Voici la quatrième chronique de notre grande enquête sur les régions et leurs investissements dans la recherche et dans l’enseignement supérieur. Aujourd’hui nous examinons le retour sur investissement (secteur public).
La figure 1 montre le pourcentage de publications selon les régions. Cela ne veut pas dire grand-chose car les populations sont très différentes d’une région à l’autre, ainsi que l’investissement ou le potentiel humain. La figure 2 montre ce nombre de publications de chaque région rapporté à sa DIRD du secteur public en ne prenant en compte que l’enseignement supérieur et le CNRS (la DIRD est la dépense intérieure de recherche et de développement). La figure 3 montre ce même nombre de publications mais cette fois-ci pondérée avec le potentiel humain (nombre de chercheurs) à disposition dans chaque région, ce dernier étant calculé en ETP (équivalent temps plein de chercheur).
Figure 1 : Répartition des publications selon les régions (en %).
Figure 2 : Nombre de publications divisé par la DIRD (secteur public, enseignement supérieur + CNRS) pour chacune des régions.
Figure 3 : Nombre de publications divisé par le nombre de chercheurs ETP (enseignement supérieur + CNRS).
Ce dernier histogramme est particulièrement intéressant car il montre une bonne homogénéité du « retour sur investissement » (ici en termes de publications) entre les régions, malgré l’investissement qui lui est inhomogène comme on a pu le voir dans les trois précédents volets. Cela montre surtout que l’argent ne fait pas tout et que la valeur fondamentale de notre société c’est la dimension humaine. Ainsi les grands pôles de recherche ne génèrent pas plus de publications que les plus petits pôles régionaux. Avec le « grand emprunt », il pourrait se dessiner des profondes modifications du paysage de la recherche et de l’enseignement supérieur (concentration des investissements sur une dizaine de pôles d’excellence). On peut se demander si cette orientation est réellement celle qu’il faut suivre. A mon avis, 10 grands pôles ce n’est pas assez.
Régionales en quatre volets : Volet 1 « les régions qui investissent dans la recherche et le développement ». Volet 2 : « l’investissement dans l’enseignement supérieur et contribution du CNRS ». Volet 3 : « les régions et leurs chercheurs ». Volet 4 : « les régions qui publient ». Toutes les données présentées proviennent du rapport biennal de l’Observatoire des Sciences et des Techniques (OST) « Indicateurs de sciences et de technologies », 2008 (ici).
34 commentaires
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9 février 2010 à 18:54
jako
Bonsoir Rachel ! Intéressant le vocabulaire : « retour sur investissement », comme d’autres parlent de « capital humain » ; remarquez on ne parle plus de « connaissance(s) », on parle d’ECTS : étudier c’est aujourd’hui « capitaliser des crédits »…. A propos des « publiants », de la modulation des services (et du reste), je voulais vous soumettre deux petits cas de figure parfaitement déconnectés de la réalité; comme mon quotient intellectuel est inférieur à la moyenne et que je ne suis pas (encore !) parvenu à me convaincre que nos gouvernants étaient dotés de l’infaillibilité papale, je m’en remets à vos lumières : je prépare une somme sur l’histoire de la philosophie indienne qui va m’occuper pendant des mois, voire des années (pour l’instant, la philosophie n’est pas encore remplacée par le marketing et le management commercial, mais ça ne saurait tarder). Je pondrai sans doute au bout de quelques années un pavé de 1500 pages qui sera (peut-être !) publié par les Presses de mon université – si elle existe encore. Autant dire que pendant des années, je serai un « non-publiant » : comment pourrai-je expliquer à mes instances d’évaluation et à ma ministre bien-aimée que, doucement certes, je travaille malgré tout ? Deuxième point : à la rentrée prochaine, trois collègues partiront à la retraite : un contingent d’heures sera donc libéré qui seront à assurer et il n’est pas question que mon département embauche du personnel supplémentaire, finances obligent. Ces heures devront malgré tout être prises en charge ; comme je n’ai pas envie de travailler plus pour gagner plus et comme la rédaction de ma « somme » requiert un temps conséquent consacré à la recherche ; comme par ailleurs je ne suis pas syndiqué et que je ne puis compter sur le soutien (politico-syndical) de personne, comment pourrai-je refuser des heures complémentaires qui me seront imposées par ma direction qui au minimum invoquera la « nécessité » ? Troisième point : soucieuse de figurer parmi les « bons élèves », mon Université s’est empressée de restructurer tous ses services pour en « optimiser » le fonctionnement et afficher son « excellence » ; faute de « taille critique » suffisante, mon département risque fortement de disparaître ; pourrai-je (et comment ?) m’opposer à ma « délocalisation » dans quelque autre centre ou quelque autre université ? De toute évidence, ce n’est pas le projet de décret de « mobilité forcée » qui risque de me rendre optimiste sur mon sort… Alors que le PDG de France Telecom était contraint, après la vague de suicides qu’on sait, de suspendre la mobilité forcée érigée en système, c’est l’Etat lui-même qui va systématiser la maltraitance, le stress, le harcèlement et la précarisation au travail. Et il faudrait avec ça être OUI-ISTE ?
P.S1. Je vous suis totalement (c’est votre post précédent) quand vous dites que la gestion administrative, comme les montages financiers d’ailleurs, sont non seulement chronophages mais qu’ils constituent en outre un autre métier à mille lieues de ce que devraient faire les EC. Mais il n’y a pas que ça : on demande aujourd’hui à l’Université de se transformer en succursale de Pôle Emploi et aux EC de se transformer en conseillers d’orientation ou mieux en dénicheurs d’emplois, ce qui est totalement scandaleux… sauf que tout le monde a l’air de trouver ça normal…
P.S2. Pour évaluer les travaux des EC, encore faut-il les lire… Or à quoi sert la bibliométrie sinon à dispenser les « évaluateurs » de lire (et de comprendre d’ailleurs) les travaux qu’ils sont supposés « évaluer » ?
9 février 2010 à 22:11
Rachel
Bonsoir Jako, vous êtes terrible : à chaque fois vous m’écrivez un commentaire de 10 km de long qui part dans tout les sens. Ceci dit, ne croyez pas que je cherche la petite bête, j’aime bien car il y a plein de choses intéressantes dedans. Mais quand vous publierez votre livre de 1500 pages, je ne promets pas de le lire d’une traite …
Bon, allons à l’essentiel, puisque que vous vous en remettez à mes lumières, j’ai comme un devoir de répondre.
Pour votre premier point, j’aimerais préciser que je viens des sciences dures et que pour elles les critères de l’AERES sont assez « cool ». Deux articles dans les 4 ans, c’est quand même abordable sans pour autant suer sang et eau. Mais je constate que certains autres domaines contestent ces critères et j’ai du mal à juger ces critiques. Il est fort possible que les instances d’évaluation devraient mieux prendre en compte le différentiel de réalisation temporel qu’il pourrait y avoir entre les différents types d’action de recherche selon les disciplines ? Pour ma part je pense qu’une évaluation tous les 4 ans c’est trop serré. Je la verrai bien tous les 6 ans. Quand on a créé l’AERES on a pris le tempo quadriennal, je ne sais pas trop pourquoi. Certainement pour copier ce que faisait (mal) le CNRS ? Il semble aussi que certaines disciplines critiquent la liste des revues retenues comme critères d’évaluation. Pour les sciences dures, cela n’a pas fait de scandales que je sache. Alors ça veut certainement dire que l’AERES doit travailler encore ses critères d’évaluation de certaines disciplines…
Pour votre deuxième point, je ne peux me prononcer. Je ne sais pas ce que vos collègues (bientôt retraités) enseignent, ce que sont les projets de votre université. Quand il y a un départ à la retraite, il me semble assez logique d’examiner là où sera redéployé le poste. Sinon on remplace poste pour poste et c’est l’assurance d’avoir une université figée dans la glue, incapable de faire renouveler son offre de formation ou de faire évoluer ses thématiques de recherche. Pour les heures complémentaires, c’est plus facile : faites comme moi, refusez d’en faire. Personne n’a d’obligation d’en faire.
Enfin votre dernier point : Si votre département risque de disparaître, je trouve que c’est bien triste. Là encore, pour la troisième fois, je ne peux me prononcer car je ne connais pas la situation. Mais il faut comprendre que rien n’est immortel (ni les humains, ni les départements, et pas plus les universités, ces dernières étant d’ailleurs en danger de mort lente d’après les refondateurs). Un changement peut être aussi l’opportunité d’un nouveau départ, je sais de quoi je parle. Ceci dit, je ne vois pas trop le rapport avec la vague de suicide chez France-Télécom.
Enfin pour le vocabulaire, j’ai remarqué aussi que certain EC mettaient sur leur CV leur « chiffre d’affaire ». Cela correspond à la somme d’argent récoltée par leurs contrats. J’ai bien envie d’y consacrer un petit billet …
9 février 2010 à 22:14
Rachel
Et pour votre PS2, je vous renvoie à un de mes billet récent: https://rachelgliese.wordpress.com/2010/02/05/l%E2%80%99evaluation-des-enseignants-chercheurs-par-le-cnu/
10 février 2010 à 14:10
Frédéric Morain-Nicolier
Ma foi, des histogrammes bien sympatiques. Merci pour ce travail (des 4 derniers billets).
Le dernier histogramme (publis/potentiel chercheur) semble effectivement montrer une certaine homogénéité entre les régions, malgrès les disparités des efforts des régions (illustrés dans le premier billet de la série). Cela voudrait-il dire que les (enseignants-)chercheurs des régions prodigues sont moins efficaces que ceux autres régions? Moi qui suit dans une des pires régions (sur ce plan, entendons nous), la Champagne-Ardenne, je ferais alors partie des chercheurs efficaces. Incroyable.
;o)
10 février 2010 à 18:06
Rachel
Frédéric, disons que ce que semblent montrer ces histogrammes, c’est que le facteur humain est nettement mieux corrélé aux publications que le facteur financier. Peut-être que ça veut tout simplement dire que la science est faite par les hommes ?
12 février 2010 à 16:05
jako
Bonjour Rachel, et désolé d’être aussi long… à la détente. Je réponds dans le désordre: « Deux articles dans les 4 ans, c’est quand même abordable ». Oui: dans l’absolu vous avez raison. Mais je note que dans les sciences dures il est assez courant de publier un article de deux pages. J’ai publié l’an passé un article de 120 pages (je suis en SHS), croyez-moi, ça ne prend pas le même temps que pour écrire un article de deux pages, mais ces nuances là, nos instances d’évaluation s’en contrebalancent… Or ce n’est pas sans incidences sur ce qu’ils appellent ensuite des « publiants ». « Pour les heures complémentaires (…) faites comme moi, refusez d’en faire »: plus facile à dire qu’à faire, surtout quand vous n’avez pas les moyens financiers d’embaucher des personnes susceptibles de prendre en charge ces heures; c’est bien là que la « modulation des services » devient perverse… Vous avez raison quand vous notez que certains EC mettent sur le CV – et certains directeurs de labo dans le descriptif du labo – le nombre de contrats, d’ANR, etc. Et finalement on en revient au nerf de la guerre: tout ça pour quoi? Pour jouer aux « premiers de la classe » et montrer qu’on mérite bien les quelques copecs dont le ministère va nous gratifier du haut de son infinité bonté…
12 février 2010 à 22:05
Rachel
Bonsoir Jako, super d’avoir publié cet article de 120 pages de l’année passée. Vous voilà maintenant tranquille pour encore 3 ans ! (en SHS, l’AERES ne demande qu’un article tous les 4 ans, si je me souviens bien). Pour les heures complémentaires, si votre université a les moyens de les payer, alors elle pourrait aussi payer des vacations. A ma connaissance c’est le même tarif. Mais ce qui est certain, c’est que l’embauche de personnels fixes ne semble pas être à l’ordre du jour … pour ma part ce concept d’heures complémentaires ne me parait pas très sain en cette période de chômage …
13 février 2010 à 00:31
jako
Hélas non, très chère Rachel, car la revue où ce travail a été publié n’apparaît nulle part dans les listes de l’AERES. La plupart des revues classées dans le top 10 sont des revues anglo-saxonnes… non pas parce qu’elles seraient meilleures que les autres, mais simplement parce qu’elles sont anglo-saxonnes. En un mot: si vous publiez un truc absolument génial dans une revue qui paraît à Tirana, c’est très très mauvais!! Alors celui qui publie en portugais un truc génial dans une revue albanaise, là c’est carrément du suicide… Ainsi va la recherche version ERIH…
13 février 2010 à 11:42
Rachel
Jako, aie aie aie … En sciences dures on ne publie que dans des revues de langues anglaise. C’est curieux comme les pratiques diffèrent d’une discipline à l’autre.
13 février 2010 à 12:43
jako
En effet Rachel, les pratiques sont radicalement différentes; mais les modes d’évaluation, eux, font peu de cas de ces profondes différences. Sur cette question je vous recommande la lecture de l’excellent billet de Olivier Boulnois, qui se trouve ici: http://evaluation.hypotheses.org/102 C’est très bien fait et ça résume parfaitement tous les problèmes et toutes les dérives, tous les délires attachés à cette question des « publiants ». Bon week-end!!
13 février 2010 à 15:28
Rachel
Jako, merci d’avoir indiqué cette référence qui est effectivement intéressante. Il semble qu’en « sciences dures » on raisonne un peu différemment. Par exemple, quand on a quelques travaux que l’on pense être d’importance, on va certainement essayer de les placer dans une revue de grande diffusion plutôt que dans un journal obscur que personne le lit. Il me semblerait plus logique que les documents les plus importants soient véhiculés par un support de grande diffusion. La bonne diffusion de sa recherche auprès des collègues ou de la société n’est-elle pas une part intégrante de la mission d’un chercheur ?
13 février 2010 à 19:20
jako
Chère Rachel, hélas je risque de ne pas être d’accord avec vous: la mission d’un chercheur est de faire son travail sérieusement; ça ne veut pas dire qu’il est obligé de se plier au marketing et au bling-bling. Vous évacuez une dimension essentielle que O. Boulnois pointe dans son papier: on n’écrit pas des articles que pour se faire mousser; on écrit aussi suite à des rencontres, suite à des échanges ou des sollicitations, suite à telle ou telle lecture qui vous ouvre de nouveaux horizons, etc. et je ne vois pas pourquoi on devrait se priver de publier, par exemple, dans des mélanges. Or que valent les mélanges pour l’AERES? Rien. Je sais que dans mon sous-domaine des SHS, des contributions absolument essentielles furent publiées dans des Mélanges. Or quelle est aujourd’hui la situation?: un EC qui publie à Tirana, un EC qui publie dans des Actes ou dans des Mélanges est… un non-publiant…. à qui il faut donner plus d’heures de cours pour qu’il comprenne enfin ce qu’est… un bon EC publiant… C’est délirant….
13 février 2010 à 21:54
Rachel
Jako, je ne suis pas en désaccord avec vous. Peut-être un peu pointilleuse ? Vous nous dites que « la mission d’un chercheur est de faire son travail sérieusement ». Pour ma part je ne dirais pas que c’est une « mission » mais plutôt une attitude (ici très respectable). Les missions d’un chercheur du service public s’inscrivent dans une dynamique collective dans le cadre de structures de service public. Ces établissements ont des missions, par exemple l’article 2 de la LRU pour les universités « La recherche scientifique et technologique, la diffusion et la valorisation de ses résultats ». Ainsi le chercheur a une mission de diffusion et dans ce cadre il est sain de se poser la question sur la qualité de la diffusion (revues impactantes, revues confidentiels … l’auteur du texte que vous avez cité parle de revues « surprenantes » …). Vous avez aussi des détails sur les missions des chercheurs dans le nouveau décret des EC ou dans le code de la recherche. Le partage et la diffusion des connaissances scientifiques sont au cœur des préoccupations. Je trouve ça assez logique car franchement un chercheur qui ne diffuse pas sa recherche ne contribue pas vraiment à l’effort collectif de recherche. Et où est le partage si le fruit des recherches est publié dans un bidule confidentiel ?
Dans le domaine des sciences dures, les chercheurs publient leurs travaux autant que possible dans les revues en anglais à grande diffusion. Je peux vous assurer que l’objectif n’est pas de « se faire mousser » ou de se plier au « marketing ou au bling bling ».
Franchement j’ai du mal à comprendre pourquoi les SHS ont tant de difficultés avec leurs revues et l’AERES. Est-ce que la cause en est la publication en langue française, ce qui est un frein à la grande diffusion, d’où un certain malaise ? Est-ce que la cette communauté vit des instants de crise interne propre à la discipline (une sorte de questionnement sur leur devenir) ? Est-ce que les pratiques de publications de la discipline laissent à désirer et que l’AERES cherche à redresser la barre ? Ce sont des questions naïves, je redis que je ne suis pas de ce secteur.
14 février 2010 à 00:09
jako
Rachel, il y a beaucoup de choses très différentes dans ce que vous dites et je sens que vous allez de nouveau me reprocher d’écrire des commentaires de 100 km. Je laisse de côté le nouvel évangile de la LRU dont vous acceptez les commandements, ce qui n’est pas mon cas. Vous évoquez les nouvelles « missions » des EC, dont un certain nombre reposent sur le culte du chiffre et des quotas, désormais alpha et oméga de l’action des EC, ce même culte du chiffre responsable de l’explosion des gardes à vues montrées du doigt en ce moment, et ne me dites pas qu’il n’y a aucun rapport. Je passe également sur les injonctions d’insertion professionnelle qui elles aussi font partie de ces nouvelles « missions », en attendant de futures injonctions tout aussi délirantes. On pourrait imaginer comme nouvelle mission des EC d’accompagner les étudiants chez eux après leur cours, nouvelle forme « d’accompagnement personnalisé »…. Bon passons. Il y a quand même un double discours complètement schizophrénique de la part de certaines de nos têtes pensantes: d’un côté la revendication du droit à et la défense de la « langue française » et de son rayonnement, et de l’autre le bannissement de tout ce qui serait publié en français, langue trop « hexagonale »: faudrait savoir…. Et puis il y a ce que dit O. Boulnois dans son texte: une traduction si bonne soit-elle ne rendra jamais ce que un philosophe a voulu écrire dans sa propre langue, et c’est là encore une différence avec les sciences dures. Vous évoquez le partage des connaissances scientifiques, mais de toutes manières ce partage est toujours très relatif et circonscrit à un microcosme: je lis le français et pourtant il ne me viendra pas à l’esprit de lire les travaux (en quelque langue que ce soit d’ailleurs) de physique nucléaire; par contre, je sais que ceux qui travaillent dans le micro-domaine qui est le mien feront l’effort de me lire, que j’écrive en français ou pas. D’une manière générale sur les revues, vous pouvez faire le choix d’aller enrichir les grosses multinationales de l’édition qui bénéficient d’une logistique à l’image de leur poids financier; mais on se rend compte que ce qui se publie là (dans mon domaine en tous cas), est souvent convenu, plus souvent encore « mainstream » et sans aucune originalité. N’est pas Copernic qui veut…
P.S. Un collègue étranger me faisait remarquer, l’an passé, que les classements de revues et la bibliométrie, quand même c’est bien, car comment ferait-on s’il fallait tout lire?!!! C’est quand même un aveu des plus consternants: tout ça ne sert donc à rien d’autre qu’à éviter d’avoir à lire ce qu’on prétend évaluer….
14 février 2010 à 11:22
Rachel
Jako, pas de problème si vos commentaires sont longs, je vous lis avec attention et intérêt. Concernant la LRU, je ne pense pas qu’elle ait modifié les missions des chercheurs (ou la mission de recherche des EC). J’aurais pu prendre la version antérieure avec le même message. Par ailleurs le code de la recherche n’a pas été modifié avec cette LRU. Je suis persuadée que vous êtes sur la même longueur d’onde que moi quand on parle de diffusion et de partage des connaissances. D’accord pour dire que la plupart des travaux restent confinés à un microcosme. Mais ce microcosme est devenu, au moins en sciences dures, une sorte de micro-macrocosme international (des spécialistes d’une question scientifique qui travaillent à divers endroits du monde), et dans ce cadre il parait utile d’avoir des outils de communication et de partage.
18 février 2010 à 12:01
Astronaute en transit
Cette discussion de la traduction m’intéresse à plus d’un titre car c’est également une de mes activités. Je suis également en sciences humaines (SHS ça me fait penser à tous ces « enseignements » du secondaire genre EMT, EPS, SES…) et ils se trouve que j’ai beaucoup de collègues, même plus jeunes que moi, qui se démènent bien pour publier… et mesurent parfaitement le problème de ne publier que dans des revues à faible diffusion. Comme ils attachent de la valeur à leur travail, ils cherchent effectivement à placer leurs publications dans des revues dont les titres sont connus, et qui n’ont pas une seule existence locale. C’est affaire de jugement, même si comme le remarque Jako on peut être tenté d’accepter des offres nées de certains hasards?
En fait, beaucoup de mes collègues ont la chance de suffisamment maîtriser l’anglais non seulement pour leur recherche originelle, mais ensuite pour y écrire. S’ils ont un doute sur la qualité du texte, ils peuvent faire appel à moi: nous sommes de la même discipline et je me flatte d’être capable de fournir une traduction absolument fidèle à la lettre et à l’esprit. Cela marche fort bien depuis quelques années. S’il s’agit ici d’un réseau et d’un échange de solidarités entre amis, il n’est pas interdit de penser qu’il serait judicieux pour les établissements et institutions de proposer de tels de services à leurs EC, non seulement pour la traduction mais aussi pour le placement, donc des traducteurs appartenant aux mêmes disciplines et des sortes « d’agents » pour repérer les meilleures revues.
Je sais, on va me dire que ce sont des élucubrations complètement utopiques qui ne font rien pour alléger l’odieuse-persécution-de-nos-valeureux-chevaliers-prêts-à-tout-sacrifier-pour-la science-mais-opprimés-par-les-puissances-de-l’argent…
20 février 2010 à 21:38
Jako
D’accord Astronaute; mais il y a traduire et traduire: traduire le texte de Twardowski « Zur Lehre vom Inhalt und Gegenstand der Vorstellungen. Eine psychologische Untersuchung », ce n’est pas la même chose que de traduire « Diana: in pursuit of Love », et ça ne suppose pas les mêmes compétences. Rachel, je ne vois pas comment on peut dire que la LRU ne modifie pas les missions des chercheurs: les nouvelles injonctions concernant l’insertion professionnelle, la professionnalisation généralisée des cursus et les bouleversements qui en découlent dans les offres de formation et leur organisation font bien partie du « package LRU ». Et ce n’est qu’un exemple parmi bien d’autres. A ce propos je ne sais pas si vous avez vu le texte suivant qui fait état du Colloque « Sciences Humaines » du 18-02: http://www.educpros.fr/detail-article/h/459eceae3c/a/colloque-sciences-humaines-des-pistes-pour-ameliorer-linsertion-des-etudiants.html
On y apprend que les représentants de grands groupes sont venus donner des leçons de « bonnes pratiques » aux Universitaires: recevoir des leçons de la Société Générale ou de Danone, qui il n’y a pas longtemps était mise en cause pour harcèlement moral et stress au travail (http://www.ina.fr/economie-et-societe/justice-et-faits-divers/video/3660389001011/harcelement-et-stress-au-travail.fr.html) c’est tout de même consternant…. (cf. aussi http://www.bakchich.info/Le-social-chez-Danone-un-produit,09266.html)
20 février 2010 à 22:32
Rachel
Jako, qui a dit que l’insertion professionnelle serait à la charge des enseignants chercheurs ? Par ailleurs, la LRU ne donne aucune consigne quant à la nature des futures formations. Ces dernières sont de la responsabilité des universités (et jusqu’à présent sous couvert d’habilitation du ministère, que je sache). Mais LRU ou pas, il me semble assez normal de se poser la questino du devenir professionnel des étudiants qui sont en formation dans les universités.
20 février 2010 à 23:15
Jako
Petite phrase issue d’un rapport récent: « La professionnalisation des parcours universitaires s’impose à toutes les universités. Elles doivent effectuer plus d’efforts pour adapter leur offre de formation et proposer
des cursus plus directement valorisables dans le monde du travail. » En clair ça veut dire torpiller les formations existantes pour les remplacer par du « monnayable » sur le marché du travail, car à partir du moment où on va évaluer les formations et les Universités sur les taux de professionnalisation et d’insertion professionnelle, c’est bien aux EC qu’on demandera de se faire harakiri. Car la perversité du système est bien de laisser aux EC la responsabilité des échecs futurs en termes d’insertion, alors que les acteurs de l’économie eux-mêmes ne sont pas capables de faire face à la question du chômage. Ceci dit pour celui qui se destinait à des études de philosophie et qui pouvait être attiré par l’enseignement, il y avait jadis le CAPES et l’agrégation, qui très bientôt n’existeront plus ni l’un ni l’autre…
21 février 2010 à 11:55
Rachel
Jako, quel est ce « rapport récent » ?
Il est certain que nous sommes tous démunis face au chômage, que ça soit les acteurs économiques ou les acteurs de formation et d’innovation (nous). Je pense qu’il n’est guère possible de raisonner comme on le faisait il y a 40 ans, époque de la création de nos universités modernes (qui n’ont guère changé depuis). C’était une période de plein emploi, ainsi ce n’était pas forcement important de réfléchir sur le devenir des étudiants : tous trouvaient un emploi. Il faut convenir que la situation a changé, en particulier avec le chômage massif des jeunes, de la massification de l’enseignement supérieur, etc … il me semble que quand on propose une formation, il n’est pas malsain de réfléchir à l’insertion des étudiants quand ils ont leurs diplômes. En outre les étudiants ont le droit d’avoir quelques informations avant de s’engager dans tel ou tel cursus. C’est, à mon sens, de la responsabilité des formateurs de veiller à ce que leurs formations ne soient pas complètement déconnectées des besoins sociétaux ou ceux des entreprises (privées ou publiques).
21 février 2010 à 16:51
Jako
Chère Rachel, Evidemment que les Universitaires ne sont pas en dehors du monde et évidemment qu’ils ne peuvent pas ne pas se sentir concernés par l’avenir des jeunes qu’ils forment ! Nous sommes bien d’accord. Mais comme le notait un collègue économiste, la société et les milieux socio-économiques seraient-ils porteurs d’une manière immanente des hautes valeurs qui fondent l’Université et que l’Université devrait servir ? Mais quelles valeurs ? Celles du marché qui s’auto-régule ? Certes il n’est pas malsain de réfléchir à l’insertion des étudiants ; mais il serait encore moins malsain de s’interroger sur le bien-fondé d’une politique éducative qui bannit toujours plus le savoir et la connaissance au profit de la maîtrise de « compétences » ; les « compétences », c’est bien pratique : partielles, parcellaires, ‘goal-oriented’, et si possible à mille lieues de toute réflexion critique. Mais rassurez-vous : avec les programmes du secondaire qu’on est en train de nous pondre, avec moins d’heures de langues, moins d’heures de français et j’en passe (exit Pascal bonjour De Gaulle (http://classes.blogs.liberation.fr/soule/2010/02/de-gaulle-in-islam-out-.html)) la création d’une génération de jeunes incultes corvéables à merci dont certains rêvent sera bientôt une réalité. A partir de là, on peut toujours s’interroger sur l’insertion de ces étudiants-là…
P.S. On a bien sûr le droit de faire sien le postulat que «L’éducation doit être considérée comme un service rendu au monde économique » (ERT). Ou encore: « (…) the Single Market is far from complete; it should be further extended to cover all goods, services, capital, people and knowledge.” (www.ert.be/DOC/09117.pdf): mais on peut aussi vouloir autre chose pour les générations futures et pour l’Université de demain…
21 février 2010 à 19:36
Rachel
Jako, vous savez combien j’aime parfois jouer la provocatrice alors je ne vais pas me priver : Apprendre du savoir ne sert plus à rien (mis à part pour briller en société, ce qui est utile, je le concède). Moi quand je veux savoir quelque chose je demande à Google, et en général il me répond. Quand je ne trouve pas dans Google, je prends d’autres bases de données. Mais Google ne m’explique pas comment ordonner ce savoir, c’est-à-dire il ne transforme pas ces savoirs en connaissances. Quant aux compétences, il est vrai qu’elles sont bien pratiques et elles me paraissent indispensables à la construction de l’individu ou d’un groupe d’individu. La compétence n’est pas forcement à « mille lieux de toute réflexion critique », j’ai l’impression qu’au contraire elle se construit avec cette réflexion.
22 février 2010 à 16:08
Jako
Chère Rachel, soit !: abolissons l’Université, remplaçons-la par des IUT, des centres d’apprentissage professionnel, etc. Détruire le peu qu’il nous reste des anciennes ‘Humanités’, c’est sans doute la voie à suivre vers l’’excellence française’ en matière d’enseignement supérieur… «Dans un monde où plus personne ne fera qu’un seul métier, la culture et l’ouverture d’esprit sont des atouts pour l’adaptation au changement. L’enseignement des humanités a l’avenir devant lui, car on se rend de plus en plus compte que les formations étroitement professionnelles préparent mal aux défis de la vie. » (…) « Lorsque des élèves, comme on l’observe au lycée, ne maîtrisent plus qu’une seule conjonction de coordination – ‘et’ -, je conçois qu’ils aient du mal à élaborer un raisonnement logique. C’est d’abord sur la maîtrise de la langue qu’il faut insister ». Ce n’est pas moi qui le dis mais Antoine Compagnon, membre du Haut Conseil de l’Education, ancien élève de l’Ecole polytechnique et ingénieur des Ponts et Chaussées… et accessoirement spécialiste de Marcel Proust. Mais j’ai bien peur que son discours ne soit hélas qu’un discours de circonstance… surtout quand on voit la manière dont est traitée la filière L. Quant à Google, je ne sais pas si on y apprend des choses ; ce qui est sûr, c’est que Google en apprend beaucoup sur vous. Je vous signale ci-dessous le communiqué tout récent de la LdH : « Le projet de « loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure » (Loppsi), dont les députés entament la discussion, est porteur d’un saut qualitatif considérable dans la construction d’une société de la surveillance, du soupçon et de la peur. Même s’il se présente comme un fourre-tout hétéroclite, sa logique est claire : il s’agit de renforcer, d’intégrer et de concentrer tous les instruments disponibles de fichage, de traçage et de contrôle social dont les gouvernants actuels sont sans cesse plus demandeurs ». Je vous signalerai aussi à l’occasion un certain nombre de références sur « l’apprentissage par compétences », qui participe d’une stratégie du formatage, du calibrage et du ‘reproductible à l’infini’ qui lorsqu’on en analyse les mécanismes profonds fait véritablement froid dans le dos….
« Ce pouvoir informe de la modernisation (…) met en oeuvre des outils d’évaluation et de perfectionnement des compétences et des performances individuelles qui méritent un examen attentif. (…) Il ne s’agit pas seulement de développer les compétences professionnelles et techniques, d’« investir dans l’intelligence », mais de prendre en compte les attitudes et les comportements qui relevaient antérieurement de la sphère privée et des libres activités sociales (comme en témoigne le recours à la notion… de « savoir-être, propice à toutes les manipulations). (…) Les outils de la motivation et de la communication décomposent l’être humain en une somme de comportements élémentaires qu’on pourrait manipuler et programmer à loisir. Réduit à une mécanique adaptative, l’agir humain donne lieu à un classement et à une codification en vue de son « optimisation ». Les « états intérieurs », les sentiments, les valeurs sont considérés comme de simples paramètres à prendre en compte et à stimuler correctement pour obtenir le comportement souhaité. On retrouve la folle prétention d’une science expérimentale appliquée à l’être humain. Observation, notification, codage, expérimentation, telle est la méthode à chaque fois appliquée, et à chaque fois la même dénégation du rapport de l’individu à son activité, des représentations et du sens qu’il lui donne ». (J.-P. Le Goff, Le démocratie post-totalitaire)
22 février 2010 à 18:39
Astronaute en transit
On parlait des problèmes de publication dans l’université dans ce fil, et on se retrouve en pleine dissertation sur la noblesse de l’Université face à la perversité du Marché… ne faudrait-il pas plutôt ouvrir un nouveau fil?
22 février 2010 à 18:58
Jako
Une chose tire l’autre, cher ami, mais les connexions existent toujours. Noblesse, n’exagérons rien; mais pour rester dans le « fil », la question des « publications » et de « l’évaluation » fait bien partie intégrante d’un « marché » et de stratégies de marketing où règne en maître la loi de l’offre et de la demande.
22 février 2010 à 21:06
Rachel
Mon Dieu, Jako vous voyez décidemment la vie en noir. Oui, l’astronaute a raison, il faudrait certainement ouvrir un nouveau fil, car la discussion a dévié fortement du sujet du billet initial (ce qui ne me dérange pas par ailleurs).
Mais revenons au sujet du billet. Mon histogramme n°3 n’est-il pas beau et instructif ? En particulier dans le contexte de création de « 10 grands poles d’excellence » ….
22 février 2010 à 22:49
Astronaute en transit
Justement, en quoi est-ce problématique que les publications soient soumis à l’offre et à la demande? Un travail de qualité se défend tout seul. Le reste, s’il faut absolument que cela voie le jour, pourrait être publié à compte d’auteur…
22 février 2010 à 22:51
Astronaute en transit
c’est un bien bel histogramme Rachel; si j’ai bien compris, l’échelle verticale est bien la même que sur l’histogramme 1?
22 février 2010 à 23:48
Rachel
Ah … merci astronaute !
Pour l’échelle verticale: sur l’histogramme 1 c’est le % de publication selon les régions. Sur l’histogramme 3, c’est le nombre de publications divisé par le nombre de chercheur (ETP) dans chaque région. Bref cet histogramme 3 dit que le rapport publications/potentiel de chercheur est le même dans toutes les régions (les différences sont faibles), et ceci malgré le différentiel d’investissement (DIRD) qui est mis dans la balance (voir le diagramme 2 qui montre le rapport entre le nombre de publications et la DIRD secteur civile, publique et académique). En fait ce qui compte ce sont les hommes, pas l’argent. C’est beau, non ?
25 février 2010 à 14:49
Astronaute en transit
Donc, la leçon que je dois retenir de cet histogramme, c’est que toutes les criailleries sur les universités « pauvres » qui vont être laissées sur le bord de la route par la concentration sur pôles d’excellence et aboutir à une sorte de désert universitaire pour certaines régions, ce n’est pas vraiment vérifié par l’actuelle performance en matière de publication de recherche?
Si c’est cela, alors oui Rachel cet histogramme n°3 est splendide!
26 mars 2011 à 12:56
PR27
merci pour ce renvoi vers ces graphiques d’actualité,
à l’heure où les pays de la Loire sont dans le colimateur du gouvernement…
26 mars 2011 à 13:50
Gelth
Il est sûr que ce graphe peut être interprété de différentes manières avec des buts totalement opposés.
@Astronaute : Et pendant qu’on y est, autant dire que ce graphe signifie juste que finalement cela ne sert à rien de donner autant d’argent à la recherche en générale car en regardant la région qui fait le plus avec le moins pour arriver (tout de même difficilement et donc avec beaucoup de pression, ce qui est peut-être le lien avec France Telecom) on pourrait avoir un gouvernement tenté de s’aligner sur cette proportion qui donne finalement la meilleur efficacité.
On oublie que de toute manière, la concentration de la recherche qui existe déjà sur certaines région plus visibles (ou attirantes) que les autres ne va faire qu’augmenter de manière drastique avec le paysage que le gouvernement nous propose. Et là, l’efficacité déjà difficilement obtenu par les région « pauvre » finira par en prendre un coup. Et il faudra encore d’autre tableau pour pouvoir dire (avec ironie dans ma pensée, mais avec sérieux dans celle de nos dirigeants, actuels et futurs) : « vous voyez, ça marche encore ! »
Et si on essayait de rester lucide et de prendre des conclusions saines pour tous, svp. N’oublions pas que chaque graphe n’est qu’un outil utilisant seulement une partie des données (et jamais toues les données dans leurs ensembles). C’est ce qui fait qu’on peut faire dire n’importe quoi à presque n’importe quel sous-ensemble de chiffres.
26 mars 2011 à 14:46
Rachel
Gelth, les chiffres ne disent pas n’importe quoi. Certes les interprétations peuvent être variables, et plus ou moins biaisées selon le message que l’on veut faire passer. Mais là c’est assez clair: le taux de publication est lié au facteur humain, la corrélation est très bonne comme en témoigne le dernier graphe. Et quelque soit la région, le taux de publication est à peut près le même, la région parisienne et Rhône-Alpes ne se détache pas du reste. Pourtant ils sont les grands vainqueurs des Labex et Idex. Mais vous avez raison, tentons de tirer des conclusions saines … si c’est encore possible …
6 mars 2013 à 17:18
Les régions qui investissent dans la recherche et le développement | Le blog de l'Iffres
[…] et contribution du CNRS ». Volet 3 : « les régions et leurs chercheurs ». Volet 4 : « les régions qui publient ». Toutes les données présentées proviennent du rapport biennal de l’Observatoire des […]