parler de flux entrants et de débouchés. J’ai lu le document de l’école d’aeronautique. Ils se saoulent un peu de mots-clés….
21 juin 2011 à 10:56
PR27
Benoit, chez nous en école d’ingé, au cours de la scolarité, les étudiants ont deux gros projets (en plus de petits) :
– un avec un partenaire industriel (180h), où la méthode de travail se conforme plutôt aux méthodes industrielles. Ce qu’on « manage », c’est le projet et l’activité, pas les gens.
– un avec les labos locaux, sur un sujet recherche, avec une méthode recherche (150h).
Je pense que la majorité des élèves-ingénieurs suivent ce genre de processus. Les quelques ingénieurs généralistes parisiens ultra-haut-de-gamme qui deviennent grand-chef à 25 ans sont l’arbre qui cachent la forêt.
21 juin 2011 à 12:54
Rachel
Benoit, il y a certainement beaucoup d’expériences innovantes à faire. Par exemple un stage de 6 mois en équipe dans un labo de recherche sur un projet technologique ou industriel, ça serait une bonne idée.
PR27, les réactions de la CTI, CGE et CDEFI n’engagent pas vraiment une démarche constructive pour réfléchir à ce genre de masters différenciants (complémentaires). Pour les écoles, cela donne une gentille pression pour ne pas s’y compromettre (crainte du retour de bâton). Du point de vue des acteurs plus académiques, cela donne l’impression d’un cercle fermé avec lequel on ne peut pas vraiment travailler sur des projets de formation (chasse gardée). L’interface entre ces deux mondes est très peu exploitée, c’est très regrettable car c’est précisément là que se situent beaucoup d’enjeux de notre R&D.
Je trouve que les écoles universitaires sont remarquablement bien positionnées pour ce genre de projets, elles possèdent la proximité des filières académiques, des labo de recherche et ont déjà un réseau de partenaires entreprises.
Mais avant tout, plutôt que de s’en tenir sur une relation d’oppressé-agressé de type de cour de récré, une prise de hauteur sur cette question serait intéressante : comment s’en sortir au mieux dans un monde mondialisé, complexe et multiforme ?
21 juin 2011 à 13:45
PR27
Rachel, je vous encourage à nommer et dégommer les écoles d’ingénieurs qui sont en haut des classements des magazines et qui ne font guère de recherche. Nous ferons un tir groupé.
Donc, rereposons la question : les UFR souhaitent-elles leur master d’ingénierie dans leur coin, sans en parler à leur école interne ?
Pour s’en tirer au mieux dans un monde mondialisé, complexe et multiforme, il faut faire des maquettes de délire où tout devient personnnalisé, transversal : un enseignement confus pour un monde confus. Un stage sur chaque continent. Manger du riz pour mieux savoir négocier avec les chinois (dans le cadre de la restaurex). Développer le e-learning sur iphone. Ecouter des cassettes d’anglais la nuit, en plaçant un magnétophone sous son lit. Tout cela marche très bien.
21 juin 2011 à 13:52
étudiant frustré
Effectivement, cette ingérence des écoles d’ingénieurs dans les affaires des universités est assez pénible ; comme le dit Benoît, les universités n’ont rien dit lorsque les GE se sont mises à délivrer des diplômes universitaires.
Cependant, je ne comprends pas vraiment pourquoi les universités ne s’appuient pas sur leurs écoles internes d’ingénieurs, en les faisant évoluer vers des Meng avec une licence en cours de parcours, plutôt que de créer une nouvelle formation, qui serait dispensée dans les UFR de Sciences (c’est ça?). Et quand je lis « Sélectivité par la réussite », je m’inquiète : serait-ce un euphémisme pour dire qu’il n’y aura pas de sélection à l’entrée? Dans ce cas, les GE d’ingénieurs n’ont pas beaucoup de soucis à se faire…
21 juin 2011 à 14:26
PR27
étudiant, les universités s’appuient sur les écoles internes. Le nombre de diplômés des écoles universitaire est en forte croissance [jsaispasoù]. Faire évoluer les écoles d’ingé interne vers des MEng ? Changer leur nom ou changer leur contenu ? Pourquoi ?
Pas de sélection ? Le marché de l’emploi est capable d’absorber/a besoin de nombreux ingénieurs/bac+5 technologiques, par rapport au nombre d’étudiants qui veulent s’orienter
dans ce secteur. Si on veut répondre aux besoins de l’industrie, on ne peut pas être très sélectif (je parle là au niveau de l’offre globale de formation). On doit l’être un peu…
21 juin 2011 à 14:53
Rachel
PR27, on peut effectivement traiter ça par l’ironie, ou alors dire qu’il faudrait « s’appuyer sur les vraies formations, les vraies étudiants qui existent, parler de flux entrants et de débouchés » (lourd de sous-entendus peu flatteurs).
Pourquoi les écoles universitaires ne semblent pas associées au projet ? c’est effectivement curieux et anormal. Dans ce contexte, je ne pense pas que ce projet de réseau aboutira. Mais j’en ai donné une explication plus haut, je crois. La réaction initiale de la CTI ne laisse pas beaucoup de marge de manœuvre.
Le problème n’est pas de « Faire évoluer les écoles d’ingé interne vers des Meng ».
21 juin 2011 à 16:22
amigues
Je n’y comprends rien non plus. Deux explications possibles mais très tentatif.
Ex1 : des gens de facs de sciences aux marges des opérations écoles internes s’agitent pour créer leur propre marque indépendamment de leurs collègues des dites écoles internes. Ces derniers devraient s’énerver. La menace de ne pas se faire accréditer si des border line peu contrôlables agitent le chiffon rouge devant la CTI est crédible. Donc les écoles se désolidarisent de la maneuvre et font profil bas.
Ex 2: La CTI traîne des pieds pour accréditer les écoles internes. La manoeuvre est une provocation visant à la menacer de créer une agence d’accréditation concurrente. Les écoles internes n’y sont pas officiellement mais soufflent sur les braises en coulisses. Un jeu dangereux, personne n’est idiot dans le système et si c’est ça c’est un peu grossier comme stratagème. Au poker menteur il faut parfois abattre son jeu et sans un appui du ministère et de suffisamment de présidents d’université cette menace n’est pas crédible.
On peut imaginer encore plus machiavélique où les écoles lissent s’agoter les agités pour adopter vis-à-vis de la CTI la posture des gens raisonnables avec qui on peut discuter mais sous pression de leur aile « dure ». On nage en pleine théorie du complot là.
Il y a clairement un problème de timing dans cette histoire. Les écoles d’ingés univresitaires doivent d’abord faire leurs preuves en termes de qualité d’enseignement et d’insertion professionnelles de leurs étudiants. Cela prendra dix ans au moins, plus sûrement 20. A ce terme se posera la question d’agences d’accréditation purement universitaires et la mastérisation sera bien place avec des diplômes clairs et lisibles pour les employeurs (il y a du boulot). Là j’ai l’impression qu’on met la charrue avant les boeufs.
21 juin 2011 à 16:25
PR27
Rachel, il n’y avait aucune ironie dans mon propos, ou du moins absolument pas celle que je crois comprendre (et effectivement, il y a malentendu possible). Si le sous-entendu sous-entendu est : « à la fac, il y a zéro étudiant pour zéro débouché », ça n’était pas du tout ce que je voulais dire.
Je me reformule :
– au lieu de discuter CTI vs AERES vs… et histoires de boutiques, discutons du type de formation : quel types de contenus, quelle sélection éventuelle, quels flux entrées/sorties,
quelles perspectives professionnelles.
Ah, évidemmment, tout le monde en discute, mais de toutes parts (notamment les « graduate schools » en projet dans les écoles bling bling), pour faire de l’autopromotion : on aura des paquets d’étudiants géniaux, on sera super-sélectifs-attractifs-internationaux, on fera à la fois du professionnalisant, de la super recherche, du méta-transversal humaniste etc…. C’est ce discours me paraît prendre le problème par le mauvais bout, parce que si tout le monde est sûr sûr de récupérer la crème de la crème des étudiants et s’en fout d’une offre de formation globale à bac+5 pour les gens moyens+, c’est mal parti.
21 juin 2011 à 16:36
PR27
Une fois de plus, je ferais vraiment la distinction entre la CTI et des lobbys genre CGE.
La CTI pourrait par ex. refuser d’accréditer une formation qui chercherait à être directement concurrent d’une formation existante qui fonctionne bien, dans un voisinage géographique assez immédiat, si le vivier est trop pauvre ou que les débouchés sont insuffisants. Imaginez qu’ouvrent des tonnes de spécialité « ingénieur pour l’environnement » : ça remplit à fond niveau bac, mais qu’est-ce que c’est concrètement ? quels emplois ? Je crois que la CTI a surtout des considérations dans ce genre. Elle n’est pas une association-lobby, elle répond à une mission qui lui a été confiée…. En tout cas, je suis absolument certain que si elle n’existait pas, le n’importe quoi serait au rendez-vous, des formations merdico-bidon avec des plaquettes bling bling sortiraient de terre dès le lever du soleil – et je me repète, les facs de sciences ne sont certainement pas ce que la CTI a le plus à l’oeil.
21 juin 2011 à 16:37
PR27
Amigues, les écoles d’ingé universitaires sont, pour la plupart, des écoles qui existaient avant. Leur passé en enseignement recherche dépasse généralement leur date de création sous l’étiquette évoquée ici.
21 juin 2011 à 18:43
Septime
Sans vouloir ajouter à la confusion, je rappelle qu’il y a eu un bras de fer entre la CTI que l’AERES souhaitait intégrer pour accroître son domaine d’évaluation à l’ensemble de l’enseignement supérieur. Cela n’a pas marché et il y a eu des échanges acides entre les responsables de deux institutions.
Il me semble que la situation des écoles de gestion est différente : La commission dite ‘Helfer » a deux rôles : elle propose au ministre l’habilitation pour les formation conduisant à un diplôme national (comme pour les diplômes universitaires quels qu’ils soient) alors qu’elle « accrédite » les écoles qui délivrent leur propre diplôme. il semble que cette commission soit en voie de se fondre dans l’AERES.
La signification de l’accréditation des formations d’ingénieurs par la CTI est très particulière, Le ministère a en quelque sorte renoncé à ce monoopole de l’habilitation en le confiant à la CTI pour toute une série de diplômes du fait de l’existence du fameux « titre » qui n’est pas un diplôme.
De nombreuses formations (et pas seulement supérieures) revendiquent la protection accordée par un titre (cf le « titre de psychologue »).
L’étape suivante c’est la création d’un « ordre » pour règlementer l’exercice de la profession : J’ai vu récemment que » l’union des ingénieurs et scientifiques français » (?), lobby qui réapparait avant chaque échance électorale, demandait le création de cet ordre de ingénieurs »
21 juin 2011 à 20:07
Rachel
On peut y lire un tas de choses à interprétation très variable dans cette histoire. Ce qui est amusant c’est de voir combien les sensibilités sont à fleur de peau quand on titille le French Engineer.
Je propose une autre version (très délirante), à la source de la polémique :
L’AERES, agence d’évaluation récente, fait le tour des formations pendant la période 2007-2010. Au terme de son tour de France, elle décide d’écrire un rapport, comme une sorte de carnet de voyage. Après tout, ayant visité toutes les formations françaises, qui d’autre qu’elle pourrait faire un meilleur état des lieux des forces et faiblesses des formations universitaires et des écoles d’ingénieurs ? Elle identifie une possibilité de formation plutôt de type universitaire, dans le domaine de l’ingénierie, complémentaire de celle des écoles, et qui occupe un créneau un peu défaillant (bref une R&D digne de ce nom sur des secteurs de haute technologie).
Je sais tout ça est peu crédible, on sait tous ici que l’AERES a fait son rapport rien que pour provoquer la CTI … et la CTI mordu comme il fallait !
Mais la vraie réalité, on la connaît, mais que tout ça reste entre nous. Tout ça n’est rien d’autre qu’un plan sournois des universitaires pour faire disparaître les écoles d’ingénieurs.
Pour les écoles universitaires, elles existent effectivement depuis longtemps. J’espère qu’elles vont comprendre rapidement tout le bénéfice qu’elles pourraient tirer de l’opération. Il est temps qu’elles se forgent une identité, plutôt que de travailler à ressembler comme deux gouttes d’eau aux autres écoles non universitaires.
Pour le programme, PR27, on s’en fout un peu. Le marché est trop volatil, complexe et multiforme pour que ça soit une préoccupation. Disons que ça serait au cas par cas, sur des niches, et fortement évolutif.
21 juin 2011 à 20:25
Etoile filante
Discuter de la création de formation innovantes d’ingénieurs est plus intéressant que de lire les critiques des uns et des autres aux formations existantes. Si, comme le souhaite Rachel, la bonne façon d’aborder la question est de prendre de la hauteur dans un monde mondialisé, etc.,la question devient : pourquoi faudrait-il créer, à coté des formations d’ingénieurs, des formations institutionnellement distinctes de master en ingénierie (bonjour la lisibilité internationale) ? Plutôt que fantasmer sur les stratégies des différentes institutions, pourrait-on avoir des réponses aux questions suivantes :
Quelles sont les universités qui veulent créer ces nouveaux diplômes (réseau Figure) ?
Pourquoi la création de ces formations innovantes devrait-elle se faire en dehors des écoles d’ingénieurs universitaires ?
Quelqu’un peut-il faire état d’un projet de formation innovante de ce genre qui ait été refusé par la CTI ?
21 juin 2011 à 20:57
PR27
Bon, je quitte ce fil, le ver a de moins en moins de goût.
21 juin 2011 à 20:59
PR27
Je ne dis pas ça pour vous, Etoile Filante ; j’espère que vous aurez plus de chance que moi avec vos questions. La prochaine fois, j’usurperai votre nom, puisque Rachel ne maîtrise pas les adresses IP.
21 juin 2011 à 21:30
Rachel
Etoile filante, quelques réponses volontairement provocatrices :
Pourquoi faudrait-il créer, à coté des formations d’ingénieurs, des formations institutionnellement distinctes de master en ingénierie (bonjour la lisibilité internationale) ?
A propos des ingénieurs : « Ils furent les piliers créatifs de notre industrie française. Études prestigieuses, carrières époustouflantes, le siècle passé en a quasiment fait les héros de l’économie moderne. En avance sur leur temps. C’était hier » la suite ici, introduction d’un lourd dossier du nouvel économiste. Le dossier peut être lu ici (je vous conseille de charger la version PDF plutôt de le viewer). Il faut donc créer des formations distinctes pour sortir du moule qui ne fonctionne plus.
Pourquoi la création de ces formations innovantes devrait-elle se faire en dehors des écoles d’ingénieurs universitaires ?
– Parce que ce sont des écoles d’ingénieurs, façonnées au moule de la CTI : plus rien à en tirer (voir question 1). Et par définition on ne fait pas de projets avec des has been.
– Parce que la CTI, avec sa réponse à l’AERES, a implicitement coupé toute possibilité de coopération à ce projet de réseau.
Quelqu’un peut-il faire état d’un projet de formation innovante de ce genre qui ait été refusé par la CTI ?
– Evidemment non. Pour être en phase avec la CTI, « Les écoles qui souhaitent délivrer des diplômes d’ingénieur doivent satisfaire un référentiel et des standards définis » (introduction du document de référence de la CTI). Par définition, les formations innovantes ne peuvent pas être soumises à des référentiels et standards. Par ailleurs la CTI n’accepte que les écoles (qui peuvent être internes à l’université, là n’est pas le problème).
21 juin 2011 à 22:20
PR27
Je ne suis d’accord avec rien dans la réponse de Rachel (pour être honnête, je devrais dire : « il n’y a rien de vrai », mais là je vais me faire virer…. ce qui m’arrangerais, j’ai du boulot)..
21 juin 2011 à 23:01
Etoile filante
Rachel, si je résume, les formations d’ingénieurs existantes, y compris dans les universités, sont des « has been » qui ne fonctionnent plus, stérélisées qu’elles sont par le moule contraignant de la CTI. Ce n’est pas ce que nous dit le marché du travail, mais admettons. Les formations que vous appelez de vos voeux sont tellement innovantes qu’elles ne peuvent être soumises à des référentiels et standards. Wouhaou ! Admettons.
Mais qu’attendez-vous pour les créer et apporter la démonstration de leur supériorité plutôt que de mener des guégerres byzantines sur les intitulés ?
21 juin 2011 à 23:03
Rachel
PR27, ce ne sont pas forcement « mes » réponses, mais « des » réponses et j’ai précisé qu’elles étaient volontairement provocatrices. Par exemple, contrairement à l’introduction du dossier du nouvel économiste, je ne pense nullement que les formations d’ingénieurs sont has been. Je pense juste qu’il y a un créneau qui pourrait être intensifié (de type R&D inclinaison R) et que ça serait une bonne occasion de réfléchir de nouveau à un rapprochement écoles-universités.
Par ailleurs, je ne vire aucun de mes contradicteurs (sauf en cas de propos désobligeants, ce qui heureusement est très rare) et en général j’aime bien avoir des réponses argumentées en cas de désaccord (de forme ou de fond). Mais on a le temps, le travail d’abord …
21 juin 2011 à 23:56
Rachel
Etoile filante, je crois que j’ai répondu en partie dans le message précédent au PR27 (messages croisés). La question de « supériorité » me parait un peu déplacée ici, je ne crois pas avoir positionné le problème comme ça, mais plutôt sous la forme de formations d’interface ou différenciantes.
22 juin 2011 à 07:56
Astronaute en transit
Est-ce que ces nouvelles formations d’ingénieurs auraient du travail à offrir à des enseignants SHS non titulaires dont les filières sont bouchées et condamnées?
22 juin 2011 à 12:14
jako
Une contribution intéressante sur les grandes écoles:
http://lemonde-educ.blog.lemonde.fr/2011/06/21/les-grandes-ecoles-sinquietent-des-consequences-de-la-reforme-du-lycee/
extrait: « « Il est dangereux de revoir gravement à la baisse les exigences » en sciences, a déclaré Pierre Tapie, président de la Conférence des grandes écoles (CGE), lors d’une conférence de presse, mardi 21 juin. Selon le directeur général de l’Essec, « on perd 3 heures de sciences en tout en première et en terminale avec la réforme ».
Encore un noniste anti-réformes… Et puis après tout, y aura toujours les Universités pour récupérer les ânes qu’aura produit le système. Le même « déplore qu’il soit « interdit aux scientifiques de faire du latin et du grec. Ce n’est pas comme ça que l’on fera des gens cultivés ! Il ne faut pas gérer les gens à haut potentiel en les enfermant dans des cases. C’est comme ça que l’on fait baisser tout le monde. » Or que fait-on d’autre avec la multiplication de « référentiels de compétences »?
22 juin 2011 à 12:48
PR27
livret de compétences que l’on trouve également dans le projet d’excellence que Rachel nous exposait hier…
22 juin 2011 à 13:18
PR27
Rachel, moi je veux bien qu’on fasse des formations plus « R », mais c’est pas évident de caser les diplômés dans une activité « R ». Peut-être ça varie selon les secteurs… mais dans mon domaine la masse des jobs dans l’industrie sont plutôt D que R et les formations ingénieurs (au moins ce que je connais) sont déjà plus « R » que les emplois. A moins qu’il ne s’agisse pas de formations « de masse », auquel ça existe, ça s’appelle « master recherche ». Il y en aura même des ++ chic chic avec restaurex dans les idex.
On pourrait souhaiter que le fait de diplômer un peu plus « R » pousserait vers le haut l’activité des boites, mais c’est pas gagné d’avance ; c’est comme la valorisation du doctorat, c’est du travail de longue haleine…
22 juin 2011 à 17:00
Rachel
PR27, je ne crois pas avoir parlé de « projet d’excellence ». De plus je pense qu’il y a une différence significative entre un « livret de compétences » et un « référentiel de compétences ».
22 juin 2011 à 17:13
PR27
Rachel,
je faisais référence au projet figure :
– dans le projet figure tout en haut de cette page , c’est écrit « livret de compétences », non ?
– référentiel de compétences…. le genre de fiche soporifique qu’on fait pour le RNCP ? quel intérêt ? Je trouve que c’est bien, si l’établissement est libre. Ce qui m’agace, c’est la volonté de plus en plus visible de piloter et normaliser les contenus via des mécanismes dans ce genre, volonté de grands normalisateurs en chef qui croient savoir.
22 juin 2011 à 20:28
étudiant frustré
Du nouveau : http://www.lemonde.fr/education/article/2011/06/22/valerie-pecresse-precise-les-contours-de-la-nouvelle-licence-universitaire_1539503_1473685.html#xtor=RSS-3208
22 juin 2011 à 21:19
Rachel
PR27, pour une fois je pense avoir bien suivi le fil des commentaires. Jako termine son commentaire sur le « référentiel des compétences » et vous embrayez directement en mentionnant le « livret de compétence » du projet FIGURE (que vous qualifiez au passage de « projet d’excellence », on se demande bien pourquoi). Je pense que c’est un amalgame. Le « livret de compétences » est délivré au terme d’une formation à l’élève. Le « référentiel de compétences » ce sont des critères que doit suivre une formation si elle veut avoir tel ou tel label.
« Ce qui m’agace, c’est la volonté de plus en plus visible de piloter et normaliser les contenus via des mécanismes dans ce genre, volonté de grands normalisateurs en chef qui croient savoir ». Une fronde anti-CTI ?
22 juin 2011 à 21:30
Rachel
Merci étudiant, c’est intéressant. Plein de choses à discuter prochainement, si je trouve le temps de faire des billets.
Sur le site du ministère: http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid56610/nouvelle-licence-une-nouvelle-formation-pour-un-nouveau-diplome.html
22 juin 2011 à 23:19
jako
Rachel, « livret de compétences » et « référentiel de compétences » participent de la même logique, non? Atomiser le savoir, le fragmenter à l’infini pour n’exiger que la satisfaction de sous-tâches indépendantes les unes des autres, transférables, portefeuille numéricables, reproductibles, calculables et contrôlables. Ah c’est sûr là on est loin de Humboldt…
PR27, vous allez adorer ceci:
http://pythacli.chez-alice.fr/recent34/livretscompetences01.htm
http://www.emancipation.fr/spip.php?article566
http://www.skolo.org/spip.php?article1099
Cliquer pour accéder à Rapport_version_EPIC.pdf
P.S. Dans le référentiel des compétences de licence en géo, on trouve ici: « Capacité à repérer et critiquer les présupposés idéologiques »
Cliquer pour accéder à ReferentielsLicencesSHS.pdf
On pourrait proposer comme exercice aux étudiants d’analyser et critiquer « les présupposés idéologiques » du référentiel des licences…
23 juin 2011 à 21:26
MAxime
Rachel vous avez écrit « Il faut donc créer des formations distinctes pour sortir du moule qui ne fonctionne plus. »
Mais si à la place de s’occuper des écoles d’ingénieurs… de chercher à les titiller en créant des masters… de le faire en plus d’avoir créé des écoles internes… on s’occupait de balayer devant sa porte et on améliorait l’université !
Les universités passent plus de temps à s’accaparer le périmètre ingénieur, qu’à penser à améliorer leur taux d’emploi à la sortie ! Plus de temps à copier un modèle qui marche, qu’à pousser leurs idées dans les écoles internes ! Plus de temps à ne pas vouloir mettre de sélection, et à la faire en M1 !
PS : le Ministère n’aide pas beaucoup non plus… en réalisant des enquêtes d’insertion pro 30 mois après le diplôme… Oui 30 mois vous avez bien lus ! Source : http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/pid24624/taux-d-insertion-professionnelle-des-etudiants.html?filterAcad=18&filterUniv=&filterDomain=&submit=OK#divFilterAcad
23 juin 2011 à 22:12
PR27
Le fameux moule des écoles d’ingénieurs…
Ce qui est étonnant, c’est la grande diversité de l’organisation des études si on examine l’ensemble des écoles. Le document R&O de la CTI est épais, mais laisse beaucoup de marges de manoeuvres…
Maxime, il y a du solide dans la demande universitaire : le constat est qu’il y a plein de bac+5 universitaires qui font un job d’ingénieur, qui sont formés pour, que leur employeur apprécie, … les IUP s’appelaient « ingénieur-maître », maintenant on a gardé le cursus en le passant à bac+5, il n’est pas illégitime que les formations concernées puissent se qualifier l’ingénierie – je dirais même que c’est la moindre des choses.
23 juin 2011 à 22:28
Rachel
Maxime, pour cette histoire de « moule qui ne fonctionne plus », c’est le nouvel économiste qui emploie cette expression. Donc j’en déduis logiquement (et de façon provocatrice) que si ça ne fonctionne plus, il faut alors sortir de cette formation. Mais comme je le précise plus haut dans les commentaires, je pense que si ce « moule » n’est pas forcement hyper-adapté pour des formations d’ingénieur tournées vers « l’innovation » (voir les trois lourds dossiers dont je donne les liens dans le corps du billet), il me semble qu’il fonctionne pour une grande majorité de formations, celles qui ne sont pas sur des créneaux de haute technologie, par exemple.
Pour tenter d’expliquer les choses autrement, je pense que certaines formations ingénieur devraient se débarrasser du « référentiel métiers » (ou l’alléger significativement) car en gros l’objectif c’est d’inventer des métiers qui n’existent pas encore. Faire des formations avecune forte interface recherche (donc avec les universités) me parait être une bonne direction, bref ça s’appellerait alors plutôt des masters d’ingénierie. La proposition initiale de l’AERES me semble pertinente, même si la forme reste discutable (peut-être maladroite ?). Si vous êtes un lecteur régulier de ce blog, vous savez aussi que le rapprochement écoles-universités est un thème qui me tient à cœur, et je vois dans ce projet une très belle occasion de travailler à ça. Je peux admettre que la tournure des évènements et les réactions de crispation provoquées ne laissent que peu d’espoir.
Quant à tenter d’améliorer l’université, c’est aussi une bonne idée. A ce que je connais, les maters sont de bonnes formations. Quand l’an prochain la gauche sera au pouvoir, il sera sélectif dès la première année (c’est écrit dans le programme). Le gros problème de l’université c’est surtout son premier cycle. Mais il y a certainement aussi des choses à améliorer en master aussi.
24 juin 2011 à 12:28
Etoile filante
Chère Rachel, je suis en phase avec la prière partie de votre argumentation. Il est tout à fait injustifié de dire que le moule ne fonctionne plus. Le problème est sans doute que le moule est trop rigide et que son périmètre est trop restreint. La proposition d’un modèle supplémentaire d’ingénieurs à forte interface recherche est judicieuse. Mais ce que je ne comprend pas c’est la stratégie adoptée pour le faire exister. Pourquoi commencer par une provocation et une attaque frontale des institutions représentatives des formations d’ingénieurs, qui ne pouvaient que se braquer ? Encore, cela on peut l’expliquer par de vielles rancunes. Mais pourquoi vouloir délibérément court-circuiter les écoles d’ingénieurs universitaires ? Est-ce une jalousie des UFR contre les écoles ? Pourriez-vous nous aider à comprendre ce point qui reste mystérieux.
24 juin 2011 à 17:46
Astronaute en transit
J’aimerais bien « mouler le moule » pour voir si ces développements pourraient être porteurs d’opportunités pour nous vacataires!
24 juin 2011 à 23:19
Rachel
Pourquoi commencer par une provocation et une attaque frontale des institutions représentatives des formations d’ingénieurs, qui ne pouvaient que se braquer ?
Il faudrait plutôt demander à l’AERES, du moins si je comprends correctement votre question. Pour ma part je ne l’ai pas vraiment interprété comme ça, mais libre à vous de le faire comme tel.
Mais pourquoi vouloir délibérément court-circuiter les écoles d’ingénieurs universitaires ? Voir plus haut, c’est déjà discuté dans plusieurs commentaires (et pas que de moi).
Est-ce une jalousie des UFR contre les écoles ?
là j’ai du mal à comprendre cette question. Avez-vous des éléments qui pourraient laisser penser à une jalousie ? Je suis curieuse de les examiner. Il y a clairement une opportunité d’occuper un créneau non pourvu actuellement, c’est assez naturel que des établissements (ici universités) se positionnent, est-ce vraiment condamnable ?
24 juin 2011 à 23:22
Rachel
Masters d’ingénierie versus écoles d’ingénieurs : le réseau FIGURE jette un nouveau pavé dans la mare (sur Educpros)
http://www.educpros.fr/detail-article/h/e469f2c2b3/a/masters-dingenierie-versus-ecoles-dingenieurs-le-reseau-figure-jette-un-nouveau-pave-da.html
25 juin 2011 à 06:44
PR27
Voici la différence entre écoles internes et la future formation :
» Là encore, Patrick Porcheron parle de complémentarité : « les écoles internes ont souvent été conçues pour assurer la promotion sociale et former des ingénieurs très opérationnels. Les diplômés de masters d’ingénierie auront une base conceptuelle plus forte et seront destinés à des métiers plus ‘corporate’.» »
Voilà donc l’explication. ‘corporate’ vs conceptuel. L’intelligence de la main vs. L’intelligence tout court. L’idée est donc de faire un machin de prestige (sélectif), de refiler les élèves moyens, qui ont l’intelligence et le poil dans la main, à l’école interne, et d’en récupérer les meilleurs en leur expliquant que leur potentiel conceptuel doit trouver un environnement réellement à leur hauteur…tiens, au fait t’as vu les sujets de thèse ? Rappelons que l’argumentaire des UFR avait commencé par le souhait de faire reconnaître que, de fait, beaucoup de master avaient des jobs d’ingénieurs…
C’est de bonne guerre, mais il n’y a pas grand chose à comprendre de plus je pense. Si on discute et qu’on raisonne en essayant de construire un paysage global de formation pour coller au mieux aux étudiants existants et aux débouchés, on se trompe. En pratique, c’est juste la bagarre pour récupérer les meilleurs étudiants, les meilleures étiquettes (ou en fabriquer), etc…
Rachel, je ne comprends pas bien l’histoire des référentiels métiers de la CTI. La CTI ne définit par les contenus pédagogiques ni les positionnements métiers, elle oblige à argumenter leurs demandes d’accréditation des spécialités ingénieurs selon un certain nombre de critères. Par ex. si on dit qu’on prépare aux métiers de demain, il faut le démontrer au mieux, en attester par des témoignages probants de dirigeants d’entreprises, pouvoir montrer des chiffres ; convaincre que ça n’est pas principalement un prétexte pour enseigner son hobby de recherche.
25 juin 2011 à 10:12
Rachel
PR27, c’est étonnant que vous ne compreniez pas cette histoire de référentiels métiers. Je vous renvoie au document et référence de la CTI. Le cadrage, pilotage, standards et références y sont expliqués en détails.
Je trouve un peu réducteur de conclure que cette histoire se limite à une guéguerre entre université et écoles, ou à une une simple stratégie pour alimenter les labos en thésards. Mais libre à vous de l’interpréter comme cela, moi les raisonnements binaires et conclusions péremptoires ne me passionnent pas plus que ça. Mais j’admets toutefois que balayer tout ça du revers de la main est effectivement une solution au problème.
25 juin 2011 à 11:07
Etoile filante
Rachel, je vois que mes questions sur le court-circuitage des écoles universitaires vous énervent. Pardonnez-moi. Ce n’était pas mon intention. J’essaie juste de comprendre ce qui me paraît absurde. Dans vos premiers commentaires vous parliez d’opportunité pour les écoles universitaires. J’en était d’accord. Puis vous avez reconnu que le projet les shuntait : « Pourquoi les écoles universitaires ne semblent pas associées au projet ? c’est effectivement curieux et anormal. Dans ce contexte, je ne pense pas que ce projet de réseau aboutira. » Je suis aussi d’accord avec vous. Ne comprenant toujours pas, j’espérais que vous aviez au moins des hypothèses pour expliquer ce choix.
Faute d’une explication plus plausible, je partage l’interprétation de PR 27. Mais cela décrédibilise considérablement le projet. Cela revient à dire « on veut créer une nouvelle catégorie d’ingénieurs, mais en dehors de nos écoles, parce qu’on en ne les trouve pas assez bonnes. » Et prétendre que c’est de la faute de la CTI ne change rien au côté pervers de l’argument. Finalement, c’est se lancer dans une course en se tirant une balle dans le pied.
25 juin 2011 à 13:00
PR27
Rachel, vous connaissez mon incompétence et ma péremptitude sans date de péremption. Je viens de me perdre dans le R&O, ça manque d’illustrations pour moi. Par ex., pour ma part je forme des ingénieurs en informatique. Pouvez-vous m’indiquer où je dois savoir quoi leur enseigner en matière d’informatique ?
Pour le plaisir d’instruire étoile filante et moi-même, pouvez vous nous expliquer les formations conceptuelles vs. opérationnelles et la différence des formations conceptuelles avec les masters recherche ?
25 juin 2011 à 16:46
Rachel
Etoile filante, étant donné que ce point (des écoles universitaires) avait déjà été discuté, il me paraissait plus simple de renvoyer à cela. Inutile de l’interpréter comme de l’énervement. La réaction de la CTI est assez explicite : on est dans le credo de la défense d’un périmètre et du mot « ingénierie », comme si ce dernier était une marque déposée et devait rester un apanage des écoles. Il aurait pu y avoir une réflexion plus globale incluant universités et écoles sur ce problème d’innovation jugée par certains comme étant défaillante car quand un moule ne fonctionne plus, la moindre des choses serait de le réparer. Pour résumer, le « choix » fait par le réseau figure me semble être par défaut, et je le regrette moi aussi. Mais je ne livre là qu’une interprétation personnelle, et si vous avez des éléments concrets je serai heureuse de les lire, cela fera avancer la discussion. Je me doute que c’est le cas, mais je les attends toujours. Je serai un peu déçue d’avoir à faire un constat de procès d’intention.
OK pour vous de rejoindre le PR27 mais je n’appelle pas cela rejoindre une interprétation. Car de l’argumentaire je n’en ai point lu. J’ai surtout lu des propos arrogants et parfois assez blessants pour les collègues des UFR.
Il suffirait d’expliquer pourquoi l’idée de ces masters d’ingénierie vous parait être une mauvaise idée, bref de sortir de l’attitude défensive pour aller vers une attitude ouverte à une discussion sans préjugés. J’attends donc cet argumentaire avant de poursuivre la discussion.
25 juin 2011 à 17:35
PR27
1) « J’ai surtout lu des propos arrogants et parfois assez blessants pour les collègues des UFR » : diable, lesquels – je prends juste le jour et l’heure…
2) où ai-je dit que ces masters d’ingénierie étaient une mauvaise idée ? 23 juin 22:12 je donne plutôt un argument favorable.
Il y a 2 choses : les masters d’ingénierie tels qu’ils sont discutés depuis 6 mois ; les masters figurex. C’est assez différent.
25 juin 2011 à 18:10
Rachel
1) 21 juin 2011 à 09:09 – 21 juin 2011 à 10:33 (déjà discuté et vous en avez tenté une clarification 21 juin 2011 à 16:25) – 25 juin 2011 à 06:44
2) vous êtes assez clairement selon la ligne CTI, il me semble, non ? Si ce n’est pas le cas, il faudrait alors m’expliquer votre positionnent, je m’en voudrais de mal l’interpréter. Il faudrait aussi m’expliquer pourquoi cet intitulé de « master figurex », je vous ai déjà demandé mais pas de réponse … moi je parle juste des masters en ingénierie.
25 juin 2011 à 18:33
Etoile filante
J’aurais bien du mal à vous expliquer pourquoi l’idée est mauvaise puisque je la trouve excellente. Mais il ne faut pas mélanger le fond et la forme.
Mon attitude ne saurais être qualifiée de défensive, n’ayant, à la différence de vous, aucun enjeu dans l’affaire. Et je ne vois pas quels propos de moi vous qualifiez d’arrogants ou blessants pour les collègues d’UFR. Ce que je constate une nouvelle fois est que, quand vous êtes embarrassée par des arguments, vous faites comme s’ils n’avaient pas été exprimés et vous demandez… des arguments.
Mais je veux bien répéter les miens.
1) L’idée de créer, en complément des formations existantes, des formations d’ingénieurs plus inspirées par la recherche et plus orientée vers l’innovation me semble excellente et n’appelle aucune réserve de ma part. Et je pense, comme vous, que les universités ont des atouts à faire valoir dans cette perspective. C’est le point de fond le plus important, non ?
2) Mais il n’est nullement nécessaire pour cela de créer un standard de « master en ingénierie » séparé du standard « ingénieur », de plus en dehors des écoles d’ingénieurs universitaires. Ce serait créer un grande confusion, notamment au plan international, les deux diplômes se traduisant en « Master in/of Engineering »
3) Vous faites un procès d’intention à la CTI en prétendant qu’elle fera obstacle à la création de ces formations. Je pense qu’elle ne le fera pas si ces formations ne sont pas présentée comme des « anti-formations d’ingénieurs ». Ce titre étant, ne vous en déplaise, une marque déposée, non par les écoles, mais par la loi. La loi peu changer, certes. Seriez-vous une partisane de la déréglementation des diplômes ?
4) Je vous invite par ailleurs à relire notre confrère PR27 qui argumente le choix de créer ces Masters en ingénierie en dehors des écoles : « voilà donc l’explication. ‘corporate’ vs conceptuel. L’intelligence de la main vs. L’intelligence tout court. L’idée est donc de faire un machin de prestige (sélectif), de refiler les élèves moyens, qui ont l’intelligence et le poil dans la main, à l’école interne, et d’en récupérer les meilleurs en leur expliquant que leur potentiel conceptuel doit trouver un environnement réellement à leur hauteur… ». Si vous avez une meilleure explication à ce choix, je serais heureux de la connaître. Je vous l’ai déjà demandée, sans avoir de réponse.
Ne vous fâchez pas, chère Rachel, argumentez…
25 juin 2011 à 18:37
PR27
1) Sur le premier, je me ré-explique : ce qui m’intéresse n’est pas les boutiques (quels élèves vont où), mais quelle offre globale on fournit aux jeunes (quels flux entrants/sortants/formations/emplois), avec un point de vue « table rase » (irréaliste mais nécessaire à la discussion à mon sens), ou du moins omission de »quels étudiants dans quelle boutique ».
2) ça tourne en rond. Je trouve que tout cela est mal posé (pas par vous, mais par les acteurs) et à énoncé bancal non régularisé, ça ne converge pas.
3) les figurex semblent être la principale nouveauté de ce fil de discussion. L’ambition n’est plus ici d’affecter le qualificatif d’ingénierie à des formations qui le sont de fait, à très peu de choses près, mais de créer de nouveaux types de formation. Je m’interrogeais sur le caractère peut-être malthusien de ces formations et sur leur différence avec les masters recherche et les masters bling bling prévus dans les idex.
25 juin 2011 à 21:58
Rachel
Etoile filante, je ne me fâche pas, et je suis contente de pouvoir enfin lire un peu de développement argumenté. Cela clarifie la discussion. Il me semble que de mon coté, j’ai déjà beaucoup fait (ici mais aussi dans les nombreux autres billets consacrés au même sujet). Si sur le fond nous sommes d’accord, il reste néanmoins la forme, car pour l’instant nous sommes de toute évidence devant une impasse.
1) super, c’est effectivement le plus important, je vous rejoins.
2) au contraire de vous, je pense qu’il faut justement créer un label de « master en ingénierie », cela permet de clarifier un positionnement par rapport aux autres formations d’ingénieurs plus classiques (au format CTI). D’un point de vue international, ça ne sera un problème, le « master of engineering » est bien reconnu. Les autres formations d’ingénieurs ont aussi demandé et obtenu le label de master, ce qui leur permet elle aussi d’avoir la lisibilité internationale du diplôme. Vue de l’extérieur, cela ne sera qu’une palette de « « master of engineering » qui se différencieront par le contenu des formations. Je pense qu’ils ne comprennent pas grand chose à nos histoires de monstre à deux têtes.
3) je ne suis nullement pour une déréglementation des diplômes. Pour moi il y a deux solutions possibles : soit la CTI évolue et reconnaît que ce type de master est pertinent, alors elle l’accréditera. Si elle persiste dans sa vision étriquée, alors reste la solution d’une habilitation par le ministère (peu de chance de succès dans ce cas). La solution proposée par le réseau Figure actuellement me semble être un espèce « d’auto-label », comme une forme d’auto-proclamation d’être un master d’ingénierie. Je doute que ça soit la bonne voie à suivre.
4) ‘corporate’ vs conceptuel : je n’aime pas spécialement cette présentation. Elle se base encore une fois sur une opposition et a nulle chance de séduire la vieille dame. Partir sur cette base est catastrophique. Le PR27 semble aussi accrocher cela à une démarche plus globale associée aux bidulex, à vrai dire je n’ai pas encore bien compris si c’était une interprétation personnelle ou bien il en sait plus que moi sur la démarche du réseau figure ? s’il faut ajouter à cela un label d’excellence, je ne suis pas contre mais j’avoue être un peu saoulée d’excellence, et puis pour ma part j’ai raté mes bidulex. Je préfère la démarche de la différence et du créneau mal pourvu par des ingénieurs déficients en innovation, quelque chose qui permettrait d’envisager qu’on ne perde pas sur le terrain de la R&D (car à mon avis on n’est pas prêt de regagner celui de la ré-industrialisation). Je pense qu’il y a trop de standards ou de référentiels dans le format CTI. Ca ne peut pas être compatible avec un monde complexe et multiforme (pour reprendre ces mots qui ne sont pas de moi). On ne travaille pas les métiers de demain en formatant les formations avec les fiches métiers du pôle emploi sous les yeux. Faut inventer autre chose, et franchement je ne saurai trop vous dire quoi dans les détails mais le faire sur l’interface du monde des ingénieurs et du monde de la recherche académique me parait attrayant. Prenez le comme une intuition (ou une considération extraterrestre) : c’est vers là qu’il faut aller.
25 juin 2011 à 22:02
Rachel
PR27, pourquoi appeler cela « figurex » ? Y associez vous un lien avec la construction labex-idex ?
26 juin 2011 à 10:45
Etoile filante
Merci de votre réponse Rachel, Vous voyez que nous sommes d’accord sur le fond et sur la constatation que la façon dont a été lancée cette affaire est calamiteuse. D’où la question lancinante : pourquoi des gens qui ne sont pas forcément sots ont choisi cette voie, qui est une impasse.
Ils font un bras d’honneur à la CTI, ce qui n’est pas la meilleure façon de lui demander des accréditations. Le « Master » étant un diplôme national il faut l’habilitation du ministère, qui est exclue dans l’avenir immédiat. L’auto-accréditation, comme vous dites, ne peut fonctionner que pour des diplômes d’université, qui ne peuvent porter le nom de Master. Le DGESIP, Patrick Hetzel a écrit récemment aux écoles de commerce qui utilisent abusivement le mot Master pour les mettre en garde contre les poursuites auxquelles elles s’exposent. On ne voit donc pas le Ministère laissant des universités créer des diplômes d’université baptisés « Master ». Alors ?
Je suggère une hypothèse explicative. Derrière cette manoeuvre, il y a un « hidden agenda » comme on dit en science politique. Cet agenda caché est de nature politique. Même si le projet du PS reste flou sur le chapitre des grandes écoles (« rapprochement » avec les universités), certains responsables politiques ont été déçus par cette modération et rêvent toujours d’une disparition des grandes écoles (ex.Peillon, Eva Joly pour les derniers qui se sont exprimés). Certains responsables universitaires aussi.
Après les tentatives de l’AERES d’absorber la CTI et le Rapport Chabbal, le réseau Figure prend son sens comme une étape dans un processus dont l’échéance est l’après 2012. Ceci est à relier au congrès de Toulouse de la CPU où on a entendu des discours sur la « nécessaire unification de l’enseignement supérieur ». Le projet Figure, dans cette hypothèse, a moins pour objet de créer des diplômes nouveaux (cf. l’impasse décrite ci-dessus) que de contester frontalement la CTI. Dans cette hypothèse encore, prétendre créer ces diplôme en dehors des écoles universitaire a également du sens : c’est le concept d’école qu’il faut contester. Figure apparaît comme de la gesticulation en perspective d’une future mise en cause de la loi de 1934, base de la CTI, elle-même pilier du système des grandes écoles.
Que pensez-vous de mon hypothèse ? Surtout ne parlez pas de théorie du complot. Là il s’agit de vrais acteurs, qui agissent au grand jour et dont les motivations sont explicites. On appelle ça la politique.
26 juin 2011 à 10:57
PR27
Pour ma part, je ne vois rien d’autre qu’une simple concurrence pour attirer les meilleurs étudiants. Vous avez bien de la chance de participer à des réunions où on dit autre chose que « visible » et « ‘attractif ». Pour ma part, j’en vomis mon quatre heures… Pour reprendre Ockham et Bayes, je ne chercherais pas d’explications plus complexe qui explique bien les données.
Peillon et Joly n’ont, à ma connaissance, jamais détaillé les aspects techniques de leur démarche. Ils reprochent principalement, à mon souvenir, la différent de moyens financiers attribués aux divers types d’étudiants. Or, même si je le souhaite, je ne suis pas encore convaincu que tout mettre sous des grands chapeaux universitaires va, par principe, assurer plus d’égalité dans les moyens/étudiant.
Ce qui est intéressant, c’est que l’UPMC est signataire de figure et possède un polytech. C’est un peu un cas particulier, parce qu’on y trouve de nombreux bons masters reconfigurables en formation d’excellence (meilleure que le polytech local).
26 juin 2011 à 14:27
Rachel
Etoile filante,
1) A mon sens, l’affaire n’a pas été lancée de façon calamiteuse. Le constat est argumenté, ne me parait pas dénué de sens (même si on peut le discuter, bien évidemment) et les propositions de création de master d’ingénierie me paraissent pertinentes. Ce qui est calamiteux c’est la réaction de la CTI. Mais laissons là ce point de forme, nous ne parviendrons pas à nous mettre d’accord.
2) Le réseau figure semble vouloir, au moins dans un premier temps, délivrer une « auto-label » (sous condition que j’ai compris correctement, à vrai dire ce n’est pas très clair), je n’ai nullement parlé « d’auto-accréditation », ne mélangeons pas tout. Je pense qu’il s’agit bien entendu d’un signal pour dire que nombre de titulaires de master font dans les entreprises un métier d’ingénieur et qu’il est un peu aberrant qu’ils ne puissent pas bénéficier du « label ingénieur » qui reste encore en France assez valorisé et qui compte l’évolution de la carrière professionnelle des gens.
3) Pour V. Peillon, je crois savoir que sa prise de position sur les grandes écoles date de janvier 2010, c’est-à-dire bien avant le rendu public du projet du PS sur ce thème (rendu public en mai 2011, qui est effectivement très flou). Je ne pense pas que l’on puisse l’accuser de réaction de déception face au projet du PS. Si V. Peillon s’est exprimé sur ce sujet depuis, alors j’ai l’ai loupé. Je peux lire ça où ?. Quant à E. Joly, son propos a été considéré comme malheureux par son entourage proche (en particulier par son collègue en charge de l’éducation dans son parti).
4) Il y a un élément que vous oubliez de prendre en compte, ce sont les critiques (venant parfois du milieu des écoles elles mêmes, embarrassant …) qui pointent certaines déficiences des écoles, en particulier sur le thème de l’innovation et de l’entreprenariat. Sur la polémique en question, je ne vois nullement d’acteurs politiques qui agissent au grand jour. Citez-moi lesquels, et nous en discuterons ensemble de leurs motivations politiques.
26 juin 2011 à 14:31
Rachel
PR27, bien entendu la concurrence écoles-universités est un élément du dossier. Mais dire que ça se résume à ça me parait très réducteur. Il y a d’autres problèmes de fond qui sont tout aussi importants : déficience en innovation et entrepreneuriat, faiblesse de notre recherche privée, démocratisation en berne (ou verrou social), % de filels qui n’évolue pas, difficultés d’attirer les meilleurs éléments vers les écoles d’ingénieurs, micro-élitisme, positionnement dans le contexte international (ou esprit gaulois), standard de formation très discutable et verrouillé, j’en oublie certainement. Pensez-vous réellement que l’on réellement balayer tout ça et dire que tout va bien ? quand on confie aux écoles la formation de l’élite du pays, on est en droit être exigeant, ou au minimum de poser des questions.
26 juin 2011 à 14:52
PR27
« standard de formation très discutable et verrouillé » : c.a.d. ? J’ai passé ma matinée à feuilleter le R&O à la recherche de la définition standardo-médiocre des cursus… vraiment, je suis nul en biblio aidez moi. Quels points précis sont verrouillés ? Je suis là pour m’instruire….
« micro-élitisme ». Les formations d’ingénieurs ont des tailles de promo souvent plus grande que leur équivalent bac+5 dans les fac de sciences. La micro-élite est majoritaire.
« esprit gaulois » : dans la plupart des écoles d’ingénieurs, le séjour à l’étranger est obligatoire et un niveau minimum au TOEIC est requis pour avoir le diplome. Beaucoup d’enseignement en anglais.
on pourrait continuer….. mais je suis preneur de remarques précises, souhaitant volontiers changer d’avis. Je ne travaille pas dans une grande école….
26 juin 2011 à 15:00
PR27
Un point intéressant où l’AERES et la CTI diffèrent : l’AERES met des notes (et donc fait des classements). La CTI habilite des formations pour n années (entre 2 et 6, 0 si c’est vraiment la catastrophe). On peut détourner la durée d’habilitation pour faire un classement, mais ça n’est pas l’esprit de la CTI. Par des évaluations à mi-parcours portant sur les points qui posent problèmes, la CTI peut faire évoluer rapidement les appréciations sur ces aspects critiqués. Par contre, malgré les remarques de l’ENQA, l’AERES ne met pas à jour les notes, même quand des remèdes peuvent être apportés rapidement.
26 juin 2011 à 16:21
Rachel
PR27, la CTI donne une définition de ce que doit être un ingénieur selon elle et en conséquence impose un certain nombre de critères sur les formations mais également sur les structures qui portent les formations. Introduction du R&O« Les écoles qui souhaitent délivrer des diplômes d’ingénieur doivent satisfaire un référentiel et des standards définis dans les documents qui suivent » http://www.cti-commission.fr/-Guides-references-et-procedures- On notera que ça s’adresse aux écoles. Le document référence et orientation les précise http://www.cti-commission.fr/IMG/pdf/RetOpfv17postimpression.pdf (voir aussi els cahiers complémentaires). On pourra lire par exemple que les objectifs de formation doivent être une réponse à des besoins professionnels explicites (référentiels métiers). « Les objectifs de formation sont exprimés sous forme de référentiel de compétences en termes de connaissances, de capacités et de compétences générales (nécessaires à tout ingénieur) ou spécifiques (liées au domaine ou à la spécialité) par rapport à des métiers définis par des référentiels métiers. ». Ceci dit, je n’ai pas trop de problème avec ça, une formation ne peut pas être n’importe quoi, je n’ai rien contre les référentiels ou la démarche par compétences. Mais quand on parle de formations tournées vers l’innovation, on devrait aussi savoir lâcher un peu la bride.
Un exemple de critère qui fait que certaines formations d’ingénierie ne plaisent pas à la CTI (ici critère généraliste). Ca se passe à l’université Paul Sabatier Toulouse, à propos d’anciens IUP. 4 d’entre eux sont refusés à l’accréditation CTI pour cause de cursus pas assez généralistes. Bien entendu (certainement en conséquence ?) l’UPS s’inscrit dans le réseau Figure. http://www.educpros.fr/nc/rss/article-rss/a/faculte-des-sciences-et-de-lingenierie-l-universite-paul-sabatier-toulouse-3-se-reorganis.html
« Micro-élitisme », OK avec vous. Je pense que cette critique s’adresse plutôt aux grandes-grandes écoles, celles du ventre mou ont surtout des problèmes de recrutement. Je précise que je n’ai rien contre les formations élitistes.
Esprit gaulois : le sujet est plutôt le concept d’ingénieur à la française. OK avec vous sur les gros efforts fait le niveau d’anglais et les stages à l’étranger.
26 juin 2011 à 17:03
Etoile filante
Rachel,
1) ce n’est pas le diagnostic qui est calamiteux, il y a une opportunité pour lancer des formations d’ingénieurs innovantes, c’est la façon de lancer une prétendue solution en voulant disqualifier la CTI.
2) Pouvez-vous préciser la différence que vous faites entre un auto-label et une auto-accréditation. C’est un peu trop subtil pour moi.
3) Je ne vais pas faire le pointage de ceux qui veulent supprimer les grandes écoles. Ils sont trop nombreux. J’ai juste cité ces noms comme exemples. Lisez l’ouvrage de Peillon. Et ce n’est pas parce que l’entourage d’Eva Joly a essayé de camoufler sa sortie qu’elle ne l’a pas prononcée. Même le NouvelObs l’a trouvé « inepte ».
4) je ne nie nullement les critiques formulées contre l’insuffisance des écoles en matière d’innovation. Si je les niais, je ne serais pas en faveur de ces formations innovantes. Les acteurs dont je parle sont ceux qui instrumentalisent certaines insuffisances des écoles pour remettre en cause l’ensemble du dispositif des écoles.
26 juin 2011 à 19:23
Rachel
2) pour moi aussi. J’avais en tête une vague hiérarchie entre les deux, mais j’admets que le terme « auto-accréditation » ne veut absolument rien dire.
3) Pour Eva Joly, j’ai tendance à être d’accord avec vous. Pour Peillon, à vrai dire je n’en sais rien, je n’ai pas suivi ça avec attention et je n’ai pas lu son livre. Sans faire le pointage exhaustif, on pourrait quand même discuter des menaces les plus grandes. Dans le commentaire précédent, vous parliez « de vrais acteurs, qui agissent au grand jour ». Moi je n’ai rien lu de tel récemment (et admettons ici d’étendre le champ à ceux qui veulent supprimer les grandes écoles, bien que nous discutions la polémique AERES-CTI-masters d’ingénierie).
4) Pensez-vous que je joue ce jeu ?
26 juin 2011 à 20:26
PR27
Ah, on finira bien su un diagnostic partagé, comme on dit de nos jours.
Si on s’en tient à la part du salariat (vs. montage de boite), y a t-il beaucoup d’employeurs qui se plaignent d’un manque de diplômés au courant des avancées de la recherche, employeurs qui ne seraient pas non plus satisfaits des masters recherche ? Ou alors, joue t-on sur les cent interprétations possibles de « innovation » pour satisfaire tout le monde (« innovation », ça sonne « recherche », mais ça sonne aussi « emploi », ça sonne « anti-délocalisation », bref ça sonne bien aux oreilles de toutes les parties prenantes, même le pédagogiste l’interprétera comme « formation innovante », sur son élan).
Merci pour ce pointeur UPS, c’est du concret, intéressant. J’ai regardé la spécialité du domaine que je connais le mieux, mais « malheureusement » c’est
celle là qui est passée. La maquette de cette spécialité semble assez ordinaire, dans le document que j’ai pu lire. Je n’ai pas trouvé les remarques désagréables de la CTI in extenso sur le site de la vieille dame.
Ca serait vraiment en voyant quelques exemples de maquettes pédago bien précises sur ces formations R&D que j’aurai un mot de plus à dire. Qu’est-ce qu’on met en plus, qu’est-ce qu’on met en moins ? On regarderait cela ensuite, en parallèle avec les cursus ingénieurs existants.
Moi non plus, je n’ai rien contre les formations élitistes, mais j’ai quelque chose contre les chefs dont la perspective pour la jeunesse est *restreinte* à se battre pour cette élite, se disant que les autres élèves pourront bien aller chez ce gros nul de voisin et on va bien choper un MC dans le couloir pour s’en occuper.
Etoile Filante, à quelle bouquin de Peillon faites-vous référence ? Peillon/Darcos/Davidenkoff, août 2009 ?
27 juin 2011 à 10:43
Etoile filante
PR27, oui il y a ce livre et plus récemment des interviews sur ce sujet. Par exemple, sur le blog de Vincent Peillon il y a la video d’une longue émission sur la jeunesse dans laquelle il précise ses critiques contre les CPGE et les GE.
27 juin 2011 à 11:04
Etoile filante
Rachel, je ne crois pas que vous jouez ce jeu et je n’ai pas dit cela ni ne l’ai laissé entendre. J’ai juste évoqué une hypothèse pour expliquer ce qui reste inexplicable, la stratégie en forme d’impasse choisie pour créer ces « masters d’ingénierie ». Je reste bien dans le sujet. PR27 avait proposé une autre hypothèse. Je vous ai déjà demandé si vous aviez, de votre côté, une explication à proposer. Mais si vous n’en avez pas, cela ne fait rien. Il y a tant d’inexpliqué dans l’espace intergalactique. Et 65 commentaires, ça commence à faire beaucoup, non ?
27 juin 2011 à 14:35
Rachel
Etoile filante, vous avez raison de souligner qu’il reste beaucoup d’inexpliqué dans l’espace galactique, les bras m’en tombent ! ma mission précédente était plus facile : il s’agissait de sauver la princesse Masakobu, enlevée par les Morbatochus (des méchants). J’ai alors sauté dans mon vaisseau et avec mon canon spintronique à fusion effervescente j’ai ramené tout le monde à la raison (et sauvé la princesse). Ma mission actuelle est plus complexe, dans un espace complexe et multiforme, fait d’univers parallèles et fragmentés, d’agences qui se font des farces et des acteurs qui agissent au grand jour mais dont on ne connait pas les noms. Pas simple.
J’ai déjà tenté de vous donner mon interprétation sur l’histoire qui nous préoccupe, mais vous ne semblez pas satisfait des réponses. Je le regrette bien entendu, mais rassurez-vous, je ne vais pas recommencer, je pense moi aussi que ça suffit pour l’instant. Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir dans un billet futur.
4 juillet 2011 à 19:44
LaurentC
Je me permets juste un mot sur le sujet. La CTI s’est déclarée opposée à cette initiative non sur la base d’une analyse sur le fond mais beaucoup plus simplement parce qu’elle n’avait été ni informée, ni a fortiori consultée.
Et la question des écoles internes est centrale.
Merci pour vos échanges toujours aussi riches.
4 juillet 2011 à 21:29
PR27
LaurentC, merci de cette intervention. J’espère que vous aurez plus de chance ou de force de conviction que moi. Mais maintenant, les « figure » ont résolu le problème : les écoles internes sont des petites mains gentilles mais pas futées, dont le recrutement a une vocation sociale, alors que les masters figure (taratara sonnez trompettes) sont conceptuels. Le premier qui dit qu’ainsi, les enseignements sont tous payés en CM et pas besoin de monter des TP, sont vraiment de mauvaise foi.
4 juillet 2011 à 22:56
Rachel
Merci Laurent, je comprends votre position, elle m’interpelle tout autant que vous. Mais on peut essayer de voir les choses autrement, et c’est ce que je tente de faire. Pourquoi considérer ces masters comme une menace ? Pourquoi ne pas envisager que ça puisse être une opportunité ? bref pourquoi les écoles internes auraient forcement à perdre dans l’opération ? Elle pourraient être partenaires (pourquoi pas porteuses ?) de ce type de master d’ingénierie, plutôt que de se la jouer panique à bord et développer un réflexe d’opposition, de rapport de force et d’affrontement (que je trouve un peu primaire). Certes il faudrait certainement affronter la foudre de la CTI, mais osera-t-elle mettre sur le banc ses écoles internes ? Rien n’est pire que de suivre un gourou un peu dépassé par les évènements. Si ces masters d’ingénierie sont pertinents, il faut y aller.
5 juillet 2011 à 08:42
LaurentC
Je n’ai aucun état d’âme sur le fait que si ces formations sont pertinentes il faut y aller. Une fois encore il ne faut pas oublier qu’une formation est faite pour les étudiants !! La logique élémentaire, qui est souvent absente des débats, serait effectivement de construire ces formations au sein des écoles internes. Le problème est que ces formations sont en certains lieux proposées en concurrence frontale avec celles des écoles internes. On retrouve le travers bien français : lorsque quelque chose ne fonctionne pas comme on le désire, on construit à coté.
Quand aux déclarations sur les formations conceptuelles qui vont fournir les ingénieurs innovants dont la nation a besoin, permettez-moi d’en sourire. L’école polytechnique bien connue pour son caractère conceptuel n’est pas me semble-t-il un modèle de formation qui mène ses diplômés à innover, prendre des risques, entreprendre. On feint de confondre encore une fois innovation et recherche.
Par ailleurs, la CTI sait habiliter des formations variées (quels sont les points communs entre la formation de l’école polytechnique et celle de l’ISEL du Havre par exemple ?) et elle pourrait tout à fait examiner lesdits masters en vue d’en faire des formations d’ingénieurs.
5 juillet 2011 à 08:48
PR27
Rachel (oui, ça n’est pas à moi qu’on parlait, mais comme je n’ai toujours pas compris, je continue à sautiller). En termes de contenus enseignés, un master d’ingénierie est-il un diplôme à mi-chemin entre un diplôme d’ingénieur et un master recherche ? Si les écoles internes « portaient » de telles formations, ça serait achever les UFR de sciences, les marginaliser sur quelques formations recherche uniquement théorique. Je persiste : le problème n’est pas la CTI ou trucmachin, mais quels contenus et différence de profil (à delà de la caricature affichée par les « figure »), quels flux entrants, sortants, quels débouchés, quelle coordination. Rappelons que les master figure affichent un recrutement sélectif au niveau bac. Si on généralise ça, comment coordonne t-on cela avec les premiers cycles intégrés (également sélectifs) des écoles d’ingénieurs universitaires ? Je pense qu’on doit nécessairement mutualiser les 2 premières années, au moins. Et ensuite, comment gère t-on les embranchements ? Désolé pour ces questions concrètes, mais je pense que la langue de bois n’est pas du côté qui le prétend.
5 juillet 2011 à 09:12
LaurentC
@PR27 : Ayant trempé au début de la réflexion sur ces masters, ce sont de mon point de vue de vraies formations d’ingénieurs, avec un volet recherche affirmé (on trouve ça par exemple à Chimie Paris même si ce n’est pas un excellent exemple). En tout cas, si la CTI examine ces formations, elle examinera également la cohérence de l’ensemble, enfin je l’espère ;-)
Je vous signale la déclaration de la CTI qui confirme sa volonté de ne pas se laisser enfermer dans une position ringarde : http://www.educpros.fr/detail-article/h/f3cee510f2/a/exclusif-titre-dingenieur-la-cti-reflechit-a-une-eventuelle-evolution-de-son-perimetre.html
5 juillet 2011 à 09:55
Rachel
Laurent, je ne suis pas persuadée que la logique voudrait que l’on mette ces masters dans les écoles internes. Un portage par les écoles internes serait une possibilité, mais si c’est pour les enfermer dans le moule rigide CTI, ça ne pourra pas marcher (j’ai tenté d’expliquer pourquoi plus haut). Je verrai bien une configuration d’interface. Si ce n’est pas le cas, alors il pourrait y avoir de très gros dégâts (coté UFR ou coté écoles internes – bref ça serait une guerre au sein des universités). C’est une bonne nouvelle que la CTI se questionne l’évolution du périmètre du titre d’ingénieur, ça prouve que la vieille dame a encore des ressources. De toute façon, la position actuelle n’est pas tenable.
PR27, peut-être faudrait-il attendre un peu afin d’avoir des premières versions des maquettes et objectifs de formation avant d’émettre un jugement sur ces masters. Vous avez par ailleurs une vision un peu apocalyptique des différentes possibilités de portage (pas d’alternative, l’un des deux doit être achevé ?). Mais je ne partage pas votre pessimiste, même si le pire est toujours possible bien entendu.
5 juillet 2011 à 10:08
Rachel
C’est follement amusant, CTI ça veut dire aussi « Commission pour la Technologie et l’Innovation » ! hihihihi …
5 juillet 2011 à 11:18
LaurentC
Rachel, j’avoue ne pas vraiment comprendre ce qu’est le « moule rigide » de la CTI et surtout en quoi le fameux R&O que connaissent toutes les écoles est incompatible avec le projet actuel de masters. Et je pense que dans le paysage dévasté actuel, ne pas ajouter du bruit au bruit serait appréciable. Car il faut penser que les futurs diplômés vont vouloir se présenter comme étant des ingénieurs. Et là on entre dans la douce subtilité de la langue française. Ils pourront affirmer qu’ils sont ingénieurs dans leur position professionnelle, et pourront même être inscrits au Répertoire des Ingénieurs (je rappelle qu’il n’existe pas d’ordre des ingénieurs en France). Mais il leur sera interdit de dire qu’ils sont ingénieurs diplômés, titre protégé par la loi…
Après, que ces formations soient effectuées à l’intérieur de telle ou telle structure ou sous-structure est de mon point de vue un autre débat, qui touche à l’organisation interne des universités.
Pour vous convaincre de la diversité des formations d’ingénieurs, allez voir par exemple l’école nationale de la nature et du paysage de Blois (http://www.ensnp.fr/) qui est habilitée CTI et d’ailleurs assez adaptée à ce blog intergalactique car plutôt du genre OVNI.
Dernier point, l’UPS citée plus haut a obtenu la création d’une école d’ingénieurs (une seule spécialité habilitée aujourd’hui mais 4 supplémentaires en 2012) et monte en même temps des masters d’ingénierie…
5 juillet 2011 à 19:07
Rachel
Laurent, le document R&O donne des critères pour l’admissibilité à la candidature à une accréditation ingénieur (stages, niveau de langues, gouvernance forte du porteur, intervenants extérieurs, moyens propres, etc …). Elles revendiquent un schéma basé sur le 2 + 3 ans. Bref ça fait au bout du compte une certain formatage du métier d’ingénieur (à la française). Ce modèle a montré ses mérites, le propos n’est pas de le remettre en question. Mais on peut convenir aussi qu’ailleurs ça ne marche pas comme ici et pourtant les ponts ne s’écroulent pas plus qu’ici, ce qui montre que ce modèle n’est pas unique.
Pour cette histoire du « moule qui ne marche plus » (document du Nouvel Economiste), c’est surtout le volet R&D-innovation qui est discuté, pas vraiment le reste. Un certain nombre d’autres observateurs ont indiqué également le faible investissement des entreprises en la matière. L’Etat se croit d’ailleurs obligé d’y consacrer un volume important de moyens par le biais des CIR (crédits Impôt Recherche) ou autres mesures incitatives, ce que je trouve un peu discutable car parfois l’essentiel des actions d’un service de R&D va dans les stratégies de captation d’argent public. Or il se trouve que les entreprises en France sont quand même beaucoup composées d’ingénieurs. Dans les services de R&D, ils sont majoritaires (bien que n’ayant jamais reçu de formation par la recherche), très loin devant les chercheurs. Alors compte tenu de cette situation, on peut se demander si les formations d’ingénieurs sont réellement adaptées à cette R&D, jugée parfois déficiente en particulier pour la haute technologie. Et quand on sait que les écoles ponctionnent l’essentiel des forces vives du pays, on est en droit d’être exigent et de se poser des questions sur notre avenir. Pour ma part je pense que l’essentiel de l’enjeu se situe à maintenir dans le pays un haut niveau de R&D (sachant qu’il ne faut pas rêver de réindustrialiser), et ça nécessite de maintenir un haut niveau de science et de technologie (bref faire de la vraie recherche pré-industrielle). Moi je sais comment on pourrait gagner ce pari (mais c’est vrai que je peux voyager dans le futur, je n’ai aucun mérite).
5 juillet 2011 à 19:59
LaurentC
Pas de souci sur le débat de la R&D et de l’innovation en France, qui vaut d’être conduit. Mais il faut alors bien préciser de quoi on parle et remettre le couvert sur les questions de recherche. Car il y a beaucoup à dire sur ce thème, et beaucoup a déjà été dit ici. Et je suis d’accord avec vous Rachel pour dire que l’enjeu est de faire de la vraie recherche pré-industrielle.
Mais lire que la CTI revendique un modèle 2+3 alors que les étudiants issus de prépas regroupent 41% seulement des effectifs des écoles me fait bondir !
Et les masters d’ingénierie entrent potentiellement très facilement dans R&O. Beaucoup plus facilement que l’école nationale de la nature et du paysage que j’évoquais plus haut.
En un mot, mon credo reste : « regardons ce qui existe, analysons ses avantages et inconvénients en regard des enjeux de la nation, puis voyons comment le faire évoluer, voire créer du nouveau si cela est vraiment nécessaire ». Ce n’est pas du tout une posture conservative car je passe mon temps à me battre contre les multiples moulins placés sur notre route, mais plutôt de santé collective de notre communauté et de saine gestion du denier public. Car le coût humain des multiples agitations est énorme.
5 juillet 2011 à 21:51
Rachel
Laurent, d’après le R&O, une formation ingénieur de type CTI c’est 3 ans dans une école. En plus des prépas (41%), il y a aussi les autres filières comme les DUT et les L2. Je ne pense pas me tromper en affirmant que le modèle du 2+3 est très majoritaire.
Pour ma part, je ne pense pas que les masters d’ingénierie rentrent facilement dans le R&O. Pour que ça rentre, il faudra que la CTI fabrique une rubrique spéciale à ces masters. La CTI peut évoluer, et le lien que vous avez donné hier sur le sujet est assez intéressant et marque une inflexion par rapport à décembre dernier. Mais si ça pouvait rentrer, et sans dénaturer le projet initial, je vous assure que je n’y verrai aucun problème.
Mais je pense que pour que ça marche, il faut y associer une rupture. Ce n’est pas en mettant ces masters dans les écoles que l’on pourra faire au mieux cette rupture. Je pense qu’on a besoin de sang neuf pour faire quelque chose de différent. Cela ne veut pas dire qu’il faut exclure les écoles, bien au contraire elles ont de l’expérience qui serait également très précieuse.
J’apprécie beaucoup que vous parliez de paysage actuel dévasté ou de la santé collective de notre communauté et de saine gestion du denier public. C’est vraiment une de mes grandes préoccupations. On pourrait aussi penser à l’armée d’EC et C qui sont actuellement dans les UFR de sciences. Ceux savent ce que sont la recherche et la technologie. Un peu dommage qu’ils soient parfois un peu désoeuvrés, moi je trouve que c’est un grand gâchis. C’est pourquoi je pense qu’une interface est la meilleure solution. Les écoles internes pourront alors valoriser des formations orientées recherche et techno, et les composantes plus classiques (souvent des UFR) pourraient retrouver un vrai projet de formation valorisant et gratifié à sa juste mesure.
Enfin, je le dis souvent sur ce blog, à mon avis les écoles internes devraient changer de ligne de route. Plutôt que d’essayer de ressembler comme deux gouttes d’eau aux grandes écoles prestigieuses non universitaires et de gommer autant que possible leurs identités universitaires, elles devraient au contraire valoriser cette particularité et se différencier, pour le bénéfice de tous. Ces écoles ne parviennent pas à exploiter tout le potentiel énorme de leur position très centrale. Le monde est à eux, il suffit de tendre la main.
5 juillet 2011 à 22:00
LaurentC
Rachel, je me retrouve assez bien dans vos propos. Ayant été en poste dans une école dite prestigieuse avant de diriger une école interne, je fais tout pour ne pas ressembler à ces quelques happy few. Et l’une de mes tâches quotidiennes est de tenter de participer au sauvetage de l’UFR de sciences de mon université en y apportant des étudiants en master, mais aussi en cycle L…
Pour continuer sur les chiffres, plus de 26% des étudiants en école d’ingénieurs n’ont que le bac comme diplôme. Cela constitue une minorité certes, mais non négligeable et en croissance très rapide.
Enfin, je vous conseille si vous avez un peu de temps de regarder attentivement le modèle pédagogique de l’INSA de Toulouse, qui est de mon strict point de vue la meilleure école d’ingénieurs française !!!
Ce n’est pas du 2+3 mais du 1+2+2. Et les méthodes pédagogiques vont avec.
5 juillet 2011 à 22:06
Rachel
Laurent, j’apprécie beaucoup votre état d’esprit et votre action dans votre école, et je regrette vivement que d’autres directeurs d’écoles internes ne soient pas dans une mouvance comparable.
5 juillet 2011 à 23:45
PR27
Rachel, considérons deux interprétations de « innovation » : (1) le côté « nouveau service/nouveau produit/processus de projets innovants & entreprise », où l’audace de construire est le point-clé et (2) le côté « impact de la science récente ».
Imaginons introduire des cursus où le volet recherche a une plus grande place que dans les cursus ingé classiques. S’agit-il d’enseigner les fondamentaux scientifiques théoriques (souvent un peu loin de la R&D industrielle, avec le risque que les étudiants ne voient pas le lien avec les futurs produits et services) ou plus explicitement ce qu’on pressent être les technosciences importantes de demain et apres-demain (avec le risque de n’en faire qu’un vernis manquant de bases scientifiques) ? Je suppose qu’un mix entre les deux doit être recherché. Quelle doit être la dose de travail en mode projet ? Peut-on faire de la science récente et exigeante avec des étudiants « moyens », en comptant sur l’enthousiasme, ou se restreint-on à des petites promos ?
J’ai l’impression que dans beaucoup de cursus ingénieur, on tente de couvrir tous ces aspects. Pour ma petite part, j’enseigne les techniques de rédactions de brevet, j’implique – comme tous les collègues – des étudiants dans des gros projets (180h/étudiant) avec des PME sur des problèmes qu’elles veulent défricher, où on s’efforce de construire des briques technos ou des études qui contiennent de la science intéressante (pas des choses forcément très récentes scientifiquement, mais souvent émergentes côté industriel), contributions qui sont néanmoins sincèrement tirées par le besoin industriel. On enseigne également sous une forme CM classique quelques aspects recherche appliquée et il y a un projet proposé par les labos (150h/étudiant).
A cette heure, ça ne me paraît pas évident de faire plus – j’ai le sentiment que ce qu’on enseigne est déjà souvent bien plus « recherche » que ce que les boites requièrent. Observant que la plupart de nos diplômés font ensuite des boulots classiques dans des boites classiques, on les forme d’abord pour ces emplois classiques et l’innovation est en plus (sous ses aspects « organisationnel », « scientifique », et encouragement comportemental, c.a.d. on fait des efforts pour repérer les jeunes plutôt timides et renfermés et tenter de les transformer, avec un certain succès.
Tout cela semble bien peint en rose…. donc qu’est-ce qui ne marche pas ? (1) les élèves-ingénieurs ont des aptitudes diverses pour ce volet innovant – on ne recrute pas que des stars, loin de là, mais plutôt des gens moyen+ qu’on mène au bout. Ce sont plutôt les bons étudiants qui s’orientent vers cet aspect innovant (c’est bien ainsi) – il faut qu’ils maîtrisent déjà les contenus pédago de base, ce qui n’est pas gagné pour tous….
(2) A vouloir tout faire (pro-recherche-projet et un spectre thématique pas trop étroit), on aboutit des cursus qui laissent peu de place au travail personnel académique, à la réflexion. Le présentiel est élevé, la dérive du « mode projet » existe : une inflation dans la production de « livrables », qu’il s’agisse de « produit industriel », le documentation, de ppt… et les étudiants n’ont plus guère de se poser, le temps, l’habitude et le goût de travailler au calme avec des livres.
Rachel, je m’étonne de votre insistance à penser que les écoles internes singent les établissements de prestige. Franchement, on s’en fout du prestige…. sous réserve qu’on puisse recruter des étudiants corrects, qu’ils trouvent des emplois correspondant à leur formation, et que leurs employeurs pensent qu’ils sont bien formés. Je ne trouve pas du tout l’état d’esprit bling bling chez les collègues, pas plus qu’à la direction – mais peut-être est-ce variable selon les écoles. Par contre, il faut construire et exprimer une stratégie, la faire valider et suivre par un CA où des collectivités et employeurs d’expriment….
6 juillet 2011 à 08:37
Astronaute en transit
En fait, quelle est l’utilité de la mise en concurrence de ces différentes formations? Est-ce positif en termes d’offre plus ample, de diversité de formations, de créativité et de stimulation des établissements? Ou est-ce négatif, en termes de dédoublement des formations, de lisibilité des diplômes, de compétition inégale entre établissements dont les moyens varient?
6 juillet 2011 à 17:13
LaurentC
Je suis heureux de voir que PR27 confirme que des écoles internes cherchent à faire leur travail de formation, sérieusement, sans bling bling.
Je ne sais pas combien sont dans cet état d’esprit mais mon sentiment est qu’elles sont majoritaires. Les débats sont vraiment pollués par ce que je qualifie de TGE (Très Grandes Ecoles), qui font un travail tout à fait différent avec un public lui aussi qui a peu de rapport avec celui que nous rencontrons dans les écoles internes.
6 juillet 2011 à 20:19
PR27
Je suis preneur de vos réflexions sur :
1) la différence pratique dans la pédagogie entre les cursus ingénieurs et les masters d’ingénierie version « figure » (pas « promouvoir l’innovation » et « encourager la création »…. mais la mise en oeuvre)
2) les effectifs que l’on peut viser et la nécessaire ou non co-existence avec d’autres types de formations master dans le même thème, dans la même université
3) Le montage de telles formations est-il un « défi » à la CTI, au sens où elles estimeraient pouvoir se dispenser de courriers de soutien d’industriels et représentants de filières, validant la pertinence de la formation (contenu et débouchés), au motif que la formation prépare les emplois d’apres-demain et que ces industriels ne peuvent nous renseigner que sur les emploi de demain ? Dans quelle mesure l’exemple de l’UPS qui, je crois, avait une liasse de courrier de soutiens de boite demandant plus de profils innovants, est-il généralisable ?
6 juillet 2011 à 23:23
Rachel
PR27, Laurent, cette discussion est intéressante mais je traverse une période de faible disponibilité. Je reviens vers vous dès que je retrouve du temps. En attendant, vous pouvez continuez sans moi … (et si quelqu’un du réseau Figure pouvait nous en dire un peu plus sur les objectifs du réseau et de ses masters, ça serait bien …).
6 juillet 2011 à 23:28
PR27
Rachel, bon courage pour la rédaction de l’idex. Surtout, n’oubliez pas qu’on est sur un logique d’excellence et non de territoire, et une gouvernance forte et resserrée.
6 juillet 2011 à 23:41
Rachel
PR27, j’ai retenu la leçon : « il faut construire et exprimer une stratégie, la faire valider et suivre par un CA où des collectivités et employeurs s’expriment… ». Ceci dit, ce qui m’occupe pas mal en ce moment ce n’est pas l’Idex. Ca me fait penser aussi qu’il faut que je travaille sur mon Equipex, que j’ai raté la dernière fois … les bras m’en tombent …
7 juillet 2011 à 14:25
PR27
Rachel, ça n’était pas une « leçon » suggérant que d’autres n’ont pas de stratégie, mais une précision technique sur une obligation et un pouvoir des écoles internes, peut-être inutile. Peut-être y a t-il déjà ces administrateurs dans les conseils d’UFR… et bonne chance pour l’équipex !
10 juillet 2011 à 14:21
Rachel
PR27, il me semble qu’il y a beaucoup de points qui se chevauchent. Bien entendu vous pouvez traduire ou ressentir que ces projets de masters d’ingénierie sont une remise en cause des formations d’ingénieurs. Mais je crois que problème n’est pas ici de travailler sur un modèle unique de ce que doit être une formation d’ingénieur mais finalement d’étendre la palette vers un volet recherche-innovation-technologie qui semble actuellement un peu déficient (ou qu’il serait bien de booster). Une majorité de formations d’ingénieur ne sont pas sur ce volet, alors je pense qu’elles ne sont pas concernées. Vous nous expliquez que ces formations fonctionnent bien, elles remplissent leurs missions, etc … je n’ai aucun problème à le croire. Je trouverai assez stupide de dénaturer des formations qui fonctionnent bien, là où les étudiants sont bien placés. Vous avez pris plus haut l’exemple de l’informatique, je peux parfaitement comprendre que l’on a plus besoin de développeurs et beaucoup moins de recherche. Bref à mon sens, la question n’est pas de savoir comment on pourrait faire mieux sur le sujet avec les formations existantes (qui fonctionnent bien) mais plutôt de voir ce qui pourrait être fait sur une interface ingénierie – recherche car il me semble qu’elle n’est pas bien pourvue actuellement.
Vous nous dites que dans beaucoup de cursus ingénieur, on tente de couvrir tous les aspects. C’est le fameux credo du « moule », de l’ingénieur à la française, généraliste, et peut-être une des causes des problèmes : peut-on réellement penser que l’on va être ensuite efficace sur tous ces aspects ? ne devrait-on pas envisager un peu plus de différenciation des formations (bref d’être un peu moins « généraliste » ou permettre à certaines d’être plus spécialisées quitte à ne pas satisfaire l’ensemble de la palette du référentiel CTI actuel ?).
Astronaute, la « mise en concurrence », c’est ce qui est mis en avant par les défenseurs des écoles qui voient d’un très mauvais œil le développement de masters d’ingénierie et c’est pourquoi certains cherchent à tuer ce projet de masters afin de garder le monopole sur les formations d’ingénieurs (qui gardent un caractère attractif malgré un certain déclin depuis une dizaine d’année). Pourtant j’ai l’impression que le réseau Figure pourrait proposer des formations complémentaires et différenciées de celles accréditées par la CTI. Dans les faits, il s’agit surtout de réordonner l’offre de formation master et reconnaitre le fait que nombre de masters déjà existants émargent sur de l’ingénierie.
Laurent, en plus de la confusion entre les « très grandes écoles » et celles du « ventre mou », je pense que dans la liste des pollutions du débat on peut citer : une surinterprétation des objectifs du réseau Figure, des procès d’intention ou suspicions de complots sur un fond de concurrence écoles-universités (car l’objectif n’est-il pas de supprimer les grandes écoles ?), un fond de concurrence entre agences qui règlent leurs comptes (AERES vs CTI), des tentatives de dresser les acteurs universitaires les uns contre les autres (thème souvent repris d’une mise à l’écart des écoles internes), des réactions conservatrices et un sentiment de panique devant une remise en cause d’un certain idéal de formation à la française, ce qui ne favorisent pas un contexte de réflexions posées.
10 juillet 2011 à 15:47
PR27
Rachel, je ne suis pas ici pour défendre un bout de gras, un moule ou faire de la psychologie de défense des droizakis. J’ai comme un doute sur le concept de « moule » ingénieur, sorte de stéréotype de maquette pédago d’où sortirait un stéréotype de diplômé. Il est vrai qu’à regarder les discours et les sites web des écoles, toutes utilisent les mêmes éléments de langage un peu lassants, les mêmes photos avec des beaux jeunes gens dynamiques,
mais sur le terrain, que devient cette écume ?
Je ne crois pas que le référentiel CTI définisse en détail les contenus scientifiques et techniques. Je n’ai jamais vu une maquette pédago ingénieur faire référence à des exigences CTI sur ces domaines. La diversité des organisations des formations et des profils en témoigne. La CTI dit surtout qu’il faut un socle scientifique solide, donc par ex. pas question de virer les maths pour faire plaisir aux étudiants ou à des industriels (les mêmes qui viendraient 3 ans après dire : faut remettre les maths de base). Par ce critère, d’ailleurs, de nombreuses écoles privées ultra-techo sont hors course. Ensuite, il y a le critère de l’anglais, le critère du nombre d’heures donnés par des industriels, le nombre d’heures sur des matières « gestion des personnes/projets/entreprise », les stages, l’organisation CM/TD/TP/Projet (concrètement, si vous proposez une formation entièrement en CM, vous allez vous faire allumer, ou si vous mettez seulement 600 h/an dans la maquette, ou au contraire 950h/an). A part ça, je crois que ça n’est pas si contraint. Je suis preneur (à nouveau) des pages du R&O que vous me donnerez à lire. Désolé de m’être appuyé, dans mon message précédent, sur des exemples trop personnels et précis, mais j’espérais qu’ils se multiplieraient, pour qu’on voit vraiment les choses de terrain.
Par contre, il est vrai qu’il n’est pas souhaité des formations thématiquement trop étroites, dans la perspective de ne pas être tributaire d’un faible groupe d’employeurs, d’une conjoncture fluctuante, de compétences peut-être trop vite caduques.
Rachel, n’oubliez pas de préciser que le déclin des écoles d’ingénieur est plus dû à l’attrait de leurs thèmes auprès des jeunes qu’autre chose. Il semble que beaucoup de jeunes soient à la recherche d’études sur lequel puisse s’appuyer un « idéal ». Les formations ingénieur qui peuvent se colorer « développement durable » marchent fantastiquement bien (selon un bilan de recrutement tout frais de une semaine, chiffré et issu de dizaines d’entretiens de recrutements avec les candidats).
Donc finalement, qu’est-ce que vous mettez dans ces maquettes de master d’ingénierie v2 ? Je pense que c’est très bien, très sain de se traiter la question de ce qu’on doit faire des masters dans les UFR, et d’expliciter leurs objectifs, ce à quoi on destine les étudiants (même si in fine ils font ce qu’ils veulent, heureusement). Restera ensuite, comme le rappelait Laurent, à préciser le sens du mot « innovation ». C’est un buzzword 2011, mais une fois dit ça… restera ensuite à voir quelle proportion de masters d’UFR on souhaite transformer en master d’ingénierie « innovation ».
10 juillet 2011 à 18:20
Rachel
PR27, pour cette histoire du « moule ingénieur », l’expression n’est pas de moi mais du Nouvel Economiste. Le dossier est assez détaillé (lien donné plus haut). L’expression est certainement discutable et je comprends bien qu’elle mette mal à l’aise les acteurs des écoles et que ces derniers ont un réflexe de rejet. Je ne pense pas qu’il soit question de maquettes pédagogiques, là n’est pas vraiment la question. Il s’agit surtout d’un état d’esprit trop « écoles », d’ingénieurs trop généralistes et stéréotypés, une organisation balkanisée, du déroulement des études (le 2 + 3 avec un « 2 » déconnecté), le manque de recherche dans les formations, l’inadaptation des structures à la mondialisation.
Je pense que le déclin observé vient surtout du fait que les carrières sont devenues moins attractives, à mon sens c’est surtout les entreprises qui sont responsables de cela. Il suffirait qu’elles s’alignent sur les salaires des carrières dans le commerce et la finance pour inverser la tendance, ainsi que d’investir dans la matière grise et la R&D. Ceci dit, il semble que les ingénieurs n’ont pas trop de problèmes actuellement pour trouver un emploi, il parait même qu’il n’y en a pas assez. C’est plutôt positif, non ?
11 juillet 2011 à 18:53
PR27
91 commentaires et je n’ai toujours pas compris la manière dont les masters d’ingénierie se différencient des formations d’ingénieurs. Dans leur version ‘figure », ils doivent s’appuyer sur des labos reconnus internationalement, ce qui, si c’est vraiment appliqué strictement, pour en faire des formations proches, dans l’esprit, de ce qu’ « on » prétend faire dans les labex/idex, sauf qu’ « on » se passera de ces labels attribués par Paris, ce qui n’empêchera pas de faire des bonnes formations. Ca me paraît de très bonne guerre.
11 juillet 2011 à 20:46
Rachel
PR27, je vous renvoie alors au premier billet que j’ai fait sur le sujet, dans lequel l’AERES explique ces différences (grandes lignes) https://rachelgliese.wordpress.com/2010/12/22/formation-universitaire-au-metier-dingenieur/. Ces masters sont proches du modèle 1 du document. Il y a quelques éléments en plus dans la chartre signée par la dizaine d’universités. Je trouve que les différences sont assez marquées. Il y a, bien entendu, également de nombreux point communs.
Et je réitère mon incompréhension quant à votre association avec des bidulex. Je trouve que ça met de la confusion inutile dans le débat.
18 juillet 2011 à 10:03
François
Un récent article du Figaro http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2011/07/14/04016-20110714ARTFIG00405-israel-nouvel-eldorado-des-start-up.php fait l’éloge de l’inventivité et du dynamisme des ingénieurs israéliens, affirmant que ce pays a le record du nombre d’ingénieurs par habitant.
Cherchant à valider cette affirmation, j’ai consulté des documents israéliens et américains et arrive aux conclusions suivantes :
– pourcentage des jeunes générations ayant un bachelor scientifique : USA 5,6%, Israël 7,3%, France 8% (pour la France : licences + fin de 1ère année d’écoles d’ingénieurs),
– pourcentage ayant un master scientifique : USA 1,2%, Israël 2,1%, France 6% (pour la France : 30 000 ingénieurs + 24 000 masters scientifiques; 15 à 20% d’étrangers; classe d’âge de 750 000).
Ceci confirme donc une singularité française, au moins pour les disciplines scientifiques et techniques : l’hypertrophie du niveau master (100% des ingénieurs et bientôt 100% des professeurs).
Compte tenu des résultats obtenus en Israël et aux Etats-Unis, le besoin réel en France ne serait-il pas essentiellement celui de diplômés scientifiques et techniques à bac + 3 qui commencent à travailler immédiatement ?