Quand on est universitaire, on a le bonheur de goûter le délicieux moment qu’est la remise de note. Tout comme quand on était élève et que la maîtresse s’approche pour vous rendre la copie, on n’en mène pas large. La maîtresse-évaluatrice des universitaires s’appelle l’AERES, et ça ne rigole pas dans la classe …

L’AERES est la nouvelle agence d’évaluation de l’enseignement supérieur et de la recherche. Tous les quatre ans, les structures sont évaluées (universités, formations, laboratoires, équipes). L’AERES fait un rapport qui souligne les points forts/points faibles, fait des recommandations et donne plusieurs notes.

Les critères de notation sont la production (qualité, quantité, impact), l’attractivité (nationale, internationale,..), la stratégie (management, lancement de jeunes équipes,…) et le projet (qualité, opportunité,…) (Plus de détails ici). Les notes s’échelonnent de A+ à C, en passant par A et B. Pas de problème si vous êtes A+, alors que si vous êtes C vous faites profil bas ! Ensuite ces notes sont mises aux yeux de tous sur le site web de l’AERES.

Il est intéressant de regarder la synthèse de notation de la vague C et D (ici). Pour la vague D, en moyenne il y a 25 % de A+ et 5 % de C. Il y a une très forte disparité selon les domaines disciplinaires. Par exemple les physiciens ont 87 % de A+ mais les chimistes n’en ont que 8 %. On est donc tenté de conclure que les physiciens sont meilleurs que les chimistes. Autre exemple : l’histoire est à 68 % en A+ alors que la science de l’éducation est à 0 %. Mais à ce stade il faut tempérer les comparaisons car l’AERES souligne que « ces notes ne s’apprécient que dans le cadre de la discipline auquel les unités appartiennent. Chaque communauté disciplinaire ayant noté en fonction de sa culture et de ses spécificités, la comparaison entre disciplines n’est pas pertinente ». Il y a aussi une forte différence selon la vague d’évaluation. Par exemple les physiciens de la vague C ne sont que 40 % à avoir un A+ (contre 87 % pour la vague D).

Tout cela pourrait être sans grande conséquence. Il n’en est rien, bien entendu, car ces rapports et notes sont utilisés pour les négociations entre les universités et organismes (beaucoup de laboratoires sont des unités mixtes). De plus les critères de répartition des moyens intègrent ces notes pour calculer le budget des universités (nouveau système SYMPA). Ensuite ces universités vont recevoir une dotation globale et vont devoir faire la répartition entre les laboratoires (à ce stade rien n’oblige à s’aligner sur les notations des labos). Les notes sont fortement coefficientées, allant d’un facteur 2 (note A+) à 0,5 (note C). Ainsi si on suit la logique de notation, les physiciens recevront plus que les chimistes, d’où une certaine injustice du fait de la remarque de l’AERES du paragraphe précédent. En résumé je me demande bien comment seront pris en compte ces différentiels selon les disciplines dans la répartition des moyens, que ça soit à l’échelle nationale ou locale.